Les vèvè (dessins-rituels) ne sont pas islamiques

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Auteur : Rodney Salnave
Fonction : Dougan (Scribe)
Date : 1 janvier 2018
(Mise à jour : 8 août 2020)  

 
Le peuple haïtien, constamment pris dans la quotidienneté, dans les frivolités et dans les divisions tribalo-politiques, trouve peu de temps pour se consacrer à la recherche historique afin de trier le vrai du faux, le scientifique du pseudo-scientifique. Il suffit à l’Haïtien moyen de "faire la fête" à certaines dates historiques, pour se considérer patriote. La nature, dit-on, détestant le vide, les étrangers, s'entourant d'intellos haïtiens xénophiles, ont donc le champ libre pour répandre les hypothèses révisionnistes islamiques et amérindiennes des plus farfelues. Les vèvè, ces dessins-rituels haïtiens, les faux historiens les prétendent taïno, (1) sachant parfaitement que des Amérindiens taïno furent exterminés de l'île près de 150 ans avant l'arrivée des ancêtres des Haïtiens en 1679. Pour y compenser, ces faux historiens reculent l'arrivée des ancêtres des Haïtiens en 1503, afin de fabriquer une soi-disant rencontre avec les Taïno. (2) Mais quoi qu'il en soit, jamais aucun de ces révisionnistes n'a jamais révélé la moindre pièce d'archives décrivant les Taïno en train de tracer des dessins-rituels sur le sol.


1- L'infection pseudo-scientifique

Quant aux révisionnistes islamiques, à défaut de revendiquer les vèvè dans leur totalité, ils se sont orientés vers les icônes que renferment ces vèvè. C'est le cas de LeGrace Benson qui, depuis 1992, date de sa première publication sur le sujet, analysa les motifs des drapeaux-rituels et des vèvè afin d’y deceller des indices d’islamité. Et jusqu'à présent, début 2018, soit plus de 25 ans plus tard, cette soit disant chercheuse n'a pas fourni la moindre preuve directe d'une filiation entre les icônes traditionnels haïtiens et l'islam. Elle s'est contentée de lancer des affirmations islamistes telles celle-ci:
"Islam as a religion was utterly stamped out of St.-Domingue and Haiti. Its vestiges remain visible but incomprehensible in a few scattered pieces of vèvè, some designs on a few older dwapo." (3)
Traduction :
"L'Islam en tant que religion a été complètement retiré de Saint-Domingue et d'Haïti. Ses vestiges restent visibles mais incompréhensibles dans quelques morceaux épars de vèvè, quelques dessins sur quelques dwapo plus anciens."
Benson, la révisionniste entêtée, dans ses multiples articles pseudo-scientifiques, pointa de nombreuses similitudes entre les icônes haïtiens et l'islam. Or, similitudes n'équivalent pas influence ; et encore moins héritage. Car, il existe un nombre incalculable de similitudes, parfois frappantes, entre toutes les cultures, religions et spiritualités de la terre. Et cela résulte, non pas forcément de filiation, mais plutôt du fond commun qu'elles se partagent, de ce que le psychiatre Carl Gustav Jung appelle "l'inconscient collectif". (4) Nous parlons des instincts et archétypes collectifs inconscients, universellement répandus, et répétés ; sans pourtant qu'il y ait eu de contact ou une forme de copie entre des groupes éloignés accomplissant des actions similaires, voir identiques.
D'ailleurs, Benson parla de mandala, un dessin-rituel des hindous et bouddhistes dont le nom désigne "cercle" en langue sancrite.


(Mandala : dessin de sable tibétain)
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mandala#/media/File:MandalaSable2008-12.JPG

Or, les mandala partagent des traits de ressemblance avec les dessins de sable des tribus américaines Navajo. *


(Dessin de sable Navajo)
Source: http://www.druma.co/navajo-sand-paintings/navajo-sand-paintings-navajo-sand-painting-native-american-indian-art-sand-painting-pictures/

Mais pourtant, la révisionniste n'oserait pas argumenter avec acharnement (comme elle se permet de le faire avec les vèvè et drapeaux haïtiens) que les Navajo furent influencés par les mandalas des Tibétains. Pas plus qu'elle ne dira que les Tibétains ont puisé leur inspiration dans les schémas navajo. De plus, en observant ce mandala contenant le tracé suivant :


(Mandala tibétain)
Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Sandpainting#/media/File:348Sandbild_im_Sera_Kloster.jpg

La révisionniste (ou tout autre) ne cherchera pas non plus à imputer la création de ce mandala à sa ressemblance évidente à la Kaaba musulmane :


(Pèlerins musulmans autour de la Kaaba)
Source : http://www.barakabits.com/2017/07/al-kaaba-middle-middle-east

Bien au contraire, Benson et les autres révisionnistes accepteront volontiers que les bouddhistes tibétains et les pèlerins musulmans, étant 2 groupes distincts, aient accédés séparément à une source d'inspiration commune et universelle. Mais, jamais, dans leur conception raciste, admettront-ils que le Noir soit digne de produire du valable de manière autonome. Ceci dit, leur conception, comme celle de quiconque, du Noir nous importe peu. Nous l'abordons ici, uniquement parce que leur souillure pseudo-intellectuelle infeste de plus en plus la population haïtienne et sa diaspora. Nous les contrerons ici, non pas à l'aide d'une suite de similitudes fortuites, mais en démontrant l'héritage traditionnel "africain" qui est resté vivace en Haïti.



2- L'origine des vèvè haïtiens et l'héritage dahoméen

Nul besoin d'extrapoler, comme le font les révisionnistes, pour établir l'origine traditionaliste des vèvè haïtiens. 

(vèvè, dessins-rituels en Haïti)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.161. 

La littérature témoigne que les vèvè haïtiens proviennent du Dahomey (Bénin) traditionaliste où ils sont encore tracés par la même technique, et portent toujours le même nom "vèvè" :


"Autour de la natte, on a tracé un triple cercle (vèvè) de farine blanche, de cendres et de farine mélangée à de l'huile de palme." (5)


(Vèvè au Dahomey (Bénin))
Source : Christoph Henning, Klaus E. Müller, Ute Ritz-Müller. Afrique-La magie dans l’âme : rites, charmes et sorcellerie. Könemann, 2000. pp.218, 212.

D’ailleurs, les Dahoméens ne sont pas les seuls à faire usage de signes-cérémoniels tracés au sol. Ils furent dénichés, tracés dans le sable, dans la culture de l'ethnie Tu-Chokwe du Nord de l’Angola et du Congo :


(Tracé Tu-Chokwe (Angola))
Source : Robert Farris Thompson. Flash of the Spirit : African & Afro-American Art & Philosophy. New York, 1983. p.189.

Et dans ces signes Tu-Chokwe, l'emphase était mise sur les quatre points cardinaux, ce que les vèvè dahoméens n'avaient pas, et que les vèvè haïtiens possèdent. Pareillement, nous retrouvons des dessins-cérémoniels chez l'ethnie Ndembu du Nord-Ouest Zambien :


(Vèvè Ndembu (Zambie))
Source : Victor Turner. Revelation and divination in Ndembu ritual. London, 1975, p. 127.

Ces signes ou vèvè Ndembu furent tracés au sol avec une forme de poudre, comme le sont les vèvè haïtiens. Donc, d'entrée de jeu, nous voyons que les vèvè appartiennent d’emblée à la civilisation traditionnelle dite africaine.

2.1- Les vèvè et la barque sacrée d'Agwe

Voici la barque sacrée du Lwa/Jany (Divinité) Agwe Tawoyo (ou d'Èzili) que l'on remarque régulièrement dans les vèvè, et autant que dans les hounfò ou péristyles des temples traditionalistes haïtiens :


(Barque d'Agwe Tawoyo accrochée dans un hounfò en Haïti)
Source :  Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. pp.192-193. fig.24.

La révisionniste LeGrace Benson prétend, sans preuve à l'appui, que la barque sacrée serait issue de l'influence française (bretonne) :
"Other drapo may also echo Brittany. Small votive ships hang from the ceiling near the sanctuary of many a Breton chapel and from many a Haitian houmfo. In Haiti, such ships are emblems of the sea lwa, Agwe. The emblem appears in veve and on drapo." (6)
Traduction :
"D'autres drapo peuvent aussi faire écho à la Bretagne. De petits bateaux votifs pendent du plafond près du sanctuaire de nombreuses chapelles bretonnes et de nombreux houmfo haïtiens. En Haïti, ces navires sont des emblèmes de la mer lwa, Agwe. L'emblème apparaît dans les veve et sur les drapo."
Il est vrai qu'il se trouvent des marquettes de bateaux dans plusieurs églises catholiques. La plupart du temps, ces bateaux réduits représentent une demande de protection ou un remerciement pour la protection des marins d'une paroisse. Cette pratique pré-chrétienne se nomme "ex-voto", signifiant "selon le vœu fait" en latin. Et l'ex-voto peut prendre de nombreuses formes : statues, tableaux, croix, bougies, béquilles, prothèses de parties du corps malades ou traitées, bateaux, morceaux de bateaux, etc.


 (Navire "ex-voto" suspendu dans une chapelle à Söderköping en Suède)
Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Ex-voto#/media/File:DrothemVotiveShip.jpg

Donc, pour la même raison, on trouve des bateaux réduits dans les lieux publics de diverses régions du monde, aussi bien qu'en Bretagne, en France. Ceux qui le souhaitent collent leurs demandes ou remerciements au navire "ex-voto" en question :


 (Navire "ex-voto" rempli de demandes, en Bretagne (France))
Source : http://un-chat-passant-parmi-les-livres.blogspot.ca/2016/08/le-bateau-du-chateau-des-ducs-de.html

Ainsi, ces navires "ex-voto" chrétiens servent soit de support aux demandes, soit de marques de remerciement pour les voeux exaucés. Ils ne sont donc pas les symboles de saints catholiques. Or, en Haïti, les navires en miniature suspendus aux temples traditionnels sont des symboles de Lwa (Agwe ou Èzili). Ils ne sont pas des marques de remerciement pour l'aide fournie par ces Lwa. Et l'on y colle pas de demandes.
De plus, les bateaux réduits ne sont pas les seuls instruments de culte suspendus dans les péristyles haïtiens. Les tambours le sont tout autant. Et il serait étonnant que l'on attache une influence bretonne à cette pratique :
(Tambours suspendus dans le péristyle d'un temple traditionel haïtien)
 Source :  Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. p.192a, fig.25.

Également, la barque d'Agwe n'existe pas uniquement en forme de signe (vèvè) ou en format réduit. Elle est construite en format opérationnel dans le but d'emmener les offrandes sacrées (comprenant des sacrifices animales) dans les abysses maritimes, Lieu de résidence de Mèt Agwe.


(Barque d'Agwe, format opérationnel, avant d'être mise à la mer)
Source :  Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. p.336a, fig.43.

Ces offrandes sacrificielles à la Mer sacrée s'effectuent annuellement. Et les animaux offerts sont mis à l'eau comme l'est la barque sacrée et ses offrandes plus légères :

 
(Offrandes maritimes à Mèt Agwe Tawoyo)
Source :  Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. fig.39-47.

Donc, sans l'ombre d'un doute, la barque d'Agwe, et tout ce qui s'y rapporte, ne proviennent pas de la religion catholique ; bretonne ou autre.
Quant à l'expression des "voeux" catholiques, elle n'est pas absente du culte haïtien. Elle se manifeste chez les syncrétiques haïtiens, non pas via le bateau réduit, mais sous la forme de "pran ve" (littéralement : prendre un voeu). Il s'agit d'un voeu de pénitence qu'un catholique haïtien fera, suite à une maladie ou lors d'un autre moment crucial (en rapport ou pas à un Lwa ou un Ange protecteur familial (Jany). Ainsi, durant une période fixée, il ou elle portera des habits de pénitence faits de plusieurs morceaux de tissus de couleurs particulières ou de sac. Cette pratique syncrétique provient du temps de la colonie, (7) lorsque les catholiques européens, membres des congrégations de pénitence, en faisaient autant, et appelaient leurs habits "sac", entre autres. Car, dans leur pénitence, durant le Mercredi des Cendres, ils dormaient sur des sacs, la tête couverte de cendre. (8)



2.1.1- La barque sacrée d'Agwe et l'inscription "Imamou"

Toujours sans la moindre preuve, et faisant fie des croix et autres symboles non islamiques décorant souvent barques, L. Benson, la révisionniste acharnée, avança également qu'un lien islamique peut être établi via le mot "Imamou" inscrit sur ces barques sacrées :
"What is different from the Breton votives is the word "imamou," clearly a survival from Islamic heritage. For Breton sailors and for those brought to Haiti in the ships they manned, such an emblem would carry a complex emotional cargo." (9)
Traduction :
"Ce qui est différent des votifs bretons, c'est le mot «imamou», clairement une survivance du patrimoine islamique. Pour les marins bretons et pour ceux qui ont été amenés en Haïti sur les navires qu'ils occupaient, un tel emblème aurait une charge émotionnelle complexe."
Dans un article intitulé Kay + Iman dans le Créole du Nord, nous avons mentionné que les "Africains" islamisés n'appelaient "Imam" leurs officiants. Ils le nomment "almami", "alfa", "mori", etc. Et de ces noms, "Imamou" n'y figure pas. Certains pourraient insister le contraire. Mais dans ce cas, libre à eux de trouver des références dans lesquelles des "Africains" islamisés désignaient leurs officiants par le mot "imamou".


(Vèvè d'Agwe Tawoyo)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.379.


Mais, il revient aussi à se demander si les révisionnistes savent que "Imamou" est un Lwa/Jany dans la "Famille" des Lwa Agwe, comme le sont : Imamou De, Imamou Lèlè, Imamou Wèlo, Imamou Alade Gwètò, Nèg Imamou Lade, Nègès Imamou Lade, etc.? Si l'on suit leur logique, sont tous et toutes ces Lwa "vodou" des "Imam" musulmans?

Voici, dans un temple traditionnel au Cap Haïtien, la barque d'Agwe Tawoyo portant l'inscription d'"Imamou Lade" :


 (Barque d'Agwe inscrit "Imamou Lade" au Temple Bambara (Sosyete Pierre Dambara))
Source : "Entretien sur le Vodou haïtien" ; Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=s_QI9_IxgP8 ; Capture d'image (00:04:53)

D'ailleurs, le Lwa Agwe Tawoyo puise son origine d'emblée au Dahomey où son nom se décortique en Àgbè (Vodun de la Mer sacrée) + (Rivière) + Awoyo (Immense). Ainsi, Àgbè Tö Awoyo signifie Àgbè, la Mer (ou la Rivière) immense. Car les Dahoméens pensent que jadis, la Mer était une rivière d'eau douce, avant qu'un écureuil nommé Àgbè y urina, la rendant bleuté et salée. (10) Et comme l'islam arriva au Dahomey qu'après l'indépendance d'Haïti (début 1800), alors, il y a rien d'islamique chez Agwe Tawoyo.

Et sur cette barque d'Agwe flottant sur la mer tropicale, parmi les offrandes, on retrouve de l'alcool (élément proscrit par l'islam) :


(Offrandes de nourriture et d'alcool (champagne) placées sur la barque d'Agwe )
Source :  Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. p.336a, fig.43.

Donc, l'hypothèse de l'islamité de la barque d'Agwe Tawoyo ne résiste pas au poids de la logique.


2.1.2- L'origine de la barque d'Agwe

Cette barque sacrée d'Agwe d'où vient-elle réellement? La réponse se trouve dans l'ancien Royaume du Dahomey, au Bénin actuel, un endroit dont les traditionalistes haïtiens ont conservé la mémoire à travers leur rituel :


(Carte du Bas-Dahomey ; les noms en jaune sont sauvegardés dans le rituel haïtien)
Source : Victor-Louis Maire. Dahomey : Abomey, décembre 1893 – Hyères, décembre 1903. Besançon, 1905. p.8.

Cette barque sacrée d'Agwe Tawoyo est l’emblème d'Agadja (1708-1732), ce grand Roi d'Abomey ayant conquis Allada en 1720, puis Savi, la capitale de Wydah (Ouidah), le 7 février 1727 :


(Vèvè d'Agwe Tawoyo en Haïti)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.379.


(Emblème du Roi Agadja (au Bénin))
Source : Musée Africaine de Lyon  https://fr.wikipedia.org/wiki/Agadja#/media/File:Embl%C3%A8me_du_roi_Agadja-Mus%C3%A9e_africain_de_Lyon.jpg

La barque marque donc la conquête de Savi en 1727 ; et par cet acte, l’expansion du Royaume d'Abomey jusqu'à la mer, où Agadja entra le premier en contact avec les marins français.
Et pareillement aux hounfò (temples traditionnels haïtiens) dans lesquels peuvent se trouver une modèle réduite de la barque sacrée, au Bénin, dans la ville d'Abomey, cette barque sacrée décore toujours Takimbala, le Palais Royal d'Agadja, près de 300 ans après la prise de Savi** :




(Palais du Roi Agadja)




(La Barque sacrée décorant Takimbala, le Palais Royal d'Agadja)
 Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Agadja#/media/File:Abomey-Palais_du_roi_Agadja.jpg


2.1.3- Le Roi dahoméen Agadja et le rituel haïtien

Le Roi dahoméen Agadja Dosu (Dossou) est honoré dans le rituel haïtien sur la forme du Lwa Kadja Dosou ou Kadja Bosou, ou simplement via son nom "Agadja" qui ressort de temps à autres dans des chansons sacrées. Voici quelques-uns des vèvè lui étant dédiés :


(Vèvè de Bosou en Haïti)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. pp.496, 501.

Le caractère guerrier du Roi Dosu Agadja fut donc mis en valeur en Haïti par la nature bovine (Taureau) du Lwa Kadja Bosou. Car, dans la source dahoméenne, l’icône de la "tête de bœuf" renvoi au Vodun de la guerre Abodogi Ozeréto qui fut un lion à tête de taureau :


(Vodun de la guerre à tête de taureau au Dahomey)
Source : Victor-Louis Maire. Dahomey : Abomey, décembre 1893 – Hyères, décembre 1903. Besançon, 1905. p.17.

Ainsi, la connexion entre les vèvè de Bosou en Haïti et la représentation bovine du Vodun Abodogi Ozeréto est évidente. D'ailleurs, quelque temps après l'indépendance d'Haïti, le roi dahoméen Ghézo (1818-1858) empruntera ce même symbole bovin :


(Buffle allégorique représentant Ghézo, Roi du Dahomey)
Source : Auguste Le Hérissé. L'ancien royaume du Dahomey, moeurs, religion, histoire. Paris, 1911. p.117.

De plus, la femme d'Agadja, la Reine Nae Hwandile, la mère du Roi Tegbessou (1728-1775), fut une prêtresse traditionnelle d'origine Aja ayant introduit le culte des Vodun à Abomey. D'Adjahommê, son lieu de naissance, Hwandile aurait amené le culte de Mawou, la Déesse Créatrice qui épousa le Dieu solaire Lisa et engendra Agbè, le Vodun de la mer. (11) Comme son époux Agadja, la Reine Nae Hwandile est vénérée en Haïti en Wandile ; principalement dans la prière sacrée Djò : "Wandile, Santa Maria...".
Bref, nombre de symboles dans le rituel haïtien proviennent directement de la Royauté dahoméenne divinisée, et n'ont absolument rien de musulman.


2.1.4- Mèt Agwe et sa compagne, Lasirèn

On ne saurait traiter d'Agwe Tawoyo sans mentionner sa compagne Lasirèn (La Sirène), la Lwa/Jany de la Mer avec qui il partage l’étendu des Océans. Lasirèn, la Maitresse des Océans, est ici figurée dans ce vèvè d'une très grande simplicité :


(Vèvè de Lasirèn)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.388.

Voici la représentation de Lasirèn sur le mur d'un lieu de consultation mystique à Port-au-Prince :


(Représentation de la Lwa La Sirène en Haïti)
Source :  Leslie Anne Brice. Nou la, We here : Remembrance and Power in the arts of Haitian Vodou. University of Maryland, 2007. p.228.

En dépit du nom français (ou créole), La Sirène ou Lasirèn puise sa substance en "Afrique". Plusieurs contemporains la désignent "Mami Wata", ce qui n'est qu'une déformation de l'anglais "Mammy Water", la "Mère des Eaux". Mais son véritable nom dahoméen est Sao :


"Sao serait la sirène." (12)
Elle a, selon les Dahoméens, Hou (ou Agbè) pour père et Naètè pour mère. Et elle est la soeur d'Avrèlèkètè (Velekete ou Vèlèkètè en Haïti). Voici la représentation de Sao, la sirène, sur un mural d'une plage à Wydah, au Bénin :




(Représentation de Mami Wata, Déesse des Eaux au Bénin)
Source : Omar Márquez. "(Ruta del Esclavo) Ouidah Benin AFRICA" ;  Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=WNywX-j3LcU

Encore une fois, la figuration similaire de la sirène des deux côtés de l'Atlantique (Haïti et Bénin) témoigne de la filiation entre ces 2 cultures-soeurs.


2.1.5- Mèt Agwe et son autre compagne, Labalèn

Nous devons aussi souligner que dans le rituel traditionnel haïtien, Lasirèn, la Lwa/Jany de la Mer, est aussi accompagnée de Labalèn (La Baleine), également Déesse de la Mer et compagne de Mèt Agwe.


(Vèvè de Lasirèn confondue avec La Baleine)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.581.

Cette facette du panthéon traditionnel haïtien est un legs Congo ; plus précisément un legs des Congo de langue Lingala. Car ces derniers vénèrent La Baleine sous le nom de Mondélé. (13)
Aussi bien, sous l'appellation de Móméta ou Mamiwata, les Lingala vénèrent La Sirène qu'ils décrivent telle une Divinité de l'Eau, "une Nymphe aquatique ou une femme d'une grande beauté",  "un être fabuleux, moitié femme, moitié poisson." (14).
Donc, cette double contribution Congo (Lingala) consacre définitivement les symboles d'Agwe comme un héritage non islamique.


2.2- Le coeur d'Èzili et la filiation Dahomey/Bénin - Saint Domingue/Haïti

Le syncrétisme avec la religion catholique est fortement manifeste dans la religion traditionnelle haïtienne, autant que c'est le cas au Brésil et à Cuba où les captifs (esclaves) ont usé de duperie afin de sauvegarder leur mode de vie divine. Mais, dans les colonies où ce syncrétisme n'a pas eu lieu, les captifs ont, à toute fin pratique, perdu leur religion ancestrale.
Ce syncrétisme-duperie fonctionne de manière fort simple : pour mieux camoufler leur pratique religieuse contre l'hostilité des colons, les captifs observaient l'iconographie des saints catholiques. Et dès qu'ils détectaient dans l'icône d'un saint ou d'une sainte catholique des attributs correspondant à une Divinité ancestrale, ils adoptaient ce saint ou cette sainte en façade.
C'est ainsi que la Lwa/Jany Èzili Freda Dawomen sera représentée par l'icône de la sainte Mater Dolorosa (dite La mère des douleurs) :

(Mater Dolorosa Von Jerusalem)
Source : http://indigoarts.com/sites/default/files/p-27.jpg

Et l'attribut, chez Mater Dolorosa, qui a retenu l'attention des traditionalistes fut manifestement le coeur transpercé : 
(Vèvè d'Èzili Freda)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.231.

L'emprunt à l'iconographie catholique est ici nettement exposé et sans équivoque : en bas à droite dans le vèvè, la petite chaise (ou brosse) est une reprise directe de la petite chaise (en haut à gauche) dans l'icône catholique ; Et le coeur en forme d'ananas (en bas à gauche dans le vèvè) est une reprise d'un coeur identique (placé au même endroit dans le tableau) ayant également le contour en perle et l'inscription "SI". Mais, cet emprunt des Noirs à la religion chrétienne pose problème aux révisionnistes. Car, il place les Noirs comme acteurs de leur destin. Ce que les révisionnistes souhaitent, au contraire, est que les Noirs soient passifs dans toute relation avec autrui. Il faut qu'ils reçoivent bêtement l'influence d'un tiers groupe dominant, et qu'ils subissent le poids du "civilisé".
C'est dans cet optique que la révisionniste LeGrace Benson rejeta l'emprunt volontaire des Noirs des icônes catholiques. Elle porta alors son attention sur le coeur au centre de ce drapeau cérémoniel dédié à la Lwa/Jany Èzili :

 (Drapeau cérémoniel affichant le coeur d'Èzili)
Source : LeGrace Benson. "Some Breton and Muslim Antecedent of Voudou Drapo". In : Textile Society of America Symposium Proceedings Paper 867. 1996.

Et elle (LeGrace Benson) proposa, dans un premier temps, que ce coeur figuré (le sacré coeur) dérive, non pas de la duperie des captifs, mais plutôt de l'influence direct des missionnaires catholiques bretons sur "leurs troupeaux haïtiens", suite au Concordat de 1860 :
"The Voudou drapo that does carry a simple emblem in the center is usually that of the lwa Ezuli represented by a heart. The Breton priests and religious taught veneration of the Sacred Heart to their Haitian flocks. (...) Michel Nobletz in the sixteenth century promulgated the images throughout Brittany, and even now they appear in every mission where there are Breton priests and religious. The Breton missionary who eventually became the Archbishop of Haiti at the time of the Concordat was among those who tried to have Nobletz canonized for his work with the image of the Sacred Heart." (15)
Traduction :
"Le drapo Voudou qui porte un simple emblème au centre est généralement celui du lwa Ezuli représenté par un cœur. Les prêtres et les religieux bretons ont enseigné la vénération du Sacré-Cœur à leurs troupeaux haïtiens. (...) Michel Nobletz au seizième siècle a promulgué les images dans toute la Bretagne, et même maintenant elles apparaissent dans toutes les missions où il y a des prêtres et religieux bretons. Le missionnaire breton qui devint l'archevêque d'Haïti au moment du Concordat fut parmi ceux qui tentèrent de faire canoniser Nobletz pour son travail à l'image du Sacré-Cœur."
Ainsi, d'après Benson, le coeur d'Èzili dérive de "la carte du coeur" qui consiste en une série d'illustrations de coeurs, commandée au cour des années 1600 par le prêtre breton Michel Nobletz, comme outil de conversion. Par la représentation dessinée des péchés capitaux, Michel Nobletz visait à effrayer les non-croyants superstitieux de son époque, en attisant chez eux, la peur de l'enfer :

 (La carte des coeurs)
Source : http://www.lavieb-aile.com/2015/09/la-tribune-des-peches-capitaux-de-la-chapelle-saint-yves-a-priziac.html

Or, 1) ces coeurs bretons à fair peur ne sont pas transpercés, contrairement au coeur prit en exemple dans le drapeau cérémoniel haïtien. 2) Ils (les coeurs bretons) présentent l'artère principal du coeur, ce qui est absent dans le coeur syncrétique haïtien. 3) On illustre, dans ces coeurs bretons, des individus aux comportements répréhensibles que l'on compare à des animaux : Le cholérique est symbolisé par un chien, la paresseuse par une mule, le gourmand par un porc, etc. :


Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tableaux_de_mission?oldformat=true#/media/File:010_Le_Nobletz_taolen_3_Les_coeurs_paresse_et_chol%C3%A8re.JPG ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Tableaux_de_mission?oldformat=true#/media/File:011_Le_Nobletz_taolen_3_gourmandise.JPG

Donc, dessinés pour les missions de conversion, les coeurs moralistes de Michel Nobletz ne correspondent pas au coeur transpercé de Mètrès Èzili qui emprunte au coeur transpercé de Mater Dolorosa, l'illustration symbolique de sa douleur maternelle face à la mort de son fils Jésus. Par conséquent, l'hypothèse de Benson d'une influence bretonne sur les vèvè est fausse.

2.2.1- L'origine du "coeur" d'Èzili

Puis, cherchant un support externe sur lequel agrippé sa révision islamique, L. Benson, signala qu'il existe un rapport quelconque entre la Vierge Marie (correspondant au culte du Sacré-coeur) et Myriam dans le coran islamique :
"We have on drapo what the Greeks and Romans understood as eros and thanatos, love and war, Venus and Mars, Sin Jak-Ogun and Sin Mari-Ezuli. (Perhaps it is not beside the point to remark that Miryam, the Virgin Mother of Jesus is honored in the Qur'an, Surah 19.)
(...) In Haiti, Ezuli's heart is sometimes quadrilled, sometimes pierced with swords, sometimes surrounded with reduplicated squares like those of Islamic hatumere (amulets) and Qur'an boards." (16)
Traduction :
"Nous avons sur drapo ce que les Grecs et les Romains ont compris comme eros et thanatos, l'amour et la guerre, Vénus et Mars, Sin Jak-Ogun et Sin Mari-Ezuli. (Il n'est peut-être pas à propos de remarquer que Miryam, la Vierge Mère de Jésus est honorée dans le Coran, Sourate 19).
(...) En Haïti, le cœur d'Ezuli est parfois quadrillé, parfois percé d'épées, parfois entouré de carrés dupliqués comme ceux des hatumere islamiques (amulettes) et des planches coraniques."
Or, l'"Afrique" traditionaliste regorge de symboles qui sont plus anciens que l'islam. Et un nombre important de ces symboles est retrouvé en Haïti. Et contrairement aux suppositions islamiques infondées de LeGrace Benson, la causalité entre l'"Afrique" traditionaliste et Haïti est nette. Prenons, comme exemple, l'icône du coeur représenté dans ces vèvè de la Lwa Èzili Freda Dawomen :




(Divers Vèvè d'Èzili,  Èzili Gwètò et Èzili Mapyang)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. pp.235, 237, 233.

Comme son nom l'indique, la Lwa Èzili Freda Dawomen provient de l'ancien Royaume béninois du Dahomey (Dawomen en créole). Elle est la version créole de la Vodun Azili des Dahoméens. (En fait, Haiti comporte toujours des Lwa se nommant Azili, tels que : Agwe Tawoyo Azili Menfò ou Azili Kanlikan.) Et en Freda, elle représente l'ethnie Fouéda (ou Couéda) du Dahomey.
Et tout naturellement, nous retrouvons le coeur d'Èzili Freda Dawomen comme est l'emblème de Béhanzin, le Roi d'Allada, au Bénin/Dahomey :


(Roi d'Allada ou du Dahomey et le coeur d'Èzili, son insigne royal)
Source : "Le roi d'Allada (1900)" ; Fonssagrives, Jean Baptiste Joseph Marie Pascal. Notices sur le Dahomey ; publiée à l'occasion de l'Exposition universelle. - New York Public Library. ; Lien permanent : http://digitalgallery.nypl.org/nypldigital/id?1161494


2.3- Les icônes du Serpent sacré et l'héritage dahoméen

En Janvier 1967, Le révisionniste haïtien Alexis Gerson écrivit, sans jamais le prouver, que le Lwa Serpent Danmbala devrait être d'origine mandingue et musulmane. La raison pour laquelle il décortiqua son nom en Damb-Allah, comme plusieurs avant lui l'on fait :
"Un nom de dieu comme Damb-Allah est une formation mandingue." (17)
Certes, suite à l'islamisation, le mot Arabe "Allah" signifiant "Dieu" fut repris en "Ala" dans la langue Mandingue. Mais qu'en est-il de "Damb" ou "Danm"? Signifierait-il "Serpent" en Mandingue, comme l'a affirmé Alexis Gerson? Certainement pas. En Mandingue, le nom "serpent" ce dit : "saa", "cápáti", "kaŋkuŋ"ou "jambakatansáa". (18) Ainsi, Alexis Gerson a eu tort, la combinaison de "Damb" + "Allah" ne veut absolument rien dire en langue Mandingue. La combinaison se rapprochant le plus du "Serpent Primordial", en langue Mandingue (Bambara, pour être plus précis) serait Masa Dembali, c'est-à-dire le "Maître incréé et infini", l'une des qualificatifs de Maa-Ngala, le Maître de Tout, Dieu Créateur, dans la religion traditionnelle des groupes Bambara, Malinké ou Mandingues. (19)


2.3.1- Et Pierre Dambara, alors?

Dans leur empressement, les révisionnistes ont négligé le fait qu'en Haïti le Lwa Danmbala se nomme également Danmbara (Dambara), et tout particulièrement dans le Nord d'Haïti, lieu de la cérémonie du Bois Caïman et de l'embrasement de l'insurrection générale de 1791 :


"Dans le Nord, par exemple, à Nan Campêche, [proche du Morne Rouge] on dit Papa Dambara." (20)
Voici une note relatant d'une chanson sacrée offerte au Lwa St. "Pierre Dambara" le 28 février 1937, dans la commune de Plaisance (Nord d'Haïti) :


(Note mentionnant le Lwa St. "Pierre Dambara" en 1937)
Source : Alan Lomax, "St. Pierre Dambara, moune derriere chita 'tend moin." ; Lien permanent : https://www.loc.gov/resource/afc9999005.29626.0

De même, suite à ses enquêtes en Haïti au début des années 70, l'auteur Jean Kerboull a fait mention, à de multiple reprises, du Lwa/Jany "Dambara", "Papa Dambara", "Pierre Dambara", "Dambara Ouedo" ou "Pierre Dambara Ouedo". (21) Mais puisqu'il peut arriver, dans le créole haïtien, qu'un "r" puisse être déformé en "l", ou inversement. Ainsi, la présence de "Dambara" n'est pas gage que le mot "Danmbala" n'est pas authentique. Alors, creusons d'avantage.


2.3.2- Dan/Odan

À cette problématique, la réponse habituelle des révisionnistes sera la suivante : Damballah signifie "le Dieu Serpent" étant donné que "Dan", dans la langue Fongbe (de l'ethnie dahoméenne Fon), signifie Couleuvre sacrée, qu'on appelle également "Dangbe". Quoique véridiques, ces 2 assertions sont largement insuffisantes. Car ni "Dan" (on dit également Odan en Haïti), ni "Dangbe" ne produisent le son "Danmb" en Créole. Donc, pour que cette hypothèse islamique soit crédible, il faut que le son "Danmb" équivaille à "Serpent" pour que sa combinaison avec le son "Allah", signifie "le Dieu Serpent". Évidemment ce n'est pas le cas.
Voici, sur le mur d'un temple au Bénin (l'ancien Da-homey), la figuration de la couleuvre sacrée Da, Dan ou Dan-gbe :


(Représentation du Vodun Da au Bénin (Dahomey))
Source : Christoph Henning, Klaus E. Müller, Ute Ritz-Müller. Afrique-La magie dans l’âme : rites, charmes et sorcellerie. Könemann, 2000. p.272.

Voici le schéma identique dans un vèvè haïtien pour Danmbala Wedo :
 (Vèvè de Danmbala Wedo en Haïti)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.584.

Et les révisionnistes n'adressent pas non plus "Wedo", la deuxième portion du nom de "Danmbala Wedo". Que signifie "Wedo" en Arabe, en Mandingue, ou dans n'importe quelle langue des peuples islamisés? Nous savons déjà la réponse : absolument rien. Alors avançons.


2.3.3- Ayida Wedo

Au Bénin, la Couleuvre sacrée Dan (ou sa forme double Aido Hwedo, le Serpent Arc-en-ciel) est souvent représentée seule, autosuffisante en mordant sa queue :


"Aido Hwedo, with cult-objects used in the worship of Da, as represented in appliqué cloth." (22)
Traduction :
"Aido Hwedo, avec des objets-rituels utilisés dans le culte de Da, comme représenté dans le tissu appliqué."


(Le Python sacré au Dahomey, dans le temple de Zumadunu (Zamadòn dans le rituel haïtien))
Source : Melville Jean Herskovits. Dahomey An Ancient West African Kingdom. New York, 1938. p.224-225. fig.35.

Mais, une divergence existe. Car, en Haïti, Danmbala est fort majoritairement représenté en compagnie de son épouse (ou sa doublure), la Couleuvre Arc-en-ciel sacrée Ayida Wedo :


 (Vèvè de Danmbala Wedo et d'Ayida Wedo en Haïti)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.172.

Cependant, les Armes du Roi dahoméen Béhanzin, quoique tardives, se rapprochent de l'esthétisme haïtien :
(Les Armes de Béhanzin, Roi du Dahomey)
Source : Victor-Louis Maire, Dahomey : Abomey, décembre 1893 – Hyères, décembre 1903, A. Cariage, Besançon, 1905.


Et s'il est indéniable que le nom d'Ayida Wedo, la Couleuvre Arc-en-ciel des Haïtiens, dérive directement d'Aido Hwedo, la Couleuvre Arc-en-ciel dahoméenne, qu'en est-il du nom Danmbala Wedo? Où sont les preuves directes reliant le Lwa haïtien Danmbala Wedo au Dahomey? C'est ce que nous allons voir.

2.3.4- L'origine du nom Danmbala Wedo

On s'attendrait à ce que démontrer la provenance du nom "Danmbala" exige une connaissance mystique des plus avancées. Mais pas du tout. Pour trouver l'origine de Danmbala Wedo, nulle leçon en "mysticisme" ou en "cabalisme" n'est requise. Et surtout, pas besoin de faire le pédant en déformant Danmbala en "Dambalah", "Damballah", "Dambhalah", "Danbalah", ou en je-ne-sais-quoi. Il suffit de feuilleter l'ouvrage de l'anthropologue Melville J. Herskovits sur le Dahomey pour avoir la réponse maintes fois sous les yeux :


"Two of the dancers, who wore chief's caps and were garbed in white, represented Dambada Hwedo, the ancient ancentors...." (23)
Traduction :
"Deux des danseurs, qui portaient des coiffes de chef et étaient vêtus de blanc, représentaient Dambada Hwedo, les anciens ancêtres...."
(...)


"It may be assumed that the spirit, in this instance, is Dambada Hwedo, a powerful deity of the ancestral cult believed to reside in great trees." (24)
Traduction :
"On peut supposer que l'esprit, dans ce cas, est Dambada Hwedo, une divinité puissante du culte ancestral qui semble résider dans les grands arbres."
(...)


"These six, after a few moments of their dance, retired to the background to give place to one who represented Dambada Hwedo, so that he might dance for the oldest, the most powerful, but unknown ancestors who merged in this deity." (25)
Traduction :
"Ces six, après quelques moments de leur danse, se sont retirés pour laisser la place à celui qui représentait Dambada Hwedo, afin de pouvoir danser pour les ancêtres les plus anciens, les plus puissants, mais inconnus, qui ont fusionné dans cette divinité."
(...)


"The ancestral cult, as described thus far, consists of the worship of the deified ancestors, the txodu, who, seperated into sibs, are headed by their various tohwiyo. Even more powerful than these tohwiyo, because older, but less feared because more generalized, are the oldest ancestors, the spirits of those whose names are no longer known by their descendants, subsumed in the character of Dambada Hwedo." (26)
Traduction :
"Le culte ancestral, tel que décrit jusqu'ici, consiste en l'adoration des ancêtres divinisés, les txodu, qui, séparés en familles, sont dirigés par leurs divers tohwiyo. Quoique plus puissants encore que ces tohwiyo, parce qu'ils sont plus vieux, mais moins craints parce que généralisés, sont les ancêtres les plus anciens, les esprits de ceux dont les noms ne sont plus connus par leurs descendants, subsumés dans le personnage de Dambada Hwedo."
On traite donc de "Dambada Hwedo", le plus respecté de tous les Vodun dahoméens, comme le Serpent Dan ou Aido Hwedo. Il représente la fusion de toutes les anciennes Divinités (Vodun) et également la fusion de l'ensemble des Ancêtres défunts depuis fort longtemps au point que leurs descendants ont oublié leurs noms.
Au fil des générations, à Saint Domingue/Haïti, à cause de la fusion des diverses ethnies, une simple déformation de "Dambada Hwedo" a donné lieu a "Danmbala Wedo", Pierre Dambara, etc. Cependant, l'essence de cette Entité divine dahoméenne demeura inaltérée n Haïti : habits blancs des serviteurs, respect inégalé, Serpent primordial ayant assisté à la création du monde, etc.
Mais pour être plus précis, le nom du Lwa/Jany haïtien "Danmbala" devrait se décomposer en :
Dan + M'Bala
ou
Odan + M'Bala
Car, il résulte de la fusion de "Dan", le Serpent-Arc-en-Ciel primordial dahoméen, avec "M'Bala", le Serpent-Arc-en-Ciel primordial des Baluba du Congo. Il faut dire que le nom complet de la Divinité Baluba en question est Mwanza M'Bala ou Mwanzambala. Il est un mâle, et N'Kangi est son double féminin.
"Mais, de cette Eau répandue sur la Terre, s'élevèrent les Souffles des deux Serpents mâle et femelle, Mwanza m'Bala et N'Kangi.
Leurs Souffles, montant en l'air, s'y conjugèrent, formant l'Arc-en-Ciel, dont le nom des « Mwanza n'Kongolo »." (27)
Ainsi, les Dahoméens Dan et Aido Wedo furent légèrement modifiés à Saint Domingue, en le couple sacré Danmbala et Ayida Wedo, afin de mieux représenter les charactéristiques du couple Baluba Mwanza M'Bala et N'Kangi dont les Souffles divins forment l'Arc-en-Ciel. Voilà donc la provenance du son "Ala", dans DanMBala.***




3- Les carreaux traditionnels et les supposées planches coraniques d'étudiants

Selon LeGrace Benson, les icônes en forme de carreaux et de losanges, contenus dans les vèvè et les drapeaux cérémoniels, seraient islamiques.  Elle se référa aux carreaux et quadrilles emblématiques des vèvè des Lwa Azaka (originaire de Savalou au Bénin traditionaliste) et Ogoun Badagri (originaire de la ville de Badagri au Nigéria traditionaliste) :
(Vèvè pour Azaka Mede contenant les carreaux de terre cultivée)

(Vèvè pour Ogoun Badagri contenant des quadrilles)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. pp.323, 254.

Selon elle (Benson), ces quadrilles qu'elle avoue que l'on retrouve partout à travers le monde, et même dans les bannières militaires des anciens colons français, ne peuvent que provenir de l'islam :
"It is true that repeated squares and lozenges are a motif found all over the world, and certainly on French military banners; but there remains the density and elaboration of the motif. The resemblance of some of the earlier drapos to number squares on Qur'an boards is striking. When we recall that such mystical square diagrams were on battle amulets, furthermore that the imams used the washings from the boards as healing potions for animals and humans, appearance of the squares on the drapo, at the site of a religion focused on winning freedom and curing sickness should almost be expected.
The mystical quadrille appears on flags and veve (symbols drawn on the ground at the beginning of a Voudou service) for Ogun Badagris and Papa Zaka." (28)
Traduction :
"Il est vrai que les carrés et losanges répétés sont un motif qui se retrouve partout dans le monde, et certainement sur les bannières militaires françaises; mais il reste la densité et l'élaboration du motif. La ressemblance de certains des premiers drapos aux carrés à chiffres sur les planches coraniques est frappante. Quand nous rappelons que ces diagrammes carrés mystiques étaient sur des amulettes de bataille, en outre que les imams utilisaient les lavages des planches comme potions de guérison pour les animaux et les humains, l'apparence des carrés sur le drapo, sur le site d'une religion focusée sur le gain de la liberté et la guérison de la maladie devrait presque être attendue.
Le quadrille mystique apparaît sur des drapeaux et veve (symboles dessinés sur le sol au début d'un service Voudou) pour Ogun Badagris et Papa Zaka."
D'après Benson, l'inspiration des carreaux haïtiens viendrait de ces carrés à chiffres que l'on remarque sur des planches coraniques pour étudiants :



Source : http://www.iub.edu/~iuam/online_modules/islamic_book_arts/exhibit/writing_implements/writing_board_from_nigeria.html ; Consulté le 30 novembre 2017.


Source : https://www.pinterest.ca/martinvorwerk/quran-prayer-boards/ Consulté le 30 novembre 2017.

Il va sans dire que LeGrace Benson, en plus qu'un quart de siècle de recherche, n'a pas trouvé d'exemplaire de cette planche coranique en Haïti, ni d'éléments archivés y référant. En fait, la révisionniste n'avait pas besoin de se casser la tête inutilement. Car la signification des "carreaux" contenus dans les vèvè d'Ogoun Badagri et principalement dans ceux du Lwa Azaka, n'était pas si compliquée. Elle réside dans la nature paysanne de ces 2 Lwa :
"Cette source des carreaux se reproduit encore dans le vèvè du mystère voudoo qui est le ministre de l'agriculture et de l'intérieur dans la hiérarchie gouvernementale du voudoo : Azaca Médeh (…) Ainsi, le carreau de terre, venant de cette source divine, a remplacé toutes les autres mesures, en Haïti : acre, hectare, mètre, pied, pouce. Les paysans - qui relèvent du mystère-paysan Azaca - mesurent leurs terres par carreaux." (29)
Autrement dit, en Haïti, on mesure la terre par "carreau", où 1 carreau équivaut à 1,29 hectare (30) selon l'usage en vigueur dans cette ancienne colonie française. Donc, les carreaux sont mis en valeur dans les vèvè et drapeaux des Lwa qui sont reliés à l'agriculture. C'est dans cet optique qu'en plus des "carreaux" de terre, l'ensemble des éléments caractéristiques du paysan (à savoir ses outils, vêtements, démarche, langage, tabac, alcool, nourriture, coutumes) garnissent les vèvè et drapeaux d'Azaka appelé Kouzen (Cousin), selon l'habitude des paysans et sa femme est nommée Kouzin (Cousine) :
(Outils aratoires, alcool, tabac et objets de paysans dans les vèvè d'Azaka dit Kouzen Zaka)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. pp.322, 326.

Et lorsqu'un sèvitè (serviteur ou grand officiant) est habité par l'Énergie sacrée d'Azaka, il revêt le costume et les apparats du Jany/Lwa agraire, et se transforme en paysan fumant la pipe, consumant les mets campagnards du Lwa, incluant sa boisson alcoolique préféré (ce que l'islam interdit) :


(Adepte monté ou possédé par le Mystère Azaka ; tenant à la main sa bouteille d'alcool)
Source : Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. fig.29. p.208-209.

Comme nous l'avons détaillé dans un article : Azaka n'est pas musulman, le Lwa/Jany Azaka provient de Savalou, une région traditionnelle habitée par l'ethnie Mahi du Bénin actuel.


(Savalou, Bénin)
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Savalou


Et quant au Lwa/Jany Ogoun Badagri, il appartient au Yoruba/Nago du Nigéria et du Bénin. Et il provient plus précisément de la ville traditionnelle de Badagry au Nigéria actuel (proche de la frontière avec le Bénin).


(Badagry. Nigéria)
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Badagry



4- Les carreaux et les masques Kagba des Sénoufo

Au delà des champs à labourer, le symbole du carreau contenait d'autres significations pour les nombreuses ethnies ayant peuplées Haïti. Les captifs (esclaves) extirpés du Congo, en "Afrique" Centrale, un territoire traditionaliste, en furent du nombre. Ces 2 annonces de 1774, en provenance de la prison du Fort Dauphin (Fort Liberté actuel), décrivent 2 captifs (esclaves) Congo nouvellement arrivés, ayant des scarifications tribales « en forme de carreaux » et même « en forme de croix » :


 "Le 15 [juillet] (…) un autre Nègre de même nation, sans étampe, ayant des marques de son pays sur l’estomac en forme de croix, et sur le ventre en forme de carreaux." (31)
"Le 24 [juin], un Nègre nouveau, même nation [Congo], sans étampe, ayant des marques de son pays en forme de carreaux." (32)
Donc, ces captifs portant fièrement des scarifications « en forme de carreaux » et « en forme de croix », n'étaient pas des musulmans. Et qu'ils aient transcrits le carreau, leur marque tribale, dans les vèvè d'Azaka, d'Ogoun Badagri, et d'autres Lwa/Jany, est totalement envisageable. Mais, une révisionniste de la trempe de LeGrace Benson n'a que faire de ces informations. Trop occupée est-elle, a relié les quadrilles contenus dans les vèvè haïtiens aux masques Kagba des Sénoufo "islamisés" de la Côte d'Ivoire :
"The mystical quadrille appears on flags and veve (...) and in the Islamicised Senufo district of Cote d'Ivoire, where it is known as Kagba." (33)
Traduction :
"Le quadrille mystique apparaît sur des drapeaux et veve (...) et dans le district sénégalais islamisé de Côte d'Ivoire, où il est connu comme Kagba."
Mais dit-elle vrai? Jetons un regard là dessus. Voici ce que L. Benson nomme "Kagba", sans le décrire. Ceux sont des masques :


(Masques Kagba des Sénoufo)
Source : http://www.randafricanart.com/Senufo_Kagba.html

Ces masques Kagba n'ont absolument rien de Sénégalais, comme le prétend la révisionniste. Ils appartiennent plutôt à l'ethnie Sénoufo de la Côte d'Ivoire. Voici, en cette sorte de couvre-tête, l'unique élément sénoufo portant des quadrilles que nous avons trouvé :


(Couvre-tête sénoufo contenant des quadrilles)
Source : Metropolitan Museum of Art, NY ; Lien permanent : http://www.randafricanart.com/Senufo_firespitter_reference_examples.html

Évidemment, les quadrilles en question ne sont pas rangés comme le sont celles des carreaux magiques musulmans. Donc, sur ce point, LeGrace Benson a vu faux. D'ailleurs, les masques Kagba sont du ressort des Poro, les sociétés initiatiques traditionalistes Sénoufo.


4.1- Qui sont les Sénoufo? Et ont-ils un lien avec Haïti?

Les Sénoufo résident dans l'espace entre la Côte d'Ivoire, le Mali, le Burkina Faso, et le Ghana. Mais le gros de leur population se situe principalement au Nord de la Côte d'Ivoire et au Sud du Mali :


 (Territoire Sénoufo)
Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Senufo_people#/media/File:Senufo_languages.png

À Saint Domingue (Haïti), les Sénoufo répertoriés s'identifiaient comme Taguana ou Guiminy :


"À Saint-Louis, le 13 de ce mois, est enré à la geole, un nègre, nation Taguana, étampé sur le sein gauche SVRAV, et le reste illisible, taille de 5 pieds 2 pouces, borgne de l'oeil droit, se disant appartenir à M. Surau, habitant à Cavaillon." (34)
"Un Nègre, nommé Hector, nation Guiminy, étampé sur le côté droit CD, taille de 5 pieds. Ceux qui le reconnaîtront, sont priés de le faire arrêter & d'en donner avis à Mde la veuve Premiacque, Habitante à Bricourt, Quartier de Saint-Louis. Ledit Negre est rouge, & a les pieds brûlés." (35)
Il s'agit donc des "Sénoufo du Sud", c'est-à-dire les Sénoufo occupant le Centre-Nord de la Côte d'Ivoire actuelle. Subdivisé en 2 groupes, Tagwana (Tagouana) à l'Ouest et Djimini à l'Est, ce territoire sénoufo deviendra le "Cercle des Tagouanas", lors de l'administration coloniale française :





(Cercles des Tagouanas, 1921)
Source : A. Chartier. "Le Cercle des Tagouanas" In : ‪Renseignements coloniaux, No.11. In : L'Afrique française‬: ‪bulletin mensuel du Comité l'Afrique française et du Comité du Maroc‬, Volume 31. Paris, 1921. p.251.

Et contrairement à l'affirmation de Benson, les Sénoufo de Côte d'Ivoire (Tagwana et Djimini) sont majoritairement "animistes" ou traditionalistes de nos jours. (36) Ils l'étaient d'avantage dans le passé présent, selon cet observateur en 1921 :
"Le cercle des Tagouanas [Territoire administratif de la Côte d'Ivoire] comprend deux sortes de populations différentes par la race et les aptitudes :
1° Les Djiminis et les Tagouanas, branches cousines de la race Sénoufo dont le centre est à Korhogo; ce sont des indigènes frustes, laborieux, très attachés au sol.   
2° Les Mandés-Dyoulas, appelés communément « Dyoulas », appartiennent à la grande race soudanaise des Mandingues ou Mandés;
(…)
Les Dyoulas sont musulmans, tandis que les Djiminis et les Tagouanas ont leur religion basée sur le culte et la puissance des morts et sont profondément animistes." (37)
Et l'auteur ajouta plus loin :
"Les croyances des indigènes non-musulmans du cercle des Tagouanas sont les suivantes : 1° Ils croient à l'existence d'un Dieu créateur qu'ils appellent « Niéguéré » ou Niéguéré-Boro (dialecte djimini). (...) Ils ne croient pas à son intervention directe dans les choses de ce monde ; ils ne croient pas non plus comme les musulmans au paradis, à l'enfer et au purgatoire. Aux islamisés qui tentent de les convertir, les Djiminis et les Tagouanas répondent qu'ils ne veulent pas aller au ciel, parce qu'ils y seraient seuls sans leur parents, qu'ils s'y ennuieraient et y seraient malheureux. 2° La croyance à une autre vie et à l'ingérence des mânes des ancêtres revivant ensemble dans un même endroit, pensant et gouvernant tous les vivants, constitue la base de la religion des non-musulmans. Ce sont donc des animistes..." (38)

Un auteur plus récent poursuit dans ce sens :
"Cette religion [Sénoufo] s'inspire d'une cosmogonie organisée autour de deux divinités: Koulo Tyolo, assumant un rôle de transcendance, et Ka Tyelo, reconnue comme la Mère du village chargée de la consolidation de l'essence de l'être et de la substance de la chose ainsi que de celle de leurs rapports." (39)
L'islam s'est quand même introduit chez eux. Mais fort tardivement. Et il représente 25% de la population majoritaire des "Sénoufo du Sud". (40) Et, selon la même source, plus s'accentua l’islamisation, plus diminue l'emprise les sociétés initiatiques Poro, qui pourtant régulaient la société. Et ironiquement, LeGrace Benson attribua la paternité des masques Kagba des Sénoufo à l'islam, lorsqu'en fait, l'islam contribue à la disparition des sociétés initiatiques traditionnelles qui les fabriquaient.


4.2 - Les Chefs de la Terre et l'héritage Sénoufo

Les traditionalistes Sénoufo sont centrés sur "la terre identifiée à une mère nourricière qui occupe une place de choix dans les spéculations métaphysiques et la liturgie agraire." (41) Ils se servent des premiers habitants des lieux appelés "Chefs de la Terre" comme intermédiaires dans leur communication avec la terre-mère :


"3° Ces ancêtres sont les premiers occupants du sol, qui sont appelés Dougo-uKolotigni ou chefs de la terre.
Le premier occupant du sol était dans chaque grande tribu à la fois un personnage politique et un personnage religieux ; lui seul avait le droit de faire les sacrifices rituels et tous les indigènes venus ensuite s'installer dans le pays devaient s'adresser à lui avant d'occuper et de mettre en valeur une parcelle du terrain. Le pays habité s'étendant, le chef de terre délégua à d'autres le pouvoir de faire des petits sacrifices et les chefs de terre augmentèrent sans toutefois devenir très nombreux. Ce sont les personnages importants et vénérés; un véritable culte est rendu à la terre par leur intermédiaire; cette croyance est très compréhensible chez des populations uniquement agricoles et très attachés au sol.
Cette religion est générale en pays Djimini et Tagouana dans les deux subdivisions de Dabakala et de Darakolondougou." (42)
Cette tradition demeure en Haïti où ces "Chefs de la Terre" sont nommés Mèt Bitasyon, c'est-à-dire, les Maîtres de l'Habitation. Et leurs descendants sont respectés, voir vénérés, à la manière des Sénoufo. Au point qu'il existe parfois des abus, comme le souligne cet auteur :


 "Mais, au-delà de l'avantage mentionné, j'ai eu aussi le malheur d'avoir vécu intimement au quotidien le gouvernement de ces êtres-dieux, ces grands et petits notables, paysans aux mains blanches « qui ne travaillent pas de leurs mains »,  conscients et confiants en leur toute puissance sociale, mystique et économique en tant que serviteur [chef spirituel traditionnel] et fils de Mèt bitasyon « maître de l'habitation », héritiers et gérants temporaires de la terre des loas. Ils exercent leur pouvoir absolu et arbitraire de vie et de mort sur leurs nombreuses femmes, leurs troupeaux d'enfants, leurs travailleurs, leurs hounsi « serviteurs » et les gens ordinaires de la localité. Ils règnent chacun dans leur lakou considérés comme leur petite république, autrefois et peut-être aujourd'hui encore, souveraine et indépendante." (43)
Les Mèt Bitasyon sont surtout des défunts divinisés encore collées à leur terre. Les pratiquants les saluent quotidiennement dans les prières et chansons sacrées telles celles-là :


M anonse, Mèt Bitasyon, konnen mwen la e,
Anonse, papa Legba, konnen mwen la e,
Lavi a voye jete o, mwen la, o Legba, a Legba,
Alegba e, konnen mwen la e.

Traduction :
Je salue Mèt Bitasyon [le Maître de la Terre], vois comme je suis présent,
Je salue, Papa Legba, vois comme je suis présent,
La vie me maltraite, je suis présent, oh Legba, ah Legba
Alegba eh, aies l'assurance de ma présence.

En plus du rôle prédominant des Chefs de Terre et l'emphase mise sur la Terre-Mère, Haïti a conservé également un conte sénoufo concernant la création du monde. Il s'agit, très rapidement, du conte sénoufo du chasseur Safazani, dans un temps où tous les serpents furent chassés jusqu'au dernier. Safazani s'était rendu à la demeure du dernier serpent pour le tuer. Le serpent s'est mis a chanté, lui demandant de ne pas le tuer. Il fit le contraire. Le serpent, quoique mort, chanta, exhortant, sans succès, Safazani le chasseur de ne pas le découper. Ainsi de suite. Puis, après la dégustation, le ventre de Safazani gonfla de manière démesurée, ce qui le força de boire au fur et à mesure. Et il urina et déféqua à outrance, formant ainsi les montagnes et les rivières. Et "c'est ainsi que naquit le pays Sénoufo." (44)
Une version de cette histoire traditionnelle persiste dans les contes haïtiens. Cependant, le serpent est remplacé par un coq chantant dans le ventre du gourmand l'ayant tué, découpé, cuit, puis dégusté. Le comédien Alcibiade fit une adaption radiophonique de ce conte haïtien hérité des Sénoufo. Dans sa version, Alcibiade vola un coq qui fut "arrangé" magiquement par son voisin, le propriétaire. Puis, ce coq magique chanta sans relâche dans le ventre gonflé à l'extrême de ceux qui l'ont consommé.

(Adaptation haïtienne du conte primordial Sénoufo)
Source : Illustration : Plongaye ; Alcibiade. "Yo fè kòk chante nan vant Alcibiade nan vò" ; Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=ijgBp0z5zrk
 
Bref, quoique la tradition des masques n'a pas survécu en Haïti (et dans les Antilles), celle des sociétés initiatiques telles le Poro des Sénoufo s'est bien gardée. Les valeurs spirituelles, régulatrices et morales que sauvegardaient Poro ont également été maintenues et adaptées au contexte colonial dominguois et postcolonial haïtien. Et l'islam n'en fait pas partie.
 

4.3 - Les Sénoufo, la Nanchon Kaplawou et les vèvè

Les Sénoufo de l'actuel Côte D'Ivoire ont également leur place dans les vèvè haïtiens. Nombre de Taguanas en provenance de Katiola, et de Djimini provenant de Dabakala, furent conduits de force, via les cours d'eau, jusqu'au port négrier de Cap Lahou (l'actuel Grand-Lahou).




(Les 2 principales villes ivoiriennes sénoufo et le port négrier de Grand-Lahou)
Sources : https://en.wikipedia.org/wiki/Katiola ; https://en.wikipedia.org/wiki/Dabakala ; https://en.wikipedia.org/wiki/Grand-Lahou

De ce point (Cap Lahou), ils furent embarqués vers les Amériques. Et arrivés à Saint Domingue, ils étaient regroupés avec l'ensemble des captifs (esclaves) de la région sous l'appellation générique de Caplaou (Capelaou, Caplahaoux, Capelao, ou Caplaon). Cette appellation perdura dans le rituel haïtien dans lequel existe la Nation sacrée ou Nanchon Kaplawou.
Voici un vèvè du Lwa Kaplawou. Aucun élément islamique là-dedans :


(Vèvè de Kaplawou, en Haïti)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.537.

La pintade, le symbole et l'offrande par excellence du Lwa Kaplawou, reste encore de nos jours, en pays sénoufo, en Côte d'Ivoire, l'animal sacrificiel de choix pour les divinations et les sociétés initiatiques Poro.**** Associé au luxe par le grand public offrant les sacrifices, cet animal joue un rôle crucial dans le mysticisme et dans la culture sénoufo at large :


(Statue de femme Sénoufo coiffée en forme de pintade, en Côte d'Ivoire)
Source : Africa Direct, 2015. ; Lien permanent : https://www.etsy.com/ca-fr/listing/559172632/maternite-senoufo-figure-stand-de-cote?ga_order=most_relevant&ga_search_type=all&ga_view_type=gallery&ga_search_query=senufo&ref=sr_gallery-3-8




(Femme Sénoufo coiffée en forme de pintade)
Source :  Hans Himmelheber. Negerkunst und Negerkünstler. Braunschweig, 1960. p.64 ; Lien permanent : https://www.pinterest.fr/pin/420171840214932772/

Au niveau éducationnel, la pintade pond ses oeufs par-ci par-là, et les couve très rarement. Les Sénoufo placent donc ces oeufs de pintades sous les poules couvant. Et ainsi, les pintadeaux, une fois éclos, suivent les mères poules au milieu des poussins. Pour les Sénoufo, cette situation singulière illustre l'éducation des enfants qui incombe non pas à la mère, mais au village tout entier.


(Représentation d'une mère Sénoufo)
Source : Africa Direct, 2015.

Sur le plan mystique, les Sénoufo, membres des sociétés initiatiques Poro, s'attardent sur le fait que les pintadeaux quittent toujours la compagnie des poules, pour rejoindre leur espèce. Cela symbolise le ou la jeune Sénoufo qui, après l'initiation, se détachera du lot des mortels pour tracer son propre chemin. Cette coiffure sénoufo en forme de pintade, réservée aux initiés (femmes et hommes), témoigne de ce changement de cap spirituel. (45)


(Statues de femme et d'homme sénoufo coiffés en forme de pintade)
Source : https://www.etsy.com/ca-fr/listing/541550613/paire-de-main-sculptee-de-figures-en

Finalement, la pintade, en terre sénoufo, est reliée à la beauté féminine. (46) Mais aussi bien à la ruse :
"En pays sénoufo, la pintade est très rusée." (47)
La ruse est également attribuée à la pintade en Haïti où :
"La pintade, difficilement apprivoisable, exprime ainsi dans la conscience historique une relation totémique la liant aux esclaves rebelles dont le comportement similaire a défrayé les chroniques coloniales (...) La pintade fait donc partie du mythe fondateur de la nation haïtienne. Hautement symbolique, elle possède des qualités singulières : ruse, habileté, dissimulation, rapidité, instabilité... Elle a un côté désagréable, dit-on, par ses cris incommodants et demeure une libertaire très encline au vagabondage. « Faire la pintade », c'est savoir se dissimuler, se faire oublier, comme l'exprime un dicton haïtien relatif à son éthologie. Le passage d'une lettre du capitaine-général Leclerc (beau-frère de Napoléon Bonaparte, chargé de l'expédition de Saint-Domingue), consacrée au rebelle Dessalines, en dit long sur la perception de l'animal en 1802 : «Colonel, depuis que je suis ici, je vis dans une espèce d'inquiétude, la même que celle qui hante Dessalines; ne dit-on pas de lui qu'il est aussi inquiet qu'une pintade poursuivie par un regard ? Entre lui et moi, les rapports évoluent, plus le temps passe, plus je ressemble moi-même à une pintade en proie à un renard nommé Dessalines »." (48)
D'ailleurs, il est intéressant de constater que Boisrond-Tonnerre ayant rédigé l'acte d'indépendance d'Haïti, compara également à la pintade Jean-Jacques Dessalines dont il est le secrétaire :
"Il [Dessalines] reçut de chacun les félicitations les plus captieuses pour tout autre que pour un homme qui, comme lui, joignait l'inquiétude de la pintade à la finesse du renard..." (49) 
Ainsi, indépendante de caractère et très rusée, la pintade symbolise le marronnage, la liberté et la Révolution haïtienne, qui fut traditionaliste. Se prétendant le prolongement de cette Révolution haïtienne, le régime Duvalier fit de la pintade son emblème national. Mais, quoique la chute des Duvaliers porta ombrage à la pintade auprès des Haïtiens, ce noble symbole traditionaliste rebondira sûrement. Car, selon un conte haïtien, nombreux furent ceux qui essayèrent d'éliminer, sans succès, la pintade. D'ailleurs, Dieu lui-même n'arriva pas à la tuer.*****


5- Les icônes traditionnels et l'héritage sénégalais

La contribution traditionaliste sénégalaise au rituel haïtien doit se classer parmi les plus sous-estimées. Du lot des Sénégalais transportés de force à Saint Domingue, se trouvaient des Wolof (dits Yolof, Jolofe, Yolef ou Guiolophe à Saint Domingue). (50) Et il y avait des Peuls (dits Poulard, Poular, Poula ou Foulany à Saint Domingue), peuple nomade étendu à travers l'"Afrique" de l'Ouest et dont l'origine sénégalaise de certains fut confirmée. (51) Il y avait aussi des Sérères (écrit "Serrere" à Saint Domingue) (52) Et il se trouvait aussi bien des Diola (dits Diola, Guiola, Jalla ou Ajamat à Saint Domingue). (53) Quant aux autres ethnies sénégalaises, notamment les Toucouleurs, elles figuraient dans l'appellation générique "Sénégalais" ; une appellation qui amena à Saint Domingue un héritage culturel et spirituel large, complexe et diversifié.
Les révisionnistes malhonnêtes prétendent désormais que le Sénégal fut un "territoire islamique" à l'époque de la colonie de Saint Domingue :
"The mystical quadrille appears on flags and veve (...) It appears as well on the veve for the lwa (spirit) Boussou Sinbi, a lwa of the "Fanmi Senigal," again from Islamic territory, and on the costume for this lwa..." (54)
Traduction :
"Le quadrille mystique apparaît sur des drapeaux et veve (...) Il apparaît aussi sur le veve du lwa (esprit) Boussou Sinbi, un lwa du "Fanmi Senigal", toujours du territoire islamique, et sur le costume de ce lwa..."
Si de nos jours, au 21e siècle chrétien, le Sénégal est un pays musulman, ce fut loin d'être le cas par le passé. Car du temps de la colonie de Saint Domingue, et même suite à l'indépendance d'Haïti de 1804, la forte majorité des ethnies sénégalaises était traditionaliste, particulièrement les Diola, le dernier peuple d'"Afrique" de l'Ouest à se convertir à l'islam. Cette ethnie située au Casamance, au Sud du Sénégal, a maintenu sa pratique ancestrale jusqu'à la deuxième guerre mondiale (20e siècle chrétien) :
"While Muslims and Christians have been in contact with the Diola at least since the fifteenth century, there were few conversions before the late nineteenth century. On the north shore of the Casamance River, where contact with Islam was both earliest and most violent, many Diola have embraced Islam and, to a lesser extent, Christianity. The growth of these new religions, however, had to await the firm establishment of colonial rule and the growth of commerce in peanuts before gaining dominance over the traditional religion. On the south shore, the vast majority of the population resisted the advance of Islam and Christianity until after World War II. While Christianity has made substantial inroads, Diola religion remains dominant." (55)
Traduction :
"Alors que les musulmans et les chrétiens ont été en contact avec les diolas au moins depuis le XVIe siècle, peu de conversions ont eu lieu avant la fin du XIXe siècle. Sur la rive nord de la rivière Casamance, où le contact avec l'islam était à la fois le plus ancien et le plus violent, de nombreux Diola ont embrassé l'islam et, dans une moindre mesure, le christianisme. Cependant, la croissance de ces nouvelles religions a dû attendre la mise en place ferme de la domination coloniale et la croissance du commerce dans les arachides avant de prendre le dessus sur la religion traditionnelle. Sur la rive sud, la grande majorité de la population a résisté aux progrès de l'islam et du christianisme jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Alors que le christianisme a fait des incursions substantielles depuis ce temps, la religion Diola reste dominante."
D'ailleurs, au Sénégal, comme ailleurs en "Afrique" de l'Ouest, la religion traditionnelle résista à l'islam jusqu'à sa période coloniale vers la fin du 19e siècle chrétien, (56) soit des décennies après l'indépendance d'Haïti. Voici un vèvè d'Èzili Sinigal dite "femme blanche". Comporte-t-il des quadrilles issues de planches coraniques, ou tout autre symbole islamique?


 (Vèvè d'Èzili Sinigal, dite "Femme blanche")
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.218.

Donc, rien d'islamique à signaler dans ce vèvè d'Èzili Sinigal. Et c'est tout à fait normal, car durant la période précoloniale, uniquement une mince couche dirigeante avait choisi l'islam, en "Afrique" occidentale. (57) Ainsi, Haïti, étant indépendante en 1804, et l'importation de captifs (esclaves) y étant stoppée dès 1791, la Nation ethnique sénégalaise ou Nanchon Senegal devait être constituée principalement de Sénégalais traditionalistes.


5.1- Les Sénégalais et les mots arabes

Méprisant les faits encombrants, les pseudo-historiens clament la contribution linguistique islamique en provenance des membres de la Nanchon Senegal (dite Sinigal, Senigal, Seneka, Senega, Senego, Sinigal, etc. en Haïti) :
"A mambo reports that the lwa Senego says "As salaam aleikum" and that the phrase "a salaam alay" occurs in songs for Kongo lwa. Joan Dayan reports that an houngan in the Bel Air district of Port-au-Prince greeted her with "Salam Alechem." When asked about the saluation he replied that it was lagaj: that is, the liturgical language that includes a host of words from West Africa (Dayan 1995 xv).
The first captives brought into St.-Domingue were from Islamicised polities in what is now Senegal. Many later arrivals were also from the several parts of Sub-Saharan African that had been Islamicised from the ninth century. Islam required literacy coupled with the concomitant virtues of memorizing and being able to write out the Qu'ran, venerated both as scripture and as holy object. Moreover, there was widespread use of combined algebraic, geometric and calligraphic elements in divinations and in the making of hatumere - the healing and protection amulets." (58)
Traduction :
"Une mambo rapporte que le lwa Senego dit "As salaam aleikum" et que l'expression "a salaam alay" apparaît dans les chansons de lwa Kongo. Joan Dayan rapporte qu'un houngan du quartier Bel Air de Port-au-Prince l'a saluée avec "Salam Alechem". Interrogé sur la salutation, il a répondu que c'était lagaj: c'est-à-dire le langage liturgique qui comprend une foule de mots de l'Afrique de l'Ouest (Dayan 1995 xv).
Les premiers captifs amenés à Saint-Domingue provenaient de régimes islamisés dans ce qui est aujourd'hui le Sénégal. Beaucoup de ceux arrivés tardivement provenaient également des différentes parties de l'Afrique subsaharienne qui avaient été islamisées à partir du IXe siècle. L'islam exigeait une alphabétisation doublée des vertus concomitantes de la mémorisation et de la capacité d'écrire le Coran, vénéré à la fois comme écriture et comme objet sacré. De plus, il y avait une utilisation généralisée des éléments algébriques, géométriques et calligraphiques combinés dans les divinations et dans la fabrication de hatumere - les amulettes de guérison et de protection."
Les Sénégalais furent effectivement parmi les premiers peuples débarqués sur l'île d'Hispaniola regroupant aujourd'hui Haiti et la République Dominicaine. Toujours, ce fut du temps des Espagnols qu'il ne faut pas confondre avec la colonisation tardive des Français dans la portion Ouest de l'île alors abandonnée depuis plus d'un siècle par les Espagnols. Et lorsque les Français ont débuté l'importation de captifs (esclaves) à Saint Domingue dès 1679, parmi les premiers captifs, il se trouvait des "prises" de multiples pays, y compris du Sénégal. Donc, les Sénégalais n'étaient pas prédominants à Saint Domingue français, comme ce fut le cas dans leur importation initiale dans la partie espagnole au 16e siècle chrétien.
Mais, advenant qu'il ait eu une certaine contribution linguistique sénégalo-islamique, quels furent son poids et sa portée? Minces et superficiels :
  • La spéculation d'une salutation de courtoisie en langue arabe : "Asala Malekum", si véridique, probablement issue du contact de certains Sénégalais avec les Maures, de qui une simple rivière sépare.
  •  L'ajout de "Marchallah", un mot magique de plus dans l'inventaire des centaines de mots magiques, cabalistiques, bibliques et exotiques des traditionalistes haïtiens.
Donc, 2 petites entrées linguistiques arabes marginales, tout au plus. Là une contribution nettement trop faible pour influencer le cours d'une pratique aussi riche que le rituel haïtien. D'ailleurs, au sein du rituel haïtien, la Nation ou Nanchon Sinigal, pourtant majoritairement traditionaliste, ne représente qu'une parmi 21 Nanchon, ou qu'une parmi 101 Nanchon, ou plus.
Le vèvè suivant, illustrant un infirme échantillon du rituel haïtien, figure la Nanchon Sinigal comme l'une parmi 4 Nanchon dont Petro blan (ou Fran Petro), Kaplaou et Anmin.


(Vèvè à plusieurs Nations sacrées dont Sinigal)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.534.

D'ailleurs, le vèvè néglige les nombreuses autres Nanchon telles que les Nago, Kongo, Dawomen, Ibo, Wangòl, etc. dont la contribution traditionnelle aurait diluée un contenu musulman sénégalais minoritaire.


5.1.1- L'islam et l'écriture au Sénégal : la vérité

Nous devons effectuer un mis au point rapide sur l'islam et la diffusion de l'écriture en "Afrique" noire ; au Sénégal plus particulièrement. Par propagande, les révisionnistes adorent associer islam et écriture. Ils ne manquent jamais une occasion pour étaler à quel point l'islamisation sema l'écriture chez les Noirs. Mais, a-t-on jamais vu un révisionniste détailler l'étendu réel de la dispersion de cette écriture arabe? Dans leur éloge de l'islam "civilisateur", ils ne diront jamais que les filles étaient exclues de l'éducation. Ce qui rangea automatiquement plus de la moitié d'une population noire islamisée dans le nombre des illettrés. Et lorsque l'on prend en compte les non islamisés (par défaut illettrés), alors on comprend qu'à aucun moment l'islam n'a répandu l'écriture à la majorité d'une population noire.
Lisons ce qu'un auteur de la région dit sur les sources (au pluriel) de l'écriture au Sénégal :
"Mais le Sénégal apparaît aussi comme une terre de synthèse où s’élabora pendant plusieurs siècles et s’élabore encore de nos jours une véritable symbiose culturelle, la culture de l’occident et celle de l’Orient arabe se mêlant à la sienne propre.
En effet, les influences arabo-islamiques, notamment celles des Almoravides à partir du XIIe siècle, après la destruction de l’empire du Ghana et les invasions qui s’ensuivirent en Afrique au sud du Sahara, puis, à partir des XVIIIe et XIXe siècles, celles de la conquête coloniale apportèrent l’écriture à une civilisation dominée par l’oralité, mais qui ne s’en exprimait pas moins à travers ses masques, ses oeuvres d’art, ses totems, ses objets du culte, ses monuments funéraires, ses pangols et ses bois sacrés." (59)
Ainsi, si l'islam apporta l'écriture au Sénégal dès le 12e siècle chrétien, sa dispersion fut limitée. Il a fallu attendre 7 siècles, soit la conquête coloniale chrétienne à partir du 18e, mais surtout au 19e siècle chrétien, pour que l'écriture s'installa véritablement au Sénégal et ailleurs en "Afrique" de l'Ouest. Et ce fut plus ou moins après qu'Haïti soit indépendant.

5.2- Le Royaume sénégalais du Walo et l'héritage Wolof

Généralement classée sous le générique "Sénégalais", la présence de l'ethnie sénégalaise wolof fut de temps à autres spécifiée dans les communications dominguoises. Cette annonce-si fait mention de 3 fugitifs Yolof :


"Julien, Alexandre & Cristophe, Nation Yolof, âgés d'environ 30 ans, étampés V. GUARIN, au-dessous NIPE, marrons du 18 du mois dernier ; on présume qu'ils pourraient être dans le quartier d'Acquin, ou dans celui du Fonds-des-Nègres, ayant traversé la montagne du Rochellois. En donner avis à la nommée Victoire Guarin, Q. L. Habitante à Nipes, à qui ils appartiennent, ou à M. Mouëssard, Habitant audit quartier; il y aura récompense." (60)

Cette présence wolof a, bien entendu, laissé des traces tenaces dans tous les sphères de la vie haïtienne. Au niveau linguistique, la langue wolof (traditionnelle) a rempli un rôle crucial dans la structure du Créole haïtien :
  • Pour marquer le pluriel, l'Haïtien placera "yo" après un mot. C'est là une déformation de "you", un des marqueurs de pluriel en langue wolof. On l'ajoute, dans le Wolof, après un mot jugé proche de distance :
"Au pluriel, quelle que soit l'initiale du mot, l'article commence constamment par y, et l'on dit ya, yi, you, suivant que l'objet est éloigné, présent ou proche ; exemples : marreya, les ruisseaux éloignés ; mptithieyou, les oiseaux proches, etc., et toujours cet article est ajouté à la fin du mot." (61)
  • De même, la formation du singulier dans le Créole haïtien vient du Wolof via les articles "la" et "a" ("lan", "an" ou "nan") qui sont placés après le mot. (62)
  • Le Wolof a également fourni "ak", voulant dire "avec", au Créole haïtien. (63) Certains Haïtiens diront "ak" ou "ake" pour signifier "avec" ou "et". 
  • D'ailleurs, l'adverbe créole "fèk" (ou "fenk") vient du Wolof "fèk" qui indique ce qui vient juste d'arriver. (64)
On pourrait citer d'autres mots créoles d'origine wolof. Mais concentrons-nous sur le linguistique religieux haïtien. Un nombre restreint de mots wolofs appartiennent au lexique traditionnel haïtien. Mais ces mots sauvegardés ne sont guère anodins. Ils symbolisent l'origine et l'identité wolof, à savoir "Walo" et "Brak".


5.2.1 - Walo ou Waalo

Le Royaume sénégalais du Walo, Waalo ou Ouallo (1287-1855) fut composé principalement de Wolofs et de Peuls. Quoiqu'islamisés en surface depuis le 16e siècle, l'islam s'installation par vagues chez les Wolofs. Il pénétrât la masse wolof qu'au cours du 18e siècle chrétien, lorsque celle-ci a voulu par ce moyen se protéger de la traite esclavagiste. (65) Ainsi, vu que l'esclavage, grace à la Révolution haïtienne, n'atteigna pas le 19e siècle chrétien à Saint Domingue, la majorité des Wolofs déportés sur cette île n'était pas encore musulmans. Ces Wolofs vénéraient encore leurs Divinités ancestrales qu'ils nommaient Raab.


  
(Royaume de Waalo et les peuples sérère et wolof)
Source : G. G. Beslier. Le Sénégal. L'Antiquité. Les Arabes et les Empires noirs. La Colonisation européenne du XIVe au XVIIe siècle. L'Ere négrière. Paris, 1935. p. 30. ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Waalo#/media/File:EthniesS%C3%A9n%C3%A9gal.jpg

On retrouve le mot "Walo" au coeur du rituel haïtien sur la forme de "Walo" ou Wèlo. Il est ajouté au nom de plusieurs Lwa comme un marqueur d'appartenance : Wida Walo, Agasou Wèlo, Ti Pyè Walo, etc. Voici le vèvè du Lwa Ti Pyè Walo dans lequel rien ne reflète l'islam :


(Vèvè de Ti Pyè Walo)
Source :  Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.554.


5.2.2. - Brak, Barka, Barak, Brakè

Cette annonce datée du 19 novembre 1766 dénote un captif (esclave) sénégalais du nom de Barqua :


"Un Nègre Sénégalais, nommé Barqua, étampé P. PATRICOT, se disant appartenir à M. Patricot, habit. au Quartier-Morin" (66)
Barqua (Barka), le nom de ce Sénégalais captif (à ne pas confondre avec Baka, un mot du Créole haïtien désignant un peuple pygmée d'"Afrique" Central) est relié à la Royauté sénégalaise :
"C'est du nom de Barka Mbôoj que procède le mot Barak désignant le souverain du Waalo. (...) Au Waalo notamment, après que le Seb ak Bawar a procédé à l'élection du barak (roi)..." (67)
Ainsi, du nom du Roi Barka Mnôoj découle Barak ou Brak, titre du Souverain des Royaumes sénégalais de Waalo et de Beffeche.


(Royaume de Walo (Ouaille) ou de Brak)
Source : Guillaume Deslisle : Sénégambia, 1707 ; https://en.wikipedia.org/wiki/Waalo#/media/File:Guillaume_Delisle_Senegambia_1707.jpg

Le Roi de Waalo était donc divinisé, une pratique traditionnelle, puisque la tradition haïtienne maintiendra la vénération de son titre via le Lwa Barak ou Barako :


Èzili Je Wouj o, se yon Lwa Barak o
Mapou tonbe, kabrit manje fèy nan petwo
Adye, Ezili Je wouj o, si m pran w, m a devore w.

Traduction :
Èzili Je Wouj oh, c'est une Lwa Barak oh
L'arbre mapou est tombé, le chèvre mange les feuillages dans le rite petwo
Adye, Èzili Je Wouj oh, si je t'attrape, je te dévorerai.


Comme le dévoile les chants sacrés, Barak est régulièrement associé à Èzili Je Wouj (Èzili Aux Yeux Rouges), une Lwa de filiation sénégalaise qui symbolise l'amour débordant de jalousie qui fait rougir les yeux :
Barak, Barak o
M pa renmen yon fanm ki jalou twòp o
Men si m jwenn yon fanm ki jalou twòp pou Ézili Je Wouj
Barak, kondi m ale, anba bila.
Traduction :
Barak, Barak oh
Je n'aime pas les femmes trop jalouse
Mais si je prends une femme qui est trop jalouse au goût d'Èzili Je Wouj
Barak, envoies-moi à Bila.

Voici l'un des Vèvè d'Èzili Je Wouj, l'associée de Barak. Toujours rien d'islamique de déceler :
 (Vèvè d'Èzili Je Wouj associée à Barak)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p..234.

De notre connaissance, le titre royal sénégalais est retenu par latradition haïtienne qu'à travers 2 dérivés : Barak, Brakè. La Lwa Èzili Barako (Èzili Dantò ou Èzili Boran), appartenant à la même famille qu'Èzili Je Wouj, est la mère du Lwa/Jany Ti Jan Dantò, dit également Jan Brakè. Ce pourquoi, on associe également "Yaye" à Èzili Dantò, un mot sénégalais (Wolof) signifiant "Mère".
Voici un chant sacré d'Èzili Dantò qui illustre à la fois son statut maternel et sa filiation sénégalaise :


Yaye o, Yaye
Èzili kanpe nan baryè a, li pa sa antre.
Traduction :
Yaye oh, Yaye
Èzili se tient devant la barrière, elle ne peut entrer.

Maintenant, observons l'un des Vèvè d'Èzili Dantò (Barako). Pas l'ombre d'un élément musulman à l'horizon :


(Vèvè d'Èzili Dantò associée à Yaye)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p..226.

Il faut remarquer que la Lwa/Jany Èzili Dantò (Èzili Barako) et son rejeton Tijan Dantò (ou Tijan Brakè) précèdent l'établissement du Royaume sénégalais du Walo (1287-1855). Mais nous n'avons pas l'espace nécessaire pour développer ce point dans cet article.


5.3- Walo et l'héritage peul sénégalais

L'ethnie nomade peule (composant la Nation ou Nanchon Foula en Haïti) habitait dans l'ensemble des pays de l'"Afrique" de l'Ouest, incluant le Sénégal. Comme nous l'avons préalablement signalé, une portion des Sénégalais peuls a été débarquée à Saint Domingue, et est donc incluse à la fois dans la Nation ou Nanchon Sinigal et dans la Nanchon Foula.
Les Sénégalais de l'ethnie peule dite foula en Haïti, ont également contribué au rituel haïtien. Et cette Nanchon Foula préislamique avait Geno pour Dieu Créateur, et ses Divinités se nommaient Ghimbala (Guimbala). Et lorsqu'un Ghimbala prenait momentanément possession du corps de quelqu'un, les Peuls traditionalistes (autant que ceux de l'ethnie Haoussa) disaient que le Ghimbala "chevauchait" son "cheval", la personne possédée. Cette coutume est bien demeurée dans le rituel haïtien où l'on désigne "chwal" (cheval), les pratiquants en transe.
Et pareil aux Dahoméens, le Serpent sacré était au centre du culte traditionnel des Peuls qui le vénéraient sous le nom de Tyanaba ou Caanaba. D'ailleurs, en "Afrique" de l'Ouest, le Serpent sacré symbolise l'ensemble des cultes traditionnels préislamiques. Que ce soit le culte ancestral des Dogons, des Peuls ou des Haoussa chez qui "un énorme serpent, animal mythique représentant le pouvoir dans les royaumes sahéliens animistes." (68)
Et Caanaba, ce Serpent sacré peul est primordial de fait. Les fresques préhistoriques qui suivent illustrent le Serpent Tyanaba en relation avec les troupeaux de l'ethnie pastorale peule :








(Fresques du Serpent sacré (Tyanaba ou Caanaba) des Peuls)
Source : Lhote H. "Les peintures pariétales d'époque bovidienne du Tassili. Éléments sur la magie et la religion." In: Journal de la Société des Africanistes, 1966, tome 36, fascicule 1. pp.7-28; doi : 10.3406/jafr.1966.1402 http://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1966_num_36_1_1402

Et le parcours des Peuls provient des traces laissés par le Serpent primordial. Selon le récit spirituel de ce peuple nomade traversant l'"Afrique" de l'Ouest avec ses précieux troupeaux, lors de la création du monde, le Serpent sacré Tyanaba (Caanaba) a entamé son parcours au Sénégal, avant de séjourner au lac Débo au Mali :


(Lac Débo, Mali)
Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/cb/AT0903_map.png

Sans grande surprise, sur le lac Débo, le traditionaliste haïtien est en terrain familier. Car, on y trouve, non seulement des cases de l'ethnie pécheur Bozo, appartenant aux peuples de langues mandingues ; mais également, on aperçoit une pirogue (vraisemblablement d'un passeur de l'ethnie Bozo) décorée d'un icône répertorié dans les vèvè haïtiens :


(Pirogue à symbole traditionnel sur le lac Débo au Mali)
Source : https://www.google.ca/maps/uv?pb=!1s0xe3ec2c4150336cd%3A0xbe010d30bd5c61f5&hl=fr-CA&imagekey=!1e10!2sAF1QipPzgWv_2JXJ7wAAPWzyBpc3zRl_I7XBHTUHL3gU

Voici des vèvè faisant usage du même symbolisme :


(Vèvè de Legba Atibon en Haïti)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.207.


(Vèvè de Kafou en Haïti)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.206.


(Vèvè de Kafou Man en Haïti)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.198.

Nous voyons qu'en explorant la piste des Guimbala, ces Divinités ancestrales des Peuls (sénégalais ou autre), nous demeurons dans l'univers traditionaliste, et non dans l'islam. D'ailleurs, "Samba" (Sam-Ba) un prénom d'origine peul populaire, est issu du nom du Serpent sacré Cyanaba (Cyana-Ba). (69) Et "Sanmba", dans la langue haïtienne, désigne un maître-chanteur traditionnel et/ou un grand officiant. Finalement, le mot "Peul", nom de ce peuple nomade très répandu, provient de "Pullo" (Poulo), qui est le singulier de "Fulbe" (Foulbé). Ce dernier mot dérive de "Fullade" (Fouladé) qui, dans leur langue pulaar, signifie "éparpiller, disperser au souffle". (70) Dans le rituel traditionnel haïtien, "Foula" conserve le même sens. Il désigne à la fois l'ethnie ou Nation sacrée Foula, et la pratique des grands officiants de "foula" des liquides tout au long des cérémonies ancestrales.


5.4- Les Sérères et le rituel haïtien

Les Sérères du Sénégal étaient du nombre des captifs (esclaves) à Saint Domingue :


"Deux Négresses, nation Serrere, sans étampe, l'une nommée Lisette, âgée de 20 à 25 ans, ayant deux ou trois dents de manque à la machoire inférieure, jolie de figure, & l'autre nommée Julie, du même âge, ayant les oreilles déchirées en deux endroits, & des marques de son Pays sur la tempe, sont marones depuis le 10 de ce mois. Ceux qui les reconnaîtront, sont priés de les faire arrêter, & d'en donner avis à la nommée Marthe de Brache, Quarteronne libre, demeurant au Port-au-Prince." (71)
L'ethnie Sérère était particulièrement traditionaliste, au point que l'on écrive ceci d'eux aussi récemment qu'en 1973 :
"Pour les Sérèr fidèles à leur vision traditionnelle du monde, et ce sont les plus nombreux, qu’ils soient animistes, musulmans ou chrétiens, l’univers est perçu comme un tout organique, à la fois visible et invisible. (...) Au monde invisible appartiennent tous les êtres d’ordre spirituel : Rôg Sèn, l’être suprême, maître de l’univers ; les Êtres spirituels intermédiaires entre Dieu et l’homme, et en particulier les Pangol, qui polarisent souvent la pensée religieuse et le culte religieux sérèr." (72)
Et ces Sénégalais traditionalistes ont fourni, notamment les cultes des Pangol (pluriel de Fangol). Ces Divinités Sérères, (dit Pangòl en Haïti) sont toujours honorées dans les prières ancestrales haïtiennes. Et les Pangol représentent des Serpents entrelacés. Donc, au même titre que Mbumba (Boumba en Haïti), le Serpent Arc-en-ciel sacré des Yombé du Congo, Caanaba (ou Tyanaba) celui des Foula, Dan, Dambada et Aïdo Hwédo des Dahoméens, ils ont une part dans la confection du vèvè haïtien suivant :
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.176.

Voici le yoonir, l'étoile initiatique sérère :

Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Pangool#/media/File:Five_Pointed_Star_Lined.svg

C'est à l'aide de cette même étoile sérère que certains Manbo et Houngan, ces grands officiants traditionnels haïtiens, signent les vèvè qu'ils dont ils ont terminé l'exécution :
Source : Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. p.164.

Il faut savoir que les Sérères (ne sachant lire en langue occidentale) signaient également leur nom à l'aide de cette étoile yoonir :
"Comme l'indique son nom en sereer, l'étoile de l'univers remplit une fonction de viatique. Elle est pour les Sereer un signe d'identificaction culturelle. Aujourd'hui encore, les Sereer qui ne savent pas écrire signent de cette étoile des documents officiels. [GRA 1990.]" (73)
 Voici cette étoile sacrée sérère au coeur du vèvè de Milokan (le symbole de l'ensemble des Lwa) :
Source : Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. p.165.

Voila l'étoile sérère représentée à Souvenance, un temple traditionnel haïtien de renom :


(L'étoile sérère dans le temple Souvenance aux Gonaïves)
Source : Norluck Dorange. "Souvenance : entre le souvenir et la mémoire". In : Haïti en marche, du Mercredi 2 avril 2008, Vol. XXII, no 10, p.10.

Ici, nous retrouvons l'étoile sérère à l'intérieur d'un temple traditionnel situé au Nord d'Haïti :







(L'étoile sérère au Temple Bambara (Sosyete Pierre Dambara) au Cap Haïtien)
Source : "Entretien sur le Vodou haïtien" ; Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=s_QI9_IxgP8 ; Capture d'image: (00:04:53) ; (00:09:53)

Comme nous pouvons le constater, l'apport de la Nanchon Siniga à la religion haïtienne était de nature traditionnel et non islamique.
Et faut également noter que cette étoile nommée yoonir, signifie le "Compagnon" en langue sérère. Il s'agit de l'étoile Sirius qui "accompagne" le voyageur ou le mystique grâce à sa clarté. Elle est vénérée depuis de multiple millénaires en "Afrique" où les Dogons (du Mali) l'appellent Sigi Tolo.

De plus, les Sérères faisaient l'usage de ce symbole :



Ce symbole, tracé au sol durant une grande occasion, cet auteur occidental l'identifie à tort à la croix de Saint-André :
"La croix de Saint-André : Tracée sur la terre, est un symbole de vie humaine, et ce signe est tracé dans les grandes circonstances." (74)
En Haïti, l'acte d'effectuer ce symbole sérère est dit Kwasiyen (Croisigner) :
"Croisignin : Tracer une ou plusieurs croix sur le sol ou sur un objet rituel." (75)
Il prend la forme d'un "X", comme chez les Sérères, ou celle d'un "+", que l'on croyait issu du syncrétisme chrétien, mais provenant en réalité du yowa, le signe Congo (membres des sociétés Lemba) du Carrefour, du mouvement perpétuel des âmes, etc. (76)  :

Source : Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. p.165.


(Vèvè kwasiyen ou croisignés dans le rituel haïtien)
Source : Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. p.178.

Ce vèvè suivant renferme à la fois le "X" et "+",  soit les 2 formes du kwasiyen :


(Vèvè présentant les 2 formes du kwasiyen)
Source : Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953.p.381.

Conclusion

Cet exercice visait à démontrer que les icônes contenus dans les vèvè haïtiens puisaient leur source de l'"Afrique" traditionaliste. Et nous croyons l'avoir amplement démontré grâce à des preuves tangibles et vérifiables, et non par de viles spéculations ou de manigances déshonorantes. Nous avons également insisté, à la lumière des preuves disponibles, sur le fait que la religion musulmane n'a pas influencé les vèvè haïtiens. Et nous croyons également en avoir fait la démonstration.


* Voir Joseph Campbell, Bill Moyers. The Power of Myth. New York, 1991. pp.271-272.
** Gaou Deguenon dit Gaou Ginou, le grand-père de Toussaint Louverture, fut l'un de 2 commandants militaires durant la prise de Savi en 1727. Et il a reçu 1 esclave en signe de récompense de la part du Roi Agadja :
"Quant Agadja en apprit la nouvelle [la prise de Savi], à Allada, il organisa aussitôt une grande fête. Deux estrades en branchages furent construites; auprès d'elles s'agenouillèrent Migan, le premier ministre, et Gaou, le chef de guerre. Le roi remit solennellement un esclave à chacun d'eux, tandis que deux autres esclaves étaient envoyés auprès de nos pères, les prévenir dans l'au-delà du succès nouveau." (77)
Donc, le nom de "Gaou" était le titre de ministre de la guerre. Et non celui d'un roi, comme les faux historiens le  répandent. Le Roi du Dahomey était Agadja, et son successeur fut son fils Tegbessu ; et ainsi de suite. Toussaint Louverture sorti certes d'une lignée noble, mais non royale. Il est natif de l'Habitation Bréda, au Haut-du-Cap (Saint Domingue/Haïti), et non pas d'Allada au Bénin, comme ne cessent de le répéter certains Béninois rapaces, en quête de revenues touristiques et de gloire lourdement acquise par les captifs qu'ils ont jadis vendus. Ce fut donc, comme nous l'avons mentionné, le père de Toussaint Louverture qui a vu le jour à Allada. Pas lui.
*** Melville J. Herskovits (et Frances Herskovits), dans Dahomean Narrative: A Cross-Cultural Analysis. Evanston, 1958. p.409., a présenté "Damballa Hwedo" dans un récit dahoméen. Mais il s'agit là de l'influence du rituel haïtien auquel il était familier, pour avoir publié là-dessus 21 ans auparavant, en 1937.
**** Voir le reportage de RTI (Radio Télévision Ivoirienne) "‪Informel/Korhogo : le poulet et la pintade beaucoup prisés dans le Poro‬", par Charles Tatou et Issa Diallo, posté le 3 janvier 2017 ;  Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=6TWeJ9atUt4
***** Voir "God and the Pintards." In : Zora Neale Hurston. Tell my horse : Voodoo and Life in Haiti and Jamaica. New York, 1990. (1ère édition 1938). pp.259-261.




Notes
(1) Louis Maximilien. Le vodou haïtien: rite radas-canzo. Port-au-Prince, 1945. p.42.
(2) Pour rendre crédible sa révision amérindienne non fondée et raciste, Maya Deren a délibérément confondu les ancêtres des Haïtiens avec ceux des Dominicains noirs. Elle a donc arbitrairement reculé l'arrivée des ancêtres des Haïtiens de 1679 à 1510, soit 169 ans avant les faits archivés. Voir. Maya Deren. Divine horsemen : the living gods of Haiti. Kingston, 1983. p.64.
(3) LeGrace Benson. "Qismat of the Names of Allah in Haitian Vodou". In : Journal of Haitian Studies, Vol 8 No. 2, 2002. pp.160-164.
(4) Carl Gustav Jung. L'énergétique psychique. Genève, 1973. p.99.
(5) Claude Savary. La pensée symbolique des Fõ du Dahomey. (Thèse) Genève, 1976. p.174.
(6) LeGrace Benson. "Some Breton and Muslim Antecedent of Voudou Drapo". In : Textile Society of America Symposium Proceedings Paper 867. 1996. ; Lien permanent : http://digitalcommons.unl.edu/tsaconf/867
(7) Jean Kerboull. Le vaudou : Magie ou religion? Montréal, 1973. pp.93-94 ; 152-153.
(8) Mgr. Paul Guérin. Les petits bollandistes vies des saints de l'Ancien et du Nouveau Testaments. Vol. 16. Paris, 1882. p.183.
(9) LeGrace Benson. Ibid.
(10) Guérin Montilus. Dieux en Diaspora : les Loa Haitiens et les Vaudou du Royaume d"Allada (Bénin). Niamey, 1988. pp.85-86.
(11-12) Auguste Le Hérissé. L'ancien royaume du Dahomey, moeurs, religion, histoire. Paris, 1911. pp.127,  110.
(13-14) Ashem-Tem Kawata. Dictionnaire français-lingala : Bago lingala-falansé. Saint-Pierre-Lès-Nemours, 2003. pp.203, 303 ; 148, 178, 361, 375, 475.
(15-16)  LeGrace Benson. "Some Breton...". Op. Cit.
(17) Gerson Alexis. "Aperçu sur les Mandingues haïtiens." In : Lecture en anthropologie haïtienne. Port-au-Prince, 1970. p.185.
(18) Denis Creissels.  Lexique Mandinka-Français. Lyon,  2011. [En ligne] Lien permanent : http://www.deniscreissels.fr/public/Creissels-lexique_mandinka_2011
(19) Amadou Hampaté Ba. Aspects de la civilisation africaine : personne, culture, religion. Paris, 1972.
(20) Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. p.94.
(21) Voir Jean Kerboull. Le Vaudou : Magie ou religion? Paris, 1973. pp.230, 231, 236, 240, 242, 248 ; Jean Kerboull. Voodoo and Magic practices. London, 1978. (Trad.) p.42.
(22) Melville Jean Herskovits. Dahomey, an ancient West African Kingdom. New York, 1938. Arrière-couverture.
(23) Melville Jean Herskovits. Dahomey, an ancient West African Kingdom. New York, 1938. p.224-225. fig.34.
(24-26) Melville Jean Herskovits. Ibid. pp.31, 224, 229.
(27) T. Fourche, H. Morlighem. Une Bible Noire. Bruxelles, 1973. p.126.
(28) LeGrace Benson. "Some Breton...". Op. Cit.
(29) Milo Rigaud. La Tradition... Op. Cit. p.273.
(30) https://www.convertunits.com/from/carreau/to/hectare
(31) Les Affiches Américaines du samedi 30 juillet 1774. Parution No.30, p.357.
(32) Source : Les Affiches Américaines du samedi 4 Juin 1774.  Parution No.22, p.261.
(33) LeGrace Benson. "Some Breton...". Op. Cit.
(34) Les Affiches Américaines du Mercredi 28 décembre 1774. Parution no.52. p.614.
(35) Les Affiches Américaines du Mercredi 30 janvier 1771. Parution No.5, p.0.
(36) Pascal James Imperato, Gavin H. Imperato. Historical Dictionary of Mali. Lanham. (4th Edition) 2008. p.266.
(37) A. Chartier. "Le Cercle des Tagouanas" In : ‪Renseignements coloniaux, No.11. In : L'Afrique française‬: ‪bulletin mensuel du Comité l'Afrique française et du Comité du Maroc‬, Volume 31. Paris, 1921. pp.249-274.
(38) A. Chartier. "Le Cercle des Tagouanas" In : ‪Renseignements coloniaux, No.12. In : L'Afrique française‬: ‪bulletin mensuel du Comité l'Afrique française et du Comité du Maroc‬, Volume 31. Paris, 1921. pp.282-290.
(39) Assi Agnissan Aubin. "L'introduction de l'élevage bovin chez les Tagbana (Sénoufo du Sud) de la Côte d'Ivoire." In : L'Union pour l'Etude de la Population Africaine. No.27, 1997. ; Lien permanent : http://www.bioline.org.br/request?uaps97027
(40) Encyclopedia of African Peoples‬. ‪Routledge‬, ‪2013. p.184.
(41) Assi Agnissan Aubin. "L'introduction de l'élevage bovin chez les Tagbana (Sénoufo du Sud) de la Côte d'Ivoire." In : L'Union pour l'Etude de la Population Africaine. No.27, 1997. ; Lien permanent : http://www.bioline.org.br/request?uaps97027
(42) A. Chartier. "Le Cercle des Tagouanas" In : ‪Renseignements coloniaux, No.12. In : L'Afrique française‬: ‪bulletin mensuel du Comité l'Afrique française et du Comité du Maroc‬, Volume 31. Paris, 1921. pp.282-290.
(43) Pierre André Guerrier. Pour une haiti moderne, Vol. I. Paris, 2008. p.246.
(44) Voir Françoise Diep, François Moïse Bamba. Aux origines du monde : Contes et légendes du Burkina-Faso. Paris, 2007.
(45) Coulibaly Shighata. "Cosmos Sénoufo et ethnographie d'objets d'art traditionnel Sénoufo, Côte d'Ivoire". [en ligne] posté le 19 juillet 2016 ; Lien permanent : https://fr.linkedin.com/pulse/cosmos-s%C3%A9noufo-et-ethnographie-dobjets-dart-c%C3%B4te-divoire-shighata ; Consulté le 8 janvier 2018.
(46) Claire Polakott. Into Indigo : African Textiles and Dyeing Techniques. New York, 1980. ; Cité par Ronke Luke-Boone. African Fabrics: Sewing Contemporary Fashion with Ethnic Flair. Iola, 2001. p.50.
(47) Marcelle Colardelle-Diarrassouba. Le lièvre et l'araignée dans les contes de l'Ouest africain. Paris, 1975. p.64.
(48) Brice Ahounou. Le coq et la pintade : Symbolisme et culture politique en Haïti. in: Problemes d'Amerique latine. Paris, 1992. p.9.
(49) Joseph Saint-Rémy. Mémoires pour servir à l'histoire d'Haïti par Boisrond-Tonnerre. Paris, 1851. p.45.
(50) Les Affiches Américaines du jeudi 6 décembre 1787. Parution No.97, p.613.
(51) Les Affiches Américaines du jeudi 23 décembre 1790. Parution No.10, p.650.
(52) Voir Les Affiches Américaines du mercredi 19 octobre 1768. Parution No.42, p.343.
(53) Voir Les Affiches Américaines du mercredi 11 juin 1777. Parution No.24, p.178. ; France. "Interrogatoire de la Négresse Assam, du 27 septembre 1757. Extrait des minutes du greffe du Tribunal du Cap." AN, Arch. Col. C9A 102. Annexé dans Carolyn E. Fick. Haïti : Naissance d'une Nation... Montréal, 2014. p.463.
(54) LeGrace Benson. "Some Breton...". Op. Cit.
(55) Robert M. Baum. A religious and social history of the Diola-Esulalu in pre-colonial Senegambia. (Thèse), Yale, 1986. pp.6-7.
(56) Koumbouna Keïta. "Les religions traditionnelles et l'islam comme facteur d'intégration". In : Ethiopiques No. 57-58: Revue semestrielle de culture négro-africaine ; 1er et 2e semestres 1993. Lien permanent : http://ethiopiques.refer.sn/spip.php?page=imprimer-article&id_article=1177
(57) Koumbouna Keïta. Ibid.
(58) LeGrace Benson. "Qismat...". Op. Cit.
(59) Mamadou Seyni M'Bengue. La politique culturelle au Sénégal. Paris, 1973. p.11.
(60) Les Affiches Américaines du jeudi 6 décembre 1787. Parution No.97, p.613.
(61-62) Jean Dard. Dictionnaire Français-Wolof et Français-Bambara : suivi du dictionnaire Wolof. Paris, 1825. pp.xix, xviii-xx.
(63-64) Pierre Anglade. Inventaire étymologiques des termes créoles des Caraïbes d'origine africaine. Paris, 1998. pp.44, 98.
(65) Papa Samba Diop. Archéologie littéraire du roman sénégalais. Paris, 1995. p.48.
(66) Les Affiches américaines du Mercredi 19 novembre 1766. Parution No.47, p.394.
(67) Papa Samba Diop. Op. Cit. pp.73, 127.
(68) Bernard Nantet. Dictionnaire d’Histoire et Civilisations africaines. Larousse, Paris, 1999. p.134.
(69) Oumar Niang. "Les patronymes fulbe (peuls) origine mythique et symbolique". [en ligne] posté le 25 novembre 2017 ; Lien permanent : https://www.ndarinfo.com/Les-patronymes-fulbe-peuls-origine-mythique-et-symbolique-Par-Oumar-NIANG_a20377.html ; Consulté le 10 juin 2018.
(70) "Qui sont les Peuls?" [en ligne] posté le 19 août 2011 ; Lien permanent : https://www.ndarinfo.com/Dossier-Qui-sont-les-Peuls_a955.html ; Consulté le 10 juin 2018.
(71) Voir Les Affiches Américaines du mercredi 19 octobre 1768. Parution No.42, p.343.
(72) Henri Gravrand. "Le Symbolisme Serer". In : Psychopathologie africaine, 1973, IX, 2 : 237-265.
(73) Madiya, Clémentine Faïk-Nzuji. Le dit des signes :  ‪répertoire de symboles graphiques dans les cultures et les arts africains‬. Louvain, 1996. p.62.
(74) Henri Gravrand. Op. Cit.
(75) Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo Haïtien. Paris, 1953. p.421.
(76) Robert Farris Thompson. Flash of the Spirit : African & Afro-American Art & Philosophy. New York, 1983. pp.108-110.
(77) Auguste Le Hérissé. L'ancien royaume du Dahomey, moeurs, religion, histoire. Paris, 1911. p.297.




Comment citer cet article:
Rodney Salnave. "Les vèvè (dessins-rituels) ne sont pas islamiques".
1 janvier 2018 ; modifié le 8 août 2020.  [en ligne] Lien permanent : https://bwakayiman.blogspot.com/2018/01/les-veve-ne-sont-pas-islamiques.html ; Consulté le [entrez la date]


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