Halaou n'était pas musulman

Home   
 

Auteur : Rodney Salnave
Fonction : Dougan (Scribe)
Date : 31 mars 2019 
(Mise à jour : 17 juin 2020)


Un autre héros de la Révolution haïtienne devenu la cible des révisionnistes islamiques, est Halaou. De 1792 à 1794, il commanda une bande armée importante dans la plaine du Cul-de-Sac, aux alentours de Port-au-Prince, dans l'Ouest de la colonie française de Saint Domingue (Haïti). En 1998, la révisionniste Sylviane Diouf fit arbitrairement de lui un chef de bande de fugitifs (marrons) à caractère islamique :
"Saint Domingue, was fecund ground for Muslim maroons and rebels. The island had always had numerous maroon communities. (...) It is not known if some maroon communities were entirely composed of Muslims, but major communities had Muslim leaders. (...) In Cul-de-Sac, an African Muslim named Halaou led a veritable army of thousands of maroons." (1)
Traduction :
"Saint Domingue, était féconde en marrons et rebelles musulmans. L’île a toujours contenu de nombreuses communautés de marrons. (...) Il n’est pas connu si certaines communautés de marrons étaient composées entièrement de Musulmans, toutefois la majorité de ces communautés comprenaient des leaders musulmans. (...) Au Cul-de-Sac, un Africain musulman nommé Halaou mena une véritable armée de milliers de marrons."
Or, les historiens font l'unanimité sur le fait indéniable qu'Halaou et ses frères d'armes étaient des traditionalistes dévoués, ostentatoires et excentriques :
"Les noirs indisciplinés de la plaine du Cul-de-Sac avaient à leur tête l'un d'eux nommé Halaou, qui suivait toutes les pratiques des sortilèges africains. Les superstitions barbares de son pays natal faisaient sa puissance sur les bandes qu'il dirigeait. Un coq blanc qu'il portait constamment semblait à la foule lui transmettre les inspirations célestes. Des sorciers secondaires étaient attachés à ses pas et l'aidaient à faire mouvoir ces masses privées de la lumière." (2)
On envisage mal un guerrier islamique considérant un volaille comme source d'inspiration céleste. Nous allons donc démontrer ici qu'Halaou ne fut pas un musulman, mais un chef de guerre traditionaliste ; et même un grand officiant du culte ancestral.



1- Halaou n'a pas débuté la rébellion dans l'Ouest

Chez les révisionnistes, la tendance est de clamer la religion islamique telle une source de résistance à Saint Domingue. En ce qui à trait à l'avénement d'Halaou, les preuves historiques disent le contraire. Car, en septembre 1791, donc plusieurs mois avant l'engagement d'Halaou, Romaine Rivière, alias Romaine La Prophétesse rebella dans l'Ouest et le Sud. Et il était loin d'un musulman :
"Romaine Rivière, propriétaire, dans les hauteurs de Léogane, d'une petite plantation caféyère, au lieu appelé le Trou-Coffy, situé sur les limites de Jacmel et de Léogane, près du corail de Brach et des Citronniers, avait, dans le débordement des passions, établi un camp sur sa terre. 
Là, se disant inspiré de la Sainte-Vierge, prenant la dénomination de prophétesse, il mêlait au culte qu'un on doit au créateur l'exercice des sortilèges (1).
(1) "Ce griffe,* marié à une mulâtresse, a construit une chapelle et un autel, où il célèbre ses mystères à sa mode ; il met sa tête dans son tabernacle pour y écouter les réponses du Saint-Esprit, fait écrire des lettres à la Saint-Vierge et les réponses de la Sainte-Vierge se trouvent le lendemain dans son tabernacle ; il fait ses méditations et prêches le sabre à la main, enseigne à ses imbéciles prosélytes un doctrine d'où ont résulté les vols, les assassinats, les incendies. Ce scélérat est aussi charlatan, il compose des remèdes, etc." Rapport de Blouet, curé de Jacmel, du février 1792." (3) 
On ne saurait qualifier de musulman Romaine La Prophétesse qui :
  • se travestissait en La Vierge Marie dont il se disait le filleul ;
  • faisait la messe dans une chapelle catholique ;
  • écrivait à la Vierge Marie et au Saint-Esprit qui lui conseillaient ;
  • correspondait par écrire (en Français et non en Arabe) avec l'abbé Ouvrière, son confident.
Romaine La Prophétesse était donc un "pè savann" ou "père de savane", c'est-à-dire un des multiples pseudo prêtres catholiques métissés que l'on a dû interdire dans la colonie dès 1761, suite aux événements de Macandal.
"ARRÊT de Réglement du Conseil du Cap, sur les abus, en matière de Religion, de la part des Gens de couleur.


Du 18 Février 1761.
(...)
... que dans les assemblées desdits Nègres dans l'Eglise de cette Ville, il arrivait souvent qu'il ne se trouvait aucun Prêtre ; qu'alors un d'entre eux avait accoutumé de catéchiser, ou de prêcher les autres ; que ces mêmes Nègres allaient souvent et fréquemment, dans l'étendue de la banlieue, catéchiser dans les maisons et les Habitations, les Nègres, sans y être autorisés ; qu'outre que les vérités et les dogmes de notre Religion pouvaient être altérés dans la bouche d'un Missionnaire de cette espèce... 
(...)
ART. V. Fait défenses à tous Nègres ou Mulâtres libres, et Esclaves, de catéchiser dans les maisons et Habitations ; le tout à peine du fouet." (4)
Les administrateurs considéraient donc ces prêtres auto-proclamés comme une source de désordre religieux et social. Toutefois, Romaine qui entretenait aussi des pratiques traditionalistes,** ne s'était pas révolté par souci religieux. En tant que Créole libre, métissé et propriétaire terrien à Trou Coffy, un conflit avec Joseph-Marie Tavet, un voisin blanc riche, l'aurait incité à se rebeller contre les abus que subissait sa classe. (5) Sans compter que Romaine était royaliste. (6)

 

2- Halaou n'était pas le chef principal des insurgés de l'Ouest

Comme on le sait, à partir d'août 1791, les captifs (esclaves) du Nord de Saint Domingue se sont révoltés de manière générale. 2 ans plus tard, fragilisée par les forces internes et étrangères, la colonie a dû offert la liberté aux captifs (esclaves) du Nord désireux de la défendre. 
Parallèlement, dans les provinces de l'Ouest et du Sud, un soulèvement général n'a pas eu lieu. Mais la paix ne régnait pas pour autant. Dans l'Ouest, combattait Halaou, ces forces s'opposaient :
  • les Pompons rouges : Commissaires français Polvérel et Sonthonax ayant signés l'abolition de l'esclavage en 1793-1794 ;
  • les Anciens libres : Affranchis (principalement Mulâtres libres et Noirs libres) revendiquant l'égalité politique pour leur classe ;
  • les Pompons blancs : Blancs royalistes alliés des forces étrangères (espagnoles et anglaises) envahisseures ;
  • les Nouveaux libres (ou en voie de le devenir) : Créoles restés dans les plantations, et "Africains" insurgés regroupés par ethnies, furent sollicités par tous les groupes opposés.
Halaou était l'un des chefs de bandes armées "africaines" sélectionnés par les Anciens libres. En dépit de ses mérites, Halaou n'a pas initié la révolte dans l'Ouest. Ni ne commanda-t-il l'ensemble des troupes "africaines". Halaou a eu Hyacinthe Ducoudray comme chef suprême. Et celui-ci fut incité et gradé en février 1792 par les véritables instigateurs, les Affranchis : 
"Les habitans du Cul-de-Sac, les vieillards, les femmes et les enfans avaient dû fuir cette plaine pour se porter dans les montagnes des Grands-Bois*** et au Mirebalais. (...) Mais alors les hommes de couleur, fatigués des injustices de tous ces blancs, mirent en usage leur dernière ressource. Ils soulevèrent les esclaves, en leur donnant pour chef un jeune noir intelligent, nommé Hyacinthe, esclave du colon Ducoudray. (...) Dans leurs rangs figuraient des chefs secondaires, tels que Garion Santo, Halaou, Bébé Coustard, trois noirs, et Bélisaire Bonnaire, mulâtre.” (7)
On ne saurait imputer d'affinité islamique aux Affranchis (Noirs et Mulâtres libres) ; particulièrement aux Mulâtres, à cause de la certitude de leur naissance en Amérique chrétienne, et non en "Afrique". Et également, puisque les Affranchis ont marqué leur allégeance religieuse dès le 29 ou 30 août 1791, en célébrant une cérémonie catholique aux Croix-des-Bouquets, non loin de Port-au-Prince :
"Après la victoire de Pernier, l’armée des hommes de couleur se rendit à la Croix-des-Bouquets où elle fit chanter un Te Deum pour remercier le Tout-Puissant de ses succès sur les hommes injustes qui, loin de vouloir reconnaître les droits que la classe de couleur tenait de l’Auteur de toutes choses, s’étaient proposé de l’anéantir." (8)
Quant à Hyacinthe Ducoudray, le chef suprême sélectionné, il fut un traditionaliste notoire qui s'équipait d'une queue de taureau sur les champs de bataille :
"Les noirs fanatisés par leurs sorciers couraient à la mort avec gaieté, s'imaginant qu'ils ressusciteraient en Afrique. Hyacinthe armé d'une queue de taureau parcourait les rangs disant qu'elle détournait les balles." (9)
Cependant, suite à sa victoire aux Croix-des-Bouquets dans la nuit du 30 au 31 mars 1792, il assura la bénédiction catholique de l'ensemble de ses troupes ; ce qui inclus celle d'Halaou :
"Par cette victoire, la prépondérance des affranchis devint définitive dans l'Ouest. Hyacinthe Ducoudray, jeune homme plein d'humanité, qu'ils tenaient sous leur influence, obligea le père Thomas curé de la Croix-des-Bouquets, à bénir son armée." (10)
D'ailleurs, on peut dire que les coutumes "africaines" et les accointances ethniques structuraient clairement les troupes des insurgés noirs, incluant celles d'Halaou :
"Parmi les insurgés s'étaient fait remarquer Halaou, Bébécoutard, Bélisaire, homme de couleur, qui devinrent des chefs fameux. Ils organisèrent leurs bandes à l'africaine : la tête chargée de plumes de coqs et de paons, ils se firent porter en triomphe, avec droit de vie et de mort sur les leurs." (11)
Bélisaire Bonnaire, un Mulâtre, est devenu chef de bande au même titre qu'Halaou, lui non plus pas à cause d'une quelconque adhérence à l'islam :
"Bélisaire, un de ces derniers, fut un de ceux qui contribua le plus à réconcilier les gens de sa couleur [mulâtres] avec les noirs. Cet homme, qui n'avait que 23 ans et qui exerçait le métier de maître-maçon, remarquable par sa haute taille, sa bonne mine, et qui vivait habituellement parmi les noirs de la plaine, avait appris quelques-uns de leurs idiomes africains." (12)
Ainsi, grâce à sa versatilité dans les linguistiques "africaines", Bélisaire passa pour un être possesseur d'un grand pouvoir surnaturel auprès des insurgés noirs "africains" regroupés par ethnies. Halaou jouissait d'une ascendance surnaturelle similaire. Ce qui facilita son choix comme chef de bande.



3- L'origine d'Halaou

Un moyen pertinent de connaître l'adhésion religieuse d'Halaou réside dans son origine. Des indices de cette origine souvent se cachent dans les noms et les ethnies des individus. Analysons ces 2 éléments.

3.1- Le nom d'Halaou
Se souciant guère de présenter la moindre preuve historique, Sylviane Diouf s'appuya uniquement sur la consonance du nom d'Halaou qu'elle estime musulmane. Or, bien avant de devenir un chef de guerre, Halaou fut un captif (esclave) de l'habitation Corrégeoles, située à l'Arcahaie (au Nord-Ouest de Port-au-Prince). Insoumis, Halaou s’évadait à maintes reprises. En 1774, ses fuites répétées coûtaient cher en frais aux gestionnaires de l’habitation Corrégeoles :
"Dix-sept fois, l'habitation doit payer pour la prise d'esclaves mais ce ne sont que de petites sommes versées à la maréchaussée locale : 6 l. chaque fois, sauf quand Alaou fut repris à Saint-Marc le 16 janvier 1774 où il fallut débourser 16 l." (13)
Et les historiens ayant parcouru l'inventaire de l'habitation sucrière Corrégeoles à laquelle appartenait Halaou, n'y ont descellé aucun nom musulman :
"Rien à noter sur les noms : emmêlement de noms de soldats, de noms chrétiens et de noms africains (Samba, Jamby, Oenna, Hatuo ?). Aucun nom musulman. Chez les hommes comme chez les femmes, très peu de noms mythologiques : Cupidon, Narcisse, Vénus, Minerve. Les femmes ont presque toutes des noms chrétiens." (14)
Halou n'était certes pas le seul fugitif (ou marron) de l'habitation Corrégeoles. D'autres fugitifs de cette habitation portèrent des noms nettement chrétiens tels que :  
  • Rose,
  • Marie,
  • Charles (Mulâtre),
  • Marie (Anglaise), 
  • et Marie-Louise.  
Cela dément l'affirmation non fondée de Diouf comme quoi les fugitifs ou marrons de Saint Domingue étaient majoritairement musulmans, ou dirigés par des musulmans. Une affirmation erronée qui place l'islam comme cause du marronnage à Saint Domingue. D'ailleurs, Halaou n'a pas mené une bande de marrons, comme le prétendit Diouf. Le contexte politique d'après 1791 ne porta plus au marronnage classique.

3.2- L'ethnie d'Halaou?
Une autre manière de vérifier l'appartenance religieuse d'Halaou serait d'établir son origine ethnique. L'inventaire de l'habitation Corrégeoles révèle plusieurs ethnies (Arada, Ibo, Cap Laou, Bambara, Congo, Nago, Cotocolys, Aquila, Taquaous, Foueda, Caramenty), mais aucune que l'on peut associer spécifiquement à l'islam


(Inventaire de l'habitation Corrégeoles, en 1774)
Source : Chatillon Marcel, Debien G., du Boisrouvray Xavier, de Maupeou Gilles. Papiers privés sur l'histoire des Antilles. In: Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 59, n°216, 3e trimestre 1972. pp.432-490.

De plus, outre le fait que l'ensemble des ethnies citées furent fondamentalement traditionalistes, cet inventaire ponctuel laisse vide (classée "inconnue" par les chercheurs) l'ethnicité d'une partie considérable de captifs (esclaves). Par conséquent, il ne nous aide pas à retracer l'origine ethnique de Halaou.
 

3.2.1- Halaou, le Pila Pila?

Dans un article paru en 1958, Odette Menneson-Rigaud fit allusion à l'ethnicité d'Halaou, d'après une supposition arbitraire de Jean Price-Mars :
"Le Dr Price-Mars déclare qu'il [Halaou] devait être de la tribu des Pila-Pila du nord du Dahomey." (15)
Au Dahomey (Bénin actuel), il existe effectivement un peuple nommé Pila Pila. Il vit au Nord, dans la région de Djougou. Cependant, aucun texte colonial ne mentionne l'ethnie Pila Pila à Saint Domingue, ni l'une de ses variations que sont : Kpilakpila, Pilas, Yoa, Yoas, Yom, Yoma, Yowa, etc. Et aucune donnée archivée n'indique que Halaou dérivait des Pila Pila. Alors, on ignore où Price-Mars avait recueilli cette fausse information. 
En ce à qui trait à l'aspect islamique, le peuple Pila Pila est encore largement traditionaliste (animiste), et en 1975, n'était musulman qu'à l'échelle de 40 %. (16) Autrement dit, les Pila Pila étaient entièrement traditionalistes du temps de la colonie de Saint Domingue. 
 

3.2.2- Halaou, le Nago?

Les textes des colons de Saint Domingue (Haïti), ayant vécus du temps d'Halaou, font l'unanimité. De leurs avis, Halaou était d'ethnicité Nago. C'est-à-dire, il fut issu du peuple appelé Yoruba de nos jours, qui réside au Nigeria, au Bénin, au Togo et ailleurs. Au Brésil, ils se nommaient Nago, et Lucumi à Cuba. En Haïti, on s'y réfère aux noms de Nago, Anago ou Annago.****

a) Selon le colon Pierre Poulain
Dans sa correspondance du 25 février 1793 au gouverneur Sontonax, Pierre Poulain impliqué dans les négociations avec Halaou, exprima que celui-ci fut un Nago :
"Documents concerning the leaders of the smaller bands in 1793 tell us something about them when the military situation in the north was more or less stabilized. For example, a Nago leader named Alaou irritated the higher military command to which he was supposed to be loyal by taking the title “commandeur générale.” (17)
Traduction :
"Les documents concernant les chefs des plus petites bandes en 1793 nous en disent plus à propos de la stabilisation de la situation militaire dans le nord du pays. Par exemple, un dirigeant Nago nommé Alaou a irrité le haut commandement militaire auquel il était supposé être fidèle en prenant le titre de "commandeur générale"."
b) Selon le colon Pélage Marie Duboys
Habitant dans la région de l'Arcahaie (Ouest de Saint Domingue) où demeura également Halaou, Pélage Marie Duboys fut bien placé pour témoigner de l'origine d'Halaou. Et lui aussi le dit Nago :

"... sous le vain prétexte qu'ils empêchaient l'effet de ses pourparlers avec le Nègre Halaou de nation Nago, ancien esclave de l'habitation Cotin..." (18)
Halaou fut donc d'origine Nago. C'est-à-dire qu'il est issu des Yoruba, peuple héritier de la civilisation Nok, et qui a atteint un fort degré de raffinement dans ses sculptures royales en bronze et en terre cuite :



Source : https://www.nairaland.com/770881/art-architecture-yorubaland/5


Source :  http://www.entwistlegallery.com/notable-sales/ife-terracotta-head

Cette Royauté désignée Oba, immortalisée dans ces statues, reçoit encore vénération en Haïti à travers des chants du rite Nago, tels que celui-ci :
 

Oba, Oba, dèniye
Nèg Nago sa nou te pèdi a
Se li n ape chèche
Oba, Oba, dèniye.

Traduction :

Oba, Oba, dèniye
Descendant (e) de Nago ce que nous avons égaré
C'est lui que nous recherchons
Oba, Oba, dèniye.

Et dans la mentalité haïtienne, tout ce qui rapporte au mot "Nago" est considéré "guerrier", qu'il s'agit d'un "Nèg Nago", c'est-à-dire un descendant (ou descendante) de Nago, du rite Nago ou de la Nanchon ou Nation sacrée Nago.


(Statue de Oba, la Royauté Yoruba)
Source : http://www.egyptsearch.com/forums/ultimatebb.cgi?ubb=get_topic;f=15;t=008642;p=1

Et ne serait-ce sur son ethnicité, il est donc impossible qu'Halaou fut de foi musulmane. Car, les Yoruba (Nago), habitant le Nigeria et le Royaume du Dahomey (Bénin) ont entamé une conversion islamique qu'à partir du djihad d'Ousmane Dan Fodio de février 1804. Djihad qui débuta 1 mois après à l'indépendance d'Haïti, et près de 13 ans après l'enclenchement de la Révolution haïtienne et la fin d'importation de captifs (esclaves) à Saint Domingue.

 

4- Les pratiques Yoruba (Nago) d'Halaou

L'origine Nago d'Halaou étant attestée par les textes coloniaux, observons désormais les traces de cette origine dans ses actions militaires. Deux des traits distinctifs d'Halaou sont : 1) la présence permanente d'un coq blanc à ses côtés ; 2) l'usage magique de queues d'animaux par ses soldats. 
Voyons ensemble si ces 2 éléments sont reliés à son ethnicité Nago.
 
4.1 - Halaou et le coq magique
Halaou, toujours accompagné d'un coq blanc magique, jouissait d'une ascendance surnaturelle :
"Les insurgés du Cul-de-Sac avaient à leur tête un africain, nommé Halaou, d'une taille gigantesque, dune force herculéenne.+
Il régnait sur ses bandes par la superstition, tenant toujours sous le bras un grand coq blanc qui lui transmettait, prétendait-il, les volontés du ciel. Il marchait précédé de tambours..." (19)
Ignace Nau attribue la provenance du coq magique d'Halaou, non pas à l'islam, mais à un caplata, ou caprelata,++ c'est-à-dire un grand officiant de la religion traditionnelle :
"Un soir d'heureuse mémoire, il s'arrêta et campa aux environs des habitations Meilleur et Lassère. Il [Halaou] fit venir un caplata et lui ordonna de commencer les cérémonies qu'il désirait voir terminer afin de reprendre l'oeuvre que le ciel l'avait destiné à accomplir. Cet homme, habile dans son métier, s'avança d'un air calme et présenta au terrible Halaou un gros coq tout blanc. Ceci, lui dit-il, sera votre coq merveilleux; vous n'accomplirez jamais rien sans préalablement le prendre et le caresser : vous et vos hommes vous le défendrez, car c'est votre bannière, car c'est votre talisman." (20)
La possession du coq blanc par Halaou correspond à l'un des symboles de la Divinité primordiale Obatala dans le panthéon Yoruba (Nago) classique :


(La Divinité Obatala tenant le coq blanc, son symbole)
Source : https://www.amazon.com/Obatala-Statue-Orisha-Figurine-Powerful/dp/B01N2W1U4Q

Ce coq blanc (ou volaille blanche) symbolisant Obatala n'est pas du tout ordinaire. Car, dans le récit traditionnel Yoruba, un coq (noir) a participé à la Création du monde. Car aux premiers temps, le monde était divisé en 2 domaines distincts : le monde céleste, domaine du Dieu Olorun ou Oludumare, et le monde d'eau, domaine d'Olokun. Puis, la Divinité Oduduwa, frère (ou doublure) d'Obatala fut chargée par le Dieu Suprême Olurun/Oludumare de créer la terre.


(Oduduwa créant le monde)
Source : http://luzdeolorun.wixsite.com/luzdeolorun/olorun

Équipé d'un coq, de substrat et de semence, Oduduwa descendit donc du ciel le long d'une chaine. À Ile Ife (au Nigeria), il versa le substrat, puis jetta le coq qui, en le fouillant, répandit le substrat qui devint le monde.


(Oduduwa descendant du ciel avec le coq primordial, à Ile Ife, Nigeria)
Source : Iwese Ahua. http://blog.bookingsnigeria.com/ile-ife/
 
Source : https://www.maria-online.us/software/article.php?lg=pt&q=Odudua


(Statues d'Oduduwa avec le coq primordial, à Ile Ife, Nigeria)
Source : The British Museum (presentation). Kingdom of Ife : Sculptures from West Africa.

Ile Ife, le village nigérian, est ainsi devenu le "Lieu d'Expansion" du monde. Car le mot Yoruba "Ile" signifie "Maison, Lieu ou Place", tandis que "Ife" veut dire "Expansion". Et quant à Obatala, cette Divinité ou Orisha n'a point chômé de son côté. Il/Elle est celui/celle qui, à l'aide de l'argile, sculpta le corps des personnes. Et les insuffla la vie.
Nous pouvons dire qu'Halaou, le Yoruba-Nago, en se promenant sur les champs de bataille avec le coq blanc, opérait sous le gouverne d'Obatala. Né en "Afrique", il connaissait parfaitement le récit d'Obatala et la signification de ses symboles d'Obatala. Mais où sont les traces de ces symboles en Haïti?

4.2 - Halaou et les symboles Yoruba (Nago) en Haïti
Oduduwa et Obatala sont vénérés en terre Yoruba (Nago) du Nigeria, mais également au Bénin, au Togo, et à plusieurs coins dans les Amériques (Cuba, Brésil, Trinidad, etc.) où le culte Yoruba persiste. En Haïti, Oduduwa est honoré dans le rite Nago en Odoudouwa, Olicha Odoudouwa, etc. Obatala, à qui l'on réserve les salutations initiales du rite Nago, se nomme Ogoun Batala, sous sa forme masculine. Et Grann Batala ou Manbo Batala représente sa forme féminine. Voici l'un des vèvè (dessins-rituel) d'Ogoun Batala :

(Vèvè d'Ogoun Batala, dans le rituel haïtien)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.257.


L'oiseau Yoruba (Nago) participant dans la création du monde, on le repère dans cette décoration du asòtò, tambour légendaire de la religion traditionnelle haïtienne :


(Tambour haïtien asòtò décorés de symboles Yoruba (Nago))
Source : Alfred Métraux. Le vaudou haïtien. Paris, 1958. p.164.

La spécificité Nago de cet oiseau figurant sur le tambour est certifiée par le symbole qui l'accompagne. Il s'agit d'un symbole primordial des Yoruba retracé archéologiquement au Nigeria vers les années 1300 de l'ère chrétienne :


(Artéfact Yoruba à Ile Ife, vers les années 1300 de l'ère chrétienne)
Source : Suzanne Preston Blier. Art and Risk in Ancient Yoruba: Ife History, Power, and Identity, c. 1300. New York, 2015. p.153.

La présence d'un symbole primordial Yoruba dans des objets de culte haïtiens atteste de la teneur Nago du rituel haïtien pourtant multi-ethnique. Ce symbole est récurant dans bien de vèvè Nago, dont celui-ci pour le Lwa ou Jany Channgo :

 (Vèvè d'Ogoun Channgo)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.283.

Et ne retrouve-t-on pas les mêmes symboles de ce vèvè Nago haïtien dans les décorations cérémonielles de ces grands officiants Yoruba du Nigeria ?


(Grands officiants Yoruba d'Ile Ife décorés de leurs symboles)
Source : https://www.nairaland.com/2502510/thread-dedicated-orisa-nla-obatala
   
Cela nous porte à traiter des queues d'animaux (chevaux, boeufs) dont se servaient magiquement les soldats d'Halaou.


5- Les soldats d'Halaou et les queues d'animaux

Considérant que les insurgés de l'Ouest de Saint Domingue (Haïti) se regroupaient par ethnies, et qu'Halaou fut un Nago (Yoruba), nous pouvons donc avancer que ses soldats combattaient avec l'aide, non pas de l'islam, mais bien avec celle des Orisha, les Divinités ancestrales Yoruba (Nago). Les textes historiques nous donnent raison. Car, selon le récit d'Ignace Nau, récit corroboré par nombres d'historiens, les soldats d'Halaou se servaient de queues d'animaux pour repousser des boulets ennemis par magie :
"Chacun de vos soldats se munira de queues de chevaux et de boeufs qu'il tournoiera dans l'air en courant à la bataille : alors le canon se fondra à votre approche et la poudre se liquéfiera sous la mèche de vos ennemis." (21)
Chez les Yoruba, les queues de boeufs magiques servent d'attributs à diverses Divinités ou Orisha. On les nomme iruke. Et les grands officiants Yoruba utilisaient ces iruke :
"Iruke, s. (...) cow-tail carried about by the babalawos..." (22)
Traduction :
"Iruke, s. (...) queue de boeuf transportée par les babalawos..."
(Queues d'animaux cérémonielles (iruke) chez les Yoruba du Nigeria)
Source : https://kwekudee-tripdownmemorylane.blogspot.com/2013/12/olokun-deity-and-its-various-olokun.html

Donc, parmi les soldats d'Halaou, il se trouvait des Babalawo (dit Papa Lwa en Haïti), signifiant des prêtres de Ifa, des grands officiants de la religion traditionnelle. Et sur les champs de bataille, ces Babalawo maniaient des queues d'animaux que les Yoruba (Nago) nomment iruke. Dans le rituel Nago haïtien (où Olicha est le nom d'une Divinité Nago), iruke est déifié en la Divinité Rouke ou Wouke, une des formes de Ogoun, Lwa ou Jany de la guerre. 
Cependant, à l'opposé des rites dérivés des Yoruba (dit Nago ou Lucumi) au Brésil et à Cuba, l'usage cérémoniel des queues d'animaux iruke n'est pas retenu en Haïti. La dernière référence aux queues de d'animaux comme objets rituels haïtiens remonte d'un texte de 1878 :
"Le culte du Vaudoux est le le culte des esprits. Les papas, sorte de prêtres africains, sont de vrais sorciers qui, par leurs relations avec le monde invisible... (...) Ils ont des autels dans leurs cases, où l'on trouve, parmi les images de saints et les crucifix, des queues de vache, des pierres rondes en grès qu'ils nomment pierre-tonnerre,+++ des plantes, auxquelles ils attribuent une certaine vertu." (23)
Il s'agit ici des propos de François Eldin, un pasteur français ayant séjourné plusieurs années en Haïti où il a assisté à des cérémonies traditionnelles. François Eldin a incontestablement attribué l'usage des queues de vache à ce qu'il appelait "le culte du Vaudoux".

5.1- Origine et fonction militaire des queues d'animaux
En Haïti, outre la Divinité Rouke ou Wouke, le mot créole "rouke" ou "wouke" est synonyme de crier, d'hurler, de gronder, de se lamenter, etc. Ce sens dérive du fait que "rouke" ou "wouke" désigne l'hurlement triste des chiens la nuit que l'on interprète telles des lamentations contre des mauvaix esprits. (24) Là un rappel à l'usage premier du iruke Yoruba dont le tournoiement produisait un bruit qui chassait le mal. Un chant sacré d'Ogoun Aleman reflète ce point :

Rouke, o rouke non.
Lè Lwa m ap chante, o se malè…
Traduction :
Hurles, oh hurles donc.
Lorsque ma Divinité chante, cela annonce le malheur...

Ainsi, en tournoyant leurs iruke sur les champs de bataille, les Babalawo d'Halaou soulevaient, vraisemblablement, le vent cosmique d'Oya ou Yansa, une Déesse guerrière des Yoruba (Nago).

(Au Nigeria, illustration de Oya et ses symboles dont le Iruke)
Source :  https://aworisa.weebly.com/blog/ir-la-tierra-de-oya

Selon les Yoruba (Nago), Oya ou Yansan (comme on la désigne en Haïti où on la considère de sexe masculin) est Maîtresse du vent, de l'eau douce (fleuve Niger) et de la mort. Son nom Yansan dérive de Iya Isán qui, en langue Yoruba se décompose en : Iya (Femme, Mère, Maîtresse, etc.), Isán, voulant dire aussi bien "orage" que le "chiffre neuf". Elle est donc la "Femme, Mère ou Maîtresse de l'Orage" et également la "Femme, Mère ou Maîtresse du chiffre neuf".


(La Divinité guerrière Oya (Yansa) avec son iruke et autres symboles)
Source : https://www.darkknightarmoury.com/p-34195-goddess-oya-statue.aspx

Car, si la mort survient, Oya, à l'aide de la queue de boeuf (de couleur noire) la symbolisant, accueillera le soldat dans l'au-delà, dans l'un des 9 ciels qui lui convient en fonction de sa conduite sur terre. (25)

5.1.1- Oya/Yansan et le chant de guerre
La combinaison d'Oya/Yansan comme Divinité de la Mort et Maîtresse de l'eau douce se reflète à travers un chant de guerre disant "la poud cé dlau", (la poudre c'est de l'eau). Ce chant exprima la spiritualité des soldats d'Halaou, qui, en défiant la mort, allaient à la rencontre de Yansan :
"Ensuite, le caplata demanda soixante-dix à quatre-vingts hommes auxquels il distribua des tambours d'assotor, des lanbis et des débris de chaudières de sucrerie, et il en forma un corps de musiciens dont s'entoura Halaou. Au signal convenu une effroyable sérénade s'exécuta. Les lambis sonnèrent haut et perçant, les tambours résonnèrent et les chaudrons, heurtés les uns contre les autres, produisirent des sons déchirants et épouvantables qui faisaient venir le sang à l'oreille. (...) Un choeur s'improvisa et ce fameux chant éclata.

Halaou ! tym, pan, dam !
Canon cé bambou : tym, pan, dam !
La poud cé dlau : tym, pan, dam!

Au milieu de cette armée tout oreille et tout yeux, Halaou se promenait en long et en large, ravi jusqu'à l'extase de cette musique..." (26)
Voici la traduction de ce chant de guerre :


Halaou ! tym, pan, dam !
Les canons sont des bambous : tym, pan, dam !
La poudre c'est de l'eau : tym, pan, dam !
 

Ce chant de guerre s'accorde avec les cris de guerre et actes des rebelles de l'Ouest des années 1792-1794, tels que documentés par des témoins oculaires. Il contient diverses indices sur les pratiques militaires et religieux traditionalistes d'Halaou et de sa troupe. Car :

  • Associés à ce chant de guerre sont les mots-clés, caplata, assotor, tambour, lambi qui, encore de nos jours, sont utilisés dans le rituel traditionnel haïtien. 
  • Puis, étant donné que l'islam ne possède pas de chants de guerre, et qu'il proscrit l’usage de toute musique à des fins guerrières, Halaou et sa troupe n'étaient donc pas musulmans. 
Cependant, ce chant de guerre en question n'était pourtant pas Nago. Il correspond à un rythme de tambour Congo à saveur religieuse et folklorique. Il reflète que les rebelles de l'Ouest appartenaient à un grand corps multi-ethnique, quoiqu'ils formaient des bataillons ethniques séparés. Alors que l'élément eau rappelait aux soldats Nago leur Divinité Yansan ou Oya, leurs confrères du Congo/Angola eux hurlaient "dlo, dlo", (de l'eau, de l'eau) en s'élançant sur l'ennemi, en lien à Maza.
(Statue Nkisi de Mbumba Maza, au Congo/Angola)
Source : Photo Patrick Gries. Musée du Quai Branly : la collection.

L'eau, qui se dit Maza en langue Kikongo et autres, est divinisée et primordiale dans la cosmogonie des peuples du Congo et d'Angola. Le coquillage ici rappelle la nature aquatique de Maza. Dans le rituel traditionnel haïtien, les Maza forment une famille de Lwa/Jany guerrière. Elle compte Prinnga Maza, Louvengou Maza, Kita Maza, Kriminèl Maza, Jonkiy Maza, etc., incluant Boumba Maza qui est associé aux cimetières et au Monde des Morts.

(Vèvè de Boumba Maza, dans le rituel haïtien)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.440.

Donc, malgré les différences, certains points de convergence sont détectables dans la vision des Yoruba (Nago) et celle des peuples dits Congo de l'au-delà et de la mort. Toutefois, Yansan n'est pas pour autant Grann Brijit (Lwa, Divinité de la Mort), comme certains le prétendent.




6- Halaou ne mangeait pas halal

Les stratagèmes politiques ayant menées à la mort d'Halaou témoignent aussi de son appartenance religieuse non islamique. Deux événements sont évocateurs de cela : a) son repas avec le Commissaire français Sonthonax ; puis b) son repas avec le Commandant mulâtre Bauvais.

a) Repas avec le Commissaire Sonthonax
L'islam étant inexistant chez Halaou, voilà qu'en 1794, il s'est rapproché de Sonthonax. Ce Commissaire français venait d'offrir la liberté aux captifs (esclaves) du Nord ayant acceptés de porter les armes pour défendre la colonie des forces hostiles :
"Gagné par Guyambois, Halaou voulut connaître ce Sonthonax, ce blanc qui avait le premier proclamé la liberté générale dans le Nord, tandis que son collègue marchait à pas lents dans cette voie. (...) Halaou était préparé à l'admiration, et Sonthonax lui-même (car il était homme) à consentir à être une idole. (...) Halaou vint donc au Port-au-Prince, le 9 février : ses bandes formaient une armée. (...) Sonthonax dut paraître devant elles et leur chef, avec tout l'appareil de la puissance nationale, tout le prestige de sa brillante renommée. Il fut au-devant d'Halaou, le félicita pour mieux le fasciner par son ascendant, le dominer avec les siens et leur donner à tous une bonne direction, pour défendre la colonie, pour défendre la liberté ; car cette dernière cause surtout était menacée." (27)
Cette ascendance de Sonthonax sur Halaou n'est pas spéculative. Elle est concrétisée par le dîner d'Halaou à la table de Sonthonax. Ce repas à la française, fut accompagné de vin, comme le fut un dîner similaire que le général Leclerc offrit à Toussaint Louverture le 6 mai 1802. (28) Ce repas comportant de l'alcool remplirait difficilement les exigences halal prescrites par la doctrine musulmane :
"Nous n'ignorons pas que nos traditions rapportent, que Sonthonax parla mystérieusement à Halaou, à l'oreille, et qu'il l'exhorta à retourner à la Croix-des-Bouqets pour assassiner Bauvais, après un repas qu'il lui fit servir et auquel il assista lui-même, en se plaçant à table à côté de ce noir." (29)
Au cours de ce repas, le Commissaire français proposa même à son admirateur Halaou d'aller assassiner le général mulâtre Bauvais. Du moins, c'est le bruit qui courait à cette époque. Et certains acteurs l'ont cru.

b) Repas avec le Commandant Bauvais

Une fois n'étant pas coutume, Halaou accepta aussi l'invitation à dîner de la part de Bauvais. Bien entendu, n'étant guère musulman, Halaou n'avait pas à se soucier de restrictions alimentaires dites halal :
"Que se passait-il dans ce bourg depuis l'arrivée d'Halaou et de ses gens? Bauvais, qui ignorait les appréhensions de l'opinion générale ; incapable de tendre un piège à Halaou, par la droiture de ses sentimens, par la loyauté de son caractère ; trop brave, trop courageux pour craindre cet homme et pour concevoir lui-même l'idée d'un meurtre ; Bauvais l'avait invité avec quelques-uns de ses sorciers à entrer chez lui pour leur faire servir des rafraîchissemens ; ils étaient tous assis autour d'une table, Halaou tenant toujours son coq blanc." (30)
L’invitation de Bauvais à Halaou à se "rafraîchir" implique la consommation d’alcool. Et là encore, en non musulman qu’il était, Halaou ne fut point offusqué par un tel offre. Il "s'assit à la même table" pour boire du vin. Et malheureusement, ce fut sa dernière boisson. Car, craignant qu'Halaou allait exécuter leur chef sous l'incitation de Sonthonax, des soldats de Bauvais, interrompant le repas, ont tiré Halaou et ses assistants à bout portant :
"Les deux officiers qui avaient précédé Marc Borno n'avaient encore rien ordonné ; mais celui-ci, aussitôt son arrivée, donne l'ordre à un sergent noir de la légion, nommé Phelippeaux, de pénétrer, dans les appartements avec quelques autres soldats, et de tuer Halaou. En entrant, le sergent trouve Bauvais assis à côté de lui ; (...) Bauvais, qui n'en sait pas souffrir de semblable, demande ses pistolets et se lève pour mieux agir contre les soldats indisciplinés. Ce mouvement facilite l'action de Phelippeaux et des autres ; Halaou et deux de ses officiers, toujours assis et ne se doutant pas de leur but, tombent morts. Bauvais reste étonné de ce résultat..." (31)
Suite à l'assassinat crapuleux d'Halaou, le combat éclata entre ses partisans ("africains", traditionalistes et soldats improvisés) et les forces (créoles, chrétiennes et militairement expérimentées) de Bauvais :
"Les compagnons d'Halaou qui y ont échappé se précipitent hors des appartemens de Bauvais; ils font un appel à leurs camarades pour venger la mort de leur chef. Alors survint une mêlée affreuse entre eux et les hommes de la légion. Le combat devint inégal entre cette troupe bien arosée, bien exercée, pourvue d'artillerie et de cavalerie, et des hommes fanatisés par des superstitions grossières, qui, dans leur ignorance non moins grossière, agitaient en l'air des queues de boeuf pour rendre inefficaces la mitraille et les balles qui pleuvent sur eux. Ils sont forcés de fuir, en faisant autant de mal que possible à leurs ennemis." (32)
Ainsi, en jugeant le contact facile et sans restriction d'Halaou avec Sonthonax et Bauvais, il ne fait aucun doute, qu'il opérait sur une mode traditionnelle, et non islamique.


6.1- Cause traditionaliste de la mort d'Halaou

En décrivant le déjeuner (non halal) en compagnie de Bauvais, un contemporain, le colon Pelage-Marie Duboys, attribua la chute d'Halaou non pas à l'islam, mais à sa négligence à considérer la mise en garde de son coq magique. Il remarqua également qu'Halaou s'entourait de "ouan gas" (wanga), mot désignant encore la magie traditionnelle en Haïti :
"Halaou redescendit en plaine au bout de quelques semaines. Il se cantonna, selon sa coutume, au pied du morne avec sa bande. Aussitôt que Montbrun et Pinchinat en furent instruits, ils engagent Bauvais à l'inviter à un déjeuné avec ses principaux officiers et ils mandent en même temps à Marc Borno qui commandait un poste avancé vers Léogane, de se rendre en diligence, à la Croix-des-Bouquets, au jour indiqué pour le déjeuné, et lui ordonnent de les débarrasser de ce Nègre et de sa bande. Marc Borno exécute ponctuellement leur ordre et, le 9 mars, Halaou qui se reposant sur les ouangas dont il était bardé avait méprisé les augures que lui avait donné son coq, est fusillé à la table même du Commandant Bauvais, par une escouade de la légion de l'égalité." (33)
Dans un texte de 1837, l'auteur haïtien Ignace Nau indiqua également qu'Halaou fut conseillé par un traditionaliste Caplata faisant le "vaudoux" ; et qu'il commit l'erreur fatale de négliger ses conseils :
"L'exemple de Halaou était encore récent : mais s'il avait succombé disait-on, c'était parcequ'il n'avait point observé à la lettre les conditions et les conseil du caplata. On avait vu ses milliers d'hommes nus et sans armes se ruer contre le fort de la Croix-des-Bouquets ; on les avait vus tomber par centaines sous les batteries meurtrières. Cependant, refermant aussitôt ces larges trouées que la mitraille fesait dans leurs rangs désordonnés; et tournoyant dans l'air des queues de bœufs, talismans auxquels ils ajoutaient une foi aveugle, ils entonnèrent des chants sinistres aux sons plus sinistres encore des lambis, et ils allèrent tous mourir à la gueule même du canon avec la pleine conviction d'être invulnérables.
Il était minuit quand les chefs avaient réunis les vingt-et-un vaudoux sous la grande tonnelle dressée à l'occasion de la cérémonie de la consultation." (34)
Et après le décès d'Halaou, le choix politique de ses anciens soldats dément l'idée qu'ont pris les armes sur une base islamique. Car Zamore, un haut-gradé d’Halaou, rejoignit les troupes françaises (et chrétiennes) du commissaire Polvérel. Une lettre du commissaire Polvérel datée du 16 avril 1794 en parle :
"L’affricain Zamore, capitaine de la troupe d’Alaou, vient de se rendre devant nous et d’offrir ses services à la République. Il nous dit qu’il a sous son commandement sur l’habitation Meggy, 16 hommes armés de fusils… Nous vous prions de donner les ordres nécessaires pour qu’une patrouille d’anciens et de nouveaux libres, se transporte sur cette habitation… et se [fasse] remettre les 16 fusils. Il est essentiel pour le bon ordre des campagnes que les affricains sortant soit du camp espagnol soit du camp des révoltés contre la République, ne puissent être armés à moins qu’ils s’incorporent dans la Légion.” (35)
Donc, la religion chrétienne des troupes françaises ne constituait pas un obstacle pour Halaou, ni ses troupes ; surtout suite à l'émancipation de Sonthonax dans le Nord. Si Halaou ne figure pas parmi les héros de la Révolution haïtienne les plus connus, son intrépidité, sa bravoure et sa ténacité, ont aidé à solidifier le fait Nago dans la mémoire religieuse et culturelle haïtienne. Et ce fait Nago est indéniablement celui d'un guerrier traditionaliste farouche auquel toute une nation s'identifie avec fierté.
 


* Romaine Rivière alias Romaine La Prophétesse fut un "griffe", signifiant qu'il naquit soit de l'union d'un Noir avec une Mulâtresse, ou soit de celle d'une Noire avec un Mulâtre. Cela implique qu'il était forcément un Créole (né dans les Amériques). Mais pourtant, le révisionniste chrétien Terry Rey voit en les démarches prophétiques de Romaine l'influence de la Prophétesse congolaise Béatrice Kimpa Vita. (36) Son argument est boiteux pour maintes raisons, dont celles-ci :
1) Romaine fut un Créole et aucune filiation Congo ne lui fut attestée ou même soupçonnée. D'ailleurs, une influence de Kimpa Vita, morte au
Congo 75 ans auparavant, en 1706, aurait nécessité une passation intergénérationnelle qui aurait laissé des traces dans la mémoire collective haïtienne
2) Même si Béatrice Kimpa Vita se disait habitée continuellement par saint Antoine de Padoue, le travestisme chez Romaine n'était pas un legs Congo. Car, en Haïti où l'inversion de genre dans la spiritualité est une banalité, Lamayòt (La Mayotte), le nom donné à un personnage travesti de carnavals, renvoi plutôt à Mayotte, l'île de l'Océan Indien d'où venaient certains captifs (esclaves) de Saint Domingue.
3) La tradition du prophétisme, pourtant persistante au Congo, n'existe pas en Haïti. Donc, si le Congo était la source du prophétisme de Romaine, des personnages de son genre auraient apparu dans d'autres régions du pays, et dans des temps différents. Or, depuis Romaine, aucun autre prophète n'a été signalé.
4) "Ngunza", ce mot Kikongo pour prophète que l'on adressait à Beatrice Kimpa Vita, se s'appliquait pas à Romaine La Prophétesse comme Terry Rey le prétend. La preuve étant que "Ngunza" n'existe pas dans le rituel haïtien ; tandis que "Nganga", titre des maîtres traditionalistes, que Kimpa Vita possédait initialement, y est conservé en "Gangan". 
5) La religion traditionnelle mena Kimpa Vita au prophétisme, et non le catholicisme. Dès son enfance, elle qui sera initiée Kimpasi, avait des visions qu'elle jouait avec deux enfants blancs. Il ne s'agissait point d'Européens (mundele), mais d'Esprits des Ancêtres, les Simbi (retenus dans le rituel haïtien) ou Nkita. (37) Ces Nkita congolais sont appelés Lwa Kita dans le rituel haïtien, et ne devraient pas être confondu avec la Nation sacrée ou Nanchon Kita venant du Mali actuel.
(Vèvè de 3 Kita Maza, dans le rituel haïtien)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.441. 6) La personnification (même de Saints Catholiques) chez Kimpa Vita et Romaine est un fait traditionaliste "africain". Elle n'est pas exclusivement congolaise, ni ne consiste pas une preuve d'influence de Kimpa Vita vers Romaine. L'Esprit "Nkita", s'identifiant comme Saint Antoine de Padoue, a proposé de siéger dans la tête de Béatrice Kimpa Vita, après avoir siégé sans succès dans la tête d'autres individus :
"Elle répondit que Dieu avait envoyé S. Antoine... d'abord, il avait été envoyé dans la tête d'une femme, à Mugeto... il en partit et alla dans la tête d'un vieux qui était à Sohio... Finalement, il vint dans sa tête pour prêcher au Chibango." (38)
Les Haïtiens nomment toujours la possession (forme momentanée de la personnification) "Lwa a nan tèt li", à savoir, l'Esprit est dans la tête de quelqu'un. Et comme ils nomment leurs Divinités également Saints (Sen), ainsi, il est banal qu'un homme soit habité par Sainte Philomène, Sainte Anne, etc. Similairement, des femmes traditionalistes sont quotidiennement habitées par Saint Jacques Le Majeur, Saint Jean Baptiste, etc.
7) La "croix inversée" chez Romaine, une pratique occidentale réactionnaire, est absente dans le rituel haïtien ; et pareillement au Congo, car la réformiste chrétienne syncrétique Kimpa Vita brûlait ses croix autant que les objets du culte traditionnel. (39)

8) Béatrice Kimpa Vita ne fut pas considérée chrétienne par le clergé l'ayant interrogée. Elle fut traitée de "Nganga de Marinda" ou de "féticheuse de Marinda", de "négresse qui venait semer la zizanie dans cette jeune chrétienté", (40) par le capucin Bernardo da Gallo qui l'a condamnée à être brûlée vive. Kimpa Vita appartenait en effet à la société secrète Bakhimba ou Kimpasi dans laquelle son statut de jumelle était vénéré.
Ainsi, Marinda renvoie péjorativement à la musique du Marimba, instrument phare du Congo/Angola qui animait les séances tant religieuses que mondaines que l'on qualifia de "tam-tams endiablés". (41)


(Séance de marimba en Angola)
Source : https://www.pinterest.ca/pin/442267625878020303/

En "Afrique", il existe le marimba de type xylophone que les Tanzaniens classifient Marimba ya Vibao. Ce marimba xylophone fut amené dans les Amériques par les captifs (esclaves) d'"Afrique" Centrale et de l'Est. Il s'est grandement popularisé dans les Antilles anglaises et en Amérique latine.
(Timbre de la Tanzanie représentant le marimba xylophone)
Source : DeAgostini/Getty Images ; Lien permanent : https://www.gettyimages.ca/detail/news-photo/series-of-postage-stamps-honouring-traditional-musical-news-photo/521170875

Et il y existe également le marimba à doigté qui est issu d'instruments musicaux tels le kissange angolais, le mbira, etc., et que les Tanzaniens classifient Marimba ya Mkono. Améné aussi par les captifs (esclaves) d'"Afrique" Centrale et de l'Est, le marimba à doigté, s'est popularisé dans les Caraïbes et ailleurs sous le nom de marimba (malimba, marimbula, manouba, etc.).
(Timbre de la Tanzanie représentant le marimba à doigté)
Source : DeAgostini/Getty Images ; Lien permanent : https://www.gettyimages.ca/detail/news-photo/series-of-postage-stamps-honouring-traditional-musical-news-photo/521170875

Sous l'appelation marimba, manouba, marimboula, etc., le marimba à doigté est très répandu dans la musique appelée twoubadou en Haïti. Cependant, jusqu'à preuve du contraire, tout porte à croire que cet instrument de musique est une importation afro-cubaine.
(Marimba, marimboula ou manouba chez les Haïtiens)
Source : Boulpik. Konpa Lakay, 2014 ; https://www.deezer.com/en/album/7755026

Ajoutons, en passant, que le marimba ou manouba venu d'Angola est la base du twoubadou haïtien. Cependant, l'accompagnement de cette musique paysanne est assuré par le jeu particulier de 2 bâtonnets hérité des Yoruba (Nago) du Bénin (ancien Dahomey). La preuve étant que le Candomblé brésilien conserve à l'identique ce rythme de bâtonnets. On le retrouve : 1) dans le rythme de tambour "Opanije" de la Nation Nagô-Ketu (peuple Yoruba/Nago venant du Nigeria et de Kétou, au Sud-Est du Bénin/Dahomey) ; 2) dans le rythme de tambour "Avamunha", issu de la Nation Jeje (les peuples Fon et Ewé du Bénin/Dahomey). (42)
(9) Jerry Gilles, un autre révisionniste chrétien, revendique Toni Malau comme une influence chrétienne congolaise dans le rituel haïtien :
"Toni était extrêmement populaire au Kongo et le mouvement politique de Toni Malo était une force politique importante. La force de son mouvement continua d'avoir des répercussions sur les Amériques. (...) Aujourd'hui en Haïti, nous continuons à chanter Toni rele Kongo en l'honneur de Ganga Vita, la petite-fille du Roi Antoine. Nous le faisons parce que Toni a défendu l'intégrité du Kongo." (Trad.) (43) 
Soit disant influence venue des Antoniens de Kimpa Vita, Toni Malau étant la déformation au Congo de Santo Antonio de Padua (Saint Antoine de Padoue) et le nom que l'on donnait aux statuettes de ce Saint servant d'amulettes.
(Statuette/amulette de Saint Antoine de Padoue dit Toni Malau, au Congo)
Source : https://collections.artsmia.org/art/113136/toni-malau-kongo

a) Tout d'abord, les statuettes dites Toni Malau vont à l'encontre du message des Antoniens. Elles figurent l'enfant Jésus, la croix et un Européen, 3 entités étrangères que Kimpa Vita bannissait. Mais plusieurs argumentent qu'à la place d'un Européen, Kimpa fut habitée par son grand-père royal, également nommé Antonio. Mais cela rapporte tout de même au culte des Ancêtres, et non pas au christianisme.
b) Jerry Gilles présenta la prière traditionnelle Djò : Toni rele Kongo, eya Santa Maria/Santa Gracia, telle une mention de Kimpa Vita que supposément l'on appela également Toni Malau. Or, Toni est un prénom banal en Haïti comme ailleurs. S'il est certes cité 1 fois dans la prière Djò, par-ci, par-là dans les chansons sacrées, on entend également cités Miguel, Benito, Charitable, etc. La filiation Congo ne peut donc être établie à partir d'un si faible échantillon aléatoire.
c) La religion traditionnelle haïtienne est de nature royaliste. Donc, s'il fallait associer "Toni" à une figure du Congo, le Roi Antonio I (Nvita a Nkanga) serait plus approprié. Régnant de 1661 à 1665, il fut le dernier Roi autonome du Congo. Dans la bataille de Mbwila contre les Portugais, il périt décapité, ce qui scella le sort du Congo. Et sa veuve, Dona Ilaria dite la "Vieille Reine", dont l'influence politique n'a jamais tari jusqu'à sa mort dans les années 1700, était surement Larenn Kongo (La Reine Kongo) toujours vénérée en Haïti.
d) De plus, rien n'indique que "Ntoni" dans la prière créole "Toni rele Kongo" réfère forcément au prénom chrétien "Antonio". Car, en langue Kikongo, "Ntoni" signifie "Sage" au masculin, et "Tombe" au féminin. (44) Ainsi "Toni rele Kongo" peut aussi signifier "Le Sage appelle (les descendants) du Congo" ou "La Tombe (donc les Ancêtres) appelle (les descendants) du Congo".
e) Quant à "Malau" dans "Toni Malau", que Jerry Gilles déforma malhonnêtement en "Toni Malo", il ne correspond pas aux mots "malo" et "simalo" du rituel haïtien, comme le clame ce révisionniste chrétien. Au Congo, "Malau" se prononce "Malawou", pas "Malo". Il s'écrit également "Malawu" :

"Pourquoi Saint Antoine?
C'était le Saint le plus populaire du pays. Chaque maison possédait "son fétiche de Ntoni Malawu" (Antoine de la chance) tel que celui-ci...
(...)
Disons entre parenthèses qu'à cette époque Saint Antoine est appelé dans tout le pays "Ntoni Malawu" : le Saint de la Prospérité, la signification en ce moments des ruines, n'est pas à chercher." (45)
D'ailleurs, le mot malawu (malau), exprimant la chance, - et qui fut répandu "dans tout le pays", contrairement au culte restreint de Kimpa Vita - ne débuta pas avec Saint Antoine, ni Kimpa Vita. Il remonte à l'Ancêtre-Mère du peuple Congo, Nkênge' a Lawu, dite "La Belle aux chances". (46) De ce fait, Nsundi Malawu (Nsundi Malau) désigne les statuettes/amulettes de la Vierge Marie. (47) 
(Pendentif/amulette Nsundi Malawu, de la Vierge Marie au Congo)
Source : "Pendant with the Virgin, Kongo culture - 18th century" ;  https://en.wikipedia.org/wiki/Kimpa_Vita#/media/File:Kongo_Virgin_pendant_18c_Ethnic_Art_and_Culture_Ltd.jpg

Et Nkisi Lawu (Nkisi Lau) est l'amulette porte-bonheur des chasseurs. (48)
f) Jerry Gilles affirma même que le président haïtien Antoine Simon (1908-1911) se nommait Simalo (Si+Malo), une combinaison supposément tirée de "Si" dans "Simon" + Malo issu du mouvement antonien :
"L’influence de Toni Malo en Haïti était si forte que le nom Antoine est devenu un nom très courant dans le pays. Quand Antoine Simon est devenu président d'Haïti, il jouissait d'une grande popularité et était associé au nom «Simalo», une fusion de Simon et Malo." (Trad.) (49)
Mais pourtant, il est longtemps établi que Simalo fut plutôt le nom du chèvre d'Antoine Simon. Et dès 1896, soit 12 ans avant sa présidence, les journaux haïtien et français lapidèrent Antoine Simon pour avoir enterré Simalo, son cabri - dans un service qu'ils prétendirent magico-religieux :
"... et, même sous M. Tirésias Simon-Sam, le Président actuel, qui est un neveu par alliance du dictateur Lysius-Félicité Salomon, on a vu aux Cayes, ville du Sud, un bouc-fétiche nommé Simalo enterré en grande pompe par un gros personnage de l'endroit, un certain général Antoine Simon, qui trouva le moyen de le faire passer, par une substitution audacieuse, pour un sien parent, le nommé Boute-Philippe, récemment exhumé !" (50)
Mais ce ne fut pas le cas. Car Simalo ne fut qu'un simple souvenir de guerre, d'après l'historien Antoine Pierre-Paul, un natif des Cayes et contemporain d'Antoine Simon :
"Un marmiton de la troupe s'empare de l'animal et fait mine de l'abattre : «Pas tué ti cabrit'la, cria vivement le Général SIMON, jodi'a tout' moune mangé vent' déboutonnin, ça pas si mal pou'n tué ti cabrit'la». Aussitôt le Général Antoine fit sortir des rangs un soldat et lui confia l'animal en lui disant : «min ti cabrit'la moin confié ou, cé pou remett' moin'l en main propre lor nous rivé Jérémie».
Le soldat, gardien du cabri, tantôt précédait tantôt suivait la troupe. Durant la marche nos troupiers improvisèrent une chanson sur le thème «jodi'a ça pas si mal», de la protestation du Chef de Division contre l'abattage du cabri. Dans les ritournelles et par abréviation, «jodi'a ça pas si mal» devint «si mal'o». D'où le nom de «Simalo» donné au petit cabri." (51)
Donc, contredisant les textes étrangers à sensation (William Seabrook, The Magic Island, 1929 ; Zora Neale Hurston, Tell My Horse, 1938 ; Alfred Métraux, Le Vaudou haïtien, 1958) et la tendance populaire haïtienne de prêter aux généraux des attributs magiques, le cabri Simalo d'Antoine Simon n'avait rien de mystique ; quoiqu'il existe une Divinité du nom de Simalo en Haïti (qui découle de la popularité de la légende) :
"«Simalo» grandit dans les écuries du Général, à l'ombre de ses chevaux, dans ces diverses localités. Contrairement aux animaux maléfiques ou destinés à des cérémonies vaudouesques, Simalo n'a jamais été gardé à l'attache. Il a grandi en toute liberté dans les écuries de son maître. Les cayens de ma génération se rappellent encore ce beau bouc blanc trottinant à n'importe quelle heure du jour le long de la Rue de la Délégation. Ce bouc familier que nous savions rencontrer chaque matin, en allant en classe à l'Institution Normil Jn-Jacques, n'était point une mascotte mais plutôt un souvenir du premier exploit d'Antoine SIMON comme chef d'Armée." (52)
Antoine Simon fut d'ailleurs un pieux catholique, selon Antoine Pierre-Paul et le Monseigneur Morice, son mentor. Mêmement pour sa fille Célestine qui ne fut pas une (prêtresse) Manbo comme l'affirment les faux historiens. Et le christianisme d'Antoine Simon ne découlait pas du mouvement antonien de Kimpa Vita. Il faut aussi souligner qu'au lieu de "Simalo", la population surnommait Antoine Simon "Général Antoine" :
"Jamais plus l'on n'entendit parler, aux Cayes, de culte à «Simalo». Au contraire, la population entière — catholiques et protestants — honorait dans le général Antoine (c'est ainsi qu'on appelait familièrement le Délégué) sa haute moralité et sa profonde piété." (53)
On voit ainsi que "la paresse intellectuelle" et "l'arrière-pensée découlant d'une malicieuse association d'idées", qu'Antoine Pierre-Paul déplorait en 1963, est loin de disparaître chez les Haïtiens. On peut même dire que ces 2 éléments gèrent leur univers.
10) La conversion catholique n'a pas prise au Congo. Dès 1491, le Roi Nzinga a Nkuwa s'est converti au christianisme. Et pourtant, 215 ans plus tard, en 1706, le Congo fut désigné "jeune chrétienté" par Bernardo da Gallo, le missionnaire sur place. Mêmement en 1731, le colon Pierre-François-Xavier de Charlevoix constata la superficialité de teneur chrétienne des Congo à Saint Domingue :
"Les Congos furent convertis au Christianisme par les Portugais, il y a 200 ans ; leurs Rois ont toujours été Chrétiens depuis ce temps là, et plusieurs de ces Nègres sont baptisés : mais à peine trouve-t-on dans quelques-uns une légère teinture de nos Mystères." (54)
Mais pourtant, les révisionnistes clamant l'impact supposément chrétien dans la Révolution haïtienne se basent sur la quantité imposante de Congo dans la colonie de Saint Domingue. Et malgré leurs pirouettes sémantiques depuis des décennies, leur thèse demeure fantaisiste.
** L'auteur haïtien Milo Rigaud annonça que Romaine La Prophétesse transportait un coq magique au combat, sur la selle de son cheval :

"Un des généraux haïtiens qui fit le plus parler de lui à cause de ses étranges habillements qui prouvaient qu'il ne cessait d'être "monté" par les mystères, allait au combat en se moquant des balles, des baïonnettes et des boulets - un coq rangé (préparé magiquement comme talisman) à l'arçon de sa selle." (55)
Cette affirmation de Milo Rigaud qui est reprise par d'autres, n'est pourtant pas corroborée pas les données historiques. Cependant, Milo Rigaud ayant recueilli par des démarches sérieuses des récits oraux auprès des traditionalistes, cela nous impose de nous attarder sur la matière.
Et nous détectons quelques failles à son récit :
1) L'expression créole "coq rangé" proposé par Milo Rigaud (et d'autres chercheurs) ne convient pas. Car, les objets, animaux ou nourritures dits "rangé" en Créole haïtien servent à nuire autrui au contact. Dans ce cas-ci le coq en question assurerait au contraire la protection de son propriétaire. Par conséquent, coq "monté" magiquement ou surtout "gad" seraient plus appropriés.

2) Milo Rigaud indique que Romaine La Prophétesse chargeait le coq magique sur son cheval au combat. Mais Terry Rey fait savoir qu'aucune pièce d'archive ne relate ni les combats de Romaine, ni qu'il fut sur cheval. (56) 
Toutefois, Terry Rey lui-même présenta une preuve de vente d'un cheval par Romaine au colon Frontel. Cela rend alors raisonnable que Romaine en tant que propriétaire de chevaux, combattit sur sa monture, comme le faisait les Affranchis de sa classe.
Au vu de cette analyse, sans l'affirmer catégoriquement, nous croyons fort probable que Romaine La Prophétesse s'était doté de la protection d'un coq magique sur sa monture. Le point de démarcation réside dans la différenciation du coq magique chez Romaine La Prophétesse et Halaou.

  • Là où Halaou (à pieds) tenait son coq magique sur sa personne, Romaine La Prophétesse apposa le sien sur sa selle de cheval.
  • Là où le coq magique d'Halaou prophétisait et protégeait ; celui de Romaine La Prophétesse protégeait uniquement. La prophétie chez Romaine, comme on l'a mentionné, provenait des messages divins retrouvés dans le tabernacle.
Alors, il ne semble pas avoir eu attribution du coq magique d'Halaou en provenance de Romaine La Prophétesse, ni d'inconsistances frappantes. Par ailleurs, on ne saurait établir avec certitude la provenance ethnique "africaine" de la magie de Romaine. On pourrait dire que comme lui, sa magie fut créole, donc hybride et syncrétique.
*** Le révisionniste islamique Matt Schaffer prétend qu'un vèvè de la Divinité haïtienne Mèt Granbwa (Maître Grand Bois) comportant des feuilles dériverait d'un masque traditionnel Mandingue ; et que le mot Créole Granbwa viendrait non pas du Français (Grand Bois) mais plutôt de "Bua" qui signifierait "Hibou" en langue Mandingue. (57) Schaffer tenta ce rapprochement de Mèt Granbwa avec des pratiques traditionalistes Mandingues uniquement afin d'établir un pont vers les Mandingues islamisés.
Ce révisionniste audacieux gagnerait à connaître ces faits des plus rudimentaires ; à savoir : 
1) Le nom "Granbwa" n'est pas Mandingue. Il ne réfère pas à un masque, ni à un hibou, d'ailleurs. Car, les Montagnes des Grands Bois, référées dans l'histoire d'Haïti, sont situées dans la province de l'Ouest, à 52 kilomètres de Port-au-Prince. Elles constituent, depuis 1888, une commune des Croix-des-Bouquets. On y garde farouchement les valeurs traditionnelles, dont la danse légendaire Carabinier (Kalabiyen ou Kabiyen, en Créole).

(Danse traditionnelle Kalabiyen (Carabinier) à Cornillon, Grand Bois)
Source : HTN CT ; Vivens Joachim. "Kalabiyen nan Grand Bois, Haïti. Plezi gaye". Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=ksUGYS7Yaes ; TL : 05:44, 04:48

Cette danse impériale, aujourd'hui rarissime, fut inventée en 1805 pour Jean-Jacques Dessalines, par Manuel, le maître de danse de l'Empereur. (Voir 7- Annexe : La danse Carabinier (Kalabiyen))
Les archives dominguoises offrent maintes références à la Montagne des Grands-Bois :
"Antoine, Tacoua étampé illisiblement, âgé de 35 ans, ayant des marques de son pays sur le visage, disant que son maître était un Nègre libre, Habitant à la Montagne des Grands-Bois, dont il ignore le nom, et qu'il a été tué par les Nègres marrons." (58)
Et durant les troubles dans l'Ouest auxquelles prenait part Halaou, la Montagne des Grands-Bois abritait des rebelles qui furent désarmés en mars 1792, et leurs chefs exécutés :
"Le désarmement des atteliers de la plaine ne produisit qu'une très petite quantité d'armes tant bonnes que mauvaises ; celui des habitations des Grands-Bois au nombre de 40 ne produisit que quarante et quelques fusils et douze Nègres seulement reconnus chefs de bande ou incendiaires y furent mis à mort par le détachement chargé de la visite de cette montagne." (59)
Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que dans la religion traditionnelle haïtienne qu'une Divinité (Lwa ou Jany) gardien des Forêts porte le nom de Mèt Granbwa (Maître Grand Bois), et que cette Divinité des Forêts soit illustrée couverte de feuilles. Sans compter que la vaste majorité des vèvè de Granbwa présente des forêts sous diverses formes.


(Vèvè de Granbwa)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.246.

2) Le nom complet du Lwa ou Jany en question est Mèt Granbwa Ile. Cela renvoie à la ville primordiale nigériane d'Ile Ife qui est sacralisée dans le rituel traditionnel haïtien sous la forme des Divinités Mèt Granbwa Ile (ou Zile), Manman Ile ou Manbo Ile. Tel est d'ailleurs le cas pour la ville nigériane de Badagry qui est divinisée en Haïti en Ogoun Badagri. Et si doute persiste, la Divinité Granbwa Nago devrait l'enlever. Son nom évoque sans ambiguité sa provenance Yoruba (Nago). Car Granbwa Mandeng (Mandingue) n'existe pas.
**** Le mot Anago ou Nago, plusieurs auteurs l'on expliqué à la hâte, de manière incomplète. L'explication la plus tenace vient de Paul Mercier qui, en 1950 écrivit que les Dahoméens (Fon) nommaient péjorativement "Nago" leurs voisins et ennemis Yoruba :

"Les Fon, eux connaissent sous le nom de Nago, tous les adversaires traditionnels de l'E. : aussi bien ceux d'Oke-Odan que ceux d'Abeokata ou de Ketou. On a trouvé à ce nom une étymologie : il signifierait en fongbé rebut, ordure, terme de mépris adressé à l'ennemi. En fait, il est des groupements Yoruba, dans le cercle dahoméen de Porto-Novo, et des régions adjacentes de la colonie et de la division d'Ilare, qui s'appellent eux-mêmes Anago et ne connaissent que ce nom. Le mot pourrait donc n'avoir pas été forgé par les Fon, il serait probable qu'ils aient exploité un jeu de mots péjoratif en même temps qu'ils étendaient comme il est fréquent un nom tribal à l'ensemble du peuple". (60)
Peu après, en 1958, Alfred Métraux relaya l'hypothèse de Paul Mercier telle une certitude :
"Nago : Nom que les Fons donnent aux Yoruba." (61)
Mais cette explication ne s'accorde pas avec la fierté que soulève ce mot au coeur des descendants des Yoruba en Haïti. Fort heureusement, nous avons ici la version d'un Yoruba du Nigeria du mot Nago ou Anago :
"Les Yoruba sont Anago, Nago, Lucumi/Ulcumi, Aku, etc. Les Yoruba n’ont pas de nom uniforme au début. Ce qui unit les Yoruba, ce sont leur langue, leur origine à Ile Ife et leur culture.
Les Yoruba sont appelés Anago ou Nago au Brésil, en République du Bénin, en Haïti, au Togo, au Ghana, en Côte d'Ivoire, etc. Les mots Lucumi et Anago ont été utilisés par le passé pour qualifier les Yoruba avant que les missionnaires chrétiens ne rendent le nom Yoruba populaire dans leurs écrits. Dans la partie nord du Togo, les Yoruba s'appellent également Ana Ife ou Ana.
En grandissant à Ebute Metta à Lagos [Nigeria], je me souviens que lorsque ma grand-mère nous parlait et que nous n'écoutions pas ou parce que nous jouions et ne semblions pas prêter attention à ce qu’elle disait, elle nous criait dessus en disant '' Se e o gbo Anago ti mo n ba yin so ni?" (Ne pouvez-vous pas comprendre le Anago que je vous parle). Cela signifie ne comprenez-vous pas le Yoruba que je parle?
Anago est un autre nom sous lequel les Yoruba sont connus. Cela signifie une personne qui est sage ou intelligente comme les Yoruba sont perçus par d’autres Africains." (Trad.) (62)
Cet extrait ce rapproche d'avantage de la vision haïtienne du mot Nago. Nago étant sans aucun doute l'identifiant ethnique dont les Haïtiens sont le plus fier, il est raisonnable qu'il pesa lourd en terre d'"Afrique" de son origine.
+ Dans ce court extrait, nous retrouvons les références à la taille "gigantesque" et à la "force herculéenne" que l'on colle volontiers à grande nombre des héros de la Révolution haïtienne ; à savoir Macandal, Boukman, Cécile Fatiman, Hyacinthe, etc. C'est là un stéréotype raciste qui est véhiculé pour suggérer faussement que l'ascendance des leaders révolutionnaires haïtiens sur leurs semblables reposait sur leur brutalité, et non sur leurs habilités intellectuelles. Cependant, il semble qu'Halaou était effectivement de grande taille :
"Lorsque le pays s'agitait en tous sens, que les esclaves faisaient trembler les maîtres, un homme parut, haut de six pieds et large de deux, et il se nommait, Halaou." (63)
Du moins, c'est ce qu'Ignace Nau a puisé de la mémoire historique haïtienne.
++ Anciennement proscrit en Haïti, caplata ou caprélata réfère au culte, à la magie et aux officiants traditionnels, at large. Au sens plus strict, caplata ou caprélata est synonyme de ce qu'on appelle "doktè fèy" (docteur feuilles) en Haïti ; c'est-à-dire les herboristes traditionalistes. Caprélata provient de "Capreolata", retrouvé dans les noms des plantes telles que Bignonia capreolata et Fumaria capreolata :


(Fumaria capreolata)
Source : Jan Kops. Flora batava. Part 14. Te Leiden BIj De Breuk & Smits, 1873. ; Lien permanent : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fumaria_capreolata_%E2%80%94_Flora_Batava_%E2%80%94_Volume_v14.jpg

Il existe aussi la famille de plantes dites caprifoliées, caprifoliacées ou caprifoliaceae, c'est-à-dire les "chèvrefeuilles". Car "capra" veut dire "chèvre", et "folia", feuilles en latin. Dans la culture haïtienne, le mot kaplata désigne un officiant traditionaliste de moindre calibre. Cela peut être dû au statut secondaire de l'herboriste ou "doktè fèy" par rapport aux leaders à part entière que sont les houngan (du genre masculin) et manbo (du genre féminin).

Kaplata, kaprelata ou capoeira?
On serait porté à tort à rapprocher le mot créole kaplata ou kaprelata au capoeira, art martial "afro"-brésilien qui fut également interdit. (64) Le mot créole kaplata ou kaprelata dérive de noms de plantes, tandis que le mot portugais capoeira réfère à une espace défensive au coeur des fortifications militaires (caponnière en Français). Capoeira réfère avant tout à une chaponnière, c'est-à-dire une maison servant à engraisser les coqs castrés nommés chapons en Français, et capao en Portugais.



(Art martial Capoeira, au Brésil)
Source : Johann Moritz Rugendas. "Capoeira or the Dance of War", 1835. Lien permanent : https://en.wikipedia.org/wiki/Capoeira#/media/File:Rugendasroda.jpg

Le mot créole kaponnaj (kaponnay, kraponnaj ou kraponnay), qui exprime l'action d'intimider quelqu'un sans lui porter de coups, s'accorde parfaitement avec l'art martial capoeira. Car, de part leur castration, les coqs castrés ou capoa perdent leur agressivité. Ainsi, contrairement aux coqs réguliers, les éleveurs peuvent loger leurs capoa ensemble sans risque de combats majeurs. Ce phénomène est illustré par le capoeira dans lequel les combattants/joueurs lancent des coups sans se frapper.

(Mouvements capoeira)
Source : Illustration Mestre Bimba. In : "Roda de capoeira e ofício dos mestres de capoeira" ; Dossiê Iphan ; 12, Brasília, 2014. p.99.
Toutefois, "capo, caponis, caponem" qui est la racine latine de capoeira révèle que l'art martial capoeira implique d'avantage que le simple non-contact, inspiré par les chapons, capoa ou coqs châtrés. Car, le mot français capon décrit celui, pour arriver à ses buts, use de ruse, tromperie, et de cajolerie cachant l'attaque. (65) Là des caractéristiques emblématiques du capoeira, art martial que les captifs (esclaves) brésiliens camouflaient par le jeu, la danse, la musique, les chants et les acrobaties.

L'origine du capoeiraCet art martial que les captifs (esclaves) "afro"-brésiliens camouflaient, l'ont-il inventé à partir de rien au Brésil ou l'ont-il amené de l'"Afrique"? Il fut démontré par Neves e Sousa que le capoeira provient du ngolo, une lutte traditionnelle angolaise dans laquelle on imite les coups de pattes du zèbre. (66)

(Zèbre frappant de la patte arrière)
Source : "Brave Baby Zebra Kicked A Pride Of Lion" ; Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=sQ0uONFW88U ; capture 1:43

(Coup de pied arrière inspiré du zèbre, dans le Ngolo angolais)
Source : Illustration Albano Neves e Sousa, 1965. In : Thomas J. Desch Obi. Fighting for Honor: The History of African Martial Art Traditions in the Atlantic World. Columbia, 2008. p.220.

Ngolo est effectivement le singulier du mot "zèbre" en langue Kiluba. Au pluriel Wa Ngolo (Wangolo), (67) forme le nom du pays Angola, et aussi celui du style nommé "capoeira angola" au Brésil, c'est-à-dire le "capoeira des zèbres", par extension.

(Mouvements du capoeira ressemblant aux coups de pattes du zèbre)
Source : ‪Marcel Gautherot‬ ; IMS collection, M. Gautherot, 1954 ; Lien permanent : http://velhosmestres.com/en/waldemar-1954-1  

Cependant, évoquant un manque de preuves tangibles, certains doutent de l'origine angolaise du capoeira. (68) Les voilà, ces preuves tangibles. Premièrement, le mouvement de base du capoeira nommé genga, en langue Kikongo (genga-gele) signifie : "dévier, obliquer, s'écarter". (69) En Haïti, comme dans les Antilles et la Louisiane, on nomme genga, ginga, jinga, jenga ou zinga, les volailles aux plumages frisés, tachetés ou rayés qui renvoient aux marques obliques du zèbre.

(Poule ginga)
Source : https://lapluma97-2.skyrock.com/3140450560-poule-GINGA.html

Deuxièmement, telles les taches obliques du zèbre, le genga du capoeira, par son jeu de pieds vers l'arrière et ses balancements obliques, servirait à éviter et à confondre l'adversaire.
(Mouvements de pieds arrière et balancements dits genga dans le capoeira)
Source :  Illustration Mestre Bimba. In : "Roda de capoeira e ofício dos mestres de capoeira" ; Dossiê Iphan ; 12, Brasília, 2014. p.72.

En Haïti traditionaliste où le pays Angola (Wa Ngolo, Wa Ngòle, Wa Ngòla) se nomme encore Wangolo, Wangòl ou Dangòl, il existe la danse Petro dont les mouvements de pieds arrière et d'avant-bras défensifs s'apparentent au genga du capoeira brésilien.
(Petro, danse haïtienne axée sur des mouvements de pieds arrière et des balancements agressifs)
Source : Hervé Gilbert. "Danse Petro" ; Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=oOtTvD2tD7c ; TL : 03:33, 03:30, 00:23
 

D'ailleurs, en Créole haïtien, le rite à la danse violente Petro se dit également Don Petro, Danpetro, Donpèd ou Donmpèt. Or, donmpèt qualifie aussi un cheval agressif prompte à lancer des coups de pattes. Ainsi, cette danse Petro est lié au coups de pattes de chevaux comme le genga et le capoeira brésiliens sont liés aux coups de pattes de zèbres. Nous assistons donc, à Saint Domingue (Haïti), à une substitution naturelle du zèbre (réalité "africaine") par le cheval (réalité antillaise).
 

Le capoeira brésilien, la danse petro haïtienne et l'héritage Jaga
Suite à des recherches exhaustives, l'auteur Thomas J. Desch Obi a conclu que l'art martial angolais ngolo (engolo) découle des légendaires mercenaires Jaga dont les descendants dans le Sud-Ouest de l'Angola se nommaient Imbangala. (70) Et par conséquent, le capoeira provient ultimement des Jaga, car dérivant du ngolo (ou engolo).
Or, comme nous l'avons établi dans un article précédent, le rite (et la danse) Petro ou Danpetro d'Haïti porte le nom de Dom Pedro III, le Roi du Congo/Angola dont le règne (1669, 1678-1680) coïncide avec 1679, le début de l'importation de captifs (esclaves) dans la colonie française de Saint Domingue (Haïti). Et puisque le terme "Ne-Nkosi" (Nenkosi) indique "Roi" en langue Kikongo, (71) la Divinité haïtienne N'kosi Danpetro réfère certes au Roi Danpetro ou Dom Pedro III.
Parmis les déportés à Saint Domingue se trouvaient les Jaga, appelés Niiac, Niaqua, Miaca (Myaca), Mayoca, Mayaga, Mayaque, Mouillac, Mouyaca, Monyaqua, Mouxaqua ou Congo-Mouyaca. Ces effroyables Jaga qui se battaient pour Dom Pedro III qu'ils vénéraient, se servaient donc du ngolo, la danse du zèbre, à la fois comme art martial et comme danse spirituelle. Cet héritage royaliste Jaga devint très tôt le rite guerrier Petro et la danse guerrière du même nom.
De plus, le frère de Dom Pedro III, le Roi João II (Nzuzi a Ntamba), son successeur à Mbula/Lemba (1683-1716) qui se servait autant des Jagas, est vénéré en Haïti sous le nom de Zawo Lenmba, Zawo Danpetro, Zawou Penmba, etc. Et les Jaga sont honorés sous le nom de Yagaza dans le rituel haïtien, fait remarqué dans l'appellation des Divinités (Lwa/Jany) Èzili Yagaza, Manbo Yagaza, Nègès Yagaza, Okou Yagaza ; dans l'expression sacrée Miton Yagaza ; et dans maints chants sacrés. Toutefois, leurs pratiques cérémonielles les plus abhérantes ne figurent pas dans le rite Petro, et sont contraires à la religion traditionnelle haïtienne qui les proscrit.
Au Brésil où l'héritage Jaga se manifesta plus tard, il prit la forme du capoeira qui est à la fois jeu, danse et art martial.

+++ Les roches sédimentaires ou pierres-tonnerre garnissant les autels des traditionalistes haïtiens proviennent de leur héritage Mandingue. Quoique recueillies ça et là dans l'île, ces pierres ne découlent point d'une rencontre falsifiée entre les ancêtres des Haïtiens et les Taïnos, les premières habitants de l'île décimés près de 2 siècles avant l'arrivée des ancêtres des Haïtiens. Nous en parlerons dans notre prochain article.


7- Annexe : La danse Carabinier (Kalabiyen)

Jasmine Narcisse suggère, sans preuve à l'appui, que la danse Carabinier fut l'invention d'Euphémie Daguilh (ou Daguille), une maîtresse réputée dépensière de l'Empereur Dessalines. (72) Certes Euphémie Daguilh possédait des talents artistiques incontestables. Elle participait à des bals organisés par l'Empereur. Et suite à l'assassinat de Dessalines, elle amadoua par ses chants une foule venue pour l'abattre. Toutefois, Manuel inventa la danse Carabinier au cour de l'Empire. La toute première chanson Carabinier à être composée, le fut par Manuel. Elle s'intitula "L'empérer vini ouai coucou, dansé l'empérer" (L'Empereur venez voir le hibou, dansez l'Empereur). Et l'Empereur Jacques I (Dessalines) effectua lui-même cette danse comique devant sa cour. Cela souleva l'indignation du Général Henry Christophe qui jugea ce spectacle avilissant pour l'autorité. Et suite à la mort de Dessalines, Général Henry Christophe exécuta Manuel pour prévenir pareil "avilissement" dans le futur. (73)
En 1836, Beauvais Lespinasse détailla l'imitation du hibou (coucou) via la danse, mentionnée séparément par Guy-Joseph Bonnet
:
"Nous passerons sur ce temps de l'origine et de l'imperfection du carabinier ou le danseur retenait de ses deux mains les revers de son habit et en relevant le pied par derrière le faisait toucher son postérieur, ou différemment écartait les deux bras en tachant d'imiter le coucou au son de : — L'Empérer, vini ouair coucou dansé. [L'Empereur, venez voir danser le hibou]." (74)
Toutefois, Beauvais Lespinasse fit remonter l'invention du Carabinier, non pas à individu (Manuel), mais au siège de Santo Domingo (partie Est de l'île) par l'Empereur Dessalines :
"L'Empereur, ayant été contraint de lever le siège de Sto. Domingo, pour ne pas décourager ses soldats, fit battre en retraite, cet air improvisé et devenu célèbre, (Carabinier n'allé n'a vini encore) qui fut reçu avec enthousiasme dans les bals et danse pour la première fois à la suite des contre-danses." (75)
On ne saurait préférer la version de Beauvais Lespinasse à celle de Guy-Joseph Bonnet, un très haut placé, signataire de l'Acte d'Indépendance d'Haïti, et témoin oculaire des faits. Servant d'intermédiaire pour Pétion, dont il rédigea les communications les plus marquantes, Bonnet a personnellement reçu le mécontentement du Général Henry Christophe concernant Manuel, la danse Carabinier et le comportement jugé "avilissant" de Dessalines faisant le "coucou". Ceci dit, l'ouvrage d'Edgar Le Selve informa que Manuel fut officier et aide-de-camp de Dessalines. (76) Donc, Manuel, ce militaire et maître de danse de Dessalines, que Christophe prétexta soupçonner pour l'arrêter à Marchand le 24-25 décembre 1806, avait bien pris part au siège de Santo Domingo. Et les danses locales pouvaient bien l'avoir inspiré à créer la sienne, si la situation permettait de telles interactions avec les locaux. Dans ce contexte, regardons le siège de Santo Domingo de plus près.

7.1- La danse Carabinier et le siège de Santo Domingo

La Campagne de l'Est de 1805, ou le siège de Santo Domingo, dura un mois et une semaine (17 février - 28 mars 1805). Cette opération militaire fut menée personnellement par l'Empereur Jean-Jacques Dessalines afin de punir les troupes françaises et les Dominicains qui soutenaient un décret génocidaire contre Haïti.
À peine 5 jours après la création d'Haïti, soit au 6 janvier 1804, le général français Jean-Louis Ferrand, ayant trouvé refuge dans la partie espagnole de l'île avec ses troupes, rédigea un Arrêté autorisant les Dominicains civils et militaires, le long de la frontière, de se rendre en territoire haïtien afin de kidnapper comme esclaves des enfants haïtiens de 14 ans ou moins. Le but avoué de ce décret esclavagiste et génocidaire fut "d'anéantir la rébellion des noirs dans la colonie de Saint-Domingue", nouvellement Haïti, de "diminuer la population et de les priver, autant que possible, des moyens de se recruter". (77)
Thomas Madiou révéla que le Carabinier prit en effet naissance durant ce siège de Santo Domingo, plus précisément au quartier général des troupes haïtiennes sur l'habitation Gaillard (nommée Galà en Espagnole, mais écrit Gaillard ou Galar par les historiens haïtiens). Et Euphémie Daguilh a rejoint Dessalines à ce lieu de la partie espagnole :

"Ce fut au quartier général de Gaillard que le Carabinier prit origine : danse nationale que les dames haïtiennes ont rendue si gracieuse, et que nos officiers exécutaient alors la carabine sur le dos. Mlle Euphémie Daguilh, une des maîtresse de l'empereur, était venue joindre l'armée avec la division de Geffrard. Jeune, belle, pleine de grâces, elle donnait l'élan à tous ces plaisirs, et composait les airs que jouaient les musiciens." (78)
Euphémie Daguilh a contribué aux airs du Carabinier, selon Madiou, qui pourtant ne l'a pas attribué l'invention de cette danse. D'ailleurs, aucun historien crédible ne l'a fait. Et pour cause. Mais poursuivons tout de même l'observation en consultant la chronologie du siège de Santo Domingo. (79)
Même si Guy-Joseph Bonnet n'a pas précisé le lieu de l'invention du Carabinier par Manuel, son témoignage rejoint ceux de Beauvais Lespinasse et de Thomas Madiou. Car toutes les personnes concernées, Bonnet, Manuel, Dessalines, Euphémie Daguilh, Pétion, et Christophe se sont retrouvées durant la même période, à l'habitation Galà, située à quelques kilomètres de la ville de Santo Domingo.
- Au 6 mars 1805, Dessalines établissait son quartier général sur l'habitation Galà. Manuel, Aide de camp de Dessalines était présent, de même que Bonnet, chef d'état-major de Pétion.
- Au 7 mars, le Général Henry Christophe venant du Nord, se pointa à l'habitation Galà.
- Au 10 mars, journée la plus tranquille de la campagne, nous estimons que Manuel aurait inventé le Carabinier pour divertir l'Empereur et ses troupes.
- Au 12 mars, Euphémie Daguilh dite Mamzelle Phémie, venant du Sud, arriva à l'habitation Galà, accompagnée par le Général Geffrard.
- Au 13 mars, du repos devrait s'imposer à Euphémie Daguilh qui, à dos de cheval, effectua l'épuisant trajet Cayes - Port-au-Prince - Santo-Domingo, estimé à 500 kilomètres. (80) Euphémie Daguilh, cette grande dame, fut probablement la première chanteuse allant divertir des troupes en guerre dans un pays étranger. Et elle fut aussi possiblement, après l'Impératrice Marie Claire Heureuse, la seconde infirmière de guerre de l'histoire.
- Du 14 mars jusqu'au 28 mars, date de lever du siège, Euphémie Daguilh risqua sa vie quotidiennement en allant, sous les bombardements, soigner les soldats blessés (81) à l'habitation voisine, base de Clervaux, servant d'hopital. Et pareillement, en retournant au quartier général où elle entonna son répertoire de chants et composa "les airs que jouaient les musiciens". Ces compositions ont certes ajouté au corpus musical du Carabinier.
Quant à la danse du Carabinier à proprement parler, elle fut initialement dansée en solo par Dessalines. Les mouvements rotatoires de base de cette nouvelle danse étant nettement plus dynamiques, pour ne pas dire plus brusques, que ceux observés à la Grenade, ils devaient être initialement effectués, deux par deux, par les soldats ou Carabiniers de Dessalines.
Le Carabinier deviendra une danse de couple par l'arrivée de Euphémie Daguilh au camp. Elle dansa certainement avec l'Empereur. Et possiblement d'autres dames l'ayant accompagné auraient également dansé avec les officiers. Euphémie Daguilh, ses accompagnatrices probables, et d'autres dames de l'époque, auraient ainsi raffiné la danse Carabinier qui présente encore de nos jours des mouvements soudains de soldats.
- Finalement, 4 mois après le siège de Santo Domingue, au 25 juillet, durant la fête de la Saint Jacques associée à sa couronne, Dessalines (Jacques I) dansa le Carabinier durant un festin en son honneur. Il fut accompagné d'une danseuse non identifiée aux genoux de laquelle il s'est laissé tomber. Certains pensent que cette dame mystérieuse fut Coucou Jonc, une autre maîtresse de l'Empereur jugée excellente danseuse. Et la chanson "Empérer vini oaui coucou" serait supposément une manière dont Euphémie Daguilh parodia sa rivale Coucou Jonc. (82)
D'autres, dont Thomas Madiou, suggèrent que la chanson du Carabinier disait plutôt "L'empereur vini voir Couloute danser". Car le peuple portait par elle ombrage à Couloute, une autre maîtresse de Dessalines, native de Jérémie. (83) Mais ces 2 affirmations s'avèrent fausses, compte tenu qu'au dire de Bonnet, Manuel composa cette chanson référant au hibou. Et ce, possiblement avant l'arrivée d'Euphémie Daguilh au quartier général des troupes haïtiennes.

7.1.1- L'influence des danses dominicaines sur le Carabinier
La question demeure : des danses dominicaines, ont-elles influencé Manuel et le Carabinier, lors du siège de Santo Domingo? C'est fort probable. Mais c'est difficile à prouver, vu les nombreuses interactions subséquentes entre Haïti et Santo Domingo, particulièrement au début du19e siècle chrétien. Les Dominicains possèdent la danse traditionnelle "El Carabine" qu'ils considèrent la leur autant que les Haïtiens clâment leur Carabinier. Mais le Carabine des Dominicains n'affiche pas de mouvements de danse aisément détectables dans le Carabinier haïtien.
D'ailleurs, les danseurs de Carabinier de Cornillon (Grand Bois), en Haïti, ont dévoilé le nom des 7 danses de base ayant contribué au Carabinier. 4 de ces 7 noms de danses de base nous sont parvenues. (84) Il s'agit des danses : 1) Memwat (Menuet, origine française), 2) Lele (Bèlè, danse créole/"africaine" très répandue dans la Caraïbe), 3) Contredanse (origine française), et 4) Lalaw (de souche "africaine", proche sémantiquement de Kolalawop, une danse haïtienne combinant sauts et rotations en cercle). (85)
Quant au 3 autres danses de base ayant contribué au Carabinier, elles se retrouvent potentiellement parmi ces danses coutumières haïtiennes que Claude Carré a classifié "danses de divertissement par couples" : Contredanses, Menuets, Valse, Tibobin, Kadri, Bèlè, Ka, Mangouline, Ti Krip. (86) De ce lot, seule la Mangouline est revendiquée par la République Dominicaine où l'on la désigne Mangulina. (Nom tiré de la Mandoline, un instrument à corde d'origine italienne que les Espagnols désignent Mandolina ou Bandolín) Mais Jean Fouchard affirme l'haïtianité de la danse Mangouline (Bangouline) qui, de son avis, fut exporté aux Dominicains durant l'occupation haïtienne de 1822 - 1844. (87)


7.2- La composition du Carabinier (Kalabiyen)

Quoiqu'il est constitué de couples en danse libre, sans aucune ou avec très peu de chorégraphies de groupe, tous conviennent que le Carabinier emprunta nombre de ses mouvements de la contredanse française, très en mode au 18ème siècle chrétien. Par contre, les opinions divergent sur les autres sources d'influence du Carabinier. Par exemple, Beauvais Lespinasse pense que le Carabinier aurait "puisé ses airs dans ceux de la danse africaine, le Chica et particulièrement dans la danse créole, la Coudiaill ou la Mazone." (88) Cependant, en janvier 1837, un abonné du journal Le Républicain répliqua à Lespinasse que d'une part, le nom Carabinier provint lorsque : "l'Empereur dans l'action de la danse, dit-on, s'écriait de temps en temps : à Carabiner !". D'autre part, poursuit-il, le "Carabinier est une imitation de la Tumba, que la Coudiaill', la Mazone et les chants de Bisango ne sont que des ramifications du Carabinier et que le Baboule n'est que le Vaudoux allié à la Martinique." Donc, de l'avis de l'abonné "la coudiaill, la Mazone, le Baboule, etc. sont postérieurs au Carabinier". (89)
Or, la tradition afro-cubaine appelée Tumba Francesa prouve que les danses Mazone, Baboule, et Djouba (ou Martinique) existaient bien avant l'indépendance d'Haïti (janv. 1804), l'Empire de Dessalines (2 sept. 1804 - 17 oct. 1806) et la création du Carabinier (mars 1805). La Tumba Francesa est une danse majestueuse amenée à Cuba par des captifs (esclaves) de Saint Domingue (Haïti actuel) dont les propriétaires fuyaient la Révolution haïtienne (1791-1803). La Tumba Francesa est composée historiquement de 4 danses nommées Masón, Babú, Yubá, et Grasimá. Le Masón cubain est le Mazòn (Mazonn, Mazoun ou Kongo Mazonn) haïtien, le Babú cubain est le Baboul haïtien, et le Yubá cubain est le Djouba (ou Matinik) haïtien. Quant au Grasimá, outre Madigras (Mardi gras), il n'a point d'équivalence aisément répertoriée en Haïti. Son nom signifiant Grasse en Espagnole, suggère une insertion afro-cubaine à la Tumba francesa. Soulignons que la Tumba Francesa de Cuba partage maintes autres références avec Haïti, telles que : Composé (Konpoze en Haïti), Bulayé (Boulaye en Haïti), Chachás (Tchatcha en Haïti), la Cinta (Trese riban en Haïti), les tambours Premier (Mamier), Bulá, Sègon (Bébé), et Catá à Cuba, dits Manman, Segon, Boula (Bebe) et Kata en Haïti. (90)
Rappelons, en passant, qu'en dépit du contenu "africain" évident du Tumba Francesa, le mot Tumba est espagnol, car il est uniquement évoqué dans les anciennes colonies espagnoles (République Dominicaine, Cuba, Porto-Rico, Aruba, Curaçao, Bonaire). Tumba en Espagnol veut dire Tombeau. Il réfère au Tombeau, la musicale baroque française (16ème -18ème siècles chrétiens), dans laquelle le tambourin provençal (et la flûte Galoubet) occupait une place importante.


(Tambourins de Provence, en France)
Source : http://www.collectifprovence.com/a-vendre-deux-tambourins

À Cuba, les tambours de la Tumba francesa ont emprunté la forme du tambourin provençal.

(Tambours de la Tumba Francesa, à Santiago de Cuba)
Source : https://relix.com/articles/detail/cuba_seeing_the_sounds_of_the_island/

Mais le reliage en bois des tambours de la Tumba Francesa appartient aux tambours dahoméens (dits Rada, dans le rituel traditionnel haïtien).

(Tambour Boula du rite dahoméen ou Rada d'Haïti)
Source : Benoît Prieur. Wikimedia Commons. https://en.wikipedia.org/wiki/Boula_(music)#/media/File:Tambour_Boula_(Ha%C3%AFti).jpg

Boula, le plus petit des 3 tambours Rada, est conforme au rite dahoméen dans ses fonctions et par sa forme. Pourtant, son nom ne provient pas du Dahomey (Bénin). Répandu dans les Antilles (Cuba, Grenade, Guadeloupe, Trinidad & Tobago), et en Louisiane, le tambour Boula porte le nom de la région de Mbula Lemba au Congo. Son autre appelation, Bamboula, désigne en Kikongo, Ba-Mbula, "les Gens de Mbula", ceux-là qui forment la Nation sacrée Boula dans le rituel haïtien, les sujets du Roi Dom Pedro III, Père du rite Petro d'Haïti.

(Tambour du rite Petro d'Haïti)
Source : http://www.lameca.org/publications-numeriques/dossiers-et-articles/vodou-music-in-haiti/4-the-kongo-petwo-room/

Ironiquement, les tambours du rite Petro affichent un emprunt plus marqué (forme et surtout reliage à cordes) du tambourin provençal que le font les tambours du rite Rada. Ce rite Petro incorpore d'ailleurs d'avantage d'éléments catholiques que les autres.


7.2.1- Le Carabinier et les cérémonies Big Drum de la Grenade

Finalement, c'est sur l'île de Grenade que nous avons découvert une plus grande similitude avec le Carabinier. Lors d'une célébration Big Drum, les danseurs exécutèrent de temps à autres ce mouvement de rotation dans les 2 sens, qui constitue la base même du Carabinier haïtien :
(Rotations durant une célébration Big Drum à la Grenade)
Sources : Cultural Equity. https://youtu.be/9B0-BD9Qm34 ; TL : 01:49:22 ; https://youtu.be/QCTPMTy5M5A ; TL : 02:59:25

Or, ces rotations ont lieu, non pas lors d'une danse folklorique tirée de l'Europe, mais bien durant une rencontre traditionnelle en l'honneur des Divinités "africaines", des Ancêtres et d'une personne récemment disparue. Dans ce genre d'événéments, on joue des tambours dits Boula ou Big Drum (même calibre qu'à Cuba). Les gens de Carriacou (Grenadines, Grenade) nomment également ces danses "Tombstone Feasts", c'est-à-dire "Fêtes de Pierre Tombale". Cela rappelle la Tumba (le Tombeau), la Contredanse, le Carabinier, le Bele, le Gwo Ka, et d'autres danses coloniales ayant diverties les captifs (esclaves) lors des nuits régulières ou de veillées funèbres.

À noter que lors de ces danses semi-religieuses à la Grenade, outre les tambours appelés Boula comme en Haïti, et des rotations ressemblant au Carabinier, des mots familiers tels que Legba, Ibo, Arada, Congo et Hausa sont invoqués dans des chants partiellement en Créole. Il ne s'agit pourtant pas d'une influence haïtienne, puisse que la Grenade fut jadis une colonie française, avant que les Anglais en prennent possession. Mêmement, les mouvements de rotation du Carabinier haïtien ne découlent pas d'une influence de la Grenade. Ces mouvements rotatoires viennent plutôt d'une source "africaine" commune, soit elle Ibo, Arada, Congo, Hausa, ou autre
C'est similaire pour le Chica qui se dansait à Saint Domingue, et dont, d'après Moreau de St. Méry, les meilleures danseuses se trouvaient dans la colonie hollandaise de Curaçao. Pourtant, toujours selon de St. Méry, cette danse provocante nommée Chica fut amenée directement de l'"Afrique" par les captifs (esclaves) dans leurs colonies respectives. (91)

7.3- L'origine "africaine" du Carabinier

S'il fallait trouver un pays "africain" à l'origine du mouvement rotatoire commun à la danse traditionnelle de la Grenade et au Carabinier d'Haïti, nous opterons pour le Congo. D'une part, une annonce de marronnage de 1781 fit mention de Manuel, un captif (esclave) Congo jouant du violon et de la mandoline :
"Un Nègre nommé Manuel, nation Congo, âgé d'environ 28 ans, taille d'environ 5 pieds, visage noir, est parti maron le 12 de ce mois ; ledit Nègre est orfèvre de son métier, et joue du violon et de la mandoline. Ceux qui le reconnoîtront, sont priés de le faire arrêter et d'en donner avis au Sieur Bremond, Marchand Orfèvre au Cap, rue du Bac : il y aura récompense." (92)
D'autres parts, dans une annonce précédente de 1776, on soupçonne que dans sa fuite, Manuel, ce captif (esclave) musicien, se refugia à Saint Marc, dans la région de l'Artibonite :
"Un Nègre nommé Manuel, sans étampe, orfèvre de sa profession, taille de 5 pieds 2 à 3 pouces, fort noir, le nez épâté, ayant des talens particuliers, jouant très-bien de la mandoline et du violon, et ayant appartenu ci-devant à M. Maingueneau, Marchand orfèvre au Cap, est parti maron le 9 de ce mois : on soupçonne qu'il est à l'Artibonite ou à Saint-Marc. Ceux qui le reconnoîtront, sont priés de le faire arrêter et d'en donner avis à M. Damour, Orfèvre au Cap, à qui il appartient." (93)
Or, Manuel, maître de danse de Dessalines, habita à Marchand, proche de Saint Marc, dans l'Artibonite, où Henry Christophe l'arrêta en décembre 1806. Donc, sans en avoir une assurance parfaite, nous pensons que Manuel, le maître de danse de Dessalines fut jadis ce captif (esclave) Congo. Musicien, dans la vingtaine, il fréquentait la ville de Saint Marc et ses environs, dont les Cahos, où Dessalines peinait dans la captivité (esclavage). Et par conséquent, Manuel aurait bien pu baser la danse Carabinier sur un mouvement rotatoire traditionnel Congo lui étant familier.
Qui plus est, Claude Carré attribue la paternité du Carabinier, et de l'ensemble des danses coutumières de divertissement d'Haïti, à l'ethnie Congo, avec des apports européens. (94)


Notes
(1) Sylviane A. Diouf. Servants of Allah : African Muslims Enslaved in the Americas. New York, 1998. p.150.
(2) Beaubrun Ardouin. Études sur l'histoire d'Haïti. Tome 1. Paris, 1853. p.352.

(3) Joseph Saint-Rémy. Pétion et Haïti, étude monographique et historique. Tome 1. Paris, 1864. pp.149-150.
(4) M.L.E. Moreau de St. Méry. Loix et constitutions des colonies françoises de l'Amérique Sous le Vent, Vol 4. Paris, 1784. pp.352-355.
(5-6) Terry Rey. The Priest and the Prophetess : Abbé Ouvière, Romaine Rivière, and the Revolutionary Atlantic World. Oxford, 2017. pp.31-32, 68-69.
(7-8) Beaubrun Ardouin. Op. Cit. pp.324-325, 207.
(9-11) Thomas Madiou. Histoire d'Haïti, Tome 1. Port-au-Prince, 1847. pp.100-101.
(12) Gaspard Théodore Mollien. Haiti ou Saint Domingue, Tome 1. (Écrit en 1832) Paris, 2006. p.67.
(13-14) Chatillon Marcel, Debien G., du Boisrouvray Xavier, de Maupeou Gilles. "Papiers privés sur l'histoire des Antilles". In: Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 59, n°216, 3e trimestre 1972. pp.432-490.
(15) Odette Mennesson-Rigaud. "Le rôle du Vaudou dans l'indépendance d'Haïti." In : Présence Africaine. Nouvelle série. No.18/19 (février-mai 1958). pp.43-67 (p.63)
(16) ‪Joseph Cuoq‬. ‪Les Musulmans en Afrique‬. Paris, 1975. p.241.
(17) AN, D-XXV, 23, 232, Pierre Poulain to Sonthonax, 25 February 1793. Cité par John K. Thornton. "I Am the Subject of the King of Congo : African Political Ideology and the Haitian Revolution". In : Journal of World History, Vol. 4, No. 2, 1993. pp.181-214.
(18) P.-M. (Pélage-Marie) Duboys. Précis historique des annales de la colonie française de Saint-Domingue... Tome 1. Arcahaie, 1804. p.147.
(19) Thomas Madiou. Op. Cit. Tome 1. p.181.
(20-21) Ignace Nau. "Souvenirs historiques : le lambi". In : L'Union, Recueil commercial et littéraire. No 18, Port-au-Prince, 1837. p.3.
(22) Samuel Crowther. Vocabulary of the Yoruba Language. London, 1852. p.157.
(23) François Eldin, Haiti : 13 ans de séjour aux Antilles. Toulouse, 1878. pp.69-71.
(24) Jean Targète, Raphael G. Urciolo. Haitian Creole English Dictionary. Kensington, 1993. p.171.
(25) Voir Tilo Plöger. Die Götter Von Ifá : Die Orixás: Die inneren Polaritäten des Menschen. Hamburg, 2016.
(26) Ignace Nau. "Souvenirs historiques : le lambi"..., Op. Cit. pp.2-3.
(27) Beaubrun Ardouin. Op. Cit. p.352-353.
(28) Jacques de Norvins. "Variétés. Toussaint Louverture". In : La Presse du dimanche 13 novembre 1836, no.124. p.3.
(29) Beaubrun Ardouin. Op. Cit. p.353.
(30-32) Ibid. pp.356, 357, 358.
(33) P.-M. (Pélage-Marie) Duboys. Op. Cit. p.148.
(34) Ignace Nau. "Un épisode de la révolution : Conte créole. (Suite) : Le Camp-Pernier. II". In : Le Républicain : Recueil scientifique et littéraire. No.10. du 1er janvier 1837. Port-au-Prince, pp.2-5.
(35) Étienne Polvérel. "Lettre datée du Port-Républicain le 16 avril 1794 à Montbrun, commandant de la province de l’Ouest, relative à l’Affricain Zamore. AN. D/XXV/42.” Citée par Vertus Saint-Louis. "Le surgissement du terme "africain" pendant la révolution de Saint-Domingue". In : Ethnologies, vol. 28, n° 1, 2006, p. 147-171. (p.153)
(36) Terry Rey."The Virgin Mary and Revolution in Saint-Domingue: The Charisma of Romaine-la-Prophétesse." In : Journal of Historical Sociology Vol. 11 No.3, September 1998. pp.341–369. (pp.357-362) ; Terry Rey. "Habitus et hybridité : une interprétation du syncrétisme dans la religion afro-catholique d’après Bourdieu". In : Social Compass, 52(4), 2005. pp.453-462.
(37) John K. Thornton. The Kongolese Saint Anthony: Dona Beatriz Kimpa Vita and the Antonian Movement, 1684-1706. Cambridge, 2009. p.26.
(38-40) Louis Jadin. Le Congo et la secte des Antoniens: Restauration du royaume sous Pedro IV et la "Saint Antoine" congolaise (1694-1718)." In : Bulletin de l'Institut Historique Belge de Rome n .033, 1961. pp.411-614.
(41) Voir Anne Stamm. "La société créole à Saint-Paul de Loanda dans les années 1838-1848' In: Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 59, n°217, 4e trimestre 1972. pp. 578-610. (p.606)
(42) Pour le twoubadou haïtien, écouter André Gunfred, Andréas Lacroix. "Bon ti konsèy". Enregistré en 1936, à Pont Beudet, en Haïti. (Alan Lomax's recordings in Haiti : 1936-1937. Volume 2.). Lien permanent : http://red3mp3.ru/7448841/andre-gunfred-bon-ti-konsey.htm ; Pour le Candomblé brésilien, écouter : 1) Shimiya's group. "Opanije (rhythms for Omolù)" - a. Ketu-drumming with sticks. Enregistré en 1941 ou 1942 à Salvador de Bahia, au Brésil. (The Yoruba / Dahomean Collection: Orishas Across the Ocean. The Mickey Hart Collection, 1998). Lien Permanent : https://www.youtube.com/watch?v=RVXRzbzLLus ; 2) Jorge Alabè. "Avamunha". Cantigas e Ritmos dos Orixas. The Music of Candomblé, 2012. Lien permanent : http://red3mp3.ru/14328489/jorge-alabe-avamunha.html ; Pour l'énumération des rythmes de tambour compris dans le rituel des différentes Nations de la religion traditionnelle brésilienne, voir Luis Nicolau Parés. The formation of Candomblé : Vodun history and ritual in Brazil. (Trad. Richard Vernon). Chapel Hill, 2013. pp.251-255.
(43) Jerry Gilles. "Remembering Toni Malo (Kimpa Vita)." [en ligne] ; Lien permanent : http://www.bookmanlit.com/tonimalo.html ; Consulté le 25 mars 2019.
(44) Ọbádélé Kambon, PhD. Dictionnaire (Lexique) Kikongo-Français. [en ligne] Lien permanent : https://www.abibitumikasa.com/forums/showthread.php/48048-Dictionnaire-%28Lexique%29-Kikongo-Fran%C3%A7ais ; consulté le 30 juillet 2017.
(45-46) Raphaël Batsîkama ba Mampuya ma Ndâwla. L'ancien royaume du Congo et les Bakongo. Paris, 1999. pp.14-15 ; 182.
(47) Georges Balandier. La vie quotidienne au royaume de Kongo du XVIe au XVIIIe siècle. Paris, 1965. p. 243.
(48) Wyatt MacGaffey. Kongo Political Culture : The Conceptual Challenge of the Particular. Bloomington, 2000. p.93.
(49) Jerry Gilles. Op. Cit.
(50) Journal des débats politiques et littéraires (Paris) du 2 juin 1898 (no 152), p.1 ; Voir aussi L'Impartial du 24 décembre 1896. Port-au-Prince. p.? ; Le Constitutionnel du dimanche 11 avril 1897 (no 30011). Paris. p.3. ; Le Petit caporal : journal quotidien, politique, démocratique et patriotique du lundi 12 avril 1897. p.2.
(51-53) Antoine Pierre-Paul. ‪Les contre-vérités d'une thèse à l'École normale supérieure et la levee de boucliers dominicano-lecontiste de 1911‬. Port-au-Prince, 1963. pp.24-26.
(54) Pierre-François-Xavier de Charlevoix, Humblot. Histoire de l'île espagnole de St Domingue. Paris, 1731. p.501.
(55) Milo Rigaud. La Tradition voudoo et le voudoo haïtien. Paris, 1953. p.66.
(56) Terry Rey. The Priest and the Prophetess : Abbé Ouvière, Romaine Rivière, and the Revolutionary Atlantic World. Oxford, 2017. pp.62-63.
(57) Matt Schaffer. "Bound to Africa: The Mandinka Legacy in The New World" in: History in Africa 32, 2005. pp.321-369.
(58) Les Affiches Américaines du samedi 25 janvier 1783. Parution No.4. p.39.
(59) P.-M. (Pélage-Marie) Duboys. Op. Cit. p.100.
(60) Paul Mercier. "Notice sur le peuplement yoruba au Dahomey-Togo (1)." In : Études dahoméennes, Volume 4, 1950. pp.29-40. (p.30)
(61) Alfred Métraux. Le Vaudou haïtien. Paris, 1958. p.328.
(62) Anago James Akeeem Osho. "The Anago in Benin Republic, Togo and Nigeria..." [en ligne] Lien permanent : http://anagoadventures.blogspot.com/2016/04/the-anago-in-benin-republic-and-nigeria.html ; Consulté le 9 mars 2019.
(63) Ignace Nau. "Souvenirs historiques : le lambi"..., Op. Cit. p.2.
(64) Il a été suggéré que le mot capoeira soit de souche amérindienne (Tupi-Guarani) en référence à une "jungle défrichée par le feu". Cette hypothèse visant à noyer la paternité "africaine" du capoeira comme art martial ne tient pas la route. Voir Nestor Capoeira. Capoeira : Roots of the Dance-Fight-Game. Berkeley, 2002. pp.109-110.
(65) Voir Émile Littré. Dictionnaire Littré de la langue française. Tome 1. Genève, 1976. p.479. ; Lien permanent : https://www.littre.org/definition/capon
(66) Albano Neves e Sousa. Da minha África e do Brasil que eu vi. Luanda, 1965. p.57.
(67) J. M. Jenniges. Traité de Kiluba-Sanga, tel qu'il est parlé au secteur du Haut-Luapula (Katanga) et régions limitrophes. Publication État indépendant du Congo, 1908. p.7.
(68) Matthias Röhrig Assunção. Capoeira: A History of an Afro-Brazilian Martial Art. Abingdon, 2005. pp.49-56.
(69) Ọbádélé Kambon, PhD. Dictionnaire (Lexique) Kikongo-Français. Op. Cit.
(70) Voir Thomas J. Desch Obi. Fighting for Honor: The History of African Martial Art Traditions in the Atlantic World. Columbia, 2008 ; L'auteur Desch Obi, (pp.37-41) contredit Neves e Sousa sur le fait que le mot Ngolo se rapporte au zèbre. Il croît plutôt que les coups de pieds inversés du Ngolo (Engolo) projettent sur le monde des vivants, la réalité du monde du souterrain des ancêtres. Cependant, il à tort, car le préfixe "bantou" du pluriel "Wa" dans "Wa Ngolo" est réservé à la classe animale. (J. M. Jenniges. Op. Cit. p.26). Puis, le mot créole donmpèt, décrivant simultanément un cheval (animal) aimant lancer de coups de pattes et la danse Petro issue des Jaga, confirme le lien avec le zèbre.
(71) Nathalis Lembe Masiala. Quelques éléments de l'oralité dans la palabre Kinzonzi, en pays Kongo ( RDC). Paris, 2011. p.31.
(72) Jasmine Narcisse. "Mémoire de femmes : Euphémie Daguilh". [en ligne] ; Lien Permanent : http://www.jasminenarcisse.com/memoire/02_independance/04_euphemie.html ;
(73) Guy-Joseph Bonnet. Souvenirs historiques de Guy-Joseph Bonnet, général de division des armées de la République d'Haïti. Paris, 1864. p.137.
(74-75) Beauvais Lespinasse. "Danses et chants nationaux d'Haïti. III : Carabinier" In : Le Républicain : Recueil scientifique et littéraire du 1er janvier 1837. No.10. pp.5-8. (p.5)
(76) Edgar La Selve. Le pays des négres: voyage á Haïti, ancienne partie française de Saint-Domingue. Paris, 1881. pp.169-170.

(77) "Arrêté du général Ferrand du 6 janvier 1805". In : Haïti. Lois et actes sous le règne de Jean Jacques Dessalines. Port-au-Prince, 2006. p.46.
(78) Thomas Madiou. Histoire d'Haïti. Tome 3. Port-au-Prince, 1848. p.202.
(79) "Journal de la campagne de Santo-Domingo". In : Haïti. Lois et actes sous le règne de Jean Jacques Dessalines. Port-au-Prince, 2006. pp.48-54.
(80) Jean Price-Mars. La République d'Haïti et la République Dominicaine. Tome 1. Port-au-Prince, 1953. p.67.
(81) Thomas Madiou. Op. Cit. Tome 3. p.290.
(82) Gustave d'Alaux. "Les moeurs et la littérature nègres". In : Revue des deux mondes. Tome 14. Paris, 1852. pp.762-794. (p.778)
(83) Thomas Madiou. Op. Cit. Tome 3. p.234.
(84) Antoine Hubert Louis. "L’Empereur Jacques I, entre naissance et assassinat…" ; posté le 21 septembre 2012. [en ligne] Lien permanent : https://www.hpnhaiti.com/site/index.php/societe/7233-haiti-culture--lempereur-jacques-i-entre-naissance-et-assassinat ; consulté 15 décembre 2019.
(85) Bryant C. Freeman, Jowel C. Laguerre. Haitian - English Dictionary. Lawrence, 1996.p.249.
(86) Claude Carré. "Les musiques coutumières haïtiennes". Ressource en ligne.
(87) Monique Boisseron. ‪Haïti dans le regard de la République Dominicaine dans la seconde moitié du XXe‬: ‪siècle‬. ‪Lille‬, 2002. p.379.
(88) Beauvais Lespinasse. Op. Cit.
(89) Voir la lettre d'un abonné signée de Port-au-Prince au 8 janvier 1837. Le Républicain : Recueil scientifique et littéraire. No.12, Port-au-Prince, 1er février 1837. pp.6-7. (p7)
(90) Benjamin Lapidus. Origins of Cuban Music and Dance : Changüí.  Plymouth, 2008. p.128.
(91) M.L.E. Moreau de St Méry. De la danse. Parme, 1801. p.46.
(92) Supplément aux Affiches Américaines du mardi 23 janvier 1781. Parution. No. 4. p.34.
(93) Supplément aux Affiches Américaines du samedi 12 octobre 1776. Parution. No. 41. p.492.
(94) Claude Carré. Op. Cit.



Comment citer cet article:
Rodney Salnave. "Halaou n'était pas musulman". 31 mars 2019 ; modifié le 17 juin 2020. [en ligne] Lien permanent : https://bwakayiman.blogspot.com/2019/03/halaou-netait-pas-musulman.html ; Consulté le [entrez la date]


Contact : asaomedia@yahoo.com

Twitter : @BwaKayIlMent


Tous droits réservés. Aucune partie de cette page Web ne peut être reproduite, transmise, vendue ou donnée sous quelque forme ou par quelque moyen graphique, électronique ou mécanique, y compris la photocopie, l'enregistrement (recording ou taping), la numérisation ou autrement ou par tout système de stockage et de recherche d'informations, ou transmise par courrier électronique sans l'autorisation écrite préalable de l'auteur et / ou de l'administrateur, sauf dans le cas de citations brèves pour des présentations, des articles ou des revues. 

Copyright Ⓒ ASAOMEDIA, 2016-2020