Boukman n'était pas musulman

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Auteur : Rodney Salnave
Fonction : Dougan (Scribe)
Date : 14 août 2017
(Mise à jour : 20 mai 2020)  

 
La Révolution haïtienne, étant généralement peu et mal étudiée, reçoit constamment une rafale de révisions erronées en provenance de pseudo-historiens, chercheurs démagogues, ultra-libéraux sentimentaux, panafricains embellisseurs, Afro-Américains réactionnaires, fondamentalistes chrétiens et prosélytes islamiques, pour ne citer que ceux-là.
Pour des raisons leur étant propres, ces groupes distincts et parasites s'accordent pour dire, sans preuve tangible, que la Révolution haïtienne résulte de l'apport religieux de Boukman qu'ils considèrent de foi musulmane. Et quant aux intellectuels haïtiens qui devraient naturellement rétablir les faits, ils produisent et véhiculent la majorité de ces déformations historiques, à cause de leur aliénation culturelle. Étant aliénés, donc incapables de se concevoir en dehors de la domination d'autrui (qu'ils embrassent ou qu'ils critiquent), ces irresponsables insèrent l'islam dans la Révolution haïtienne afin de trouver un maître, et une justification à leur piètre existence.
À l'aide de preuves vérifiables, nous démontrerons ici que Boukman, l'un des héros de cette noble Révolution, n'était pas musulman ; et ne pouvait l'être.


1- Boukman n'était pas l'instigateur de la révolution haïtienne

Nous avons, dans des articles précédents démontré que Boukman ne provenait pas de la Jamaïque, qu'il ne savait pas lire, qu'il n'habita pas au Morne Rouge, qu'il n'était pas le chef de l'armée révolutionnaire, et que son nom "Boukman" était chrétien, d'origine Flandre. Maintenant, nous disons que Boukman ne fut pas l'instigateur de la révolution haïtienne, comme on le prétend. Cette révolution prit sa source dans la conception théocratique des captifs (esclaves) de Saint Domingue (Haïti), et non dans l'oeuvre d'un quelconque musulman. Voici la chronologie du complot révolutionnaire :
  • En 1679, arrivèrent dans la colonie française de Saint Domingue, les premiers captifs, les ancêtres des Haïtiens. (À ne pas confondre avec les Noirs arrivés des siècles plutôt dans la partie espagnole de l'île, et auxquels les Haïtiens ne se mélangeaient, et vice-versa, par rejet mutuel.) (1) Les captifs de la partie française venaient de sociétés théocratiques et pratiquaient une religion royaliste. Le groupe le plus nombreux, dans le Nord comme dans l'ensemble de la colonie, "Les Congos furent convertis au Christianisme par les Portugais, il y a 200 ans ; leurs Rois ont toujours été Chrétiens depuis ce temps là, et plusieurs de ces Nègres sont baptisés : mais à peine trouve-t-on dans quelques-uns une légère teinture de nos Mystères." (2) Quoiqu'ils ont retenu presque rien de la doctrine chrétienne qu'ils syncrétisaient, ces Congo n'ont eu point de difficulté à s'identifier à la royauté chrétienne de France. D'autant plus que les missionnaires jésuites (dans le Nord), de grands royalistes, se sont chargés de maintenir allumer cette affection royale dans le coeur des captifs. Cette dévotion royale s'est traduite, à Saint Domingue, par la création du rite Petro (Dan Petro ou Dompètre), issu du "Nom de Saint" (Zina dia Santu) (3) ou titre royal de Dom Pedro III, le Roi du Congo/Angola. Ce Roi d'Angole, toujours divinisé en Haïti, Nzimba Ntumba, de son vrai nom, fut en fonction de 1668 à 1683, soit au moment des premiers débarquements de captifs (1679).
  • Autour de 1762, le chevalier d'Héricourt, héritier de la plantation des Manquets (plus tard Noé), située à l'Acul-du-Nord, fit l'acquisition de 120 captifs. De ce nombre, se trouvait probablement un certain Jean-Jacques, possiblement créole, qui deviendra l'un des 2 commandeurs de cette plantation sucrière. Ce Jean-Jacques n'était pas un captif ordinaire. Au fil du temps, il remettra en cause le rapport maître-esclave, plaçant les noirs au-dessus des blancs. Ces actions influenceront la paroisse, ses environs et même l'éclatement de la Révolution haïtienne.  Jean-Jacques dont la fonction de commandeur était de faire travailler les captifs au profit du propriétaire, forma plutôt une sorte de syndicat. Quoique captif, il se faisait payer. Il choisissait les blancs à être employés sur l'habitation, organisait des grèves-marronnage suivies de paye au retour. Il encourageait les captifs à ralentir leur rythme de travail, etc. Et même après avoir reçu sa liberté officieuse (liberté de savane), il continua à corrompre les travailleurs et défia ouvertement le système au péril de sa vie. (4) Cependant, le syndicalisme de Jean-Jacques n'a point atteint le stade prérévolutionnaire. Car, malgré la détérioration constante des conditions de travail conduisant au décès de plusieurs captifs, la violence physique ne fut pas envisagée. La présence de Boukman à l'Acul-du-Nord changera cela.
  • Voilà que le 3 décembre 1784, le roi Louis XVI a publié un décret visant l'amélioration du traitement des captifs que les Procureurs-Économes ou Gérants d'habitations abusent à cause d'un très haut taux d'absentéisme des propriétaires demeurant en France. Puis, un an plus tard, le 23 décembre 1785, il sortit un décret supplémentaire condamnant la résistance des colons et des Procureurs-Économes à l'application du premier décret. Les captifs, informés par les prêtres et autres royalistes de ces décrets, avaient preuve que leurs intérêts étaient liés à l'autorité du roi.
  • 1787, Jean-François, le futur Roi de l'armée révolutionnaire, prit la fuite de l'habitation Papillon de l'Acul-du-Nord, où, dit-on, il occupait le poste de commandeur. Il apportera chez les marrons l'attitude dominatrice que Jean-Jacques a répandu dans la paroisse. Cependant, il laissa Mademoiselle Charlotte, la future Reine de la Révolution haïtienne, la Déesse, sur cette même habitation Papillon.
  • Mais voilà qu'en 1789, la révolution française détrôna Louis XVI, l'unique soutien des captifs, et réduisit en même temps le pouvoir ecclésiastique. Il va sans dire que ce nouvel état des choses désola profondément les captifs s'identifiant à la royauté politiquement autant que religieusement. Car tout dans leur religion dénote la royauté : le rite royal Petro (issu du Roi Dom Pedro III), le culte dahoméen d'Agasou (prononcé Agassou) réservé à la royauté, celui de la Reine Congo, du Roi d'Angole, et même de Saint-Louis-Roi-de-France, syncrétisé au culte Congo, demeurent vivaces en Haïti. 
  • Cette même année de 1789, Boukman, alors un captif marron de l'habitation Turpin, au Limbé, après avoir reçu un coup de fusil sur cette habitation, fut appréhendé et vendu à l'habitation Clément de l'Acul-du-Nord : "Des notes rédigées par Leclerc, qui fut procureur-syndic de la municipalité du Limbé juste au moment de l’insurrection, plus tard commissaire du gouvernement auprès du tribunal du Cap entre octobre 1792 et juin 1793, nous apprennent qu’il [Boukman] avait été esclave sur la plantation de sa famille, et qu’on le tenait pour un « mauvais sujet ». Il est devenu marron, un marronage de proximité ; il revenait la nuit sur la plantation pour se ravitailler. Il avait été surpris un soir par un frère du narrateur, blessé d’un coup de fusil et revendu. C’est ainsi qu’il avait abouti sur la plantation Clément à L’Acul, donc paroisse limitrophe du Limbé." (5) Cette arrivée de Boukman à l'Acul-du-Nord offrira l'option de la violence révolutionnaire aux captifs de ce quartier déjà bondé d'idées de supériorité, grâce à l'oeuvre de Jean-Jacques. Cet endroit deviendra l'épicentre de la Révolution haïtienne. Pas le Morne Rouge où Boukman n'a jamais habité.
  • En octobre-novembre 1789, Bacon de la Chevalerie, un royaliste, cherchant à apeurer la métropole, débarqua à Saint Domingue dans le but d'inciter les captifs à la révolte. Il aurait eu des contacts avec Jeannot Bullet, qui le servit de guide. Mais son projet importé fut sans lendemain. (6)
  • 1789-1790, des noirs et mulâtres libres républicains revendiquèrent l'égalité politique promise par le nouveau régime. Suite au rejet de leurs propositions, ils ont fait couler le sang, et les meneurs, Chavannes et Ogé, furent capturés, condamnés et cruellement exécutés. Leurs partisans, des libres qui se souciaient éperdument du sort des captifs, ayant pris la fuite, se tournèrent désormais vers eux comme de potentiels alliés manipulables.
  • 5 septembre 1790, un rapport d'interrogatoire identifia une bande armée ayant Yorch (Georges) Biassou comme Roi, secondé par Boukman et Barthélemi Roquefort : "Que c'était Barthélemi, nègre de M. Roquefort, de la Petite-Anse, qui y était le chef avec Boukman ; qu'il y a un roi nommé Yorch, nègre de M. Biassou. Qu'il y a dans la bande beaucoup de mulâtres ; que c'est le colonel [Cambefort]+ du régiment du Cap qui les a portés à la révolte..." (7) Indépendante des actions de Toussaint, cette bande armée noire, "contre-révolutionnaire" d'après Biassou, est la première à prendre les armes pour la cause royaliste. Toussaint Louverture en conviendra, en écrivant : "que c'est à M. Georges de Biassou que Sa Majesté doit la plus grande reconnaissance, parce qu'il n'y a que lui qui s'est mis à la tête de tout et que les autres chefs n'ont été institués que par lui." (8)
  • En septembre-novembre 1790, un jour, d'après le témoignage du Colonel Paul Aly, son ancien compagnon d'armes et ami, Toussaint Louverture écoutait attentivement la conversation d'un royaliste [fort probablement Séraphin Salnave++] avec Bayon de Libertat, dont il était le cocher. Ces 2 royalistes et membres du "comité contre-révolutionnaire du Cap", étudiaient les meilleures voies pour "opérer cette terrible insurrection". (9) Toussaint, libre depuis maintes années, les épata en injectant que : "la seule promesse de la franchise de trois jours par semaine et l'abolition de la peine du fouet suffiraient pour soulever les ateliers". (10) 4 des membres de ce "comité contre-révolutionnaire du Cap" devint par la suite conseillers de Toussaint. D'après le commissaire-député Sonthonax, (11) il s'agissait de 2 prêtres : L'abbé Martini et le père Antheaume, le confesseur de Toussaint ; et 2 intendants du comte de Noé : Bayon de Libertat, ancien gérant des habitations Bréda du Haut-du-Cap et des Manquets de l'Acul-du-Nord, et Séraphin Salnave, un émigré qui rédigera les proclamations de Toussaint, (12) le parrain de son fils (13) Bref, Bayon recommanda Toussaint au comité qui, à son tour, l'a recommandé comme leadeur aux royalistes de métropole. Il faut préciser que les royalistes n'étaient pas aux commandes. Dans une proclamation du 25 août 1793, adressée aux habitants de Saint Domingue, Toussaint Louverture les a rappelés qu'il fut l'instigateur de la révolution, et qu'au cours de sa collaboration avec des royalistes blancs et mulâtres, il ne recevait aucun ordre d'eux. Ses décisions provenaient plutôt de l'Être Suprême qui l'inspirait.+++
  • 6 novembre 1790, un certificat donna à "Toussaint Louverture" l'autorité de recruter des soldats. Ce certificat fut déclaré symboliquement écrit au jour de l'épiphanie ou jour des Rois (Mages), alors que dans les faits, ce jour tomba le premier dimanche de janvier 1790. Le certificat provenait du royaliste Busson (Jean Baptiste Julien), ancien juge du Cap, Président de l'Assemblée provinciale de la partie Nord de Saint Domingue, Secrétaire du Conseil de Versailles. Et ce brevet officiel (copié ici en Espagnol) dénote que Toussaint portait le nom évocateur de Louverture avant l'insurrection générale, à la fin 1790++++ :


 
Source : "Carta de Boufon, secretario del Consejo en Versalles, a Toussaint Louverture, entregándole la patente para dirigir al movimiento que pretendia restaurar la monarquia en Francia. Fol. 8" ; Título de la unidad: "Conflictos con Francia" Archivo: Archivo General de Simancas Signatura: SGU,LEG,7157,3
"Le Cap, le 6 novembre jour de la Épiphanie, 1790. Nous informons le nommé Tout saints Louvertur, homme qui connaît très bien sa religion, homme d'église, demeurant sur l'habitation Brédas au Haut-du-Cap. Je lui ai donné un pouvoir écrit pour mettre l'obscurité qui était cachée par tous les hypocrites, vu qu'on voulait occulter le roi qui est notre magistrat et le faire périr en fond d'une caverne et exterminer tout le clergé. Nous demandons et voulons que cet homme d'un esprit perspicace mette tout cela à la lumière en exhortant ses frères et qu'il fasse vengeance, pour Dieu et pour les hommes, et remette les magistrats dans leur dignité royale. Celui qui travaillera à cette époque pour la rectitude et pour remettre le désordre en place, sera récompensé par Dieu et par le Roi. Ainsi, Monsieur, vous avez déjà vu tous les papiers de soixante-quatorze, celui de quatre-vingt-deux et de quatre-vingt-dix. Essayez de faire exécuter cela par ceux de vos frères qui sont aptes et capables de correspondre. Choisissez des hommes sages qui ne feront pas de bruit inutile. Venez toujours au lieu indiqué où je vous dirai ma manière de penser. En même temps, vous me rendrez compte. J'aurai la satisfaction de faire les choses les plus aptes aux circonstances considérées. Conservez bien tous vos papiers. Si vous avez la bonne fortune de réussir, vous aurez besoin de ce document. Venez tous les jours chercher nos conseils jusqu'à ce que vous soyez prêt à vous charger de l'affaire. Tous les jours et petit à petit je mettrai des expressions plus claires à tout ce que vous voudrez bien observer pour la sensualité de tous les peuples en général.

Signés : Boufon [Busson], secrétaire du Conseil de Versailles, Gatrau, Imprimeur royal. L.G., conseiller. P. Glairou [Cairou], C.DtG. Estève, Sénéchal du Cap." (Trad.) (14)
  • Cette même année de 1790, Toussaint Louverture utilisa effectivement le certificat comme outil de recrutement, selon Georges Biassou qui présenta ce document de 1790 dans sa mémoire d'août 1793. (15) Et selon Paul Aly+++++ : "Toussaint fit choix de ses plus intimes amis, Jean-François Papillon, Georges Biassou, Boukman Dutty et Jeannot Bullet. Les conjurés se réunirent et se distribuèrent les rôles. Plus rusé que les autres, Jean-François obtint le premier rang, Biassou le second ; et Boukman et Jeannot, plus audacieux, se chargèrent de diriger les premiers mouvements. Toussaint se réserva le rôle d'intermédiaire entre les conjurés et les moteurs secrets de l'insurrection [le comité contre-révolutionnaire du Cap]." (16)
  • Au mois de mars 1791, Mademoiselle Charlotte s'est enfuit également de l'habitation Papillon. Vu la coquetterie de cette belle foula (peule), cette future Reine, elle devait avoir de Jean-François l'assurance du déclenchement prochain de l'insurrection, avant d'accepter de le rejoindre dans la précarité du marronnage.
  • Puis le dimanche 14 août 1791, durant le jour, environ 200 commandeurs d'ateliers et cochers se sont réunis au Morne Rouge, non secrètement, pour fixer la date de l'insurrection générale. "On fabriqua une fausse gazette qui rapportait que le roi et l'assemblée nationale avaient accordé aux esclaves trois jours par semaine et l'abolition de la peine du fouet; mais que l'assemblée coloniale et les petits blancs ne voulaient pas exécuter cette loi de la France. Un jeune homme de couleur, Candide, fut gagné par Boukman et donna lecture de cette gazette à des esclaves de la plaine réunis secrètement le 14 août, sur l'habitation Lenormand de Mézy, au Morne-Rouge. (...) Boukman annonça à ces conjurés que l'on attendait de nouvelles troupes d'Europe qui venaient pour exécuter les lois de la métropole, et qu'alors les esclaves se soulèveraient afin de cette exécution ne manquât point, et que lui-même donnerait le signal en se soulevant avec l'atelier de l'habitation Turpin dont il était l'un des commandeurs." (17) Cette décision sera suivie d'une offrande.
  • Le dimanche 21 août 1791, les rebelles ont organisé une seconde rencontre religieuse durant le jour également. 
  • Dans la nuit du 22 août 1791, le lendemain de la seconde rencontre religieuse, Boukman, comme convenu, débuta l'insurrection à l'Acul-du-Nord, avec le concours des captifs de son ancienne habitation Turpin du Limbé, venus se joindre à ceux de l'Acul-du-Nord.
Comme nous le verrons plus bas, Jean-Jacques des Manquets a donné la même version des faits concernant l'influence des royalistes (et non l'islam) ; et ce, la nuit même de l'insurrection générale.


2- Boukman au cours de la nuit de l'insurrection

Dans la nuit du 22 août 1791, François-Alexandre Beau, un jeune procureur ou gérant de l'habitation Clément eut la vie sauve par Boukman. Grâce au récit de ce témoin oculaire, nous allons scruter les agissements de Boukman et ses compagnons d'armes afin d'évaluer leur allégeance religieuse.
a) Préalable aux hostilités, Boukman et quelques rebelles ont fait irruption sur l'habitation Trémes ou Trenet, dans le but de s'emparer des armes de Dutheil, un charpentier qu'ils ont fait signer un bout de papier :
"Le 22 août à onze heures du soir, le nègre Bouqman, cocher de l’habitation Clément dont j’étais procureur, à la tête de quelques nègres venus du Limbé et d’autres du quartier de l’Acul, va sur l’habitation Trémes [ou Trenet], sise audit quartier, s’empare des armes du citoyen Dutheil, charpentier et gérant de l’habitation, et après s’être contenté de lui faire signer une déclaration à sa guise, l’amène avec lui." (18)
Nous voyons en cette dernière action, une preuve que Boukman ne pouvait pas signer ses propres bons de passage, et qu'il avait besoin du charpentier qu'il a amené avec lui, à cette fin. (Voir l'article "Boukman ne savait pas lire", pour plus là dessus).  
b) Puis, Boukman et sa bande se sont rendus sur l'habitation Noé (ou des Manquets) où les premières gouttes de sang de sang blanc furent versées, stratégiquement en hommage au long de travail de Jean-Jacques des Manquets :
"De là, ils vont sur l’habitation voisine appartenant au citoyen Noé, saisissent l’apprenti raffineur. Ses cris font sortir le citoyen Demené [Dumesnil], procureur, de la grand-case : il est renversé de deux coups de fusil dans son jardin. Ils marchent vers l’appartement du sieur Curiel, raffineur, peu éloigné, l’assassinent dans son lit et le traînent dehors, frappent à coups de sabre un jeune homme malade qui, laissé pour mort, se réfugie sur l’habitation limitrophe où on apprend les horreurs dont il a été témoin et où quelques jours après, il fut tué par le frère de la négresse qui le soignait qui était commandeur de cette habitation. (…) Après avoir pillé de fond en comble la grand-case de cette habitation, ils s’acheminèrent avec leurs prisonniers vers l’habitation Clément." (19)
L'habitation Clément est le lieu de résidence de Boukman et du jeune narrateur, François-Alexandre Beau, surnommé  le "procureur Clément" ou  le "procureur de l'habitation Clément" par les historiens modernes.
c) Lorsque les troupes de Boukman s'approchèrent de la grande case de l'habitation Clément, François-Alexandre Beau, réveillé par le vacarme, cria "Qui va là!" La réponse des insurgés ne fut point "Les soldats de Allah", mais au contraire "C'est la mort" :
"Au bruit du coup de feu qui avait terrassé le citoyen Feurouge, mon chien qui couchait dans la galerie tout près de ma chambre aboya au point qu’il m’éveilla. Ennuyé mal à propos des aboiements continus, je me lève pour le faire taire, après quoi je me rendormis. Un quart d’heure après le pauvre chien recommence avec plus de force. Mais [les rebelles] s’étaient déjà emparés de toutes les avenues de la grand-case; au bruit qu’ils faisaient, je sortis de mon lit à la hâte et criai : Qui va là. Une voix de tonnerre me répondit : c’est la mort!" (20)
Donc, rien d'islamique dans la réponse rebelle.
d) Une fois dans la grande case, les insurgés que l'on veuille musulmans, n'ont pas crié "Allah u akbar!" (Dieu des musulmans est grand). Dans leurs envolés meurtrières, ils ont répété le mot "tue, tue" :
"J’entendis tirer en même temps une quantité considérable de coups d’armes à feu et la voix d’une multitude de nègres qui faisaient retentir la case de ces mots terribles : tue, tue. Voyant de quoi il s’agissait et ne pouvant m’évader, je courus à mes pistolets : heureusement pour moi ils n’étaient pas chargés, je dis heureusement parce que s’ils l’avaient été, je me serais défendu, j’aurais donné la mort à quelques-uns des assaillants et n’aurais pu éviter de succomber sous leurs coups." (21) 
Tue, tue, ou tchwe, tchwe, dans le créole moderne, n'est pas un cri faisant référence à la religion.
e) Durant l'attaque dans la grande case, Boukman tua Clément, son propriétaire. François-Alexandre qui, durant ce temps se cacha derrière son lit, fut découvert par un membre de la bande. Le colon, en échange de sa vie, invita les rebelles à prendre tout ce qu'il possède. La réponse de l'un d'entre eux "buffet a li" (son armoire) contient "a" le marqueur de possession du créole du Nord, placé entre l'objet possédé (buffet) et le possédant (li) :
"Je m’approchais tout tremblant de ces quelques nègres et leur dis : « Prenez-moi tout ce que j’ai; laissez-moi ma vie! » ils me répondirent avec un air de dérision : « que ça l’y vlé nou prend, ni a poin a rien encore dans buffet a li » [Que veut-il que nous lui prenions.; il n'a plus rien dans son armoire.] ; tout en me disant cela ils sortirent et fermèrent la porte après eux." (22)
Le marqueur de possession "a", aurait obligatoirement été présent, dans l'expression révisionniste "Bwa Kay Iman" (Boisé proche de la Maison de Iman) qui aurait été "Bwa Kay a Iman", si exprimée dans le Nord de Saint Domingue (Haïti) où la cérémonie du Bois Caïman a eu lieu. 
f) La vie de François-Alexandre fut épargnée par Boukman qui estimait le savoir du jeune colon : 
"Le destin en avait ordonnée autrement; le commandant de cette horde sanguinaire nommé Bouqman, pour qui j'avait toujours eu beaucoup de bontés, arriva dans ces entrefaites et m'apercevant dans ma chambre dont la porte était à moitié brisée, tout ensanglanté et tout désespéré, eut compassion de moi; il s'adressa à ses gens et leur dit avec empressement « Ne le tuez pas, c'est un bon blanc et plus savant que tous les autres qui sont ici. »" (23)
Notre article "Boukman ne savait pas lire" offre plus de détails sur le crédit injustifié que Boukman a accordé au jeune colon.
g) Suite aux premières attaques, certains des insurgés semblaient s'adoucir, lorsque la gravité de la situation les a touchée. Et en guise de motivation, Boukman ne les a pas lancé un verset coranique, tel l'aurait fait un guerrier musulman. Loin de là, Boukman, à la manière d'un commandant d'atelier, les a menacé avec son arme, en les traitant de "chiens de nègres" :
"Nous suivîmes paisiblement les brigands qui firent des recrutements dans les cases à nègres tant par la force que par bonne volonté. Les nègres semblaient déjà avoir des remords des crimes qu'ils venaient de commettre; ils ne voulaient pas aller plus loin. Mais Bouqman, qui était sans doute intéressé plus que les autres à ce que les choses n'en restassent pas là, se mit derrière eux à coup de crosse : « Marchez, chiens de nègres, marchez ou je vous décoche des coups de fusil! »" (24)
Voilà une parfaite occasion où, si Boukman était inspiré par l'islam, il aurait cherché à motiver ses soldats à l'aide de références doctrinales musulmanes. Or, ce ne fut point le cas.
h) Pour éviter que d'autres révoltés noirs abattent François-Alexandre et les autres colons épargnés, Boukman donna la charge du jeune colon ainsi que deux autres blancs à deux rebelles (Jean-Jacques de l'habitation des Manquets (ou Noé) et Vincent de l'habitation Clément). Les colons épargnés furent conduits, pour leur sureté, à l'habitation des Manquets. Ils questionnèrent Jean-Jacques des Manquets et Vincent qui ont indiqué la raison pour laquelle ils étaient en révolte, qui concernait la promesse royale de 3 jours de congé hebdomadaire pour les captifs ; et qu'ils protégeaient certains colons, y compris les prêtres catholiques pour maintenir l'exercice de cette religion :
"Alors j’entrais en conversation avec les deux nègres gardiens : Jean-Jacques appartenant au comte de Noé et Vincent appartenant à mon cousin; je leur demandais quels pouvaient être les auteurs d’un évènement aussi grand et quelles étaient leur vues en faisant tant de crimes. Ils me répondirent que c’étaient les grands blancs de France, que leur but était de nous punir de ce que nous avions détrôné le roi, de ce que nous n’avions plus ni foi, ni loi, ni religion, de ce que nous avions brûlé au Port-au-Prince l’acte du roi qui accordait aux nègres trois jours de la semaine [idée de Toussaint Louverture]. Les deux nègres ajoutèrent que s’ils n’avaient pas reçu des ordres de ces grands blancs de se révolter à l’effet de contribuer au rétablissement sur le trône du roi, l’objet les concernant ne les aurait pas portés à des extrémités pareilles, vu que d’ailleurs ils n’avaient pas assez d’intelligence et étaient trop bornés pour concevoir un projet aussi vaste, qui ne consistait rien moins qu’à détruire tous les blancs à l’exception de quelques uns non-propriétaires, des prêtres, des chirurgiens et des femmes, à incendier toutes les habitations et à se rendre maître du pays.
Je leur témoignais mon étonnement de tout ce que j’entendais, mais je ne me permis aucune réflexion; je leur demandais simplement pourquoi ils exceptaient les prêtres, les chirurgiens et le femmes; ils me répondirent qu’ils conservaient les prêtres pour l’exercice de la religion, les chirurgiens pour les soigner dans leurs maladies, et les femmes pour les faire leurs et enceintes, quelques blancs pour gouverner vu leurs défauts d’industrie et de capacité." (25) 
Voilà ici, dans la nuit même du 22-23 août 1791, que les rebelles de l'Acul, l'épicentre de l'insurrection, étaient guidés par les mêmes motivations concernant la promesse royale d'amélioration des conditions des captifs. Voilà que François dit Dechaussée de l'habitation Chapotin, arrêté 2 à 3 jours avant, le 20 août, au Limbé, lorsqu'il, accompagné de Boukman et quelques autres, mirent le feu sur l'habitation Chabaud. Contrairement à François qui subit l'interrogatoire au Limbé, Jean-Jacques et Vincent s'exprimèrent en position de force, en tant que gardiens et protecteurs de leurs interlocuteurs français. Mais pourtant, leurs réponses furent identiques. Et en ce qui concerne leur point de vue religieux, ils prônaient les valeurs religieuses catholiques que les républicains français semblaient avoir perdues. Et que les révolutionnaires dominguois, eux, conservaient ; du moins, sous la forme syncrétique.
i) Et, le lendemain matin, jusqu'à midi, les gardiens rebelles, ne faisaient que boire de l'alcool, sans même manger. Un agissement nettement non-musulman :
"Vers l’heure de midy, nos gardiens déjà pris de vin en ayant bû toute la matinée, nous signifient qu’ils allaient diner sur l’habitation Clément [lieu de résidence de Boukman] et de ne pas nous inquiéter qu’ils seraient bientôt de retour." (26)
L'action de boire des rebelles gardiens n'est pas du tout anodin ; en particulier en provenance de Jean-Jacques des Manquets. Celui-ci qui prépara mentalement les gens de l'Acul-du-Nord pour cette insurrection qui fut pourtant réputé "ivrogne achevé" depuis plus d'une décennie, ce qui lui causa des troubles de vision. (27) De plus, le fait que les gardiens rebelles, ont été mangé, complètement ivres, sur l'habitation Clément, le lieu de résidence de Boukman, démontre que Boukman n'appartenait pas à la foi musulmane.
j) En cette journée, les soldats de Boukman, en s'approchant de l'habitation Godin qu'ils allaient attaquer furent questionnés par les colons en ces termes :"Qui vive!" Et en tant que non-musulmans, ils n'ont pas répondu les "Soldats de Allah". Ils se sont plutôt identifiés comme les "Gens du Roi" :
"Le jour était prêt à paraître lorsque les révoltés attaquèrent l’habitation voisine. M. Godin propriétaire, conjointement avec trois autres blancs, au bruit qu’ils avaient entendu sur l’habitation Clément, s’étaient préparés à la défense; de sorte que les entendant venir, ils leur crièrent : « Qui-vive? » Les nègres répondirent : « Gens du roi »; les blancs firent sur eux décharge de mousqueterie qui fit plus que les déconcerter; ils reculèrent ; Bouqman qui les commandait les harangua si bien qu’ils revinrent à la charge; les blancs se réfugient dans une pièce de canne voisine." (28)
k) Sur l'habitation Flaville, des femmes noires, supportant la cause rebelle, se sont servies de leur charme féminin, un comportement anti-musulman, afin de s'assurer qu'un blanc blessé, feignant la mort, soit bel et bien achevé :
"Un raffineur après avoir reçu des coups de pistolet, qui l’atteignirent l’un au poignet et l’autre au-dessus de l’épaule, fut laissé pour mort. Des négresses voulurent avoir le barbare plaisir après cela de lui faire flairer leurs parties naturelles. Ce pauvre blanc ayant eu le malheur de donner un signe de vie, fut de nouveau assailli par ces affreuses mégères; elles le menaçaient à tout moment et lui disaient : « Si nous savions que tu ne fus pas mort, nous irions appeler des nègres pour t’achever » ; enfin il eut la fermeté d’imiter si bien les morts qu’elles crurent qu’il l’était effectivement et le laissèrent pour lors en proie à la plus vive douleur." (29)
l) L'islam traversa très difficilement les générations à Saint Domingue. Ainsi, les chances réduisent qu'un captif créole ou né dans les îles, soit islamisé.  Les mulâtres, étant comme Boukman, nés en Amérique, et non dans le continent-mère, avaient donc, en tant que groupe, beaucoup moins de chance d'être exposés à la doctrine musulmane. Or, dès les premiers moments de l'insurrection les mulâtres ont prit part à la rébellion, démontrant ainsi que l'islam n'était pas un enjeu :
"Le jour paraît; les révoltés parcoururent toute la plaine avec des cris affreux, incendient et égorgent les blancs qui ont le malheur de tomber entre leurs mains.
 M. Chauvet, membre de l’assemblée générale cherchait à s’échapper ainsi qu’un compatriote; il fut assassiné impitoyablement par un mulâtre de seize ans, son fils, à qui il destinait sa fortune. La négresse mère de ce scélérat qui habitait encore avec M. Chauvet s’indigna tellement d’une action aussi inhumaine que le désespoir s’empara d’elle et la porta à se donner elle-même la mort." (30)
Certains de ces mulâtres étaient des sympathisants de Vincent Ogé, à l'identique de Jean-Baptiste Cap, et non des Mandingues islamisés :
"Mais une bande de nègres libres et de mulâtres, la plupart condamnés par contumas dans l’affaire d’Ogé, étaient venus de la Grande-Rivière chez M. de Galliffet; ils excitent les nègres à la révolte." (31)
m) Le lendemain soir, les bandes de Boukman ont fait face aux troupes françaises. Et Boukman fut très surpris, lorsque Tousard (Touzard), lieutenant-colonel royaliste du Régiment du Cap qui lui fournissait des armes en 1790,* fit feu sur lui :
"Les moteurs de l’insurrection avaient fait entrevoir aux nègres qu’ils n’auraient à se battre que contre les habitants du pays et que les troupes de l’île ne tireraient jamais sur eux; ils s’avancèrent hardiment sur notre armée; mais quelle fut leur surprise lorsqu’ils virent que le régiment du Cap les chargeait vivement : ils se repentirent bien vite de leur hardiesse. Bouqman qui les commandait dit : « Je suis trahi, M. de Touzard m’avait promis que jamais le régiment du Cap ne tirerait sur nos gens et que je n’aurais affaire qu’aux colons. »" (32)
Cette dernière citation fournit une preuve supplémentaire que Boukman luttait pour la cause royaliste susceptible d'apporter un allègement au lourd fardeau de son peuple. D'ailleurs, le premier historien haïtien, le Baron de Vastey, un natif du Nord et un contemporain de Boukman, aborda dans le même sens :
"Les généraux Jean-François, Biassou, Bouquemand, Candi, etc. combattaient au nom des rois de France et d'Espagne, contre la république française." (33)
Donc, il n'existait aucun sentiment islamique chez Boukman, ce chef rebelle traditionaliste. 
 

3- Mort et funérailles de Boukman

Le 7 novembre 1791, à l'Acul-du-Nord, son camp et lieu de résidence, Boukman tomba fatalement d'un coup de pistolet. Durant 11 jours de combat féroces, il s'était réfugié dans un champs de cannes à sucre d'une habitation, lorsque les troupes de Cambefort, rampant à plat ventre, les ont surpris  : 
"Je [colonel Cambefort] continuai à charger les révoltés sur le chemin et dans les cannes (...) nous en tuâmes là une trentaine, avec nos armes-à-feu et nos sabres : de ce nombre se trouva Bouckmann ; il était porteur d'un fusil à deux coups, qu'il déchargea sur moi et M. Dubuisson. C'est M. Michel, officier des mornets - d'une valeur rare - qui l'a tué d'un coup de pistolet. J'en tuai deux pour ma part. Le fusil que portait Bouckmann était celui de feu son maître, M. Clément qu'il avait assassiné. Il avait aussi une paire d'excellents pistolets.
(...)
P.S. - J'ai oublié de vous parler d'un vaillant mulâtre, dont le chef Boukmann était toujours accompagné; il s'est battu comme un lion contre trois de mes dragons avant de succomber." (34)
Ce vaillant mulâtre accompagnant Boukman, était forcément né en Amérique catholique et non en "Afrique" islamisée. Sa présence auprès de Boukman dément la révision infondée disant que Boukman menait une bande de captifs mandingues islamisés. 
Une semaine plus tard, le 14 novembre 1791, la nouvelle de la perte de Boukman a atteint le camp de la Grande-Rivière-du-Nord. Et d'après Verneuil Gros qui fut prisonnier de ce camp, les rebelles ont fait chanté une messe funéraire catholique à la mémoire de Boukman qui périt en défendant la royauté française plus généreuse envers les captifs ; et non pour une quelconque cause musulmane :
"Le 14, nous apprîmes la mort de Bouqueman ; il serait impossible de dire qu'elle fut l'impression que cette mort fit sur les nègres. Les chefs prirent le deuil et ordonnèrent un service solemnel : (...) Déjà nous entendions les discours des nègres; leurs complots criminels avaient de quoi nous effrayer, car il ne s'agissait de rien moins que de nous assassiner pour venger, disaient ces Cannibales, leur chef, mort pour la plus juste des causes, pour la défense de son roi.(35)
Le Père Sulpice, aumônier de l’armée révolutionnaire, chanta des messes funéraires catholiques pour Boukman dans toutes les paroisses contrôlées par les rebelles :
Boukman eut la tète tranchée, et son cadavre fut brûlé à la vue du camp de Jean François. Sa tète ensanglantée, transportée au Cap, fut exposée sur une pique au centre de la place d'armes. Il avait su se faire aimer de ses compagnons qui le regrettèrent et portèrent pour lui le deuil, pendant plusieurs mois. Le père Sulpice, l'aumônier de l'armée des insurgés, célébra pour le repos de son âme des messes dans toutes les paroisses en révolte. Sulpice était un européen que Jean François avait sauvé du massacre des blancs, et qu'il comblait d'honneurs et de richesses. (36)
À la Grande-Rivière, ce fut le père Phillippe qui célébra une messe (catholique) en hommage à Boukman. Il fut subséquemment arrêté :
"Le P. Phillippe, qui était curé de la Grande Rivière, suivait les insurgés. Il célébra un office funèbre, lors de l'exécution de Boukman. Il sera arrêté par les troupes françaises." (37)
Finalement, que dire de Philémon, le prêtre catholique du Limbé qui a payé le prix ultime pour son support à la cause de Boukman, était-il un musulman? 
"Le lendemain, le père Philémon curé du Limbé atteint et convaincu d’avoir entretenu les nègres dans la révolte et d’avoir correspondu avec leurs differents chefs ainsi qu’avec les Espagnols, fut pendu sur la place d’Armes à quatre heures de l’après midi. La tête de Bouqman était exposée sur la potence pour parodier la liaison intime qui avait existé entre lui et ce chef." (38)

Les rebelles, loin d'être des musulmans, ont fait chanté une messe catholique pour le défunt prêtre Philémon, et ont porté des morceaux de ses habits comme protection au combat ; un comportement qui réfère à la cérémonie du Bois Caïman :
"Quelques jours après, on apprit au camp de Biassou que le père Philémon avait été condamné à être pendu, et que son exécution s'était faite sur la place d'armes, au Cap, en présence de tous les citadins rassemblés.*
Biassou fit faire une cérémonie funèbre en la mémoire du père Philémon, qui fut considéré comme un martyr de la religion et de la bonne cause. Les vêtements qu'il avait laissés au camp furent coupés par parcelles, et chaque nègre en porta un morceau sur lui, comme un talisman capable de le préserver même de la mort.
* Note de l'Auteur. J'étais au Cap-Français, quand on condamna le prêtre Philémon à la peine de mort. La curiosité me porta à voir l'extérieur de cet homme accusé de si grands crimes, et convaincu même par des prisonniers blancs qui s'étaient sauvés à la faveur du désordre qu'occasionna dans le camp de Biassou la nouvelle d'une attaque subite et générale...
(…)
Il poussa la scélératesse jusqu'à dire d'une voix haute et forte, en montant au gibet : "Mon Dieu, qui vois mon innocence, pardonne à mes bourreaux, comme je leur pardonne."" (39)
Mais les Français n'étaient pas les seules à chercher vengeance. Selon Verneuil Gros, en guise de représailles pour la mort de Boukman, les rebelles on dansé durant 3 jours un calinda, "danse funéraire extravagante et fort indécente" (40) d'origine africaine, pour parodier Tousard, l'officier français qu'il croyaient mort également. (41) Donc, si Boukman était un imam comme l’affirment certains, pourquoi donc un prêtre catholique célèbrerait des messes funéraires en son honneur et non un imam qui lui adresserait un cérémonial musulman? La réponse saute aux yeux. Boukman n’avait aucun lien avec le culte mahométan. Tout autour de lui prouve qu’il baignait au contraire dans la religion traditionnelle syncrétique encore pratiquée, presqu'à l'identique, en Haïti, grâce à son sacrifice.


4- Boukman, était-il vraiment un chef religieux?

Une question plane depuis belle lurette : à savoir, si, en plus d'être un chef militaire et politique, Boukman fut également un chef religieux? L'historien David Geggus, quoiqu'il a par la suite conclu le contraire, avait néanmoins longtemps douté que Boukman associé à la religion, vu qu'"Il est difficile, en fait, de trouver des témoignages plus anciens, français ou haïtiens, qui font référence à Boukman comme prêtre." (42) Nos recherches nous permettent de répondre positivement à la question posée. Car, les contemporains de Boukman l'ont reconnu comme un magicien maniant la science occulte traditionnelle dans son combat :

"Extrait des lettres de Paris, 
du 12 janvier [1792].
Le navire le Solide, capitaine Dumas, parti du cap Français le 16 novembre [1791], et arrivé à Bordeaux dans les premiers jours de janvier, confirme tous les détails que nous avons donné dans nos dernière feuilles, et en ajoute de plus affreux encore. 
(...)
Le nègre Bouqueman a été tué par les soldats de Mr. Cambefort. Ce nègre était d'autant plus dangereux, qu'il passait pour magicien, et joignait à l'ascendant de la superstition celui d'une intrépidité féroce." (43)
Geggus était au courant d'une version écourtée de cet article, paru en Anglais, 2 jours plus tard, dans le English Chronicle and Universal Evening Post du 14 janvier 1792. Cette version anglaise dépourvue de la confirmation du capitaine Dumas, porta Geggus à déduire qu'il avait confusion entre Boukman et Jeannot Bullet. (44) Cependant, une recherche supplémentaire nous a permis d'attester que le capitaine Dumas se trouvait effectivement au Cap Français à partir de juin ou juillet 1791, soit un à deux mois avant l'éclatement de l'insurrection en août 1791. Cette annonce classée apparaissant dans la rubrique "Commerce - Avis Maritime" du journal Le Mercure Universel du mardi 1er mars 1791, prouve que le navire Le Solide remplissait les dernières places à Bordeaux en direction du Cap Français :
"Le navire Le Solide, de Bordeaux, capitaine, M. Dumas, partira, pour le Cap, incessamment, et prendra encore des passagers qui seront commodément logés. S'adresser à MM. Loriague et fils aîné, armateurs; ou à M. Clissié, courtier." (45)
Et comme le navire le Solide rentra à Bordeaux le 10 ou 16 novembre 1791, capitaine Dumas fut témoin des trois mois suivant la date fatidique du 22 août 1791, et également de la mort de Boukman, survenu le 7 novembre 1791. Ainsi, capitaine Dumas fut assez informé pour valider les informations que l'auteur de l'article avait recueillies d'autres sources disant que Boukman fut à la fois un magicien et un chef rebelle. Et il n'y a pas de chance que le capitaine Dumas puisse confondre Boukman avec Jeannot, puisse que la tête de Boukman fut exposée dès le 7 novembre sur la place publique du Cap. Le capitaine Dumas, qui prit la mer le 16 novembre, l'a plusieurs fois observée en allant vers le quai.
Finalement, le colonel Paul Aly, un ancien rebelle et contemporain de Boukman, le présenta tel un chef religieux :
"Boukman eut aussi recours à la magique influence du fétichisme." (46)
Il faut mentionner que le colonel Paul Aly, cet ancien ami de Toussaint Louverture, offrit son récit à l'historien Céligny Ardouin en 1841. Il commandait alors un régiment à Santo Domingo, capitale de la partie espagnole. Son témoignage est crédible puisse qu'ayant étant passé au camp espagnol avec la première vague des rebelles, Paul Aly demeura dans ce pays. Ainsi, cette distance géographique l'isola des nouvelles trouvailles historiques haïtiennes.

a) Boukman, était-il présent à la rencontre du Morne Rouge?

Dans la nuit du 17 août 1791, des captifs rebelles ont provoqué un incendie au Limbé, sur l'habitation Chabaud. Des arrestations ont suivies. L'un des incendiaires fut François dit Dechaussée, un commandeur métis de l'habitation Chapotin. Arrêté le 20 août, il dévoila dans son interrogatoire une rencontre de captifs au Morne Rouge ayant comme objectif la destruction de la colonie :
"Il s'était tenu, le dimanche 14 août sur l'habitation Lenormand [de Mézy], au Morne Rouge, une très-nombreuse assemblée de nègres, composée de deux députés de tous les ateliers du Port-Margot, le Limbé, l'Acul, Limonade, la Plaine du Nord, le Quartier Morin, le Morne Rouge, etc., etc. Cette assemblée était destinée à fixer le jour de l'insurrection depuis longtems méditée. On était presque d'accord que le complot aurait lieu dans la nuit même ; mais les Nègres revinrent sur cet arrêté, parce qu'ils firent réflexion qu'un projet conçu dans une après-dinée s'exécuterait difficilement le soir même." (47)
Cette rencontre au Morne Rouge sera généralement connue, à tort ou à raison, comme Bois Caïman. Et étant donné qu'une cérémonie sacrificielle présidée par Boukman y aurait été tenue, cet évènement deviendra la cérémonie du Bois Caïman. Voilà que certains révisionnistes occidentaux ou pro-chrétiens cherchant à marginaliser l'aspect religieux de la Révolution haïtienne, soulèvent un doute concernant la présence de Boukman à cette cérémonie. Nous les rappelons qu'au moins un an avant cette rencontre conspiratoire du 14 août 1791, et l'insurrection générale qui en déboucha Boukman co-dirrigeait déjà, avec Barthélemi, une bande armée appartenant à George Biassou. (48) Barthélemy Roquefort, qui co-dirrigeait cette bande avec Boukman, devint, en 1791, un général dans l'armée révolutionnaire. Biassou, le Roi de cette bande fut gradé Vice-Roy de l'armée révolutionnaire. Cela confirme que cette bande armée signalée le 5 septembre 1790, oeuvrait pour la révolution à venir. Et vu que Biassou était reconnu comme un prêtre traditionnel, alors la bande n'était pas constituée de captifs islamisés. (Voir l'article "Boukman n'était pas le chef de la révolution haïtienne", pour d'avantage sur la religion des autres membres de l'armée révolutionnaire.)
D'ailleurs, Hérard-Dumesle, l'auteur qui en 1824 rapporta le fameux "serment" de Boukman, affirme que ce leadeur fut présent à la rencontre du Morne Rouge, et y joua un rôle majeur :


 "Joseph Faviel succédait à Boukman, le principal formateur de la conjuration du Morne-Rouge." (49)
De plus, comme nous l'avons indiqué, dans la nuit du 17 août 1791, donc 3 jours après la rencontre du Morne Rouge, les rebelles ont mis le feu sur l'habitation Chabaud. Au cours de cette nuit, on arrêta Jacques Cautant, commandeur de l'habitation Desgrieux dont l'interrogatoire révéla la rencontre au Morne rouge et également Boukman et son associé Barthélemy parmi les incendiaires :
""Il nous faut revenir à la paroisse du Limbé, ce jeudi 17 août, où les secrets se dévoilent... (...) Un petit groupe avait déjà mis le feu à une case à bagasses ; ils se sont enfuis à l’arrivée du colon, qui en a blessé un qu’il a fait prisonnier. Celui-ci, nommé Jacques, un des commandeurs d’une habitation voisine, celle de Desgrieux, a fini par révéler la réunion du 14 août et la décision de lancer l’insurrection. Leur incendie aurait dû en être le signal (...) Leclerc se rend sur place, fait enregistrer les aveux de Jacques, lequel donne des noms que l’on retrouvera : Barthélemy, Paul, Boukman, quelques autres." (50)
Autrement dit, Jacques qui fut présent au Morne Rouge, au point d'en témoigner, faisait partie du groupe de Boukman et de Barthélemy qui cherchait à semer la pagaille depuis 1790 au plus tôt. De plus, autre que Barthélémy, Paul Blin, futur général de l'armée révolutionnaire, fut également nommé par Jacques. Ainsi, cet incendie au Limbé était allumé par des gens ayant participés à la rencontre du Morne Rouge. Donc, Boukman, faisant partie du lot, devait avoir, comme eux, assisté à la même rencontre du Morne Rouge. 
Or, l'interrogatoire de Jacques Cautant nous apprend d'avantage :
"On l'interroge, il dépose que tous les commandeurs, cochers, domestiques et principaux affidés des habitations voisines et des quartiers adjacents ont formé le complot de mettre le feu aux habitations et d'égorger tous les blancs." (51)
Donc, Boukman était digne d'assister à cette rencontre de la classe privilégiée puisqu'il était cocher (52) comme Toussaint Louverture, cocher de l'habitation Bréda. Ce point est réglé. Il est impossible que Boukman fut absent de la rencontre du Morne Rouge dans laquelle allait être choisie la date de l'insurrection. Cette insurrection générale pour laquelle il oeuvra depuis 1790 au plus tard.

5- La rencontre du 14 août au Morne Rouge, était-ce religieuse?

Le captif François dit Dechaussée de l'habitation Chapotin, dans son interrogatoire, confirma que la conjuration du 14 août 1791 au Morne Rouge, fut d'abord un meeting politique. Non pas Boukman, mais le métis Candy, y donna lecture d'un faux journal (basé sur l'invention de Toussaint Louverture). L'article de propagande en question annonça l'amélioration du sort des captifs par un décret royal dont les autorités locales, des anti-royalistes issues de la révolution française, auraient refusé l'application, comme il a jadis été pour le décret royal du 3 décembre 1784 et celui du 23 décembre 1785 :
"Les papiers publics furent lus aux nègres assemblés par un mulâtre ou quarteron à lui inconnu, qui leur annonça que le Roi et l'Assemblée nationale leur avaient accordé trois jours par semaine ; que les colons blancs s'y opposaient, et qu'il fallait attendre l'arrivée des troupes qui viendraient faire exécuter ce décret; que c'était bien l'avis du plus grand nombre, mais que les nègres de quelques habitations de l'Acul [dont probablement Boukman] et du Limbé voulaient à toute force commencer la guerre contre les blancs avant l'arrivée des troupes." (53)
Pour faire ombrage à la tradition ancestrale haïtienne, les révisionnistes occidentaux se sont servis des détails mentionnés pour argumenter qu'aucune cérémonie ne s'est tenue dans cette rencontre au Morne Rouge qui fut uniquement stratégique et politique. Ces révisionnistes occidentaux s'étant appropriés la "Prière" ou le "Serment" de Boukman rapporté(e) poétiquement par Hérard-Dumesle, ignorent ou font semblant d'ignorer que cet auteur a mentionné, quelques lignes avant, que la planification politique fut scellée par une cérémonie religieuse :


"Vers le milieu [14] du mois d'août 1791, les cultivateurs, manufacturiers et artisans de plusieurs ateliers se réunirent pendant la nuit, au milieu d'un violent orage dans une forêt épaisse qui couvre le sommet du morne rouge, et là formèrent le plan d'une vaste insurrection qu'ils sanctifièrent par une cérémonie religieuse." (54)
Donc, la politique et la religion faisaient cause commune au cours de cette réunion du Morne Rouge. Ainsi, quiconque aimant régurgiter la "Prière" ou le "Serment" de Boukman, se doit d'accepter le reste du texte d'Hérard-Dumesle relatant également d'une cérémonie religieuse. On ne saurait avoir l'un sans l'autre.


a) La rencontre du 14 août 1791, était-ce islamique?

Les révisionnistes musulmans, pour leur part, annoncent que la conjuration du 14 août 1791 servait à la célébration de la fête musulmane du 10 dhul'hija (ou 10 du mois dhul'hija de l'année 1205 du calendrier lunaire musulman) dans laquelle un mouton sacrificiel devrait être offert :
"Par ailleurs, la date de cette cérémonie, le 14 Août 1791, où il est question de sacrifice, correspond au 14 Dhou Al-Hijja 1205 dans l'ère hégirienne (calendrier lunaire des Musulmans), date du dernier jour de la Fête du Sacrifice (Aid-el-Adha ou Aid-el-Kébir): fête célébrée en souvenir du sacrifice demandé par Dieu à Abraham.
Abraham devait sacrifier son fils mais au dernier moment Dieu fit remplacer son fils par un mouton. Durant cette "Fête du sacrifice", les familles musulmanes tuent un mouton et le partagent entre elles et avec les pauvres. Elle est célébrée 70 jours après la fin du Jeûne de Ramadan, et marque la fin du Pèlerinage à la Mecque (Hajj).
Elle dure 4 jours, du 10 au 14 Dhou Al-Hijja, ce qui correspondait précisément en l'année 1791 au 10 au 14 Août." (55)
Cela paraît bien. Sauf que, contrairement à ce qu'avance ce révisionniste audacieux, dans la tradition islamique, l'immolation annuelle de la victime ne s'opère pas le 14 du mois dhul'hijja, mais le 10 :
"Le sacrifice de Mina, le 10 dhul'hijja. Le plus important des sacrifices musulmans est celui qui est effectué à Mina, à la Mekke, le 10 dhul'hijja, à l'occasion du pèlerinage." (56)
Donc, si la cérémonie du Bois Caïman du Morne Rouge avait une teneur musulmane, l'immolation aurait été entreprise en la date du 10 août 1791 qui correspond au 10 dhul'hijja 1205 du calendrier islamique. Le 14 août 1791 aurait été trop tard. Car, si les 10 premiers jours du mois dhul'hijja sont les plus vertueux dans l'islam, (57) les journées du 11, 12 et 13 ont également de l'importance et se nomment "les jours de taskriq". Ces "jours de taskriq" sont consacrés aux repas de fin de jeûne. Cependant, la période de sacrifice peut s'étendre jusqu'au dernier jour de tashriq qui est le 13 :
"Les jours dits de Tashriq sont le 11e, le 12e et le 13e jours de Dhoul Hidjdja. (...) Le temps pendant lequel on peut égorger le sacrifice s’étend jusqu’à la fin du dernier jour de tashriq." (58)
Ainsi, le 14 août 1791 dépasse l'extension sacrificielle permise dans l'intervalle du 11 au 13 août 1791 (les "jours de taskriq"). Donc, le choix de cette date n'avait aucun lien avec l'islam. 
Le 14 août 1791,  était propice à la tenue du meeting pour les raisons suivantes :
1- C'était un dimanche, donc jour de congé, un jour dont disposaient généralement les captifs pour tenir des assemblées restreintes. (59) 2- De plus, le 14 août de cette année-là était également un jour férié, le dimanche le plus proche de la fête catholique de Notre Dame de l'Assomption (15 août). Notre Dame de l'Assomption (Notre Dame Dawou) représentait énormément pour Saint Domingue : a) Elle était sainte patronne de la colonie de Saint Domingue. (60) b) Elle était également sainte patronne de la ville du Cap Français, (61) la capitale de la colonie, située à peu de distance du Morne Rouge. c) De plus, ce dimanche 14 août 1791 était la veille du 121ème anniversaire de la ville du Cap Français fondée le 15 août 1670. L'ampleur de cette date festive dans le Nord a fait en sorte que cette rencontre au Morne Rouge ne fut pas secrète et s'opéra le jour, contrairement au bruit qui cours :
"La réunion en elle-même ne fut pas secrète. Les colons firent plus tard état du « prétexte d'un repas », d'un « grand dîner » auquel les esclaves furent autorisés à assister." (62)
La classe élite des captifs, qui jouissait énormément de privilèges par rapport à l'ensemble de la population captive, avait obtenu la permission de se réunir en très grand nombre, pour organiser sur l'habitation Lenormand de Mésy "un repas", terme encore utilisé en Haïti (manje Lwa, manje yanm, etc) pour désigner une cérémonie ancestrale. Bien entendu, ces commandeurs, cochers et domestiques ont profité de cette rencontre pour planifier la ruine de la colonie. Et afin de s'assurer du succès de leur entreprise, ils ont effectué un service religieux qui comprend un sacrifice. Et pour que ce sacrifice soit conforme à l'islam, l'animal immolé doit idéalement un mouton de couleur blanche, afin de répéter le sacrifice d'Abraham qui sacrifia un mouton à la place de son fils.
Or, ce ne fut point un mouton qui fut sacrifié au 14 août au Morne Rouge, ni un porc, ni même un homme, comme le pensent certains excentriques, mais un taureau. Selon Hérard-Dumesle, un taureau noir fut sacrifié aux Dieux par un orateur traditionaliste pouvant bien être Boukman, "le principal formateur de la conjuration du Morne-Rouge." :




(...)
(...)



(...)
(...)
"L'Attique a-t-il transmis son culte et ses usages 
Aux enfans malheureux de ces lointains rivages... 
Mais un taureau paraît, et ce noir coloris, 
Cet appareil funèbre et ces liens fleuris 
Sont pour un sacrifice offerts par l'innocence  
A cette déité qu'adore l'Espérance.

Parmi les assistans se lève un orateur; 
Il a l'auguste emploi de sacrificateur. 
Muni d'un fer sacré, son bras à la victime  
Porte le coup fatal, dans l'ardeur qui l'anime.
(...)
 Il parle ; et ce langage aimé de nos aïeux,  
Ce langage ingénu qui semblait fait pour eux. 
Dont les accens naïfs, peinture de leur âme, 
Prêtant plus d'onction à ce discours de flamme,

Électrisa les cœurs par un transport nouveau :
"Ce Dieu qui du soleil alluma le flambeau,
Qui soulève les mers et fait gronder l'orage,
Ce Dieu, n'en doutez pas, caché dans un nuage
Contemple ce pays, voit des blancs les forfaits;
Leur culte engage au crime, et le nôtre aux bienfaits ;
Mais la bonté suprême ordonne la vengeance
Et guidera nos bras ; forts de son assistance,
Foulons aux pieds l'idole avide de nos pleurs.

Puissante Liberté ! viens.... parle à tous les cœurs"...

L'oracle est prononcé. La flamme dévorante
S'élance en tourbillons vers la voûte éclatante,
(...)
 On livre la victime offerte au dieu vengeur ; 
Et que vient d'accueillir ce dieu libérateur.
(...)
 L'interprète des dieux explique leurs desseins ; 
Tout est purifié dans ses pieuses mains." (63)
Ce récit d'Hérard-Dumesle dont les historiens puisent ordinairement certains aspects, tout en faisant silence sur d'autres, nous indique que cette rencontre du Morne Rouge comporta une partie religieuse. Le discours qui y fut prononcé, et que l'on associe généralement à Boukman, à cause d'une erreur d'interprétation de Victor Schoelcher en 1843, (64) survint tout de suite après le coup fatal donné à l'animal sacrificiel. Cela implique que ce ne fut pas le sacrificateur, mais un Jany ou Lwa habitant momentanément le corps du grand officiant mâle (Boukman ou un autre), qui discouru en "ce langage aimé de nos aïeux".
Vu le recul du temps, et l'étendue gigantesque du panthéon traditionnel à cette époque, nul ne peut, sans preuve écrite, affirmer avec certitude l'identité du Lwa sacrificateur. Cependant, le rite en usage est plus facilement identifiable, quoique dans le rituel (moderne) du Nord, les rites s'entremêlent sans la démarcation tranchée retrouvée dans l'Ouest, le Centre et le Sud.
Nous présumons que se mélange dans le rites était déjà en cours dans le Nord en 1791. La seule preuve d'exclusivité ethnique dans les danses (calenda), nous arrive de la région du Centre (Artibonite). (65) Et cette région, encore aujourd'hui possède divers "lakou" ou sanctuaires spirituels à caractère ethnique : Nan Soukri (Congo), Nan Souvnans (Rada, Arada ou Dahoméen), Nan Badjo (Nago/Yoruba du Nigeria/Bénin).
Ceci dit, nous estimons que l'immolation du taureau noir au dimanche 14 août 1791 correspond au rite Nago. Ce rite Nago ou Annago, Anago (autre nom de l'ethnie Yoruba) est un rite guerrier sous la gouverne de Ogoun, le Jany ou Lwa de la guerre.
Donc, vraisemblablement, un Jany ou Lwa du rite Nago (Chango, Ogoun, ou autres) a sacrifié le taureau et prononcé le discours de guerre au profit d'Oloroun (Olorun) le Créateur. Pas Oloroum, comme l'on faussement propagé récemment des traditionalistes. Mais bien Oloroun, comme dans Olorun Oludumare Oduduwa, le Orisha le plus élevé (au niveau céleste) dans la tradition Yoruba/Nago. Mais si les Haïtiens ne nomment pas leurs Divinités "Orisha", comme l'ont fait les Yoruba/Nago, cela ne veut pas dire qu'ils ont négligé leurs racines Nago. Parce qu'au lieu de "Orisha", les Haïtiens utilisent le mot "Lwa" qui dérive de "Oluwa", un mot Yoruba/Nago qui signifie "Seigneur", "Maître", "Propriétaire", et qui est l'un des noms du Créateur de l'Univers.** En outre, le mot "Orisha" lui-même fut conservé dans le rituel haïtien, dans lequel Olicha est un Lwa Nago, tout comme ils ont conservé Oloroun Oba Nago dont le nom signifie Oloroun Roi des Nago.

b) Et le sacrifice du porc noir sensé se dérouler le 14 août 1791 au Morne Rouge?  

Hérard-Dumesle, dans le même texte, a fait référence à un second meeting tenu ailleurs, une semaine plus tard. Et c'est au cours de ce second meeting du Bois Caïman, à proprement parler, qu'un porc fut effectivement immolé. Cependant, ces deux meetings complémentaires méritent être classés de "Bois Caïman". Car, ils font partie de la même cérémonie reportée en 2 parties en accord à la structure double de la tradition ancestrale.


6- Le "serment" de Boukman, est-il authentique?

Dans leur prédation historique, les révisionnistes de diverses allégeances religieuses cherchent à s'accaparer le "serment" ou "la prière" de Boukman, un discours libérateur supposément fait au Morne Rouge. Certains d'entre eux considèrent même ce "serment" comme un texte sacré. Mais ce "serment", est-il authentique?  
La réponse est non sur certains aspects. Et oui sur d'autres.
a) Pour commencer, le "serment" en question est un poème. Il est évident que personne ne s'exprime en vers, dans la vie courante. À moins que cette personne faisait la lecture d'un texte écrit. Or, ce n'était pas le cas. Car, selon les déclarations de témoins, uniquement des extraits de journaux furent lus par une personne autre que le sacrificateur. Le reste des expressions furent donc orales.
b) Sur le plan linguistique, ce "serment" tel que présenté dans l'ouvrage d'Hérard-Dumesle, ne peut être pris pour une copie conforme du discours fait au Morne Rouge. L'auteur présenta cette poésie ce comme suit, en Français :


Électrisa les cœurs par un transport nouveau :
"Ce Dieu qui du soleil alluma le flambeau,
Qui soulève les mers et fait gronder l'orage,
Ce Dieu, n'en doutez pas, caché dans un nuage
Contemple ce pays, voit des blancs les forfaits;
Leur culte engage au crime, et le nôtre aux bienfaits ;
Mais la bonté suprême ordonne la vengeance
Et guidera nos bras ; forts de son assistance,
Foulons aux pieds l'idole avide de nos pleurs.

Puissante Liberté ! viens.... parle à tous les cœurs"...
Puis, en bas de page, Hérard-Dumesle offrit la version créole de ce "serment" poétique. Cependant, le Créole utilisé est celui d'un natif de Torbeck (commune des Cayes, dans le Sud) que fut l'auteur. Et son Créole ne convient pas, grammaticalement, au Créole du Nord de Saint Domingue en 1791 :

 (*) Voici le sens de l'oracle dans l'idiome qu'il a été prononcé :
Bondié qui fait soleil, qui clairé nous en haut,
Qui soulevé la mer, qui fait grondé l’orage,
Bon dié la, zot tandé? caché dans youn nuage,
Et la li gadé nous, li vouai tout ça blancs faits !
Bon dié blancs mandé crime, et part nous vlé bienfaits
mais dié là qui si bon, ordonnin nous vengeance ;
Li va conduit bras nous, la ba nous assistance,
Jetté portrait dié blancs qui soif dlo dans gié nous,
Couté la liberté li palé cœurs nous toùs. (66)

Pour que le "serment" poétique d'Hérard-Dumesle convienne au parler du Créole du Nord de Saint Domingue en 1791, il aurait du avoir cette forme :

Bondié qui fait soleil, qui clairé nous en haut,
Qui soulevé la mer, qui fait grondé l’orage,
Bon dié la, zot tandé? caché dans youn nuage,
Et la li gadé nous, li vouai tout ça blancs faits !
Bon dié à blancs mandé crime, et quien à nous vlé bienfaits
mais dié là qui si bon, ordonnin nous vengeance ;
Li va conduit bras à nous, la ba nous assistance,
Jetté portrait à dié à blancs qui soif dlo dans gié à nous,
Couté la liberté li palé ak cœurs à nous toùs.

On remarque que la version française de l'auteur diffère sensiblement de la traduction du texte créole. Pourtant, la très grande majorité des historiens ont traduit en Français la version créole, amplement popularisée, sans avoir consulté l'original déjà en Français. 
En support de notre argument, le texte du comte de Vaublanc, un contemporain des faits, décrit la manière dont les captifs du Nord-Est (et du Nord) de Saint Domingue nommaient la religion des blancs en Créole : 
 "Ils appelaient la sainte hostie bon Dieu à blanc." (67)
Effectivement "bon Dieu à blanc" (Dieu des blancs) correspond grammaticalement au Créole du Nord et du Nord-Est, tandis que "bon Dieu blanc" revient au Créole du reste de Saint-Domingue/Haïti. Ceci dit, l'attribution raciale de la Divinité, ayant été une pratique à Saint Domingue, amène énormément du crédibilité au texte d'Hérard-Dumesle. À notre avis, entre 1823-1824, l'auteur s'était rendu au Nord haïtien fraîchement réuni au reste du pays. Et il a retranscrit en poésie l'essence des témoignages recueillis sur le terrain concernant le discours et la cérémonie sacrificielle du Morne Rouge. Donc, un discours contenant l'essentiel du "serment" fut bel et bien exprimé par la personne ou Lwa ayant sacrifié (e) le taureau au Morne Rouge. De plus, Hérard-Dumesle fut reconnu pour sa mémoire extraordinaire, par ses contemporains :
"M. Dumesle (Hérard) naquit dans la commune de Torbeck, le 16 juin 1784, Fils de mulâtre et de nègre, c'est-à-dire griffe, il s'est fait un nom au barreau, à la tribune et dans les lettres. Doué d'une mémoire prodigieuse, sa tête est toute une encyclopédie." (68)
c) Si la première portion du "serment" fut réellement dite, mais avec d'autres mots, il n'en fut pas de même pour la dernière partie. La dernière phrase "Puissante Liberté! viens... parle à tous les coeurs" est un emprunt d'un discours célèbre de Jacques-Pierre Brissot de Warville, abolitionniste dévoué et membre de l'Assemblée Nationale. Celui-ci, dès le 1er décembre 1791, avait associé à l'Assemblée Nationale, le coeur des noirs à au son de la liberté : 

"Malgré le double supplice de l'esclavage, et du spectacle de la liberté des autres, l'esclave de Saint-Domingue a été tranquille jusqu'à ces derniers troubles, même au milieu des violentes commotions qui ont ébranlé nos îles ; il a partout entendu le mot enchanteur de liberté, son coeur s'est ému : car le coeur d'un noir bat aussi pour la liberté; et cependant il s'est tu. Il a continué de porter les fers pendant deux ans et demi, sans songer à les briser; et, s'il les a secoués, c'est à l'infligation d'hommes atroces que vous parviendrez à connaître." (69)
2 jours plus tard, Brissot a reprit cette association du coeur des noirs à la liberté, dans son allocution du 3 décembre 1791 :
"La dernière classe est celle des esclaves. Je ne vous peindrai pas le double supplice de l'esclavage et de la barbarie. Le nègre avait entendu le mot enchanteur de liberté, et il s'était ému : car le coeur d'un noir bat aussi pour la liberté. (On applaudit.) Eh bien! l'esclave était resté paisiblement dans les fers, et il n'aurait pas cherché il les rompre sans l'instigation d'hommes affreux que vous apprendrez à connaître." (70) 
Hérard-Dumesle dit, dans le même ouvrage, qu'il suivait le pas de Brissot :
"Brissot, et les plus célèbres orateurs de l'Assemblée législative du peuple français, nous initiaient aux mystères de la régénération; et, lorsque ceux-ci démontraient à la tribune les rapports qui nous liaient aux principes reçus, nous ennoblissions notre entreprise par d'héroïques dévouemens." (71)
Il faut conclure que la déposition poétique d'Hérard-Dumesle a conservé l'essence de la parole énoncée durant le meeting au Morne Rouge. La raison étant qu'il s'est rendu dans le Nord d'Haïti, fraîchement réuni à l'Ouest et au Sud, pour recueillir les témoignages des locaux, une trentaine d'années après les faits. En ce qui à trait à la cérémonie religieuse, Hérard-Dumesle a vraisemblablement choisi la poésie pour l'illustrer avec beaucoup de latitude nécessaire. Et comme il n'y fut pas présent, et que son ou ses informateurs ont peut-être été discrets sur ce point, la poésie lui a permis de remplir le vide par la mythologie grecque. D'ailleurs, la mythologique grecque lui étant plus familière, passait mieux qu'un rituel "africain" auprès du lecteur occidental ou occidentalisé auquel son ouvrage s'adressait. 
Il faut également savoir qu'en 1819, soit 5 ans avant la publication d'Hérard-Dumesle, le Français Antoine Métral avait déjà publié un discours tenu par le sacrificateur du Morne Rouge. (72) Nous estimons que ce long discours est faux, principalement parce qu'il présente la liberté générale, et même l'indépendance comme l'objectif des conjurés du Morne Rouge. Or, nous savons qu'à ce stade initial, la demande des rebelles était uniquement de 3 jours de congé par semaine et l'abandon du fouet comme forme de punition.


7- Existait-il des caïmans au Morne Rouge?

Une autre affirmation des révisionnistes islamiques est qu'il n'existait pas de caïmans au Morne Rouge. Et que par conséquent, "Bois Caïman" devrait référer à "Bwa Kay Iman", le lieu de résidence d'un certain "Iman" ou "Imam". (73) Nous avons prouvé l'impossibilité de cet argument dans notre article : "Kay + Iman dans le Créole du Nord". Sans trop nous y attarder, nous présenterons l'anatomie du caïman de Saint Domingue tel que dessiné par le naturaliste M. E. Descourtilz qui en disséqua un nombre considérable ; et ce, en 1800, soit près d'une décennie après Bois Caïman et la mort de Boukman :
"J'ai scruté, sondé, étudié les ruses, les mœurs et la nature du Crocodile de St.-Domingue, qui y est appelé Caïman. (...) J'achevai à St.-Domingue l'anatomie comparée du Caïman de cette île, en 1800." (74)
(Le Cayman Surpris.)

(Cayman vu sous le Ventre. Fig I. Son Squelette Fig II.)

(Viscères du Crocodile de St. Domingue Vus en face et par derrière.)

(Anatomie de la langue du larinx et dela Trachée Artère du Cayman.)

(Oeufs du Cayman. Position du Petit Pendant l'incubation. Sa Sortie de l'Oeuf.)


(TABLEAU COMPARATIF des différences de conformations entre des Reptiles souvent confondus, 
l'un d'eux n'ayant pas encore été décrit. 
[2ème col.] LE CROCODILE DE SAINT-DOMINGUE, Appelé caïman.)
Source : M. E. Descourtilz. Voyages d’un naturaliste et ses observations... Tome 3, Paris, 1809.


Donc, contrairement aux apparences, la colonie de Saint Domingue possédait des caïmans pouvant inspirer des noms de lieux. D'ailleurs, malgré le déboisement à outrance, Haïti possède toujours des caïmans dans plusieurs départements. Nous n'affirmons pas pour autant qu'il y a ou a jamais eu de caïmans au Morne Rouge. Mais nous ne saurons l'écarter aussi catégoriquement que le font les révisionnistes, vu que Morne Rouge baigne dans la Baie de l'Acul (et la Baie d'Alain) et les caïmans sont des amphibiens.


(Plan d'une batterie et d'un retranchement faits sur la baie de l'Acul pour empêcher les vaisseaux d'y mouiller. Ordonné le 8 avril et fini le 20 mai. Poliart (de, ingénieur), 20 mai 1748.)
Source : FR ANOM 15DFC426C

Notre argument est ceci : qu'on le veuille ou non, les caïmans faisaient partie de la faune dominguoise. À vrai dire, il importe peu qu'il ait eu ou non de caïmans au site du Morne Rouge, étant donné qu'Hérard-Dumesle nous informa que les conspirateurs ont tenue une seconde cérémonie politico-religieuse non loin de là.


8- La rencontre du 21 août 1791 & le sacrifice du porc

La cérémonie religieuse du 14 août 1791, au point de vue liturgique, fut de rite Nago ou Annago. Elle représente le Rada, ou Vaudou, dans le langage des gens de l'époque, qui est la première des 2 parties d'une cérémonie fusionnelle. Pour être conforme à l'union du rite Rada-Nago au Petro/Lenmba, une seconde cérémonie ou danse doit suivre. D'après le texte d'Hérard-Dumesle, cette rencontre s'est tenue à la veille du déclenchement de l'insurrection générale (22 août), donc, le dimanche 21 août 1791 :


(...)
 
"Non loin de ce lieu [Morne Rouge] une autre assemblée offrait aux dieux [au pluriel, donc interdit par l'islam] un nouveau sacrifice : là on immola un porc [interdit par l'islam], et une jeune vierge fut la Pythie [prêtresse également interdit par l'islam] 
(...) 
Le lendemain il était prés de minuit (du 22 au 23 août), lorsque le tocsin donna le signal des désastres. L'insurrection éclata avec une telle fureur, qu'elle offrit le spectacle le plus désolant. Les conjurés, réunis dans la plaine, s'y dispersent en cohortes, et portent partout l'esprit qui les anime : l'épouvante les précède, la destruction le suit et laisse derrière eux les funestes traces de leur passage. Liberté, vengeance, voilà leurs cris de ralliement : ce sont les divinités auxquelles ils sacrifient." (75)
Cette seconde cérémonie dans laquelle "on immola un porc" n'a pas eu lieu au Morne Rouge, mais "non loin de ce lieu", une semaine plus tard. Le Colonel Paul Aly est à l'origine de la confusion historique. Au fil du temps, sa mémoire lui a fait défaut. Dans son témoignage à Céligny Ardouin, il a confondu l'immolation du porc du 21 août par une officiante avec la rencontre du 14 août au Morne Rouge au cours de laquelle un taureau fut sacrifié par un officiant masculin.
La révélation d'Hérard-Dumesle émiette déjà considérablement le faux discours des révisionnistes plaçant tout sur une supposée maison de Boukman au Morne Rouge et sur la rencontre des conjurés au 14 août, sur l'habitation Lenormand de Mésy. Or, comme nous l'avons vu, Boukman n'a jamais habité dans cet endroit, mais au Limbé puis à l'Acul-du-Nord. D'ailleurs, dans l'islam, la fête du sacrifice s'effectue uniquement une fois par année. Pas 2 fois, ni 3, ni 4 fois. Juste une seule fois. Ainsi, la tenue de cette seconde cérémonie sacrificielle 7 jours plus tard, nous place automatiquement en dehors de la sphère islamique. De plus, Hérard-Dumesle a fait mention du rôle important jouée par "une jeune vierge", une prêtresse, dans le sacrifice du porc. Cette jeune prêtresse ou Manbo correspond à Cécile Attiman Coidavid, faussement connue comme Cécile Fatiman. En 1887, elle s'est éteinte à l'âge gracieux de 112 ans. Cela veut dire qu'elle a vu le jour en 1775 et n'avait que 16 ans en 1791 lorsqu'elle participa au sacrifice du porc. Hormis le porc, animal proscrit par l'islam, la présence féminine de Manbo Cécile elle-même va à l'encontre de la foi musulmane qui ne permet pas à une femme d'opérer de sacrifice rituel.

a) Était-ce vraiment un porc qui fut sacrifié ?

En 1993, a paru La Légende des Loa du Vodou Haïtien, un livre fantaisiste (et non scientifique) de l'auteur Déita, relatant que durant la cérémonie du Bois Caïman on allait "sacrifier le cochon à Ogoun Féraille." (76) Mais qu'un captif marron (fugitif) nommé Jean-Baptiste Vixamar Legrand s'était offert en offrande à la place du porc ; et qu'il est depuis, devenu un Lwa Gad ou un Lwa protecteur d'une société secrète Bizango :
""L'Histoire, à sa manière coutumière, a écrit la cérémonie du Bois Caïman. Ceux qui ont décrit l'histoire n'avaient pas intérêt à relater les faits dans leur authenticité. Il serait outrageant de faire savoir que des hommes et femmes, fils de blancs, avaient bu le sang du nègre, ce "cochon sans poils." Bref ! je suis Jean-Baptiste Vixamar Legrand, celui qui s'immola de son plein gré. Aucune influence extérieure ne m'y a contraint. Je me suis donné par amour de la Liberté, celui dont le sang fut distribué, et bu par les affranchis noirs et mulâtres, et les esclaves aussi, dans la nuit du 14 août 1791 dans la grotte du Bois Caïman. Boukman qui officiait peut en témoigner... J'ai écarté le cochon poilu et homme sacrificiel je deviens le cochon sans poils. Il se tut..."
Je venais de découvrir la signification du mot chanpwèl." (77)
Déita débuta sa falcification historique en déclarant que "Ceux qui ont décrit l'histoire n'avaient pas intérêt à relater les faits dans leur authenticité". Elle cracha ensuite sur le travail gigantesque des historiens haïtiens tels que Thomas Madiou, Céligny et Beaubrun Ardouin, Hérard-Dumesle, Baron de Vastey, etc., en insinuant que les "blancs" ont écrit l'histoire d'Haïti. C'est là une technique manipulatoire fort répandue chez les pseudo-historiens qui, gangrénés par la paresse et n'apportant rien de factuel, discréditent dès le départ les données historiques soutenues par des preuves tangibles. Le discrédit étant établi, le lecteur ou auditeur noir, généralement crédule et conformiste, est alors prêt à accepter les plus viles sottises. Car, le livre de Déita, intéressant comme oeuvre fictive, est bondé d'erreurs historiques et liturgiques. Par exemple, l'auteur prétend que Boukman a vécu sur "l'Habitation Turpin au Haut du Cap", (78) lorsqu'en réalité, cette habitation se trouvait au Limbé. De même, l'auteur indiqua que le cochon sacrifié était en l'honneur du Lwa Ogoun Feray. Or, le moindre novice sait qu'Ogoun Feray ne reçoit pas de cochon en offrande. Également, le locuteur dans son récit se trompe de date et de lieu, puisqu'un taureau fut sacrifié au Morne Rouge, le 14 août 1791, pas un cochon. Puis, l'auteur a déclaré que :
"Ce récit a été fait en français au cours d'une cérémonie de Bissango, le locuteur avait parlé à la 3ème personne. Le récit a été adapté à la 1ère personne." (79)
Or, vu que Déita a subséquemment déclaré ne pas être initiée, cela implique qu'elle n'assista pas à la cérémonie de société secrète qu'elle a décrit. (80) Par conséquent, son récit n'est qu'un ouï-dire, étant donné qu'une tierce personne, restée anonyme, lui aurait fait part des paroles émanant supposément de la bouche d'un Esprit nommé Jean-Baptiste Vixamar Legrand.
Au fil du temps, des intellectuels haïtiens de renom et de tout horizon, ont repris et validé cette légende urbaine du "cochon sans poils" :  
  • 2000 - Reginald Crosley (Médecin) cita Jean-Baptiste Vixamar Legrand et le document sans référence de Déita, comme s'il s'agissait d'un ouvrage scientifique. (81) 
  • 2005 - Claudine Michel (professeure) plaça Jean-Baptiste Vixamar, ce personnage fictif, au même rang que Toussaint Louverture, Dessalines, Christophe et les autres héros de l'indépendance d'Haïti. (82)
  • 2006 - Jean-Bertrand Aristide (ancien président et prêtre), dans sa thèse de doctorat dépourvue de la moindre référence en ce qui concerne Haïti, compara Jean-Baptiste Vixamar Legrand, le ouï-dire de Déita, à Jésus Christ. (83)
  • 2006 - Max Beauvoir (Houngan, Ati, biochimiste) prétend que Boukman tenait un ason (hochet sacré) au Bois Caïman, (84) alors que le ason ne fait pas partie de la tradition du Nord d'Haïti où s'est tenue la cérémonie dite du Bois Caïman. Un an plus tard, en 2007, Max Beauvoir compara Jean-Baptiste Vixamar Legrand à Saint Jean-Baptiste et Jésus Christ. (85)
  • 2009 - Emmanuel Félix Jr (Avocat. évangéliste) nomma arbitrairement Boukman "Jean-Baptiste Dutty Boukman", (86) peut être en référence à Jean-Baptiste Vixamar Legrand.
  • 2011 - Euvonie Georges Auguste (Manbo) ajouta qu'il n'y a jamais eu de cochons (marrons) au Bois Caïman et ses environs, faisant de Jean-Baptiste Vixamar, un captif marron, un "cochon marron". (87) 
Au lieu de sauter hâtivement aux conclusions, comme ces pseudo historiens haïtiens, analysons sérieusement la réalité de l'expression "cochon sans poils"*** dans la culture haïtienne :
  1. Étymologiquement : Le Dictionnaire Haïtien-Français définit le mot "Sanpwèl" (Sans Poils) et sa variante "Chanpwèl" en ces termes : "Sanpwèl, chanpwèl n. être nocturne doté de pouvoir maléfique." ; "Chanpwèl n. sorcier, malfaiteur, membre d'une société secrète." (88)
  2. Liturgiquement, les "Chanpwèl" sont hors de la religion traditionnelle. Ils en sont exclus, car membres des "Sectes rouges" considérés, non pas comme des héros, mais comme des traîtres : "Les initiés voudoo qui sont restés dans la pureté traditionnelle appellent les initiés qui en sont sortis CABRITT'THOMAZO. Les cabritt'thomazo sont les traitres... (...) Ce sont les membres classiques des sectes dites rouges ou « sectes criminelles » : qui versent le sang humain, comme hostie, mais non (comme le croient ceux qui sont mal renseignés) pour le plaisir de tuer. (...) La formule indique un schisme religieux, ou plutôt de concept religieux auquel demeure attachée la formation de ces sectes de sang humain sacrificiel." (89)
  3. Historiquement, des interrogatoires de captifs impliqués, il ressort que durant la seconde rencontre du Bois Caïman, un cochon noir fut sacrifié et ses poils recueillis en guise d'amulettes : "Un cochon entièrement noir, entouré de fétiches, chargé d'offrandes plus bizarres les unes que les autres, fut l'holocauste offert au génie tout-puissant de la race noire. Les cérémonies religieuses que les nègres pratiquèrent en l'égorgeant, l'avidité avec laquelle ils burent de son sang, le prix qu'ils mirent à posséder quelques-uns de ses poils, espèce de talisman qui, selon eux, devait les rendre invulnérables servent à caractériser l'Africain. Il était naturel qu’une caste aussi ignorante et aussi abrutie préludât aux attentats les plus épouvantables par les rites superstitieux d'une religion absurde et sanguinaire." (90)
  4. Au niveau liturgique, cette pratique de recueillir les poils du cochon ou tout autre objet en guise de protection magique appartient effectivement au corpus religieux "Africain". Chez l'ethnie Luba ou Baluba du Congo, cette forme de protection se nomme Bingalù, signifiant  « Amadouer-le » : Binga (Amadouer) + lù (elle, il, la, le). (91) L'usage d'un Bingalù est parfaitement désiré à la veille de la guerre de Saint Domingue : "Prenons un autre phénomène insolite qui relève de la spiritualité de la connaissance [congo]... Bingalù. C'est-à-dire que devant un danger. Devant un danger imminent, on te donne quelque chose. On vous donne une petite feuille que vous portez toujours sur vous. Et, devant un danger imminent... (...) C'est comme ça qu'on fait pour se protéger de ce genre de danger. On appelle ça bingalù." (92)
  5. Malgré l'absurdité de leur démarche, les révisionnistes insistent que ce fut Jean-Baptiste Vixamar Legrand, une personne, qui s'immola, et de là vint l'expression "cochon sans poils". Suivant leur logique, "Cochon Sans Poils" devrait être synonymes de "Cochon Noirs", vu que leur soit disant héros n'avait peut-être pas autant de poils qu'un porc, mais il était quant même de race noire. Or, ce n'est pas le cas. En Haïti, les membres des associations dites "Cochons Sans Poils" portent plusieurs noms dont "Cochons Gris" : "Le schisme a eu lieu entre les voudoisants purs et ceux que les purs prétendent impurs : une division entre les voudoo francs et les hétérodoxes. (…) Les schismatiques, qui tendent sérieusement vers le rite fort par excellence (le rite Pethro) constituent des sectes aux noms divers : Cochons sans poils, Bissages ou Bi-sango, Cochons Gris, Vin'Bain-Ding'." (93)
  6. D'ailleurs, dans la littérature haïtienne, ce texte classique d'Ignace Nau, paru en 1836, soit à peine 32 ans après l'indépendance d'Haïti, fit mention de la secte des "Cochons sans poil". Cette "secte", que l'auteur considère comme une autre sorte de "loup-garoux", fut une réalité établie depuis des générations : "La vivacité des yeux s'éteignit, et le dépérissement devenait de plus en plus visible. Il ne restait plus de doute sur l'espèce de la maladie ; aussi n'était-il point de malédictions que la vieille Yaya ne proférât contre la secte infernale, dite cochon-sanspoil ; il n'était point de voeux qu'elle ne fit, de pélerinage aux autels de Higuey qu'elle ne promit à la Providence d'accomplir si sa bonté divine intervenait." (94)
Ces arguments devaient suffire pour démontrer qu'un cochon fut bien immolé à cette seconde cérémonie du Bois Caïman. Toutefois, les révisionnistes, opérant par prédation génocidaire et non par rationalité, le lot de preuves requises pour les assommer doit être gigantesque. Alors, en voilà d'avantage. 
a) Bien avant Bois Caïman, le sacrifice de cochons fut documenté à Saint Domingue. Dans un ouvrage paru en 1736, réédité et augmenté en 1765, le planteur Élie Monnereau témoigna de sacrifices de cochons sur son habitation du Limonade, dans le Nord de Saint Domingue. Dans le cas décrit par l'auteur, il s'agissait d'une cérémonie funèbre dans laquelle : "Les parens ou amis du mort, publient qu'une telle Fête ou un tel Dimanche on fera la Prière pour leur parent ou ami défunt, où les Nations ou Compatriotes du mort sont priés d'assister." (95) Cette cérémonie débuta par des libations d'Eau-de-vie, pratique contraire à l'islam :


"Ceux-ci ne manquent pas de se trouver au rendez-vous, où chacun est obligé d'apporter quelque chose, l'un se charge de quelques vivres, l'autre d'Eau-de-vie, un troisième de Sirop, ainsi du reste. En arrivant ils se font de part et d'autre des; complimens de bienveillance ; ensuite ils s'assemblent en formant un cercle vis-à-vis la porte du défunt, et prenant une. bouteille d'Eau-de-vie; ils en arrosent le seuil de sa porte..." (96)
La prière préliminaire terminée, on enchaina avec la danse deux à deux (donc, une danse homme-femme à la manière Congo, interdite par l'islam), suivie de l'immolation d'un cochon qui fut ensuite consommé : 


"Cette Prière finie chacun baise la terre, et se lève, ils font une seconde aspersion ; après quoi, ils se mettent à danser deux à deux jusqu'au dîner, auquel les amis du mort ont eu soin de pourvoir par le sacrifice d'un cochon qu'ils sont obligés d'immoler à ses manes, dont ils ont grand soin de faire une exacte anatomie et qu'ils disséquent à belles dents; le reste de la journée se passe à chanter, danser, à faire des contorsions et des extravagances." (97)
Cette cérémonie funèbre Congo offre un aperçu du déroulement de la cérémonie du Bois Caïman dans laquelle un cochon fut également immolé. Cependant, il existe d'énormes différences entre la séance religieuse semi-familiale ici décrite et une cérémonie à caractère guerrière telle que Bois Caïman.
b) À la présomption qu'il n'existait pas de "cochons marrons" au Morne Rouge, et dans la zone environnante, le démenti arrive de l'oeuvre de Descourtilz. Ce naturaliste, ayant étudié la faune de Saint Domingue, a dressé le tableau des animaux de chasse de la colonie. Inclus dans ce tableau sont des cochons marrons, les boeufs marrons, les cabrits (chèvres) marrons et également des caïmans, avec la précision qu'il s'agit de "races existantes" et non éteintes :




(Tableau des animaux de chasse utile de Saint Domingue)
Source : M. E. Descourtilz. Voyages d’un naturaliste et ses observations, Tome 2, Paris, 1809. p.153.

Descourtilz décrivit également sa manière de chasser ces mammifères, comprenant les cochons marrons :
"On se sert peu de chiens à Saint-Domingue; et ceux qui y seraient utiles, sont les bassets-griffons, ou chiens courans, pour lancer au milieu des cardasses épineuses le boeuf et le cabrit marron, ou attaquer dans leur bauge fangeuse les cochons marrons qui, distrais du corail, se plaisent au milieu des mangles aquatiques..." (98)
Bref, ce fut bien un cochon qu'on sacrifia non loin du Morne Rouge, dans la nuit du 21 août 1791. Cette histoire de Jean-Baptiste Vixamar Legrand n'est que fiction, une tentative vicieuse de saboter la Révolution haïtienne au cours de laquelle un tiers de la population noire s'est sacrifiée. Mais qu'est-ce cela peut bien faire aux révisionnistes? Leurs ancêtres paternels n'étaient pas impliqués dans le complot initial de cette révolution. Les miens, oui : 
  • Séraphin Salnave, membre du Comité contre-révolutionnaire du Cap en 1789-1790, pendu en 1802 ;
  • son petit-fils, Président Sylvain Salnave (fils de Séraphin Silvestre Jean-Baptiste Salnave dont Toussaint Louverture fut le parrain), fusillé en 1870 ; 
  • le fils de Sylvain, le Gén. Charles Salnave, Min. de la guerre, de qui je descends, meurt au combat en 1914. 
Ils ne descendent pas, du côté maternel, de ceux qui ont mené la victoire révolutionnaire. Moi, si :
  • Charles Pierre, le Maréchal de camp ayant tenu tête, au Nord-Est, à l'armée française en septembre 1803. Ce Charles Pierre, le futur Comte de Terrier-Rouge, 1 an et demi auparavant, en février 1802, échappa au massacre orchestré par Rochambeau au Fort Dauphin (actuel Fort Liberté), grâce à ses habilités militaires ;
  • Henry Christophe, second en commande à la dernière bataille de Vertières (nov. 1803), poursuivit, étant Roi, la Révolution jusqu'à son suicide en 1820 ; 
  • le fils naturel du Roi Henry, le Chevalier Joseph Béliard, de qui je descends, fusillé en 1856.
Et puisse que les révisionnistes veulent réécrire l'histoire d'Haïti à partir d'une "légende", alors parlons de "légendes". Leur naissance, fut-elle annoncée depuis des générations dans une légende royale très connue dans le Nord? Seraient-ils cet enfant de sexe masculin, tel que prophétisé par l'Esprit du Roi Christophe, qui devrait naître à Petite-Anse (commune proche du Cap Haïtien) et qui reprendra la "Fortune" royale? Bien sûr que non. Mais moi, si. Et dès mes premiers souffles, cela fut confirmé à ma famille par une vielle dame du Cap.
 

9- La vraie nature du sacrifice du porc

La cérémonie dite du Bois Caïman s'est déroulée dans le Nord de Saint Domingue et nulle part ailleurs. Pas même dans le Nord-Est qui s'est révolté que plusieurs mois après le Nord. Mais Pourtant, la majorité des analystes traitent de Bois Caïman, sans jamais se pencher sur les spécificités religieuses du Nord d'Haïti.
a) Une version récente de l'historien Robin Law s'appuie sur des pratiques magiques récentes du Dahomey (Bénin), et de divers emplacements pêle-mêle d'"Afrique" de l'Ouest, pour proposer que le sacrifice du porc au Bois Caïman et l'usage du sang qu'on y fit, correspond à un "pacte de sang" dahoméen ou Rada. (99) La réalité liturgique du Nord, comme ailleurs en Haïti, nous dicte d'écarter le rite dahoméen (Rada) comme fournisseur du sacrifice du porc, une pratique qui va à l'encontre de son essence. De plus, le "pacte de sang" dahoméen dont on fait mention, n'est pas une pratique religieuse en tant que telle. Il sert strictement à sceller des transactions commerciales et interpersonnelles.
b) Vu le caractère guerrier du Bois Caïman, d'autres considèrent Ogoun (Lwa, Jany ou Mystère de la Guerre), comme le sacrificateur du porc. Mais pourtant, Ogoun appartient au rite Nago (de l'ethnie Yoruba, dit Nago ou Annago au Bénin et dans les Amériques) dans lequel le sacrifice de porcs est absent. Toutefois, le sacrifice du taureau du 14 août 1791 au Morne Rouge, convient parfaitement au rite Nago. Ce taureau pourrait bien avoir été pris en charge par Ogoun ou l'une des nombreuses Entités suprêmes Nago. Mais pas le porc.
c) Prenant le rituel du département de l'Ouest (particulièrement celle de Port-au-Prince) comme référence, la majorité des intervenants affirme que le sacrifice du porc effectué à cette cérémonie du Bois Caïman provient du rite Petro. Certes, l'immolation d'un porc correspond au Petro. (Nous élaborons d'avantage sur l'origine du rite Petro dans un prochain article). Cependant, on ne nomme pas ce rite Petro dans le Nord où il reçoit l'appellation de Lemba, Congo ou Congo-Lemba (Kongo-Lenmba en Créole).
d) D'autres intervenants, se référant aux rituels de Nan Soukri, un sanctuaire au rite Congo de l'Artibonite, suggèrent que le sacrifice en question fut plutôt Congo. Effectivement, l'immolation du porc pratiquée au Bois Caïman est en accord avec le rituel Congo. Mais quel Congo? Car, à Saint Domingue, l'appellation Congo fut attribuée génériquement à une panoplie d'ethnies d'"Afrique" Centrale et Australe, rendant l'identification du vrai Congo ou Franc Congo assez ardue.
De plus, si dans l'Artibonite la ségrégation liturgique prédominait plus que partout ailleurs, et donna naissance à de multiples sanctuaires religieux, ou lakou, à base semi-ethniques, dans le Nord, ce fut tout le contraire. Dans ce département, la séparation des rites est la moins rigide du pays. En fait, dans le Nord, le rite Congo se fusionne presque avec tous les autres rites : la marque d'un mélange ancien et profond des divers rites ethniques, ce qui favorisa la cohésion révolutionnaire. À l'opposé du Nord fusionnel, dans le département de l'Artibonite où l'exclusivité rituelle/ethnique fut de mise, des réflexes de désolidarisation, penchant sur le tribalisme "africain", subsistent. Ainsi dans l'Artibonite, les intérêts régionaux/locaux l'emportent sur ceux de la nation. Cette région semi-tribale est donc prône à la violence sectaire contre l'entité étatique telle qu'elle soit : 1820 (contre le Royaume d'Henry I), 1821 (contre la république de Boyer), 1986 (contre Duvalier fils), 2004 (contre Aristide et les 200 ans d'indépendance), pour ne citer que ces dates marquantes.
Mais quant est-il du rite Lemba, à proprement parler? Les preuves tendent vers le Lemba, tel que pratiqué dans le Nord de Saint Domingue (Haïti), comme opérateur du sacrifice porcin ayant eu lieu au cours de la journée (non pas la nuit) du 21 août 1791. Regardons de plus près.

a) Qu'est-ce donc le Lemba?

Le rite Lemba provient (en partie) du Royaume Congo/Angola autant que le Petro et le Congo.  Et il ne faut pas le confondre avec le nom d'une ethnie du Zimbabwe. Non plus, faut pas le confondre avec la ville de Lemba, la capitale de la région de Mbula du Congo, que le Roi Dom Pedro III fonda en 1665. 

Nom : Le Lemba ou Koôngo dya Lemba était la plus ancienne et la plus importante des quatre sociétés initiatiques du Royaume du Congo/Angola. Les autres sociétés initiatiques étant : le Kimpasi (ayant influencé le rite Congo de l'Ouest haïtien), le Ndembo et le Kimba. (100) Le Lemba est "une organisation ésotérique, institut supérieur des sciences morales et religieuses, de sciences tout court : biologie, médecine, histoire, géographie, droit, astrologie spécifiquement kongo." (101)
Définition : Lemba, en langue kikongo, veut dire "calmer", "amadouer" tout mal physique ou mystique, d'extirper tout ennui, de "se clamer", et de "civiliser" en améliorant les moeurs de la société. (102)
Créateur (s) : Le lemba est l'oeuvre des fondateurs du Royaume Congo/Angola.
Date : 1600-1930.
Membres : La société Lemba était formée de la classe élite du Royaume. "Elle a formé beaucoup de personnes ayant rempli des fonctions importantes, dans l’administration, la justice, la santé, la religion, etc. C’est une école d’endurance, de vigilance, de droit, de savoir médical, de travail, de gouvernement, etc." (103)


(Carte politique et économique de la zone d'activité des sociétés Lemba, 1600-1930)
Source : John M. Janzen. Lemba 1650-1930 : A Drum of Affliction in Africa and the New World. New York, 1982. p.5.

Mission : Il régulait le commerce, et était : "une sorte de disposition testamentaire du roi de Koôngo destinée à l’endroit des Bana-Koôngo ou descendants pour leur bien-être, leur bonheur et surtout pour renforcer la pérennisation de Koôngo et la raison d’être de ses valeurs fondamentales. C’est dans cette optique que l’Ordre initiatique de Koôngo dya Leemba fut un des instruments de renforcement du sentiment national et de paix... (...) Une affirmation d’un mieux être du vouloir-vivre ensemble en privilégiant, entre autres, la culture et la pérennisation d’une certaine intégrité socio humaine de l’être ou du Muùntu [Moun en Haïti]." (104)
Recrutement : L'élite commerciale du Congo se sentant coupable de l'esclavage auquel il participait et en profitait, développait des malaises (105) à la tête, au coeur, à l'abdomen et aux côté. Et, en traitant, ou en "calmant" les malaises de ces traiteurs d'esclaves fortunés, les nganga e elemba, c'est-à-dire les grands officiants du culte Lemba, les intégraient à leur société initiatique. (106)
Restriction : Le Leemba imposait des restrictions d'ordre aristocratique. Il "n’a jamais été, dit-on, contrairement aux autres écoles initiatiques Koôngo, une institution de masses, ne recrutant que des individus appartenant à une certaine catégorie sociale. À ce sujet, l’illustre kongologue Ferdinand Ngoma rapporte que ce fut, « une institution à renommée aristocratique, ouverte aux individus économiquement puissants et souvent des adultes mariés. »" (107) Une telle approche Lemba explique en partie l'identification des rebelles de 1791 à la royauté et leur mépris pour la cause républicaine populiste ; et subséquemment ce trait aristocratique marqua le Nord d'Haïti.
Moralité : Pour les dénigreurs de la Révolution haïtienne, la religion traditionnelle ayant contribuée à sa réussite est un ramassis d'immoralité. Or, la moralité est l'un des critères d'adhésion au Lemba : "Le statut social n'est pas un élément déterminant pour entrer dans l'ordre de Koôngo dya Leemba même s'il est de réputation aristocratique. Si le postulant est de bonne moralité et dispose d'une puissance économique conséquente, son accession au sein de l'ordre est fort appréciable donc admise." (108)
Cotisations : La contribution en porc, en vin et autres boissons alcoolisées (éléments proscrits par l'islam) est pourtant requis du débutant d'une société Lemba : "C'est dans ces conditions que dès le début des opérations participatives, mwaànga-ngaànga [néophyte] doit s'acquitter du paiement des honoraires du ngaànga-leemba [officiant lemba]. Il doit, en principe, offrir à son Maître-initié, trois poules et deux calebasses de vin. S'il est exigé au mwaànga-ngaànga de s'acquitter d'un porc et de beaucoup de vin." (109) À partir de la combinaison de porc et d'alcool, 2 produits interdits par l'islam, nous pouvons affirmer que la cérémonie Lemba du 21 août 1791 n'était pas musulmane.


10- Le sacrifice du porc Lemba

Dans la société Lemba, il existe 3 types d'offrandes (110) qui varient en importance : 1) le "bol" (mbungu en langue Kikongo) qui consiste principalement en vin de palme, autres boissons alcoolisées, et tout ce qui peut contenir dans un bol ; 2) le "poulet" (n'susu en Kikongo, nom qui est conservé dans le rituel haïtien via le chant sacrificiel "benyen sousou") ; 3) le "porc" (n'gulu en Kikongo), la plus grosse des offrandes, marque les grandes occasions telles que la cérémonie d'avant guerre du Bois Caïman. Voici un résumé du fonctionnement de ce sacrifice porcin :
"Le culte de Leemba est sacrificiel en ce qu’il fait aussi appel à l’immolation d’un porc lequel (...) devra, par la suite, être au cœur des repas à caractère communiel. Le kongologue Ferdinand Ngoma rapporte que : « La découverte du Lemba se fait par l’immolation de la victime (kilambu) hors du village, à huis clos... (…) Le public n’est pas admis, pas même les femmes mi-mbanda. (...) Obligatoirement, également, c’est un cochon qui sera immolé. On ne peut le blesser. Il est tué par étouffement. (…) Ce repas communiel accompagne la cérémonie…" (111) 
De cet extrait, plusieurs points sont soulevés : a) Un porc doit obligatoirement être immolé dans le culte Lemba. Cela valide la connexion Lenmba de Bois Caïman. b) Ce porc est consommé dans un repas communiel, ce qui indique que les rebelles de Saint Domingue poursuivant ce culte Lemba n'étaient pas musulmans, et qu'une personne (Jean-Baptiste Vixamar Legrand) ne fut pas immolé à la place du porc, car cela aurait impliqué un acte de cannibalisme, élément inconnu de la sphère religieuse haïtienne. c) Le porc doit être étouffé et non blessé. Cela semble, à première vue, contredire l'effusion de sang au 21 août 1791. Toutefois, nous verrons que les officiants rebelles ont modifié cette obligation liturgique Lemba, l'adaptant au concept d'avant guerre. Ils y ont combiné le "Lemba e ekesa", un rituel Lemba pré-guerrier, qu'ils ont rehaussé mystiquement grâce au sang versé. d) La cérémonie sacrificielle était tenu dans un lieu éloigné, hors du regard du public et même des femmes membres de cette société Lemba. Certes, le lieu éloigné correspond à la description de la seconde rencontre du Bois Caïman. Toutefois, l'écartement des femmes cause problème.
Le Lemba au Congo est "un groupement exclusivement masculin." (112) Les femmes qui y entraient avec leurs époux et y jouaient qu'un rôle secondaire. Cette situation remet en cause l'avancé que Cécile Fatiman, une femme, fut la sacrificatrice du porc au Bois Caïman. Or, sans trop détaillé le genre du sacrificateur, Hérard-Dumesle a déclaré qu'une jeune prêtresse consulta les entrailles du porc sacrifié. Lire dans les entrailles d'un animal sacrifié de manière divinatoire est une pratique européenne et non "africaine". Si elle l'est, elle n'est pas très répandue. Toutefois, analyse des entrailles d'un animal immolé de manière non divinatoire est coutume dans le rituel haïtien. Nous y avons assisté à maintes reprises ; y compris pour le porc. Ce n'est là qu'une manière d'apprécier la beauté de l'animal en soi et à titre d'offrande. D'ailleurs, le colon Élie Monnereau l'a bien décrit : "le sacrifice d'un cochon qu'ils sont obligés d'immoler à ses manes, dont ils ont grand soin de faire une exacte anatomie". (113) Le colonel Paul Aly, un ancien rebelle, aborda dans le même sens, mais donna d'autres détails :

"Une prêtresse plongea le couteau dans les entrailles d'un cochon noir ; la victime bondit, le sang ruissela ; les conjurés en burent avec avidité. A genoux, Boukman prêta le terrible serment de diriger l'entreprise, serment commandé par la prêtresse." (114)
Cette disparité dans le rôle restreint de la femme Lemba au Congo par rapport à son rôle illimité à Saint Domingue, et plus tard en Haïti, s'explique en 1 mot : "Konplete", c'est-à-dire se "Compléter" mutuellemment via une "Échange" égalitaire (Boukante). Cette chanson sacrée explicite ce concept nouveau :


Konplete n ap konplete.
Konplete n ap konplete la.
Traduction :
Completer, nous nous complétons.
Compléter, nous nous complétons ici.

Au fil des générations, à Saint Domingue, une échange égalitaire s'est opérée au sein du rite Lemba comme dans la totalité des rites hérités du continent-mère. Cette échange égalitaire représente l'un des facteurs uniques de la religion traditionnelle haïtienne, devenue assez inclusive pour accomplir une révolution. Autrement dit, la Révolution haïtienne n'est pas l'oeuvre de la religion traditionnelle telle que pratiquée en terre d'"Afrique". Car si la religion traditionnelle révolutionnaire haïtienne puise son essence de l'"Afrique" ancestrale, elle a réussi à transcender son devancier. Là où, dans la société Lemba "africaine" l'échange était commerciale et ancestrale "Dans le symbolisme Lemba, c'est le fondement de l'idée que "la richesse vient de l'échange avec les ancêtres", (115) dans la société Lemba haïtienne l'échange est totale. Là où en "Afrique", existait une supériorité hiérarchique de l'homme sur la femme, du libre sur le captif, de l'hétéro sur l'homosexuel, du riche sur le pauvre, etc, la religion traditionnelle haïtienne a créé une espace complètement égalitaire - en observance des principes maîtresses communes à tous. Dans cette religion/mode de vie nouvelle, les participants, peu importe leurs particularités, peuvent potentiellement occuper les plus hauts postes liturgiques. Sur cet aspect la religion ancestrale haïtienne est unique. Ce message de tolérance, de respect mutuel et d'intégration est véhiculé à travers des chansons sacrées comme celle-là :


Tout moun se moun.
Onore rich k ap onore pòv.
Tout moun se moun.
Devan Bondye pa gen esplikasyon.
Tout moun se moun
.
Traduction : 
Toute personne est une personne.
Honore le riche qui honore le pauvre.
Toute personne est une personne.
Devant Dieu il n'y a point d'explication.
Toute personne est une personne.

Il faut aussi souligner qu'en dépit des similitudes, la religion traditionnelle telle que pratiquée en "Afrique" ne pourra pas être accréditée de la Révolution haïtienne qui est l'oeuvre d'une toute nouvelle religion créole. Car, tout comme l'islam, jamais la religion traditionnelle d'"Afrique" a remis en cause l'esclavage comme système d'exploitation immorale. De plus, seul en Haïti la fusion des rites ancestraux a eu lieu.**** Cette fusion ne fut guère aléatoire. Elle donna lieu au rétablissement de l'ordre cosmique ultime longtemps diluée par la dispersion tribale. Elle apporta au culte d'Haïti une énergie et une vitalité perdues depuis des millénaires sur le continent-mère. Sans la création de cette nouvelle entité spirituelle, jamais les rebelles de Saint Domingue n'auraient eu l'union, la force et la cohésion spirituelle requise pour accomplir la Révolution haïtienne. Ce n'est donc point un hasard si Haïti demeure l'unique endroit où un tel exploit s'est produit.


"Société Lemba au marché durant la fin 19ème ou début 20ème siècle, démontrant porcs et chèvres de toutes sortes servant dans les festins Lemba. (Svenska Missionsforbundet Archives, Lidingö)"
Source : John M. Janzen. Lemba 1650-1930: A Drum of Affliction in Africa and the New World. New York, 1982.


a) Le sacrifice du porc, était-ce un "pacte" de sang?

Dans le rituel Lemba (en terre Congo), le sacrifice du porc était complet en lui-même. Le sang de l'animal n'avait nullement besoin d'être versé pour que ce sacrifice soit un succès. C'est la raison pour laquelle, l'étouffement était l'unique méthode acceptable :
"Les mpaàngi za ngaànga [noms des prêtres sacrificateurs] ont, entre autres, la lourde charge de procéder à l’immolation du porc qu’ils doivent absolument mener à bon escient sans le faire souffrir atrocement, et ce, par étouffement." (116)
Ainsi, le "pacte" de sang est étranger à la tradition Lemba du Congo/Angola. C'est également le cas dans le rituel haïtien dans lequel un nombre important de sacrifices, particulièrement de volailles, s'opèrent sans le moindre effusion de sang. Et lorsqu'effusion il y a, cela ne change en rien à la teneur du service spirituel en cours, et n'évoque rien de particulier chez les participants. Alors, pourquoi donc, ce sacrifice de porc?
Il faut savoir que le sacrifice du porc, dans la société Lemba, servait une double fonction : 1) collective/familiale, 2) individuelle.
1) Au niveau collectif, via le sacrifice porcin, le rituel Lemba poursuit au moins 5 objectifs, à savoir :
  • Entretenir le lien avec la Divinité ancestrale : "Ici, il y a lieu de rappeler que, chez les Koôngo, le sacrifice des animaux est absolument chose exceptionnelle. C’est spécialement à l’occasion d’une cérémonie destinée à actionner les grands fétiches qu’intervient le sacrifice comme celui d’une poule, d’une chèvre ou d’un porc." (117) Et s'il avait un temps exceptionnel pour les rebelles de Saint Domingue, c'était bien le 21 août 1791, la veille du déclenchement de l'insurrection générale.
  • La restauration de l'ordre cosmique : "Le culte de Koôngo dya Leemba tout comme celui de Kimpasi (...) est, comme le relève à juste titre le kongologue Georges Balandier expression d’une société qui entend restaurer « [...] ses propres structures et l’ordre du monde au sein duquel elle s’inscrit, en s’ouvrant à une génération nouvelle... La communauté tente d’assurer sa sauvegarde en faisant revivre à sa jeunesse les débuts de l’entreprise collective qui a façonné son ordre, sa civilisation et son histoire — car les rites spécifiques renvoient symboliquement à l’époque des créations, au temps des commencements. La société retrouve sa verdeur en jouant naître, selon ses normes, les jeunes gens que l’initiation modèle ». C’est dans cette dynamique de protection et de maintien de l’ordre en général que le Leemba tendait en une lutte contre les manœuvres de sorcellerie." (118) Dans le contexte de Saint Domingue, la révolution française ayant détrônée la royauté voulant une amélioration du sort des captifs, (puis la captivité elle-même) représentait le désordre cosmique. Le retour du pouvoir royal (puis l'abolition de l'esclavage) signifiait la restauration de l'ordre divin.
  • L’entraide et la solidarité : "Ceci dit, le sacrifice du porc appelé ngulu en langue Koôngo doit probablement répondre à la philosophie des principes d’entraide et de solidarité lorsque des malheurs s’abattent sur une personne. Ainsi, par application de la technique de ki-yindula, le but exprimé, à travers l’immolation du porc, c’est le lungu ou le lungululu (du verbe lunga ou lungulula qui sous-entendent respectivement toute idée de contenance, de suffisance et d’abondance), c’est-à-dire, l’entraide, autrement dit, c’est une expression solidaire à l’échelle communautaire pour mieux contrer les manœuvres des perturbateurs de la paix que sont les ndoki ou sorciers." (119)
  • La sauvegarde de l'espèce : "D’où, entre autres, la signification du verbe lungulula qui veut dire multiplier, propager l’espèce, faire durer ou lunguluka qui signifie se multiplier, devenir nombreux et la portée du proverbe selon lequel, mpuanaku ka lungu, lungu n’andi, c’est-à-dire qu’il ne faut jamais abandonner son prochain seul dans le malheur." (120)
2) Au niveau individuel, le sacrifice du porc servait à attirer la protection magique sur soi pour le combat à venir. a) Via le recueillement des poils du porc divinisé pour la confession d'amulette (Bingalù en kikongo). Et b) via une forme de communion d'avant guerre nommée Lemba e ekesa :
"Lemba e ekesa, v., Pour placer un soldat sous un tel sort qu'il n'a pas besoin de craindre, car il est possible de supprimer toute possibilité de dommage ou de danger. Le nganga e elemba prend du vin de palme dans une assiette ou un bol de bois, immerge ses doigts et touche les lèvres du soldat avec l'avant de ses doigts, et lui dit de ne jamais regarder derrière ou entrer dans une maison, mais aller tout de suite à la guerre." (Trad.) (121)
Donc, nous assistons, au Bois Caïman, à une combinaison de 2 rituels Lemba distincts ; à savoir le rituel régulier de l'immolation du porc et le rituel Lemba e ekesa de communion d'avant guerre. Cette combinaison nécessita la substitution de certains éléments de ces 2 rituels.
a) L'étouffement du porc, une obligation du Lemba, fut remplacé par l'égorgement.
b) Le sang du porc recueilli remplaça le vin de palme utilisé généralement dans le Lemba e ekesa.
Il est plus que probable que de "l'échange" avec les pratiques d'autres ethnies ou Nations, ces modifications ont été apportées au Lemba longtemps avant Bois Caïman. La description d'Élie Monnereau du sacrifice de porc survenu quelques décennies auparavant, indique que les cérémonies se tenaient uniquement les dimanches et jours fériés, seuls jours de rencontre des captifs. Cette restriction empêcha la portion Lemba e ekesa du Bois Caïman d'être entreprise la journée même de l'attaque, comme l'exige la tradition Lemba, afin de profiter au maximum de la force de protection magique obtenue par la communion d'avant combat.
Donc, il n'y a pas eu de "consommation" de sang de porc, au Bois Caïman, comme on le prétend. C'est clairement une exagération, car le sang sacrificiel toucha légèrement les lèvres des rebelles, à tour de rôle. D'ailleurs, un seul cochon ne fournit pas suffisamment de sang pour alimenter des centaines de participants.



"Entrée de marché (fula dia zandu), scène de breuvage et d'interaction sociale, souvent le lieu d'échanges commerciales. Dans le symbolisme Lemba, c'est le fondement de l'idée que "la richesse vient de l'échange avec les ancêtres" (texte 9, ligne 17; Chapitre 7,) (Svenska Missionsforbundet Archives, Lidingö)"
Source : John M. Janzen. Lemba 1650-1930: A Drum of Affliction in Africa and the New World. New York, 1982.


b) Que dire du supposé "pacte diabolique"?

Voilà une religion traditionnelle haïtienne dont les hounfò (temples ou péristyles) sont placardés d'icônes de saints catholiques, tandis qu'aucune image diabolique ou satanique ne s'y trouve. Voilà cette religion traditionnelle dont les services débutent toujours par une prière catholique d'au moins de 20 minutes. Voilà cette religion ou mode de vie ancestrale appelant ses Entités divines entre autres Jany (Anges) ou Sen (Saints). Voilà cette religion au centre de laquelle Bondye (Bon Dieu), le Créateur, est incontestable ; et l'existence du diable, en tant qu'être surnaturel opposé au Créateur, est étranger. Et même lorsque ce concept du diable fut amené du Congo ancestral via l'ancienne christianisation portugaise, ce concept incompatible fut vite diminué, banalisé et vidé de sa substance. Et voilà qu'en dépit des évidences du contraire, en dépit que des prêtres catholiques (français et espagnols) étaient les alliés les plus fidèles des révolutionnaires haïtiens, et que nombre de ces prêtres demeuraient dans les camps rebelles, on  accuse quand même, depuis plusieurs décennies, la Révolution haïtienne d'être l'oeuvre du diable ou de satan. Comment est-ce possible?
En 1984, l'historien Cheik Anta Diop a fait cette remarque qui résume parfaitement la nature de la calomnie occidentale de "pacte diabolique" pesant sur Bois Caïman, sur la révolution et la religion traditionnelle haïtiennes :
"Il faut savoir que l'adversaire [l'Occident chrétien] vous tue intellectuellement. Il vous tue moralement, avant de vous tuer physiquement. Mais c'est de cette manière que l'on a supprimé des groupes entiers. On vous nie en temps qu'être moral. On vous nie en tant qu'être culturel. On ferme les yeux. On ne voit pas les évidences. On compte sur votre complexion, sur votre aliénation, sur le conditionnement, les réflexes de subordination et sur tant de facteurs de ce genre." (122)
Autrement dit, l'accusation chrétienne de "pacte diabolique" ne relève pas du religieux, du spirituel ou du moral. Elle est rien d'autre que l'extension de la violence génocidaire occidentale enclenchée depuis des siècles contre les peuples noirs et la civilisation complexe qui les anime. Car, comment prendre au sérieux une accusation de "satanisme" ou d'immoralité venant d'adeptes d'une religion chrétienne dégustant quotidiennement le corps et le sang du Christ, nettement du cannibalisme symbolique? Une religion chrétienne dont les églises furent financées par des restants de cadavres que l'on offrait en spectacle. Des restants de cadavres, nommés reliques, se trouvant encore en dessous de chaque autel. Comment interpréter autrement le dégoût que semble provoquer le sacrifice de sang au Bois Caïman chez des gens qui pourtant considèrent religieux, le versement annuel de millions de litres de sang de moutons, lors des fêtes sacrificielles musulmanes et juives?
De toute évidence, cette accusation allant contre l'évidence sert de prétexte à la violence religieuse et civilisationnelle entretenue par des fondamentalistes américains qui refusent toute notion de moralité aux peuples noirs, en particulier à leurs concitoyens afro-américains pourtant chrétiens depuis des générations.
D'ailleurs, le rituel Lemba e ekesa, à l'origine du contact du sang avec les lèvres au Bois Caïman, n'a tellement rien de "diabolique" qu'au Congo, il s'effectuait dans les églises catholiques durant les baptêmes d’enfants-porte-chance appelés "lombo" (123) :
"Lemba mwana, v., Baptiser un enfant ; cette cérémonie parmi les gens avant le retour des prêtres Romains à San Salvador en 1881 n'était plus qu'une cérémonie de fétiche; Utilisé uniquement dans le cas des enfants lombo. (...) Le nganga e elemba prend du vin de palme et touche l'enfant trois fois comme décrit ci-dessus sous lemba e ekesa, seulement il est appliqué sur le front ainsi que sur les lèvres. Un homme ou une femme se tient au-devant, & s'appelle ese dia nzila a ezulu (chemin vers le ciel-père), qui est bien sûr la relique de «parrain»; Il doit recevoir le respect de l'enfant." (Trad.) (124)
Donc, ce type de services s’effectuant même au sein de l’église catholique, n'évoquait nullement l'idée de "pacte" avec le "diable" ou avec aucune autre entité malveillante. Il garantissait, au contraire, le "chemin du ciel-père" (ese dia nzila a ezulu). Car, il faut se rappeler que le but du Lemba, ce n'est pas d'assujettir quelqu'un à un "diable" imaginaire, mais plutôt de le guérir, le protéger, le calmer, d’enlever sa douleur, de le civiliser en extirpant ses réflexes brutes et anti-sociaux, etc. :
"Lemba, v., Délivrer ou à enlever toute la puissance ou l'influence du mal ou des sorts de sorcellerie, donc à apaiser, à savoir pour éliminer toute douleur et la gêne, calmer et rendre tranquille, de civiliser en supprimant l'instinct sauvage ; également prospectivement à placer sous une influence protectrice ou de charme pour éviter tout mal de affligent l'individu. Cette idée est devenue naturellement alliée à l'utilisation de «l'eau bénite» [pratique syncrétique], et même avec le service de baptême des enfants. Le charme ainsi conféré est appelé elemba. (…) Lemba e sunga. v., action de charmer tout danger ou possibilités de danger." (Trad.) (125)
En résumé, loin d’un pacte diabolique et barbare, la cérémonie Lemba du Bois Caïman fut civilisatrice. La protection que le sang du porc sacré offrit aux combattants les rendit braves, audacieux, invincibles, intraitables et victorieux face aux esclavagistes occidentaux.
Aussi, les chrétiens qui adorent juger la tradition des ancêtres des Noirs, ont-ils la moralité comme ils aiment le prétendre? Pour le savoir, analysons les moeurs des gouvernants de la France à l'époque de l'arrivée des ancêtres des Haïtiens dans la colonie de Saint Domingue : 
  • Louis XIV (1643-1715) : Le 26 août 1670, Louis XIV, roi de France, autorisa l'introduction de Noirs enlevés de force pour servir d'esclaves en Amérique et ailleurs. 9 ans plus tard, le 25 mars 1679, Louis XIV a pris des dispositions pour qu'une compagnie maritime amène des populations noires à Saint Domingue et dans d'autres îles. Les gouvernants français souhaitaient, via la captivité, convertir les «Africains» qu'ils considéraient immoraux. Mais Louis XIV, ce roi de France chrétien, loin d'être moral, était amplement dévergondé à cette époque. Il a même fait en sorte que Françoise Marie de Bourbon, sa fille née de l'adultère, puisse épouser son neveu, Philippe d'Orléans, afin qu'elle devienne une princesse de sang.
  • Philippe d'Orléans (1715-1723) : Après la mort de Louis XIV, Philippe d'Orléans accéda au pouvoir avec le titre de « Régent » (c'est-à-dire un roi transitoire) en 1715. Mais avant cela, quelques années suivant le débarquement des ancêtres haïtiens, Philippe d'Orléans, commandait  des services sataniques. (126) Et ce n'est guère étonnant. Car, Philippe d'Orléans né en 1674, dès l'âge de 13 ou 14 ans, prenait part à des orgies organisées par son tuteur, un prêtre catholique nommé Dubois. Et quand Philippe d'Orléans prit le pouvoir, c'étaient les orgies à tous les soirs. Et Dubois, le prêtre catholique, participait dans ces orgies. Aussi, au cours de ses soirées de débauche, Philippe d'Orléans, qui était marié à sa propre cousine germaine, avait même l'habitude de faire l'amour avec sa propre fille, Marie-Louise-Élisabeth (Comtesse de Berry). Et ces actes d'incestes s'effectuaient en présence de Dubois qui devint plus tard cardinal.
  • Louis XV (1723-1774) : Philippe d'Orléans devra céder le pouvoir à son neveu, Louis XV, qui devint roi officiellement en 1723. Et Louis XV était également un immorale qui couchait avec 2 de ses filles: Anne-Henriette et Marie-Adélaïde. (127)
C'est irréfutable, ces chrétiens aimant juger les noirs, sont ceux-là même qui étaient immoraux et vénéraient Satan. Les Noirs, quant à eux, n'ont jamais entretenu des relations des entités sataniques. D'ailleurs, leurs traditions ancestrales débordent de moralité.


11- L'impact réel du religieux sur la Révolution haïtienne

Une poignée d'historiens a, depuis peu, émis des réserves sur l'impact réel de la religion traditionnelle sur la victoire révolutionnaire haïtienne. Nous allons résumer puis écarter ces arguments basés sur des suppositions eurocentriques plutôt que sur des analyses historiques, militaires ou religieuses probantes. Mais avant de réfuter leurs propos, nous devons mettre en valeur un fait pertinent, mais négligé, qui ne relève pas de la religion, ni de la magie, ou même des stratégies militaires. Il s'agit de la supériorité mentale des rebelles qui les offrit un avantage phénoménal sur leurs adversaires européens :
"S'ils sont attaqués, ils braveront la faim, la soif, la mort même plutôt que de se rendre. S'ils tiennent cette conduite, il faudra renoncer à la culture, les ateliers seront dégarnis.
Les noirs nous ont prouvé que pour faire la guerre, ils n'ont besoin ni d'habits, ni de souliers, ni de chapeaux, ni de chariots, ni de vivres en magasin." (128)
Et lorsque la victoire était à portée de main, la population savait harasser psychologiquement l'ennemi par des gestes de grande efficacité. En 1803, les soldats français en grande difficulté à la fin de la guerre s'abaissaient à manger des rats. L'un d'eux a décrit l'attitude des Noirs face à leurs malheurs :
"Que l'on se figure la position de tant de malheureux [les soldats français] que la famine allait bientôt désoler, obligés de se défendre contre des ennemis féroces, que ces nouvelles ne manqueraient pas d'enhardir, et ne pouvant tenter de s'évader qu'aux risques de tomber, ou au pouvoir des anglais, ou en celui de ces mêmes hommes... (...) Les nègres qui n'ignoraient rien de ce qui se passait parmi nous, allumèrent bientôt des feux sur les crêtes de toutes les montagnes : c'était la manière dont ils exprimaient leur joie dans les occasions où ils avaient à se féliciter de quelques succès." (129)
Voilà pour l'aspect mental, un parmi plusieurs éléments qui influencèrent positivement le mouvement révolutionnaire haïtien. Mais je doute fort qu'un tel aspect flatteur pour les Noirs puisse intéresser ceux qui cherchent une alternative à la religion traditionnelle comme facteur primordial de la victoire de 1804.


a) L'approche modernité militaire versus tradition barbare

En 1987, l'historien français Pierre Pluchon, (130) argumenta, en gros, que les pratiques religieuses et magiques qui rendirent les rebelles intrépides au combat, si, évidentes au début de la révolution, s'étaient à la longue estompées au profit de tactiques militaires modernes. Et ce fut, d'après lui, l'adoption de cette modernité, complimentée par le rejet de la magie ancestrale, qui garantissait l'indépendance d'Haïti.
L'assertion de Pluchon insinue : a) que la religion traditionnelle et la magie des rebelles étaient incompatibles avec des tactiques et stratégies militaires raisonnées ; b) que l'adoption de telles méthodes militaires par les rebelles impliquerait automatiquement leur abandon des pratiques ancestrales liées à la guerre.

Notre réplique :
Nous argumentons que l'adhésion religieuse des rebelles autant que leurs pratiques magiques demeurèrent inchangées tout au long de la Révolution haïtienne, tandis que leur savoir militaire évolua. Preuve qu'ils ne trouvèrent point d'incompatibilité entre leurs pratiques religieuses/magiques et l'usage des stratégies militaires de leur temps, car :
1- Dès 1791, les rebelles ont acquis sur le champ de bataille les tactiques de l'ennemi. Acquisition ultra-rapide qui causa l'accusation de complicité portée à l'endroit de Cambefort, colonel du régiment du Cap. Quoiqu'il n'en fut pas innocent, Cambefort s'est défendu en ces termes :
"Mais, dit-on, ils [les rebelles] connaissent la tactique, ils ne peuvent l'avoir apprise que de vous? Certes. nous leur en avons donné de fortes leçons, et nous osons nous en faire gloire. Partout et sans cesse nous les avons attaqués poursuivis, battus et détruits. (...) Mais qu'on cite une seule circonstance où les révoltés aient pris de nous des leçons de tactique, données par bienveillance ; ils nous ont fait des prisonniers, et parmi ces révoltés il existe des meneurs, venus d'Europe dans le dessein de bouleverser la Colonie." (131)
Grâce à leur observation minutieuse de l'ennemi, la participation, dès les premiers jours, de plusieurs noirs et mulâtres libres ayant servis dans la maréchaussée (la police coloniale), les rebelles furent exposés à passablement de tactiques de guerre occidentales. Mais pourtant, une telle acquisition n'entraîna pas la mise à l'écart de la méthode guerrière de leur civilisation. Bien au contraire, ils fusionnèrent les 2 approches à leur avantage :
"Les noirs, qui autrefois ne combattaient pas de pied ferme, se sont aguerris; maintenant ils se battent très-bien en ligne, et joignent à notre tactique leur ancienne méthode de faire la guerre, qui consiste à harceler sans cesse leur ennemi, à profiter de la nuit, des pluies, des orages, pour faire leurs attaques qu'ils renouvellent d'heure en heure, à être toujours sur les derrières de l'armée, à ne pas attacher d'importance à conserver une position. Ils connaissent toujours celle de leurs ennemis : en cela ils sont bien servis par leurs pères, leurs frères, leurs soeurs, leurs amis, leurs maîtresses, qui sont auprès des blancs, dont l'indiscrétion et la jactance sont toujours mises à profit par ceux-là, et causent souvent de grands malheurs." (132)
2- Puis, suite à l'abolition de l'esclavage par Sonthonax et Polverel en 1793 (officialisée en 1794), les rebelles, ayant intégrés l'armée française pour combattre les colons indépendantistes, les envahisseurs espagnols et anglais, ont amassé d'avantage de tactiques militaires françaises. Toutefois, l'apprentissage des soldats noirs de ces nouveaux outils militaires occidentaux ne causa la perte des Français. Car,  jamais les insurgés auraient gagné en utilisant les combats alignés des Occidentaux, une méthode archaïque dont ils ont au contraire démontré les limites. La victoire des révolutionnaires haïtiens, tient plutôt de ce que Dessalines nomma "Chicaner", Chikannen, en Créole moderne, c'est-à-dire "Harasser" l'ennemi. Chikannen, cette méthode guerrière "africaine", correspond au "hit and run" (Frapper, puis prendre la fuite) pratiqué par les peuples dits bantou, d'"Afrique" Centrale et Australe. Dans le Sud du continent, le "hit and run" fut en fonction jusqu'en 1810-1816, lorsque Chaka Zulu introduisit le corps à corps comme méthode de combat. (133)


Similitudes guerrières des Noirs St Domingue et d’Afrique du Sud
Chikannen - Saint Domingue
"Hit & run" Zoulou - Afrique du Sud
(Combats Face à face)
"Sans aucune notion, ni expérience de la guerre, les esclaves la firent d'abord à la manière des sauvages." (AM)
"Ils se battaient dans une foule, appelée un impi, et il y avait peu ou pas d'organisation interne (...) Les tactiques étaient inexistantes." (Trad.) (DRM)
"Vieillards, femmes et enfants, tous allaient pêle-mêle au combat." (AM)
"Ils s'avançaient d'abord avec un bruit effroyable, et précédés d'un grand nombre de femmes et d'enfants, chantant et hurlant en chorus." (MD)
"Les femmes et les enfants se sont assemblés sur une colline voisine pour crier et regarder le spectacle amusant." (Trad.) (DRM)
"Souvent ils s'avançaient jusqu'à la portée, dans la confiance que les coups de l'ennemi ne pourraient les atteindre, et pour convaincre les noirs du pouvoir de leurs charmes." (MD)
"Des guerriers individuels ont accouru pour lançer des giya, [giyon en Créole haïtien] hurlant leurs propres louanges et donnant la mort à des ennemis imaginaires." (Trad.) (DRM)
"Au milieu d'un silence imposant, des magiciens seuls se faisaient entendre en chantant et dansant avec des contorsions de démoniaques." (MD)
"Une longue période préliminaire a été consacrée aux insultes et aux railleries criées." (Trad.)  (DRM)
"Jamais ils ne se tenaient serrés ni à découvert. (…) pour peu qu'on, allât droit à eux avec un air d'assurance. Alors, eussent-ils été vingt contre un, rien n'était capable de les retenir au combat ; ils fuyaient…" (MD)           
"Les dommages paralysants étaient rares et l'extermination inouïe." (Trad.)  (DRM)
"Il n'y a pas d'exemple que les noirs aient attaqué corps à corps des blancs qui les attendaient de pied ferme." (MD)
"Il pourrait y avoir une tentative d'entourer un ennemi, mais si un avantage numérique suffisant était à portée de main pour une telle manœuvre, une bataille n'était guère nécessaire." (Trad.)  (DRM)
"Ils font usage de plusieurs sortes de magies qu'ils mêlent aux pratiques de la religion chrétienne." (AM)
"Ils [les magiciens] opéraient des enchantements (ouanga) pour assurer le succès de l'attaque." (MD)
"Les izinyanga [prêtres traditionnels] Zoulou ont également utilisé leurs compétences pour assurer l'ascendance surnaturelle sur leurs ennemis à d'autres égards, et des individus particulièrement puissants ont été dit détenir le pouvoir de causer de la confusion en évoquant la brume ou pour rendre l'ennemi aveugle aux mouvements de troupes". (Trad.) (IK)
Amazwi okuwunga = charme, amulette, en Zoulou. (OL)
"L’Attique a-t-il transmis son culte et ses usages
Aux enfants malheureux de ces lointains rivages…
Mais un taureau paraît, et ce noir coloris,
Cet appareil funèbre et ces liens fleuris
Sont pour un sacrifice offerts par l’innocence
À cette déité qu’adore l’espérance.
Parmi les assistants se lève un orateur ;
Il a l’auguste emploi de sacrificateur.
Muni d’un fer sacré, son bras à la victime
Porte le coup fatal, dans l’ardeur qui l’anime." (HD)
"Les troupes ont marché jusqu'à KwaNodwegu, où les hommes des plus jeunes ibutho devaient tuer un taureau noir spécialement sélectionné avec leurs mains nues. (...) Le rituel était destiné à passer quelque chose du courage et du courage du taureau aux hommes, et de les lier par l'application des médicaments protecteurs (...) Une fois que les hommes avaient entrepris ces cérémonies, on les considérait comme entrant dans un état très différent de l'être spirituel de celui de leur vie quotidienne. Ils étaient liés dans l'unité spirituelle et se préparaient aux effets pervers — connus simplement comme umnyama, la noirceur — qui serait déchaîné par l'effusion de sang au combat."(Trad.) (IK)
"Quant à l'induction que l'on tire des Décorations militaires dont se parent les révoltés, hélas ! il n'a pas tenue à nous qu'ils ne se décorassent aussi des nôtres. C'est sur les cadavres de nos braves compagnons d'armes qu'ils ont enlevé ces marques honorables ! Ils s'en servent à la fois comme des trophées et comme des parures qui flattent les yeux de tout peuple barbare." (CAM)
"Le prochain acte de nettoyage était pour le vainqueur de porter un vêtement tiré de l'homme qu'il avait tué, ce qui a été porté jusqu'à ce que les rituels complets aient été complétés, et qu'il y ait un signe extérieur de l'état de contamination spirituelle de l'homme et de sa prouesse comme guerrier. La pratique était appeler zila. (…) La plus part du temps, les vêtements du haut du corps ont été retirés des cadavres européens." (Trad.) (IK)
(Raids)
"Ils attaquaient aussi quelquefois par surprises nocturnes, qui leur ont souvent réussi par l'épouvante qu'ils jettaient parmi leurs ennemis." (MD)
"Voyageant vite, ils [les clans] se livreraient à des raids d’avant-l'aube." (Trad.)  (DRM)
Koupe tèt boule kay : "Les médecins et les chirurgiens furent seuls épargnés dans cette horrible confusion. Des blancs, surpris à l'improviste par les flammes dont se faisaient suivre ces exterminateurs, n'évitèrent la mort qu'en usurpant un instant ces seuls titres de grâce." (MAZ)
"Des huttes (kraals) en feu, chassant les bovins et abattant les victimes alors qu'ils s’échappent en panique, un par un, de leurs huttes brûlantes." (Trad.)  (DRM)

Si nous retrouvons de grandes similitudes entre le comportement guerrier des révolutionnaires dominguois/haïtiens et l'art de guerre bantou (principalement pré-Chaka) des Zoulou d'Afrique du Sud, c'est n'est pas surprenant. Car, l'ethnie Zoulou, l'une des Nations sacrées (Nanchon) composant la religion ancestrale haïtienne, s'apparente culturellement avec beaucoup d'autres ethnies appelées génériquement Congo à Saint Domingue.
3- Cet art de guerre bantou (ou congo) fut appliqué en février 1802 par Henry Christophe qui, faisant face au débarquement de l'expédition Leclerc, gagna les mornes après avoir incendié la ville du Cap Français, en commençant par sa propre maison. Cette action courageuse du général Christophe força les troupes françaises à se loger dans l'insalubrité d'une ville tropicale en ruine. Dans ces conditions malsaines, la propagation des maladies infectieuses, dont la fièvre jaune meurtrière, était inévitable. D'ailleurs, dans sa lettre du 8 février 1802, Toussaint Louverture, le Gouverneur Général, ordonna à Dessalines d'appliquer à Port-au-Prince les techniques de guérilla****+ les plus rudes :
"Rien n'est désespéré, citoyen général, si vous pouvez parvenir à enlever aux troupes de débarquement les ressources que leur offre le Port-Républicain [Port-au-Prince]. Tâchez, par tous les moyens de force et d'adresse, d'incendier cette place ; elle est construite en bois. (...) guettez le moment où la garnison s'affaiblira par des expéditions dans les plaines, et tâchez alors de surprendre et d'enlever cette ville par ses derrières.
N'oubliez pas qu'en attendant la saison des pluies qui doit nous débarrasser de nos ennemis, nous n'avons pour ressources que la detruction et le feu. Songez qu'il ne faut pas que la terre, baignée de nos sueurs, puisse fournir à nos ennemis le moindre aliment. Carabinez [obstruez] les chemins; faites jeter des cadâvres et des chevaux dans toutes les sources; faites tout anéantir et tout brûler, pour que ceux qui viennent pour nous remettre en esclavage, rencontrent toujours devant leurs yeux l'image de l'enfer qu'ils méritent."
(134)
(La ville du Cap Français en train d'être incendiée par le Général Christophe en 1802)
Source : Ernik Ema. "The Burning of Cap-Haïtien by Haitian Revolutionary Forces" ; Lien permanent : https://auctions.bidsquare.com/view-auctions/catalog/id/2168/lot/741149/material-culture-the-burning-of-cap-hatien-by-haitian-revolutionary-forces

Et quel sera le plan de Dessalines, devenu commandant en chef quelques mois plus tard? En vrai stratège bantou, il retarda le combat le plus possible, attendant que les Français "tombent comme des mouches", avant de les attaquer, de les "chicaner" :
"Quelquefois dans ses moments d'espoir, voici quel était le calcul de Dessalines, et quel discours il tenait à ses officiers : « (i) Vouz' autr' tiembé coeur... tiembé coeur, moi dis vous : blancs france layo pas capab' tenir contr' bonhomme Saint-Domingue ; yo va aller, aller, aller, puis va rester; yo va malades, yo va mouri comme mouches. Coûtez bèn : si Dessalines va  rendre cent fois, li va trahi cent fois. Ainsi moi di vou z'autr' tiembé coeur, et pis vous va voir quand yo va p'tit, p'tit, nous va chicaner yo, nous va batt' yo, nous va brûlé toute récolles layo; puis nous va caché dans mornes à nous. Eh, que yo capab' tenir; yo va aller.... Après, Dessalines va rend' vou z'autr' libres. Blancs caba parmi nous ; blancs caba onti nous.... Nou z'autr' assez pour gagner pirogues, et aller prend' toutt' bâtiments layo qui après filer dans mer ».
(i) « Prenez courage.... prenez courage, vous dis-je, les Français ne pourront pas résister longtems à St.-Domingue; ils marcheront bien d'abord, mais bientôt ils seront retenus malades, et mourront comme des mouches. Ecoutez bien : si Dessalines se rend cent fois à eux, il les trahira cent fois. Ainsi, je vous le répète, prenez courage, et vous verrez que quand les Français seront en petit nombre, nous les inquiéterons, nous les bataillerons, nous brûlerons leurs récoltes, puis nous nous sauverons dans nos mornes inabordables. Ils ne pourront pas garder le pays, et seront forcés de le quitter. Alors je vous rendrai indépendans. Il ne faut plus de blancs parmi nous; nous sommes assez pour fabriquer des pirogues, et aller prendre à l'abordage tous les bâtimens de commerce que nous trouverons dans nos croisières »." (135)
C'est cette logique du Chikannen ou "hit and run", cet art de la guerre bantou mêlé à la religion, qu'exprima le Général victorieux Dessalines dans sa proclamation du 28 avril 1804 :
"Laissez venir cette nation, si elle est assez insensée ou assez téméraire pour m'attaquer. Déjà, à son approche, le génie irrité d'Hayti, sortant du fond de l'Océan, se lève menaçant ; il soulève les vagues, excite les tempêtes, et, de sa main puissante, disperse et détruit les flottes. Les lois de la nature obéissent à sa formidable voix ; les maux, la peste, la famine, le feu, le poison sont toujours à ses ordres. Mais pourquoi compter sur le secours du climat et des éléments ? Ai-je oublié que je commande un peuple dont le courage repousse les obstacles et s'accroît par les dangers ! Laissez-les venir ces cohortes homicides ! je les attends de pied ferme et d'un œil tranquille. Je leur abandonnerai librement le rivage et les lieux où les villes ont existé ; mais malheur à ceux qui approcheront trop près des montagnes ; il eût mieux valu pour eux d'être engloutis dans les abîmes de la mer que d'être déchirés par les mains furieuses des enfants d'Hayti." (136)


b) L'approche conspiration politique versus magie aveugle

Quelques années après Pluchon, en 1999, David Geggus prit la relève en martelant le proverbe créole "konplo pi fò pase wanga". C'est-à-dire, qu'un complot ou la planification conspiratrice des insurgés de Saint Domingue survenue au Morne Rouge, le 14 août 1791, était plus efficace que la magie opérée par les rebelles durant les cérémonies. (137) Quoique Geggus a depuis admis l'impact de la religion traditionnelle sur la Révolution haïtienne, son argumentation initiale qu'il n'a pas reniée en tant que tel, et qui est reprise par un nombre croissant de révisionnistes, mérite quand même d'être confrontée.

Notre réplique :
1- Pour les historiens eurocentriques, et haïtiens aliénés, guidés par des préjugés racistes, la pratique religieuse du Noir se résume à une foi aveugle, irréfléchie et déraisonnée. Ce pourquoi, ils enlèvent aux révolutionnaires Dominguois tout droit à l'apprentissage autonome, pourtant inévitable au cours de 12 ans guerre contre 3 des plus grandes puissances de l'époque (La France, l'Angleterre et l'Espagne).
C'est un fait, durant les combats, les insurgés ont fait usage de wanga ou de charmes qui les rendaient téméraires :
"Pendant ces dispositions, faites au milieu d'un silence imposant, des magiciens seuls se faisaient entendre en chantant et dansant avec des contorsions de démoniaques; ils opéraient des enchantements (ouanga) pour assurer le succès de l'attaque, et souvent ils s'avançaient jusqu'à la portée, dans la confiance que les coups de l'ennemi ne pourraient les atteindre, et pour convaincre les noirs du pouvoir de leurs charmes. L'attaque commençait alors avec des cris et des hurlements capables d'épouvanter seuls les hommes faibles." (138)
Mais, contrairement aux religions dites révélées, la croyance ne fait pas partie de la religion des Noirs qui ne connaissent pas de dogme. Leur religiosité se base plutôt sur la connaissance, l'observation, l'expérimentation, les résultats vérifiables, et sur tout autre élément reliant l'intelligence, les sens, et l'intuition à la réalité du monde telle qu'elle est. Ils n'ont que faire de la réalité telle qu'on la croit, telle qu'on voudrait qu'elle soit, ou telle qu'on l'a lu dans un livre sacré quelconque.
Leur magie wanga n'échappe pas non plus à la réalité. Ce mot wanga (du Kikongo bwanga ; waanga, dans la région du Kasaï) (139) désigne un charme, une magie offensive ou défensive, à l'action limitée dans l'espace et dans le temps. Le proverbe créole dit vrai : "Konplo pi fò pase wanga", parce qu'un bon complot possède une durée et une efficacité supérieure au meilleur des charmes. Voilà pourquoi le rituel Lemba e ekesa se faisait le plus proche possible du combat, (durant la seconde cérémonie du 21 août) afin que l'on profite du maximum de sa teneur magique.
Ceci dit, il ne faut point confondre wanga avec l'ensemble de la religion traditionnelle, dont il (wanga) n'est qu'un élément. En plus du wanga ou des charmes magiques, la conception de la vie après la mort (qui n'est pas magique mais spirituelle), guidaient les rebelles au combat.  Les Ibos (du Nigeria actuel) et les Amines (du Ghana, du Bénin et du Togo actuels) savaient que s'ils mourraient, ils s'en iraient chez leurs ancêtres en terre d'"Afrique". Et de même, la mort les permettraient de revivre dans un autre corps :
"Les nègres Aminas et les Ibos croient à la métempsycose, « Pourquoi, me disait l'un d'eux, ne chercherions-nous pas à alléger la pesanteur de nos chaînes, par l'espoir d'un sort plus heureux? La perte de notre liberté doit nécessairement entraîner celle de notre chétive existence. Vous ne devez donc plus blâmer autant en nous le suicide, puisqu'il met fin à nos tourmens ». En effet, les Aminas et les Ibos, en arrivant à Saint-Do­mingue, ou dans toute autre île, où leur destin est d'y être esclaves et d'y arroser la terre de leur sueur, croyent échapper aux mauvais traitemens des maîtres, trop souvent injustes et cruels, en se donnant la mort." (140)
Nul ne peut nier qu'un soldat ne craignant pas la mort est un atout considérable. Cependant, non pas  le wanga, mais leur conception favorable de la mort alimenta leurs manèges suicidaires du début de l'insurrection :
"Qu'on ne dise pas que ce sont-là des contes et des rêveries : il existe en Europe une infinité de nègres et d'hommes de couleur qui peuvent certifier toutes ces vérités. J'en ai rencontré en France, j'en ai rencontré jusqu'en Italie ; j'ai d'ailleurs assisté moi-même en 1791 à l'irruption de tant de fléaux et de monstruosités. (...) Quand les esclaves parvenus à remonter jusqu'à nous de cet abîme de misères, n'en eussent pas confirmé l'horreur; quand ceux qui, dans ces premières attaques, venaient, hélas! tomber en masse sur nos baïonnettes et nos canons, ivres à la fois de rhum et de magie, ne l'auraient pas confirmé, nous ne pourrions pas plus douter de sa réalité que de ses causes." (141)
Rendu à l'épopée de la bataille de Vertières (18 novembre 1803), le  général Capois Lamort scella la défaite française par un acte de grande bravoure similaire à ceux des premiers moments.
2- Il existait effectivement, parmi les rebelles, certains qui avaient une croyance aveugle en leur wanga. Voici l'exemple d'un tel individu qui invita un autre de le tirer dessus, comme quoi son "ouanga" acheté allait stopper la balle :
"Louis, chasseur, du quartier de la Grande-Rivière, tirait supérieurement un coup de fusil ; un nègre de la côte, plein de foi dans un sortilège acheté, lui dit un jour devant ce matelot : "Tu es bien adroit, tu ne manques jamais ton coup ; mais j'ai un ouanga, et je te défie de m'atteindre, à vingt pas". Louis accepte le défi : le malheureux s'entoure les reins d'une peau de lapin, et attend sans le moindre effroi le coup qui l'étend raide mort devant la porte même de l'habitation où se passait cette scène." (142)
Cependant, une telle arrogance née de l'incompréhension de la magie, était loin d'être partagée par l'ensemble des rebelles, et encore moins par les leadeurs qui combinaient toujours pratiques traditionnelles et grande lucidité :
"Jean François prit le titre de grand amiral de France et de général en chef; et Biassou, son lieutenant, celui de vice roi des pays conquis. Ils dominaient ces bandes composées de congos, de mandingues, d'ibos, de sénégalais etc., tant par la supériorité de leur intelligence que par la superstition. Ils établirent parmi elles une discipline sévère, et se montrèrent aussi fiers et aussi cruels envers les leurs que leurs maîtres l'avaient été à leur égard." (143)
D'ailleurs, cette magie accompagnée de lucidité, pratiquée aux premiers instants par Jean-François Papillon et Georges Biassou, fut maintenue jusqu'à la victoire finale de novembre 1803. Car Dessalines, le général en chef à cette époque conclusive, pourtant un stratège de génie, ne se sépara jamais de sa tabatière magique. (144) Il faut aussi se demander : si les rebelles croyaient leur magie 100% imperméable, pourquoi donc useraient-ils du Chikannen, une forme de combat défensive privilégiant le retrait stratégique? D'ailleurs, la tradition haïtienne est parfaitement consciente de la limite en intensité de tout wanga dans le temps et l'espace. L'expression créole "Yo bò w pwen, yo pa voyo w dòmi nan kafou", c'est-à-dire "on t'accorde une protection magique, mais on ne t'envoie pas prendre des risques inutiles", illustre cette lucidité traditionnelle. De plus, 33 ans avant la rencontre du Bois Caïman, Macandal, le plus grand magicien qui soit, avait indiqué au juge Courtin l'interrogeant, les limites de la magie, pourtant efficace. Ce pourquoi, pour achever leurs cibles, lui et ses complices, succédaient leur magie de l'acte de l'empoisonnement. (145)
Finalement, quoiqu'elle en fit usage, l'élite des insurgés de Saint Domingue ne voyait pas la magie comme point de ralliement. Elle lui préférait la rationalité. De par leur rôle intermédiaire dans les plantations, ces commandeurs d'ateliers, cochers et domestiques, ont amplement cultivé leur rationalité pour naviguer entre les Blancs et les Noirs, 2 espèces qu'ils considéraient hautement déraisonnables. Leur mot de passe, non-islamique, explicitait ce point de vue :


"Tête à roi, coeur à blanc, ventre à nègre. (...) Il paraît que ces mots d'ordre étaient de l'invention de Biassou, qui y attachait, sans doute, un sens que je n'ai jamais pu bien comprendre, (Note de l'Auteur.)" (146) 
De l'avis des compagnons de Boukman, la raison siégeait au sein de la royauté divine "africaine", dont ils sont les représentants en Amérique. Cette raison se retrouve également chez la royauté divine européenne, représentée par les royalistes. Voilà pourquoi ils s'identifiaient fièrement comme "Gens du roi", car guidés par "Tête à roi", par l'intellect royal qui est suprême et divin.
Ce mot de passe, de l'invention de Biassou, pourtant un Houngan (prêtre traditionnel) et "le plus superstitieux", (147) rappelle fort étrangement la tripartition de l'âme chez Platon. (La République, livre IV) À savoir, la cité parfaite serait divisée en 3 classes sociales correspondantes au trois parties de l'âme :
  • a) La  classe d'Or, composée des Rois-Philosophes, les gouverneurs qui incarnent la Raison (noûs ou noos) - "Tête à roi" chez Biassou. 
  • b) La classe d'Argent,  composée des Soldats protégeant la cité et qui sont motivés par le Coeur, c'est-à-dire la Volonté et la Colère (thumos) - "Coeur à blanc" chez Biassou.
  • c) La classe de Bronze, composée des Ouvriers, Agriculteurs et Commerçants qui produisent la richesse et qui sont motivés par le Ventre (epithumia), les basses envies, le plaisir et le désir pécuniaire - "Ventre à nègre" chez Biassou.
Cette comparaison s'avère encore plus juste, lorsqu'on considère que Platon illustra sa théorie dans un dialogue intitulé Phèdre faisant état d'un Cocher (Tête) guidant un charriot à 2 chevaux : 1 blanc (Coeur) et 1 noir (Ventre). Une telle histoire aurait certainement résonné auprès de cette classe de commandeurs, de cochers et de domestiques généralement créoles (Tête à roi) faisant quotidiennement la médiation entre 2 classes antagonistes et irréfléchies : la classe des colons blancs généralement européens colériques menés par le torse (Coeur à blanc), et les captifs noirs généralement "africains" avares menés par le ventre (Ventre à nègre). Cependant, la notion de race est absente de la logique de Platon qui considérait les chevaux à yeux bleus comme mauvais, et ceux à yeux noirs comme bons. (148)


"Nègre et Négresse de St. Domingue"
Source : Jacques Grasset de Saint-Sauveur, Illustrations de Encyclopédie des voyages, contenant l’abrégé historique des moeurs, usages, habitudes domestiques, religions, fêtes… (1796).

Bref, si ce mot de passe en question est authentique (il peut bien l'être, vu que l'auteur était présent du temps de l'insurrection générale), il démontre que les révolutionnaires dominguois des premiers temps étaient guidés par la raison. Ils étaient conscients des limites empiriques de leur magie ancestrale. Et faisaient la part des choses, comme le furent les guerriers zoulou qui ré-chauffaient régulièrement leur magie régulière (149) pour conserver son efficacité tout en perfectionnant leurs armements et stratégies.


(Combat de corps à corps introduit chez les Zoulous par Chaka de 1810 à 1816)
Source : Angus McBride. The Zulu War. London, 1976. p.12.

3- La part religieuse et civilisationnelle des rebelles, leur conception de la vie et la mort, ne sont pas considérées par les critiques. Ces derniers se montrent incapables de concevoir tout traditionaliste autrement qu'un simple d'esprit aveuglé par la magie. Or, de multiples facteurs religieux (non-magiques) influençaient également le comportement belliqueux des rebelles :  
  • Jou m pa rive ou la Prédestination : certains rebelles savaient l'heure exacte de leur mort ou dans quelle circonstance elle viendrait. Donc, ils n'éprouvaient aucune crainte au combat. Voici l'exemple d'un captif nageant au milieu de caïmans, sachant que son heure n'a pas sonné, et donc rien ne lui arriva : "Tous les nègres, tant les Guinéens que les créoles, croient à la prédestination. Nous avions pour pêcheur un excellent plongeur qui poursuivait les tortues au milieu des caïmans qui en sont très-friands, et s'exposait ainsi à la nage, les narguant, les combattant même quelquefois pour enlever leur proie, bien persuadé qu'il ne périrait point, si ce n'était point son heure. Pendant la guerre du sud, qui inspirait aux nègres, même aux plus pusillanimes, la bravoure et l'audace? la prédestination." (150)
  • Nan Ginen ou la Transmigration des âmes : les rebelles de toutes les ethnies ou Nations savaient que s'ils mourraient, ils retournerait à Nan Ginen, dans leur terre "africaine" ancestrale. Voilà pourquoi : "Les officiers tués et ramassés sur le champ de bataille, étaient enterrés avec leurs armes." (151) Dès 1791, Biassou évoqua le retour outre-tombe à Nan Ginen pour motiver ses troupes : "Quand l'exaltation était parvenue à son comble, Biassou suivi de ses sorciers, se présentait à la foule et s'écriait que l'esprit de Dieu l'inspirait ; il annonçait aux africains que s'ils succombaient dans les combats, ils iraient revivre dans leurs anciennes tribus en Afrique." (152) Et Dessalines, en 1803, au seuil de l'indépendance, maintenait ce même type de discours dans lequel il promettait à ses soldats que s'ils meurent : "tués par les Français, devenait un bonheur pour eux, puisqu'aussitôt ils étaient transportés en Guinée, où ils reverraient papa Toussaint qui les y attendait pour compléter son armée qu'il destine à reconquérir St.-Domingue." (153)
  • Reviv yon lòt vi ou la Métempsycose : les rebelles des ethnies Amine et Ibo, comme nous l'avons vu, savaient qu'"en se donnant la mort", (154) ils allègeront leur souffrance, et réincarneront dans un autre corps. Cela explique leur empressement à prendre la mort au combat.
  • Gen chans ou le Sort : certains rebelles croyaient dans la fatalité. C'est-à-dire que l'on peut profiter d'une bonne augure ou du mauvais sort. Ils ont des signes ponctuels leurs permettant de savoir s'il la chance les sourira sur le champs de bataille ou pas. Et ils ajustent leurs degrés de bravoure ou de vigilance en conséquence.
  • Gen bon tèt ou des Visions et Songes : certains rebelles recevaient des messages (des Lwa/Jany ou Ancêtres) au cours de leur sommeil, les indiquant leur marche à suivre pour les heures, les jours, les semaines ou mêmes les années à venir.
  • Fèt ak kwaf ou Avoir des Dons : certains rebelles étaient simplement dotés, dès l'enfance, de capacité physique, mystique, de protection, ou autres, les permettant de réussir les prouesses les plus dangereux sans subir le moindre dommage.
  • Kou pou kou Bondye ri ou la Vengeance Divine : contrairement aux captifs d'autres colonies qui furent ramollis par leur foi chrétienne de soumission, l'ensemble des rebelles traditionalistes de Saint Domingue n'éprouvaient aucun mal à rendre "guerre pour guerre, crime pour crime, outrage pour outrage" aux esclavagistes.  Ils savaient même qu'ils rétablissaient l'équilibre cosmique par cette juste vengeance.
  • Sa w fè se li w wè ou le Karma : l'ensemble des rebelles savait que tôt ou tard, l'équilibre des choses reviendra. Celui qui abuse des autres (les colons), payera toujours, sur terre, de ses excès. Ainsi, ils savaient que lorsque l'heure décisive aura sonné, la chance serait de leur côté.
  • Si gen pou yonn, gen pou de / Kwiy kouvri kwiy, Panyen kouvri panyen, ou le Partage : les rebelles, comme tout traditionaliste, se partageaient les moindres denrées qui leur tombaient sous la main. Ce support mutuel "africain" permettait à l'armée révolutionnaire de tenir bon dans les moments difficiles. Ce partage se manifestait également en termes d'armements, de logistiques, et d'informations tactiques qu'apportaient les noirs restés auprès des blancs aux rebelles : "Dans la guerre de Saint-Domingue, on a souvent trouvé sur des prisonniers nègres révoltés des cartouches françaises nouvellement faites; les blancs étonnés en accusaient le gouvernement et ses agents; mais j'e tiens d'Hyacinthe, un des chefs de la révolte, que j'ai fait rentrer ainsi que plusieurs autres nègres sur les habitations, que ces cartouches leur étaient envoyées par des négresses qui fréquentaient les camps et habitaient les villes. Ces femmes les recevaient en échange des choux, des carottes, des légumes qu'elles vendaient aux soldats blancs; et souvent elles en obtenaient pour prix de leurs faveurs. Des noirs domestiques qui servaient leurs maîtres dans les camps, sortaient dans la nuit malgré la vigilance des sentinelles, et portaient à des noirs, expédiés du camp des rebelles, les cartouches qui leur avaient été données par les négresses, ou qu'ils avaient volées à leurs maîtres." (155)
  • Yon sèl dwèt pa manje gonbo/kalalou ou l'Entraide et le Soutien dans le travail. Cette habileté faisaient croire à l'ennemi que le climat favorisait les rebelles, alors que ces derniers ne faisaient que s'entraider pour supporter les conditions extrêmes de la guerre.
  • Bondye vle, Mistè a deside ou la Volonté Divine : l'ensemble des rebelles savaient que par dessus tout, la volonté du Créateur, ou celle des Lwa/Jany/Mistè, etc. surpassaient bien souvent l'entendement des êtres vivants. Et puisse qu'ils ne contrôlaient pas tout autour d'eux. Arrivera ce qu'arrivera, en bien ou en mal.
  • etc.
La somme de tous ces facteurs a porté les rebelles à embrasser la mort avec autant d'enthousisame dans les derniers jours de la révolution que lors des premiers instants. Leclerc, le général français, le confirma en déclarant : "les hommes meurent avec un fanatisme incroyable, ils rient de la mort. Il en est de même des femmes", (156) et ce, aussi tard que le 9 août 1802.

c) La réalité : l'efficacité traditionnelle

Mais, demande-t-on, mis à part la bravoure des insurgés qui fut alimentée par le crédit qu'ils plaçaient en leurs charmes, peut-on attribuer le succès de la Révolution haïtienne directement aux séances religieuses opérées au Bois Caïman?
Cette question en apparence raisonnable, est tout sauf. Car, ces mêmes personnes qui la posent, n'exigent pas de preuves tangibles de l'intervention divine dans les campagnes religieuses d'autres civilisations. Jamais ils ne remettent en cause le poste d'aumônier au sein des armées d'autres pays, ni la prière que l'on y fait avant les combats, ni le crédit que l'on accorde au Divin suite aux campagnes victorieuses. Et jamais, ces sceptiques n'exigent que les soldats d'autres civilisations impliqués dans une "guerre sainte" s'assoient sur leurs postérieurs à attendre que la prière divine fasse tomber l'ennemi.
Très sélectifs dans leurs critiques, ces historiens attribuent le concept de guerre de religion à tout un chacun, sauf lorsque cela concerne les peuples noirs. Alors là, subitement, ils haussent la barre scientifique à un niveau inatteignable, à un niveau mesquin. À leur grand déplaisir, nous allons démontrer, en 4 points, le rôle primordial de la religion traditionnelle dans la réussite révolutionnaire haïtienne.
1) Les gens mélangent tout : l'indépendance, l'émancipation, Bois Caïman, la religion, la magie, etc. Mais soyons précis. Ni l'indépendance, ni la liberté générale, n'ont jamais fait partie des demandes des conjurés du Bois Caïman. Leurs demandes aux Lwa de leurs Ancêtres n'étaient que de 3 jours de congé par semaine et l'abandon du fouet comme punition corporelle. Jean-François Papillon, le premier chef de l'armée révolutionnaire, l'a bien signalé, dès les premiers mois du conflit :
"Voici ses propres expressions : "Ce n'est pas moi qui me suis institué général des nègres. Ceux qui en avaient le pouvoir m'ont revêtu de ce titre [Toussaint Louverture et le Comité contre-révolutionnaire du Cap] : en prenant les armes, je n'ai jamais prétendu combattre pour la liberté générale, que je sais être une chimère, tant par le besoin que la France a de ses Colonies, que par le danger qu'il y aurait à procurer à des hordes incivilisées, un droit qui leur deviendrait infiniment dangereux, et qui entraînerait indubitablement l'anéantissement de la colonie ; que si les propriétaires avaient été tous sur leurs habitations, la révolution n'aurait peut-être pas eu lieu." Ensuite, il se déchaîna beaucoup contre les procureurs et Économes ; il voulait qu'on insérât, comme article fondamental, dans les conventions, qu'il n'en existerait plus à Saint-Domingue." (157)
Les paroles de Jean-François reflètent parfaitement la motivation révolutionnaire des rebelles au Bois Caïman. Ceux-ci, ayant été longtemps abusés impunément par les Procureurs-Économes, savaient que le roi cherchait à alléger leur fardeau, mais que les administrateurs coloniaux n'obéïssaient plus au dictat royal. Ils ont donc jugé qu'il ne les restait que la résistance armée pour faire respecter ce nouveau décret royal (fictif) leur étant favorable. Or, voilà que le 29 août 1793, soit à peine 2 ans après Bois Caïman, les conjurés du Bois Caïman ont obtenu la liberté générale pour ne plus jamais la perdre. Liberté générale s'étant même répandue dans les autres colonies françaises pendant 8 ans (1794-1802). Cela va clairement au-delà des demandes religieuses très limitées du 14 et 21 août 1791 faites par les révolutionnaires de Saint Domingue. Ne serait-ce que sur cet aspect, nous pouvons dire que les Lwa de Lafrik Ginen ont fait leurs preuves. L'indépendance de l'île fut donc un second supplément. Alors, il convient de dire que la Révolution haïtienne fut minimalement l'oeuvre de captifs (22 août 1791 - 29 août 1793 = 2 ans), et majoritairement la réalisation d'affranchis (29 août 1793 - 18 novembre 1803 = 10 ans).
2) L'interrogatoire de François dit Dechaussée informa que durant la première rencontre du 14 août 1791, les participants ont fixé "le jour de l'insurrection depuis longtems méditée", (158) puis ont scellé cosmiquement leur décision par l'offrande d'un taureau. Et la date choisie pour entamer les hostilités était celle du 25 août 1791. David Geggus voit dans ce choix le fait que l'assemblée du Cap allait se réunir en cette journée, et que les captifs souhaitaient profiter de cette occasion pour "éliminer d'un seul coup l'élite politique de Saint-Domingue." (159) Certes, l'ouverture de l'assemblée coloniale devait se tenir le 25 août. (160) Toutefois, les consp irateurs du Morne Rouge, se nommant "Gens du roi" ont choisi le 25 août parce qu'il était férié et correspondait à la fête royale de la Saint-Louis-Roi-de-France :
"Ce fut donc, disons-nous, l'avant vielle de la Saint-Louis que le sieur Hottet, gérant de M. Gilbert, écrivit à M. Drevet que les nègres esclaves de la partie du Limbé s'étaient révoltés, qu'ils égorgeaient tous les blancs qu'ils rencontraient et mettaient le feu aux habitations." (161)
La date de l'attaque, le 25 août, la Saint-Louis, entrait dans l'approche holistique des rebelles. Ces traditionalistes considéraient que tout dans le monde était lié : la religion, la politique, la vie, la mort, la magie, le courage, etc. Voilà pourquoi ils ont syncrétisé Saint-Louis-Roi-de-France, le 25 août, au rite Congo, au Jany/Lwa Danwezo. (162) Ce chant sacré du rituel du Nord le dit :


Danwezo, Danwezo, Senlwiwa e...
Senlwiwa. Senlwiwa, Danwezo.
Traduction :
Danwezo, Danwezo, Saint-Louis-Roi eh...
Saint-Louis-Roi. Saint-Louis-Roi, Danwezo.

Saint-Louis-Roi-de-France est également associé aux 3 Rois Mages de la bible (qui étaient 1 Noir et 2 Blancs).
(Les 3 Rois Mages)
Source : "La adoración de los Reyes Magos", Diego Velázquez, 1619.

La réponse en 1793 du chef de guerre Congo Pierrot dit Macaya au commissaire Polverel résume bien la situation :
"Je suis le sujet de trois rois ; du roi de Congo, maître de tous les Noirs ; du roi de France, qui représente mon père, et du roi d'Espagne, qui représente ma mère. Ces trois rois sont les descendants de ceux qui, conduits par une étoile, ont été adorer l'Homme-Dieu [Jésus]. Si je passais au service de la République, je serais peut-être entraîné à faire la guerre contre mes frères, les sujets de ces trois rois à qui j'ai promis fidélité." (163)
Du brigandage ayant eu lieu à Saint Domingue au nom des "3 Rois", sort, probablement, l'expression créole "Pran nan 3 Wa" (être pris dans les 3 Rois). Cette expression décrit le fait de se trouver dans une situation périlleuse et coriace.
3) Cependant, l'insurrection du déclenchée dans la nuit du 22, et non le 25 août prévu. Ce qui signifie qu'un changement de date s'est produit après la rencontre du 14 août. Et sans ce changement, la révolution aurait échoué dans l'oeuf, puisse que les autorités en étaient informées, à travers les interrogatoires, de la date 25 août. Elles auraient attendues les rebelles de pieds fermes. Et les enlevant l'effet surprise, les auraient écrasés facilement. Donc, la modification de date fut seulement possible grâce à la tenue de la seconde cérémonie du dimanche 21 août. L'unique date où les captifs furent libres de se réunir entre le 14 et le 25 août. Et sans cette seconde cérémonie, cela aurait été l'échec assuré, vue que les rebelles, dispersés sur diverses plantations, n'auraient pu modifier leur plan et coordonner leurs actions autrement.
4) Durant cette seconde cérémonie, les débats politiques ayant été clos la semaine d'avant, plus de temps fut alloué à l'invocation des Entités divines. Et comme les cérémonies traditionnelles ne comportent pas de prêches, la décision victorieuse d'attaquer dès le lendemain (22) au lieu du 25 août prévu, devait provenir de la bouche de l'une de ces Puissances cosmiques (peut-être celle qui habita momentanément le corps de la Manbo Cécile Attiman Coidavid, erronément appelée Cécile Fatiman).****++ Comme preuve de cela, ce n'est que suite à cette seconde rencontre qu'Ignace, un vieux captif de l'habitation La Gossette, a précisé que les captifs de son habitation furent informés de la date de déclenchement du 22 :
"On apprit qu'un vieux nègre, appelé Ignace, et, ce qu'il est bon de noter, distingué des autres par l'exemption de toute espèce de travail, par les soins particuliers dont il était l'objet, avait depuis longtemps le secret de la conspiration. Dans une longue conférence qu'il avait eue, la veille même de la révolte, avec un nègre libre de la Grande-Rivière (l'un des contumaces dans l'affaire d'Ogé), celui-ci lui avait tenu ce langage : « Le moment de la vengeance approche ; demain, dans la nuit, tous les blancs doivent être exterminés. Nous comptons sur tes promesses et sur ton influence. »" (164)
Et même cette information fraîche (délivrée par un partisan d'Ogé, donc un revendicateur d'égalité politique et un non-musulman) fut mal gérée par les captifs de La Gossette qui ont attaqué la nuit même du 21. Mais, l'arrestation d'une poignée des plus vulnérables d'entre eux,  au lendemain, n'a pas aidé les autorités à prévenir le malheur à venir cette nuit-là. Il était trop tard. C'est ça l'intervention du Lwa, du Jany, du Mystère, etc. Ayibobo!
5) Et si les arguments précédents ne suffisent pas à convaincre le plus sceptique, il existe une preuve supplémentaire de l'efficacité du religieux dans le succès de la Révolution haïtienne. Cette preuve réside dans le choix du Général en chef Jean-Jacques Dessalines de boucler la boucle militaro-spirituelle au Morne Rouge, là où tout à commencer. En effet, le mardi 15 novembre 1803, l'armée révolutionnaire brava la pluie pour tenir sa dernière assemblée générale sur l'habitation Lenormand de Mézy du Morne Rouge. (165) Comme durant l'assemblée tenue 12 ans plus tôt à ce même endroit, le stratégique se mêla au religieux. Cela indique que des prières syncrétiques furent effectuées, accompagnées de libations, de sacrifices et d'offrandes animales et végétales, et de prise de possession d'Esprits ancestraux bénissant la bataille ultime à venir. Et suite à cette assemblée finale, l'armée révolutionnaire se scinda stratégiquement en 2. Les Généraux Christophe et Romain contourneront la ville du Cap par les montagnes, tandis que les forces de Dessalines marcheront sur cette ville de front. 3 jours plus tard, leurs actions concertées aboutiront par la bataille de Vertières par laquelle la victoire finale fut arrachée aux troupes françaises au 18 novembre 1803.



+ Il s'agit de Joseph Paul Augustin Cambefort, colonel du Régiment du Cap. Le 5 septembre 1790, celui-ci, dont le nom s'écrivait également "Campfort", fut déclaré complice contre-révolutionnaire par 3 rebelles noirs interrogés :

"Vous verrez que le colonel du régiment du Cap, Campfort, n'y avait pas une part moins active. Il lit l'extrait suivant :
Extrait du journal des opérations du camp des Mornes, du 5 septembre 1790.
”Il fut pareillement amené quatre nègres, dont trois interrogés ont en résumé fait la déposition suivante, savoir :
Que c'était Barthélemi, nègre de M. Roquefort, de la Petite-Anse, qui y était le chef avec Boukman ; qu'il y a un roi nommé Yorch, nègre de M. Biassou.
Qu'il y a dans la bande beaucoup de mulâtres ; que c'est le colonel du régiment du Cap qui les a portés . la révolte ; que Barthélemi, premier général, leur a parlé lui-même plusieurs fois au bord de la mer de l'Ouest ; qu'aujourd'hui, à midi, il s'est arrété audit lieu une goëlette chargée de munitions et provisions qui se portent au camp de l'habitation la Plaigne, et qui leur sont fournies par ce colonel.
Qu'Adonis, domestique du colonel, est le général du camp du Limbé, et placé par son maître même."
Vous voyez que cet agent de Blanchelande faisait révolter ses propres nègres à lui, mais encore il leur fournissait des vivres et des munitions." (166)
Cambefort, ce fier royaliste, fut forcé, en novembre 1791, de combattre mortellement Boukman qu'il supporta pourtant dès 1790. En 1792 les Commissaires civils Sonthonax, Polverel et Ailhaud déportèrent Cambefort pour son implication notoire dans les activités contre-révolutionnaires. (167)
++ Les complots royalistes se faisaient entre personnes de confiance. Ainsi, il est peu probable qu'un royaliste quelconque partagerait son plan révolutionnaire à Bayon de Libertat, en présence du cocher Toussaint. Par contre, le royaliste Séraphin Salnave connaissait Toussaint depuis le temps que ce dernier était captif (esclave) sur la plantation Bréda appartenant au Comte de Noé. D'après l'article "Jean-Baptiste Salnave ou Coco Séraphin", Séraphin Salnave et Bayon de Libertat, 2 employés du Comte de Noé, ont aidé Toussaint durant sa captivité. Ainsi, Séraphin Salnave, dont Toussaint baptisa le fils, correspond au royaliste et confident de Bayon de Libertat auquel réfère Paul Aly.
+++ Proclamation de Toussaint Louverture aux habitants de Saint Domingue (25 août 1793) : "C'est à moi d'y travailler [la liberté générale] comme étant le premier porté par une cause que j'ai toujours soutenue ; je ne puis céder le pas ; ayant commencé, je finirai. Joignez-vous à moi et vous jouirez plutôt de vos droits. Les conseils de plan ne m'ont jamais été donnés ni par les blancs ni par la couleur (gens de conleur) ; je dois rendre grâce à l'Etre suprême de l'inspiration dans laquelle je me suis trouvé plongé pour cette cause. Les blancs et les hommes de couleur plus instruits n'ont pas laissé que d'être trompés, et malheureusement plus que vous ne pouvez vous en appercevoir. Nous avons commencé, avons su nous soutenir, et ayant commencé, je finirai." (168) Également, dans une proclamation du 25 avril 1796 adressée au cultivateurs noirs de Saint-Louis du Nord, Toussaint rappela de nouveau qu'il fit le premier a entammé la révolution : "O vous, Africains, mes frères ! vous qui m'avez coûté tant de fatigues, de sueurs, de travaux, de misères ! (...) Avez-vous oublié que c'est moi qui le premier levai l'étendard de l'insurrection contre la tyrannie, contre le despotisme qui nous tenaient enchaînés?" (169) Ainsi, l'emphase mise sur Boukman comme l'instigateur de la Révolution haïtienne revient plutôt à Toussaint qui fut appelé "Louverture" au plus tard en 1789, pour indiquer son rôle de précurseur. De plus, Toussaint Louverture, en proclamant : "c'est moi qui le premier levai l'étendard de l'insurrection", emprunta au texte prophétique de l'Abbé Raynal qui annonça qu'un chef courageux viendra parmi les noirs pour renverser l'édifice de l'esclavage ; et qu'"il lèvera l'étendard sacré de la liberté". (170) Ce texte antiesclavagiste populaire circulant dès 1781, Toussaint pourrait l'avoir consulté bien avant 1789 (la révolution française). Et identifié officiellement au héros annonçé, (via les lettres du 1er et 5 avril 1796 de son ami proche, le Gouverneur Laveaux), Toussaint semble avoir adopté le patronyme Louverture dans l'intervalle de 1782-1789.
++++ Toussaint adopta le nom "Louverture" pour marquer son rôle d'ouvreur de pistes de la Révolution. Car, il fut celui qui eu l'idée, afin de soulever les captifs (esclaves) du Nord, de les faire croire le mensonge disant que le Roi de France les avait accordé 3 jours de congé par semaine et l'abandon du fouet, et que les administrateurs coloniaux ont refusé d'obéïr à l'ordonnance royale. Il fut aussi le recruteur initial des différents leaders révolutionnaires. Cependant, Toussaint Bréda attendit jusqu'en 1793 avant de signer son nom "Louverture". D'après le vétéran Paul Aly, ce fut afin d'éviter des confusions sur son identité. Car, comme nous l'avons vu, le nom "Louvertur" fut inscrit sur le certificat, brevet ou "sauf-conduit" que Busson lui avait fourni en 1790. Mais selon Paul Aly, Toussaint ne fut pas en possession de ce document qu'il avait confié à Biassou. La preuve étant que Biassou cita ce brevet dans son entièreté en 1793. Toussaint voulu récupérer ce document le nommant "Louverture" que Busson l'avisa de bien conserver, mais Biassou ne l'avait plus. Jean-François l'avait saisi parmis d'autres documents en envahissant le camp de son rival Biassou : "Nous avons cherché la cause de ce changement de nom : nous nous sommes adressé à l'un des compagnons de Toussaint, à l'un de ses amis, le vénérable Paul Aly, aujourd'hui (1841) colonel du 31e régiment et commandant la place de Santo-Domingo. Ce vétéran nous a dit que Toussaint prit le nom de Louverture, pour exprimer qu'il fut le premier qui fut mis en avant pour soulever les esclaves du Nord ; et que, s'il tarda à prendre ce surnom, c'est qu'il ne put ravoir le sauf-conduit qui lui avait été donné et qu'il avait confié à son ami Biassou, que quand ce chef eut encouru la défaveur de Jean-François, qui fit surprendre son camps et enlever ses papiers pour y chercher des preuves de trahison dont il accusait Biassou." (171)
+++++ Un autre contemporain de Toussaint Louverture, le général français Kerverseau, dans son rapport du 7 septembre 1801 au ministère de la marine  et des colonies, déclara, comme l'a fait le colonel Paul Aly, que Toussaint "présida l'assemblée où il fit proclamer chefs de l'insurrection Jean François, Biassou et quelques autres." (172)
* 38 membres du Régiment du Cap, incluant colonel Cambefort et le lieutenant-colonel Tousard, furent déportés par un décret du 22 octobre 1792 (publié le 17 décembre 1792) les accusant de "principes contre-révolutionnaires et d'intelligence avec les esclaves révoltés". (173) Ne pouvant dissiper les doutes, le 4 février 1793, ils furent acquités, mais pas innocentés. (174) Certes, en 1790-1791, le Régiment du Cap (sous les ordres de Cambefort et Tousard), appuyait la bande armée de Biassou, Barthélemi et Boukman. Cependant, les activités contre-révolutionnaires du Régiment du Cap étaient distinctes de celles du Conseil de Versailles (du juge Busson, Cairou, Estève et Gatrau) qui misait sur Toussaint Louverture. La preuve de cette distinction réside dans le mémoire justificatif de 1793, dans lequel Cambefort (du Régiment du Cap) décrivit Cairou (du Conseil de Versailles) comme étant : "l'un des plus ardents ennemis du pouvoir-exécutif". (175) Cambefort, non innocenté de l'accusation d'être un contre-révolutionnaire, ne craignait donc pas que Cairou (avec qui il ne développa aucune relation clandestine) puisse le dénoncer comme complice.
** Le mot Oluwa se décompose grammaticalement en (Olu + wa) ; plus précisément en (Olu + iwa). "Olu" veut dire "Chef", "Propriétaire", "Maître". Mais "Wa", voulant dire "vivre", étant un verbe, on emploie alors à sa forme nominale : "iwa" qui signifie "Être", "Origine", "la Vie". (176) Donc "Oluwa" (Olu wa ; Olu iwa) indique le "Maître de l'Être, de l'Origine, de la Vie". Un découpage grammatical plus approfondi de Oluwa débouche sur : oli + iwa. "oli" (préfixe de possession) + "iwa" (la vie). Ainsi, "Oli iwa" équivaut à : "Celui qui possède la Vie, Seigneur". (177)
Similairement, Ọlọrun, le nom le plus répandu du Créateur de l'Univers, auprès des Yoruba, suit ce schéma grammatical. Ọlọrun se décompose en "ọli + ọrun". "Ọli" ou "ọl" (préfixe de possession) + "ọrun" (le Ciel, le Paradis, le Monde Invisible). (178) Par conséquent, ọli ọrun revient à dire le Maître du Ciel, du Paradis, du Monde Invisible :

"La religion des Yoruba est un mélange curieux de théisme pur et d’idolâtrie. Tout le peuple croit en un Dieu universel, créateur et conservateur de toutes choses, qu'ils appellent généralement Olorun (ó li ọrun), le Propriétaire ou le Seigneur des Cieux, et parfois par d'autres noms, tels Olodumare, le Tout-Juste, Ọga-Ogo, le Très-Haut Glorieux, Oluwa, Seigneur, etc. " (Trad.) (179)
*** Rachel Beauvoir-Dominique (Manbo, anthropologue) prétendit que l'expression créole "cochon sans poils" dit "Chanpwèl" résulte d'une combinaison des mots "San" et "Pwèl". À son avis, le mot "San" serait un "culte secret" Bambara, également appelé Komo. Puis "Pwèl" serait à Saint Domingue/Haïti, une "dérivation linguistique" du nom de l'ethnie Peul par les Wolof :
"Autre dérivation, linguistique cette fois : l'ethnie Peul est appelée par les Woulof, premiers venus sur la terre d'Haïti, "Pwèl" et les Bambara ont le culte secret de "San", aussi dit "Komo". D'où : Chanpwèl  ⎯ le culte des sociétés secrètes Sénégambiennes". (180)
Beauvoir-Dominique a tort sur toute la ligne. "San" + "Pwèl" n'est qu'une invention pathétique de sa part. Pour commencer, "San" n'est pas un "culte secret" Bambara, comme elle prétendit ; ni Mandingue d'ailleurs. Certes, les Bambara possèdent 6 sociétés initiatiques ou sociétés secrètes, établies par tranche d'âge : N'Domo (ou Ntomo), Komo, Nama, Kono, Tyiware (ou Tyi Ware) et Korè. (181) Cependant, "San" n'en fait pas partie. San est plutôt une province (ou Cercle) du Mali où l'ethnie Sénoufo a adopté le Komo, l'une des institutions initiatiques Bambara. (182)
Quant au mot "Pwèl", il est impossible qu'il fut, à Saint Domingue/Haïti, une mauvaise prononciation du mot "Peul" par les Wolof. La raison étant que le mot "Peul" tel qu'utilisé en Français moderne pour décrire l'ethnie nomade, provient de la langue des Wolof (du Sénégal). Ceux-ci prononçaient mal "Pullo", le singulier de "Fulla". (183) Mais si le mot "Peul" s'écrit "Pë’l" en Wolof, il se prononce pourtant "Peul", jamais "Pwèl", puisque dans l'orthographe Wolof, "ë" se prononce "eu", comme dans "bleu" en Français. (184) Le mot "Peul" ne figure pas dans les registres de Saint Domingue, où l'on utilisait Poulard, Poula, Foulany ou Phylani, pour désigner l'ethnie "Fulfulde" parlant la langue "Pulaar". La mémoire haïtienne ne reconnaît pas non plus le mot "Peul". Elle retient plutôt "Foula", désignation de l'ethnie ou de la Nation sacrée dite Nanchon Foula. De plus, ce mot "Foula" (verbe "Foulaye"), signifiant l'action de propulser un liquide par la bouche en Créole, possède le même sens en langue Pulaar. Car en Pulaar, "fullade" veut dire éparpiller, disperser au souffle. (185) Il exprime la dispersion de l'ethnie nomade Fula de l'Ouest à l'Est de l'"Afrique".

**** Le rituel traditionnel de la République dominicaine renferme également une fusion de rites, comme l'indique son nom Las 21 Divisiones, c'est-à-dire la fusion symbolique de 21 Divisions ou Nations ethniques. Toutefois, cette fusion lithurgique dominicaine résulte de l'importation du rituel du Nord haïtien à diverses périodes. Car, préalable au contact des Haïtiens, l'établissement par les prêtres catholiques de confrarias (confréries) d'ordre ethnique ou semi-ethnique, poussa à la "division" des captifs et empêcha le mélange ethnique requise à la cohésion révolutionnaire. L'interdiction dans les colonies françaises de telles "confrarias" ou "brotherhoods" ségrégationistes, pourtant répandues dans les colonies d'Amérique, favorisa l'union révolutionnaire haïtienne.

****+ L'historien français François Blancpain a écrit concernant les hostilités de février 1802 : "L'incendie et la guérilla des Noirs s'opposaient aux charges et aux tirs des Français". (186) En effet, la forme de combat faite d'embuscades et d'harcèlement, nommée guérilla, n'est rien d'autre que le "Chikannen" de Dessalines ou le "hit and run" des peuples dits bantou. Elle fut reconnue durant la Guerre d'indépendance espagnole (1808-1814), soit après la Révolution haïtienne de 1791-1804. Dès 1791, les troupes espagnoles furent exposées à cette nouvelle méthode guerrière au contact des troupes dominguoises des généraux Jean-François Papillon et de Georges Biassou qui ont fini leurs jours en Espagne, en Floride, et dans d'autres territoires espagnols de l'époque.
****++ Plusieurs personnes spéculent sur l'identité du Jany, du Mistè ou du Lwa ayant pris temporairement possession du corps de la Manbo Cécile Attiman Coidavid (Cécile Fatiman) durant l'immolation du porc au 21 août 1791. Certains disent que ce fut Èzili Dantò, d'autres affirment que ce fut Madan Lenba, tandis que d'autres sont convaincus qu'il s'agissait de Marinèt Pye Chèch. Toutes ces opinions se valent. Car, nul ne peut le savoir avec certitude. Pour notre part, Èzili Boran semble correspondre le mieux au rituel moderne du Nord. Toutefois, je doute fort que le choix d'Entitiés féminines fut aussi restreint en 1791 que présentement. Mais qui a dit qu'il s'agissait d'une Entité féminine? Manbo Cécile pourrait bien avoir été guidée par un Lwa ou Jany masculin, comme c'est fréquemment le cas dans les rituels traditionnels. Bref, quiconque persite sur l'identité du Mistè sacrificateur au Bois Caïman ne parle qu'à travers son orgeuil démesuré. Le mieux à faire reste d'accepter que l'on ne sait pas. Et peut-être un jour un indice historique valable se pointera. Sinon, ce n'est pas grave.


Notes
(1) Gaspard Théodore Mollien. Moeurs d'Haiti. Paris, 2006. p.95.

(2) Pierre-François-Xavier de Charlevoix, Humblot. Histoire de l'île espagnole de St Domingue. Paris, 1731. p.501.

(3) Bontinck François. "Compte-rendu - Hilton (Anne). The Kingdom of Kongo". In :  Revue belge de philologie et d'histoire, Volume 65, Numéro 4, 1987. pp.865-868.

(4) Voir l'excellent ouvrage de Jean-Louis Donnadieu. Un grand seigneur et ses esclaves : le comte de Noé entre Antilles et Gascogne 1728-1816. Toulouse, 2009. 
(5) « Extrait des notes de M. Leclerc, procureur-syndic du Limbé, commissaire du gouvernement près du tribunal criminel du Cap français, sur la brochure de M. Gros », AN, Col. CC9a 5.  In : « Les insurgés de 1791, leurs dirigeants et l'idée d'indépendance ». In : Yves Benot, Les Lumières, l'esclavage, la colonisation, La Découverte « TAP/HIST Contemporaine », 2005, pp. 230-240
.
(6) Yves Benot. "Les insurgés de 1791, leurs dirigeants et l'idée d'indépendance". In : Les Lumières, l'esclavage, la colonisation, La Découverte « TAP/HIST Contemporaine », 2005 (), p. 230-240. 

(7) France Convention nationale. Débats entre les accusateurs et les accusés, dans l'affaire des Colonies, imprimés en exécution de la loi du 4 pluviose. Tome 1. Paris, 1795. p. 367.
(8) Attestation écrite de Toussaint Louverture à Dondon le 15 juillet 1793. In : Archivo Histórico Nacional. Audiencia de Santo Domingo, 956, Garcia à Acuna, 23 novembre 1793, exp. 152. Citée et traduite par David Geggus. "Toussaint Louverture : avant et après l'insurrection de 1791." In : Mémoire de révolution d'esclaves à Saint-Domingue. Montréal, 2006. pp.113-129. (pp.126-127) ; révisé en 2007. David Geggus pense fausse cette attestation écrite par Toussaint jugée trop favorable à Biassou. Mais le rapport de police du 5 septembre 1790 prouve que Biassou fut effectivement le premier à prendre les armes, sécondé par Barthélemi et Boukman. D'ailleurs, c'est ce même document que Paul Aly a décrit comme étant le "sauf-conduit" donné à Toussaint, qui fut confié à Biassou, et a abouti entre les mains de Jean-François. / Document aussi archivé ailleurs : "Jorge Biassou. Reconocimiento de su empleo". Archivo General de Simancas, SGU,LEG,7157,7 1793.
(9-10) Beaubrun Ardouin. Études sur l'histoire d'Haïti. Tome 1. Paris, 1853. pp.226-227, 228.

(11) Panacea - Numéros 1 à 11. Miami, 1996.
(12) Pompée-Valentin Baron de Vastey. Essai sur les causes de la Révolution et des guerres civiles d'Hayti... Sans Souci, 1819. p.16. 
(13) [Joseph P. Riboul]. "Jean-Baptiste Salnave ou "Coco Séraphin"". / "Ascendance des familles Riboul et Salnave. Documents transmis par Ch. Th. et Max U. Duvivieur." In : Revue de la Société Haïtienne d'Histoire et de Géographie, Vol.52, n°195. 1998. pp.43-44.
(14-15) Archivo Histórico Nacional. Audiencia de Santo Domingo, 956, Garcia à Acuna, 23 novembre 1793, exp. 152. Cité et traduit (principalement) par David Geggus. "Toussaint Louverture : avant et après l'insurrection de 1791." Op. Cit. pp.113-129. (pp.123-125) ; David Geggus doute là encore de l'authenticité du brevet remis à Toussaint. Le chercheur y voit possiblement une fabrication de Biassou en 1793. Cependant, le brevet ou certificat en question fut copié en Espagnol et archivé dès 1790 ; et ce, indépendamment du texte de Biassou qui fut produit près de 3 ans plus tard. Ainsi, le nom "Louverture" fut écrit la première fois le 6 novembre 1790 ; et non dans le texte de Biassou du 14 août 1793, comme le prétendit Geggus à la page 125. / Document aussi archivé ailleurs : "Jorge Biassou. Reconocimiento de su empleo". Archivo General de Simancas, SGU,LEG,7157,7 1793.
(16-17) Beaubrun Ardouin. Op. Cit. pp.228-229.
(18-26) François-Alexandre Beau. La Révolution de Saint-Domingue, contenant tout ce qui s’est passé dans la colonie française depuis le commencement de la Révolution jusqu’au départ de l’auteur pour la France, le 8 septembre 1792. Inédit. In : Notes de Moreau de St-Méry. Col. F3/141, Archives nationales d’outre mer (ANOM).) Cité par Jacques Thibau. Le temps de Saint-Domingue : l'esclavage et la révolution française. pp. 273-320. ; Version complémentaire recueillie et gracieusement partagée par le prof. Jeremy D. Popkin.
(27) Jean-Louis Donnadieu. Op. Cit. p.148.

(28-32) François-Alexandre Beau. Op. Cit.
(33) Pompée-Valentin Baron de Vastey. Op. Cit. pp.8-9. 


(34) Correspondance de M. de Cambefort avec M. de Blanchelande. Journal des Débats de l'Assemblée coloniale, le 7 novembre 1791. In : Jean Fouchard. Les marrons de la liberté. Port-au-Prince, 1988. pp.413-414.

(35) Verneuil Gros. Isle de St.-Domingue, province du nord...: Précis historique. Paris, 1793. p.14.

(36) Thomas Madiou. Histoire d’Haiti, Tome 1. Port-au-Prince, 1847. p.73.

(37) Note de Pierre Pluchon In : Pamphile de Lacroix. La Révolution de Haïti. Paris. 1995 ; (texte original 1819). p.157.


(38) François-Alexandre Beau. Op. Cit.
(39) Jean-Baptiste Picquenard. Adonis ou le bon nègre : anecdote coloniale. Paris, 1798. pp.162-164.

(40) M. E. Descourtilz. Voyages d'un naturaliste et ses observations. Tome 3. Paris, 1809. pp.275-276.

(41) Verneuil Gros. Op. Cit. p.14.
(42) David Geggus. "La cérémonie du Bois Caïman", paru dans le collectif "L’insurrection des esclaves de Saint-Domingue (22-23 août 1791)", Paris, 2000. p.161.

(43) Courier du Bas-Rhin, No 6. Du Samedi 21 janvier 1972. pp.44-45.

(44) David Geggus. Op. Cit. p.161.

(45) Le Mercure Universel, vol 1. Mardi 1er mars 1791. p.15. 

(46) Beaubrun Ardouin. Op. Cit. p.229.

(47) J.Ph. Garran-Coulon. Rapport sur les troubles de Saint-Domingue, fait au nom de la Commission des colonies, des Comités de salut public, de législation et de marine, réunis. Tome 2. Paris, 1797. pp.211-212. 

(48) France, Convention nationale. Op. Cit.

(49) Hérard-Dumesle. Voyage dans le Nord d'Hayti ou révélations des lieux et des monumens historiques. Cayes, 1824. p.300.

(50) Yves Benot. "Les insurgés de 1791..." Op. Cit.


(51) Assemblée nationale législative. Séance merc 30 novembre 1791. In : Les Archives parlementaires. Tome 35 : Du 11 novembre au 10 décembre 1791 "Séance du mercredi 30 novembre 1791". p.460.

(52) François-Alexandre Beau. Op. Cit.

(53) Jean Philippe Garran de Coulon. Op. Cit. pp.211-212. 

(54) Hérard-Dumesle. Op. Cit. p.85.

(55) Our Voices. « Haiti: Bois Chez L'Imam = "Bwa Kay Imam" En Créole »: Posté le 9 juin 2009. Lien permanent : http://www.prevalhaiti.com/messages/14969 ; Consulté le 6 avril 2015. 

(56) Nicole Grandin, « Note sur le sacrifice chez les Arabes musulmans », Systèmes de pensée en Afrique noire [En ligne], 3 | 1978. URL : http://span.revues.org/371 ; DOI : 10.4000/span. 371. p. 99.
(57) Sheikh Muhammed Salih Al-Munajjid. "How do the first ten days of the Month of Dhul Hijjah differ from other days of the year?" 29 mars 1998. [en ligne] Lien permanent : https://islamqa.info/en/1699 ; consulté le 31 août 2017.
(58) 
"Les jours dits de tashriq" 15 octobre 2013. [en ligne] Lien permanent : https://islamqa.info/fr/36950 ; consulté le 31 août 2017.
(59) David Geggus. Op. Cit. p.158.

(60) Kate Ramsey. The Spirits and the Law : Vodou and Power in Haiti. Chicago, 2011. p.43.

(61) M. H. Castonnet Des Fosses. L'Ile de Saint-Domingue au XVIIIe siècle, conférence faite le 28 janvier 1884. Nantes, 1884. p.21.

(62) David Geggus. Op. Cit. p.156.

(63) Hérard-Dumesle. Op. Cit. pp.87-89. 

(64) Victor Schoelcher. Colonies étrangères et Haïti. Tome 2. Paris, 1843. p.99.
(65) M. E. Descourtilz. Op. Cit. Tome 3. pp.195-196.
(66) Hérard-Dumesle. Op. Cit. p.88.

(67) Barrière de Vaublanc. Mémoires de M. le comte de Vaublanc. Paris, 1857. p.110.

(68) Saint-Rémy. "Mémoires du général Toussaint-Louverture." Paris, 1853. p.101.

(69) Brissot de Warville, J.-P. (Jacques-Pierre). Discours de J.P. Brissot, député, sur les causes des troubles de Saint-Domingue, prononcé à la séance du premier décembre 1791. Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale. pp.8-9.

(70) Bulletin de l'assemblée nationale législative du Samedi 3 Décembre 1791. (Suite de la séance du jeudi 1er décembre.). Réimpression de l'ancien Moniteur. Tome dixième. Paris, 1862. p.518.

(71) Hérard-Dumesle. Op. Cit. p.101.

(72) Voir Antoine Métral. Histoire de l’insurrection des esclaves dans le Nord de Saint-Domingue. Paris, 1819. pp.16-20.
(73) Jafrikayiti. Viv Bondye Aba Relijyon. Ottawa, 2000. p.46.

(74) Michel Étienne Descourtilz. Voyages d'un naturaliste et ses observations... Tome 3, Paris, 1809. p.vj.

(75) Hérard-Dumesle. Op. Cit. pp.89-90.
(76-79) Déita. La Légende des Loa du Vodou Haïtien. Port-au-Prince, 1993. pp.9, 347, 5, 349.

(80) "Kiskeya, l'île mystérieuse - Déita". Canal Bleu (chaine 38), 15 Novembre 2011. Lien permanent : http://ile-en-ile.org/kiskeya-deita/

(81) Reginald Crosley. The Vodou Quantum Leap: Alternative Realities, Power, and Mysticism. St Paul, 2000. p.234.

(82) ‪Center for Black Studies. Claudine Michel, éd. Ancestral rays‬: ‪journey through Haitian history & culture‬. ‪Santa Barbara‬, 2005. p.6.

(83) Jean-Bertrand Aristide. UMOYA WAMAGAMA (THE SPIRIT OF THE WORDS). University of South Africa, November 2006. p.304.

(84) Max Beauvoir. "Slavery, Boukman, and Independence" in: Revolutionary Freedom: A History of Survival, Strength and Imagination in Haiti. Coconut Creek, 2006. pp.201-204. 

(85) Max Beauvoir (interview) In : Jacques Hainard, Philippe Mathez. Le vodou, un art de vivre. Genève, 2007. p.29.
(86) Emmanuel Félix Jr. Understanding Haitian Voodoo. 2009. pp. 26, 79. 

(87) Euvonie Georges Auguste. "Il n’y a pas eu de cochon au Bois-Caiman", Haïti Culture [en ligne], Posté le 15 mai 2011. Lien permanent : https://culture509.wordpress.com/2011/05/15/il-ny-a-pas-eu-de-cochon-au-bois-caiman/ ; Consulté le 21 juillet 2017.

(88) Prophète Joseph. Dictionnaire Haïtien-Français. Montréal, 2003. pp.100, 24.
(89) Milo Rigaud. La tradition voudoo et le voudoo haïtien. Paris, 1953. p.249.
(90) Antoine Dalmas. Histoire de la révolution de Saint-Domingue, Volume 1. Paris. 1814, pp.117-118.

(91) Dictionnaire Cilubà – Français. [en ligne] Lien permanent : http://www.ciyem.ugent.be/

(92) Nsaku Kimbembe, "Kongo - une spiritualité des connaissances scientiques (2e indaba)" Conférence donnée à Paris, mise en ligne le 20 mars 2014. Point d’écoute (1:27:16-1:29:00)

(93) Milo Rigaud. Op. Cit. p.249.

(94) Ignace Nau. "Un épisode de la Révolution (Conte créole) I. : Célestine)". In : Le Républicain : Recueil Scientifique et Littéraire. No 9 ; Port-au-Prince, 15 décembre 1836. pp.2-8.
(95-97) Élie Monnereau. Le parfait indigotier, ou Description de l'indigo. (version originale 1736). 2ème édition, Amsterdam, 1765. pp.110-111, 111, 111-112. 

(98) M. E. Descourtilz. Op. Cit. Tome 2. p.148
(99) Robin Law. "La cérémonie du Bois Caïman et le "pacte de sang" dahoméen". In : L'insurrection des esclaves de Saint-Domingue (22-23 août 1791). Actes de la table ronde internationale de Port-au-Pince (8 au 10 décembre 1997). Paris, 2000. pp.131-147.
(100) Rudy Mbembe, Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu. Le Leemba ou l'ordre initiatique de Koôngo Dya Leemba. Saint-Denis, 2015. p.25.

(101) Dominique Ngoïe Ngala, rapporté par Jean de Dieu Nsondé. Langues, Culture et Histoire Koongo aux XVIe et XVIIe. Paris, 1995. p.125. Cité par Rudy Mbembe, Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu. Op. Cit. p.27.

(102) Rev. W. Holman Bentley. Dictionary and grammar of the Kongo language, as spoken at San Salvador, the ancient capital of the old Kongo empire, West Africa. Londres, 1895. p.839.

(103-104) Rudy Mbembe, Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu. Op. Cit. p.15.
(105) John Thornton. The Kongolese Saint Anthony: Dona Beatriz Kimpa Vita and the Antonian Movement, 1684-1706. Cambridge, 1998. (2nd Ed, 2009). p.102.

(106) John M. Janzen. Lemba 1650-1930 : A Drum of Affliction in Africa and the New World. New York, 1982. pp.3-4.

(107-109) Rudy Mbembe, Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu. Op. Cit. pp.28, 43, 57.

(110) John M. Janzen. Op. Cit. p.32.
(111-112) Rudy Mbembe, Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu. Op. Cit. pp.49, 42.
(113) Élie Monnereau. Op. Cit. p.112. 

(114) Beaubrun Ardouin. Op. Cit. p.229.

(115) John M. Janzen. Op. Cit. Plate 3.

(116-120) Rudy Mbembe, Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu. Op. Cit. pp.58, 50, 52, 53, 53-54.

(121) Rev. W. Holman Bentley. Dictionary and grammar of the Kongo language, as spoken at San Salvador, the ancient capital of the old Kongo empire, West Africa. Londres, 1895. p.839. 

(122) Cheikh Anta Diop. Conférence de Niamey (Niger), 1984. Lien permanent : https://youtu.be/TzIEn60nGbU?t=2h11m8s

(123-125) Rev. Holman Bentley. Op. Cit. pp. 861, 859-860, 839.
(126) Jacques Crétineau-Joly. Histoire de Louis-Philippe d'Orléans et de l'Orléanisme, Volume 1. Paris, 1862. p.33.
(127) aul Jacoby. Etudes sur la sélection dans ses rapports avec l'hérédité chez l'homme. Paris, 1881. pp.407-408, 410.
(128) Colonel Malenfant. Des colonies et particulièrement de celle de Saint-Domingue ; mémoire historique. Paris, 1814. p.234.
(129) A.P.M. Laujon. Précis historique de la dernière expédition de Saint-Domingue. Paris, 1805. pp.198-199.
(130) Pierre Pluchon. Vaudou sociers empoisonneurs de Saint-Domingue à Haïti. Paris, 1987. pp.136-139.
(131) Mémoire justificatif de Joseph-Paul-Augustin Cambefort, colonel du régiment du Cap, commun à Anne-Louis Tousard, lieutenant-colonel, à tous les officiers et soldats du même régiment, déportés de Saint-Domingue... Paris, 1793. pp.43-44.
(132) Colonel Malenfant. Op. Cit. pp.234-235.
(133) Angus McBride. The Zulu War. London, 1976. pp.4-3.
(134) Thomas Madiou. Histoire d'Haïti. Tome 2. Port-au-Prince, 1847. p.198.
(135) M. E. Descourtilz. Op. Cit. Tome 3. pp.359-360.
(136) Proclamation de Jean-Jacques Dessalines du 28 avril 1804. In : Placide Justin, James Barskett (Sir.). Histoire politique et statistique de l'île d'Hayti: Saint-Domingue... Paris, 1826. pp.423-424.
(137) David Geggus. Op. Cit. 167.
(138) Michel Descourtilz. Histoire des désastres de Saint-Domingue. Paris, 1795. p.192.

(139) TKm (Tulu Kia Mpasu) Buakasa. Lire la religion africaine. Ottignies-Louvain-La-Neuve. 1988. p.85.

(140) M. E. Descourtilz. Voyages d’un naturaliste et ses observations, Tome 3, Paris, 1809. p.130.

(141-142) Mazères. De l'utilité des colonies, des causes intérieures de la perte de Saint-Domingue. Paris, 1814. pp.71, 66.

(143) Thomas Madiou. Tome 1. Op. Cit. p.72.
(144) M. E. Descourtilz. Voyages... Op. Cit. Tome 3. pp.254-352.
(145) Voir Sébastien Jacques Courtin. Mémoire sommaire sur les pratiques magiques et empoisonnements prouvés aux procès instruits et jugés au Cap contre plusieurs Nègres et Négresses dont le chef, nommé François Macandal, a été condamné au feu et exécuté le vingt janvier 1758. (A.N. COLONIES F3. 88).
(146) Jean-Baptiste Picquenard. Adonis ou le bon nègre : anecdote coloniale. Paris, 1798. p.178.

(147) Louis Dubroca. La vie de J.-J. Dessalines, chef des noirs révoltés de Saint-Domingue. Paris, 1804. p.28.
(148) Voir. "Les différentes parties de l'âme. Le cheval de Platon" In : Christian Godin. Le grand bestiaire de la philosophie. Paris, 2006.

(149) Ian Knight. A companion to the Anglo-Zulu War. South Yorkshire, 2008. p. 168.

(150-151) M. E. Descourtilz. Voyages... Op. Cit. Tome 3. pp. 208, 209.

(152) Thomas Madiou. Tome 1. Op. Cit. pp.72-73.
(153-154) M. E. Descourtilz. Voyages... Op. Cit. Tome 3. pp.383-384, 130.
(155) Colonel Malenfant. Op. Cit. p. 235.
(156) Lettre du général Leclerc (CXII) du 9 août 1802. In : Paul Roussier. Lettres du général : commandant en chef de l'armée de Saint-Domingue. Paris, 1837. p.206.
(157) Verneuil Gros. Op. Cit. p.17.
(158) J.-Ph. Garran-Coulon. Rapport sur les troubles de Saint-Domingue, fait au nom des Comités de Salut Public, de Législation et de Marine réunis par, 4 vol. Paris, an V (1796-1797). Tome 2 pp.211-212.
(159) David Geggus. Op. Cit. p.160.
(160) Yves Benot. "Les insurgés de 1791..." Op. Cit.
(161) Récit de la prise du Dondon dans les papiers de la commission Garran-Coulon (D-XXX, 79; D-XXV, 78), cité par Yves Benot. "Un épisode décisif de l'insurrection: la prise du Dondon (10 septembre 1791). In : Chemins Critiques, Vol. 2, No 3, Mai 1992. pp.97-111.
(162) Milo Rigaud. Op. Cit. p.354.
(163) Pamphile de Lacroix. Memoires pour servir a l'histoire de la révolution de Saint Domingue. Volume 1. Paris, 1819. p.253.
(164) Antoine Dalmas. Op. Cit. pp.116-117.
(165) Beaubrun Ardouin. Études sur l'histoire d'Haïti. Vol. 5. Paris, 1854. p.454.
(166) France Convention nationale. Débats entre les accusateurs et les accusés... Op. Cit. p. 367.
(167) L.-J. Clausson. Précis historique de la révolution de Saint-Domingue, réfutation de certains ouvrages publiés sur les causes de cette révolution. De l'état actuel de cette colonie et de la nécessité d'en recouvrer la possession. Paris, 1819. p.83.
(168) Proclamation du 25 août 1793 de Toussaint Louverture aux habitants de Saint-Domingue. (Arch. Nat. Paris. Pièce du Musée. Vitrine No.134.) In : H. Pauléus Sannon. Histoire de Toussaint-Louverture, Tome 1. Port-au-Prince, 1920. p.154.
(169) Beaubrun Ardouin. Études sur l'histoire d'Haïti. Vol. 3. Paris, 1853. pp.159-160.
(170) Abbé Raynal. Histoire philosophique et politique... dans les deux Indes. Vol. 6. (Livre 11, chapt 24). Genève, 1782. pp.137-139.
(171-172) Beaubrun Ardouin. Études sur l'histoire d'Haïti. Vol. 1. Op. Cit. pp.227, 230-231.
(173) France. Arrêté portant suspension des citoyens Desparbès, Cambefort, et autres officiers militaires de la colonie de Saint-Domingue - décret du 17 décembre 1792. Paris, 1792. p.17.
(174) France. Recueil des décrets de la Convention nationale, avec les principaux discours qui y ont été lus, et les proclamations du pouvoir exécutif provisoire. Tome 2. 1793. pp.159-160.
(175) Joseph-Paul-Augustin Cambefort. Mémoire justificatif de Joseph-Paul-Augustin Cambefort, colonel du régiment du Cap.1793. p.30.
(176) Thomas Jefferson Bowen. Grammar and Dictionary of the Yoruba Language. Part 2. Washington, 1858. pp.48, 62,77.
(177) Ibid. Part 1. p.14.
(178) Ibid. Part 1. p.14 ; Part 2. p.66.
(179) Ibid. Part 1. p.xvi.
(180) Rachel Beauvoir-Dominique (avec la collaboration d'Eddy Lubin). Investigations autour du site historique du Bois Caïman. Montréal, 2019. p.99.
(181) D. Zahan. "Terminologie Bambara concernant l'initiation". In : Initiation: Contributions to the theme of the Study-Conference of the IAHR. Amsterdam, 1965. pp.21-26.
(182) G. Dieterlen, Y. Cissé. Les fondements de la société d'initiation du Komo. Paris, 1972. p.17.
(183) "Qui sont les Peuls?" [en ligne] posté le 19 août 2011 ; Lien permanent : https://www.ndarinfo.com/Dossier-Qui-sont-les-Peuls_a955.html ; Consulté le 10 juin 2018.
(184) Orthographe et prononciation du wolof". [en ligne] Lien permanent : https://jangileen.kalam-alami.net/lessons/prononciation ; Consulté le 7 septembre 2019.
(185) "Qui sont les Peuls?". Op. Cit.
(186) François Blancpain. La colonie française de Saint-Domingue. Paris, 2004. p.202.
 

Sources (tab)

(AM) Antoine Métral. Op. Cit. p.48.

(CAM) Mémoire justificatif de Joseph-Paul-Augustin Cambefort, colonel du régiment du Cap... Paris, 1793. p.43.

(DRM) Donald R. Morris. The Washing of the Spears: A History of the Rise of the Zulu Nation... New York, 1998. p.38.

(HD) Hérard-Dumesle. Op. Cit. pp.87.
(IK) Ian Knight. A Companion to the Anglo-Zulu War. South Yorkshire, 2008. pp.36, 166, 168.


(OL) http://newbabynames.info/name-A-ha-charm-Name-meaning-pronounciation

(MAZ) Mazères. Op. Cit. p.71.

(MD) M.E. Descourtilz. Histoire... Op. Cit. pp.192-193.

Comment citer cet article:
Rodney Salnave. "Boukman n'était pas musulman". 14 août 2017. Modifié le 20 mai 2020. [en ligne] Lien permanent : http://bwakayiman.blogspot.com/2017/07/boukman-netait-pas-musulman.html ; Consulté le [entrez la date]


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