Les islamisés de Saint Domingue étaient soumis

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Auteur : Rodney Salnave
Fonction : Dougan (Scribe)
Date : 7 septembre 2020
(Mise à jour : 21 déc. 2020)


Dans les articles précédents, nous avions démontré l'absence totale d'éléments islamiques dans les hauts faits de la Révolution haïtienne. Et ce, particulièrement dans les 2 cérémonies déclencheuses de cette Révolution ; cérémonies qualifiées génériquement de la cérémonie du Bois Caïman. Toutefois, nous n'avions pas pour autant avancé qu'il n'y a jamais eu de captifs (esclaves) musulmans, ou syncrétiquement islamisés, à Saint Domingue (Haïti).
Comment le pourrions-nous, lorsqu'une telle présence fut amplement documentée?

Dans cet article, le dernier de la série, nous traiterons de la présence de captifs (esclaves) islamisés dans la colonie de Saint Domingue. Et nous examinerons si effectivement l'islam avait un quelconque impact sur la Révolution.


1- La présence islamique ou "mahométane" à Saint Domingue

Présence islamique, il y a bien eue à Saint Domingue. 7,05% des captifs (esclaves) dominguois provenaient de la Sénégambie, et 2,83% de la Sierra Leone, (1) deux régions aux implantations islamiques attestées, sur un fond traditionaliste. Et le colon Moreau de St Méry rapporta l'importation à Saint Domingue de musulmans, jadis appelés "mahométans",* dans les colonies françaises :
"Tous les Africains dont j’ai parlé jusqu’ici, et qui sont embarqués sur divers points d’une côte qui comprend environ trois cents lieues, depuis le dix-septième degré de latitude Septentrionale, où est placée l’embouchure de la rivière du Sénégal, jusqu’à Serre-Lione [Sierra Leone], sont en général Mahométans, du moins ceux qui habitent près de la mer." (2)
Cependant, le culte mahométan ou islamique des Sénégambiens à Saint Domingue n'était pas aussi "orthodoxe" que le revendiquent les tenants de la thèse islamique :
"Mais cette religion est mêlée d’une idolâtrie, qui prévaut d’autant plus, qu’on pénètre dans l’intérieur, et souvent même les preuves de la circoncision, sont les seules auxquelles on peut reconnaître qu’ils sont soumis à des idées de Mahométisme." (3)
Toujours selon Moreau de St Méry, le culte des captifs (esclaves) extraits du Congo, en '"Afrique" Centrale, consistait en un mélange de catholicisme, d'islam et de la spiritualité ancestrale. Un tel syncrétisme à 3 religions fut bien détecté dans les prières de François Macandal,** ce précurseur Baluba issu du Centre-Est du Congo :
"II y a beaucoup de Congos qui ont des idées de catholicité, notamment ceux de la rivière du Zaire. Elles leur sont venues des Portugais, mais elles n'ont pas banni celles du mahométisme et de l'idolâtrie ; de manière que leur religion forme un assemblage assez monstrueux." (4)
Donc, pour Moreau de St Méry, le degré d'adhésion islamique variait entre : 1) une minorité orthodoxe (au culte islamique non mélangé) ; 2) un nombre moyen de syncrétiques (au culte mélangé) ; et 3) une majorité islamisée de nom seulement.
Alors, lequel de ces 3 groupes peut-on qualifier sa contribution révolutionnaire d'islamique, si contribution il y a?

  1. La minorité qui opérait un islam orthodoxe, sans mélange, sa contribution à la Révolution haïtienne, s'il en a eue, peut être classée d'islamique.
  2. Le nombre moyen qui démontrait un syncrétisme religieux, s'il contribua à la Révolution haïtienne, on ne saurait qualifier cette contribution d'islamique. Car, l'islam banni et nomme shirk, tout mélange de son culte à celui d'une quelconque autre religion.
  3. La majorité des islamisés qui pratiquait nullement cette religion. Si elle contribua à la Révolution haïtienne, cette contribution reviendra automatiquement à la religion traditionnelle qu'elle perpétua. Par conséquent, en parler ici nous est d'aucune utilité.
En tenant compte de cette catégorisation, jetons un oeil là dessus. Là où les données écrites manquent, nous interrogerons la mémoire linguistique haïtienne pour juger de l'influence ou de la marginalisation des divers groupes islamisés. Nous aborderons, en terminant, le culte des Haïtiens de souche Mandingue à Balan (Nord d'Haïti) d'où émergea la révision islamique du début de la Révolution haïtienne.


2- Les Sénégalais musulmans (plus ou moins) syncrétiques étaient soumis

En dépit de la présence indéniable de Sénégalais traditionalistes à Saint Domingue, les chercheurs révisionnistes décrivent ces Sénégalais en captivité exclusivement tels de pieux musulmans et des opposants farouches de l'esclavage. Or, selon Dominique H. Lamiral, un négrier qui les a côtoyé intimement dans leur pays d'origine autant qu'à Saint Domingue, les Sénégalais (musulmans ou non) aimaient la captivité (esclavage)  :

"J'ai rencontré à St.-Domingue des Nègres que j'avais vu au Sénégal. Je leur ai demandé comment ils se trouvaient ; aucuns ne se sont plaints de leur sort; plusieurs même m'ont assuré qu'ils ne voudraient pas retourner dans leur pays; ils y étaient nuds, mal-nourris, au lieu qu'à St.-Domingue ils sont bien vêtus et bien portans. On peut vérifier ce que je dis dans l'atellier de Madame Rossignol, habitante du Sénégal, qui depuis long-tems est établie au Cap Français: elle a plus de cinquante Nègres Sénégallais, on peut les interroger tous, je défie qu'on en trouve un seul qui me démente." (5)
Malgré son métier de négrier, Dominique H. Lamiral est extrêmement crédible, à notre avis. Car, d’une part, dans son manuel, il porta un jugement assez nuancé des peuples (noirs et maures) qu’il étudia. D'autre part, la description qu’il fit des Bissangot (6) est identique à l’idée que maintien la mémoire haïtienne de cette ethnie féroce qui s’était organisée en société secrète.

2.1- Les Sénégalais, toujours aussi soumis

Hautain envers les autres Noirs, et soumis aux autres races, le Sénégalais n'a point changé avec le temps. Il semble aimer son bourreau plus qu'il s'aime soit-même. Le 9 mai 2018 dernier, le gouvernement sénégalais a même installé une "Place de l'Europe" sur l'île-musée de Gorée d'où partaient les bateaux de ces colons menant des Noirs au génocide. L'équivalent d'installer une place à l'honneur de l'Allemagne au plein coeur d'un site commémorant l'holocauste des Juifs.
  
(Sénégalais soumis inaugurant la Place de L'Europe sur l'île négrière de Gorée (Sénégal))
Source : https://twitter.com/franceosenegal/status/994280915072364544

L'État sénégalais, via l'installation de cette Place de L'Europe à Gorée, injuria la mémoire de ceux dont il fut complice de leurs captures, déportations et génocide. Et pareille injure arriva 9 mois après que de jeunes Sénégalais - atypiquement insoumis - aient déboulonné la statue de Louis Faidherbe, un ancien gouverneur colonial.

(Statue déboulonnée de Louis Faidherbe, gouverneur-colonisateur du Sénégal)
Source :  "Faidherbe vu du Sénégal" ; [en ligne] Lien permanent : https://faidherbedoittomber.org/faidherbe-vu-du-senegal/


Statue remise sur pied aussitôt par l'État sénégalais "reconnaissant" de son gouverneur ayant pourtant en 8 mois, massacré au moins 20 000 Sénégalais. (7)

(Statue de L. Faidherbe, gouverneur colonial, à Saint Louis, ville portant son nom, au Sénégal)
Source : "Faidherbe vu du Sénégal" ; [en ligne] Lien permanent : https://faidherbedoittomber.org/faidherbe-vu-du-senegal/

N'est-ce pas ce peuple sénégalais soumis que les révisionnistes présentent comme porte-étendard de la résistance anti-esclavagiste, de par son islamisme? Un non-sens.


2.2- Les Sénégalais d'après la mémoire haïtienne

Les Sénégalais traditionalistes à Saint Domingue ont fourni la Nation sacrée dite Nanchon Seneka, Siniga ou Sinigal à la religion traditionnelle haïtienne. On y retrouve, notamment, le culte des Wèlo et des Brakè, dérivés de la vénération du Royaume sénégalais du Oualo et des Rois : Brak. Sans oublier les hommages rendus à Pangòl, noms des Divinités traditionnelles Serrère (Pengol).
Somme toute, rien de négatif est relevé dans le lexique haïtien concernant les Sénégalais. Au contraire, selon le colon S.J. Ducoeurjoly, ils ont aidé à insérer le couscous dans la cuisine locale où il est appelé kouchkouch :
"Couchcouch, s.m. mets fait avec de la farine de maïs, ou blé d'Inde, qu'on a fait tremper et piler, et qu'on cuit ensuite au bain-marie, les Négresses sénégalaises, sont celles qui en font de meilleur." (8)
Et de l'avis de Pierre Anglade, le mot créole "chèlbè" décrivant une personne aux démarches impressionnantes, dérive de "shelbe", le maître des cérémonies de circoncisions au Sénégal :
"Chèlbè adj. Quelqu'un de grande pédanterie : vantard. (...) En Wolof, SHELBE : grands frères, initiateurs dans la cérémonie de la circoncision." (9)


(Pochette de musique)
Source : Talie (Nathalie Cerin). "Ti nèg chèlbè". [en ligne] Lien permanent : https://soundcloud.com/taliemusic/ti-n-g-ch-lb


(Pochette de musique)
Source : Ton Dezi×Sun-PeterTracka ×Song-Guy – Fe Chelbe [ k-naval 2019 ]. [en ligne] Lien permanent : https://koulelakay.com/ton-dezixsun-petertracka-xsong-guy-fe-chelbe-k-naval-2019/

En effet, les selbé du Sénégal furent initialement des traditionalistes de l'ethnie Serrère, autant que le Ndut, la cérémonie initiatique qu'ils dirigent encore. (10)


(Danse de selbé, au Sénégal)
Source : Yayème, 2001. In : Aurélie Troy. "Les pagnes des circoncis : séparation et émotions dans les rites d'initiation seereer (Hireena, Sénégal)". In : Systèmes de pensée en Afrique Noire. 18/2008. (p.63). [en ligne] posté le 05 juin 2003. 

Mais quoi qu'il en soit, l'attitude soumise des Sénégalais - une constante à travers les siècles - n'a pas été retenue dans la mémoire haïtienne. Les Sénégalais, pourtant préférés à Saint Domingue pour les postes domestiques - après les Créoles - ne firent pas forcément obstacle à la Révolution.
Car l'on sait le rôle crucial que joua la classe privilégiée des captifs (esclaves) dans cette Révolution. Qu'il s'agit de commandeurs d'ateliers, de cochers ou de domestiques des 2 genres. Les aspects positifs reliés à la religion traditionnelle sénégalaise semblent avoir primé dans l'esprit des Haïtiens dont la langue hérita de plusieurs aspects du Wolof, la langue majoritaire au Sénégal.

 

3- Les Yoruba (Nago) islamisés dits Malé (ou Malais) à Saint Domingue

En Haïti, l'ethnie Yoruba, dit Nago, est entièrement associée à la religion traditionnelle et au culte des guerriers Nago. Pourtant, une minorité parmi les Yoruba (Nago) était islamisée. À Saint Domingue, on les prenait pour une nation distincte appelée Malé, Male, Mallet, Malet, Malais, Mallais, Mallay, etc. :

"Virgile, nation Malé, étampé en fer à cheval VILHEMANSON & au-dessous A LA CUL, âgé de 30 ans, se disant appartenir à M. Testart." (11)
"Le 17, Suzanne de nation Malais, disant appartenir à l'habitation Girard à Maribaroux, étampée illisiblement sur le sein droit, âgée d'environ 45 ans, de grande taille, arrêtée à l'Espagnol." (12)
Au Brésil colonial, on distinguait ces Yoruba (Nago) musulmans par l'appellation Malê. Cette appellation dérive de Imale, la manière dont les Yoruba (Nago) du Nigeria et du Bénin désignaient leurs musulmans :

"Mussulman, s. Imale." (13)
De là notre affirmation que les Malé ou Malais de Saint Domingue partageaient le même profil religieux que ceux du Brésil. C'est-à-dire un islam dont le syncrétisme s'amplifiait au fil du temps, selon la région. (14) Sachant cela, il reste à déterminer si le culte islamique des Malé de Saint Domingue fut responsable de la cérémonie du Bois Caïman ayant enclenchée la Révolution haïtienne.
 
3.1- La cérémonie sacrificielle des Malé de Saint Domingue

Faute d'écrits sur le culte des Malé dominguois et leur célébration de la fête musulmane du sacrifice, nous nous appuierons, jusqu'à un certain point, sur les données relatives à la célébration d'une telle fête chez les Malê du Brésil.

Nous savons qu'à Salvador de Bahia, les Malê respectaient le calendrier islamique, en vigueur au Moyen Orient, en ce qui à trait au mois du ramadan. Sauf quant à l'aïd el-kebir, la fête du sacrifice annuel. À la fin du mois de jeûne du ramadan, ils passaient directement au sacrifice du mouton, au lieu de fixer une telle célébration plusieurs mois plus tard, comme le veut le calendrier islamique :
"Querino reports that Malês commemorated the end of Ramadan, the month of fasting, by sacrificing rams. Indeed, during 1835, at the request of a justice of the peace, a slave translated a text that was, according to the slave, "a sort of calender which the Malês use to keep track of their fasts and to know when to slaughter their rams." Querino also wrote : "When they sacrificed a lamb, they stuck the point of the knife into the sand and bled the animal saying the word Bi-si-mi-lai."" (15) 
Traduction : 
"Querino rapporte que les Malês ont commémoré la fin du Ramadan, le mois du jeûne, en sacrifiant des béliers. En effet, au cours de 1835, à la demande d'un juge de paix, un esclave traduisit un texte qui était, selon l'esclave, "une sorte de calendrier que les Malês utilisent pour suivre leurs jeûnes et savoir quand abattre leurs béliers." Querino a également écrit: "Quand ils ont sacrifié un agneau, ils ont enfoncé la pointe du couteau dans le sable et ont saigné l'animal en prononçant le mot Bi-si-mi-lai.""
Les Malê brésiliens ont donc suivi la coutume Ouest-"africaine" de l'époque, qui était de conclure le Ramadan par la fête sacrificielle annuelle qu'ils appelaient Tabaski.

Pour 1835, l'année à laquelle ils ont organisé une révolte, les Malê brésiliens ont fixé le ramadan conformément au calendrier lunaire islamique, à savoir du 21 décembre 1834 au 29 janvier 1835. (16) Leur sacrifice du mouton devrait donc être fait le 25 janvier 1835, le dernier dimanche de ce mois. Les dimanches étant leurs jours de congé.
Les dates qu'ils avaient à jongler furent celles-ci :

  • Début du mois de ramadan : 21 décembre 1834.
  • Date du sacrifice annuel du mouton (Tabaski) : dimanche 25 janvier 1835.
  • Fin du mois de ramadan : 29 janvier 1835.
Cependant, en ce dimanche 25 janvier 1835, ils ont troqué la fête du sacrifice du mouton pour la rébellion qui fut éventuellement écrasée. En appliquant leur calendrier régulier pour l'année 1791, date de la Révolution haïtienne, nous obtenons les dates suivantes :
  • Début du mois de ramadan : 4 mai 1791.
  • Date du sacrifice annuel du mouton (Tabaski) : dimanche 29 mai 1791.
  • Fin du mois de ramadan : 1 juin 1791.
Ainsi, si les Malé de Saint Domingue avaient orchestré une cérémonie révolutionnaire, ils auraient, selon le schéma des Malê brésiliens, évité leur cérémonie sacrificielle (Tabaski), et attaqué le dimanche 29 mai 1791. Donc la tenue d'une cérémonie sacrificielle le dimanche 14 août 1791 (Bois Caïman) n'aurait eu aucun sens pour eux. Ni l'attaque révolutionnaire dominguoise du 22-23 août 1791, d'ailleurs.
Et en ce qui concerne la fête du sacrifice dictée par le calendrier islamique régulier (Moyen Oriental), l'aïd el-kebir ou le 10 Dhou al-Ḥijjah, il tomba le 10 août 1791, un mercredi. (17) Par conséquent, le dimanche (jour de congé) le plus proche de cette date aurait été celui du 7 août 1791, pas le dimanche 14 août.

3.2- Les Malè ou Yoruba (Nago) islamisés dans la mémoire haïtienne

Au Brésil colonial, au Nigeria et au Bénin, leurs chefs spirituels recevaient le titre de Alufa : 
"Alufa, s. a Mohammedan priest, a priest of the only true God ; ecclesiastic, clerk, presbyter." (18)
Traduction :
"Alufa, s. un prêtre mahométan, un prêtre du seul vrai Dieu ; ecclésiastique, clerc, presbyte."
Et concernant la supposée "Maison d'un Imam ou Iman" véhiculée par les révisionnistes, leur fabulation est encore une fois rattrapée par la réalité. Car, si les Malé ou Yoruba (Nago) islamisés auraient désigné leur lieu sacrificiel en honneur de leur chef spirituel, ce lieu aurait porté le nom de Bwa Kay Aloufa, et non pas Bwa Kay Iman.
Et nous savons désormais que même "Bwa Kay Aloufa" aurait été grammaticalement inconsistant avec le Créole parlé dans le Nord de Saint Domingue, où cette cérémonie fut tenue. "Kaya Aloufa", "Lakaya Aloufa", "Case à Aloufa" ou "La case à Aloufa" auraient été plus convenables. À la rigueur, "Nan Aloufa", ou carrément "Aloufa" auraient été acceptables comme noms de lieux dans le Nord.
De plus, la mémoire lexicale haïtienne conserva aussi le mot Aloufa. Toutefois, il ne reflète pas l'image d'un leader spirituel, mais celle de quelqu'un d'égoïste qui bouffe tout, sans rien laisser aux autres :


"Aloufa ou waloufa adj. et n.: Qui avale tout sans aucune retenue, mange sans modération, à la manière du porc. Personne malpropre." (19)
"aloufa a   n  Heavy, insatiable eater, glutton.   V afre, saf." (20)
Traduction :
"aloufa un   n  Grand mangeur, insatiable, glouton.   V afre, saf."
Le mot "aloufa" prend aussi un sens figuré en Créole haïtien, qualifiant des politiciens corrompus et tout individu jugé profiteur d'un bien collectif.


(Livre de poésies)
Source : Samuel Frantz Suffren. Aloufa : Pwezi foto. Éditions des Vagues. [en ligne] Lien permanent : https://www.associationvagueslitteraires.org/catalogue


(Pochette de musique)
Source : Michel "Sweet Micky" Martelly. "Aloufa". [en ligne] Lien permanent : https://www.kkbox.com/tw/en/album/MoFXk0TGXtMkK.0FIj8h0091-index.html


(Affiche de manifestation)
Source : Manithor. "Manifestation pour demander l'argent du petrocaribe". [en ligne] Lien permanent : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Petro-caribe-challenge.jpg#/media/File:Petro-caribe-challenge.jpg 

Le mot "Aloufa" du Créole haïtien découle donc de l'époque coloniale. Les captifs (esclaves) portant le titre islamique d'aloufa devaient se comporter en égoïstes, bouffant les mets communs sans partager. On voit mal comment de tels individus méprisés pourraient avoir de l'ascendance sur d'autres captifs (esclaves) ; surtout ceux qui ne partageaient pas leur foi musulmane.
Néanmoins, des musulmans noirs (Malê), commandés par des Alufa, ont organisé une insurrection au Brésil, en 1835. On penserait qu'ils pouvaient en faire autant préalablement à Saint Domingue. Mais leur complot à Bahia, qui visait uniquement des captifs (esclaves) mâles de leur religion, fut écrasé suite à la dénonciation de la femme d'un d'entre eux. Aidés des Haoussa, ils n'ont pas pu élargir leur révolte aux captifs (esclaves) non musulmans. Pourtant, les Alufa au Brésil n'étaient pas aussi dénigrés qu'ils le furent à Saint Domingue.
Sans oublier qu'avant la fin janvier 1804, et l'avénement d'Ousmane Dan Fodio, la notion de guerre sainte ou djihad fut inconnue en "Afrique" musulmane. Et puisque dès 1805, des captifs (esclaves) brésiliens affichaient à Rio des colliers à l'effigie du libérateur Jean-Jacques Dessalines, (
21) les Alufa et les Malês de 1835 pouvaient autant avoir été influencés par la Révolution haïtienne, comme ce fut le cas ailleurs.
 

4- Les Haoussa (Awousa) islamisés syncrétiques à Saint Domingue

Au Brésil, les Malê, dans leur rébellion de 1835, avaient les Haoussa pour alliés. Quel fut leur statut à Saint Domingue? L'ethnie Haoussa, au culte islamique syncrétique du Nigeria et du Tchad, fut d'un nombre considérable dans la colonie de Saint Domingue :

"Le 19, Lajeunesse, nation Aoussa, étampé sur le sein gauche LAVRIOLS, se disant appartenir à M. Glandaz, Notaire au Port-au-Prince." (22)
Rien dans la littérature coloniale ne nous permet de détailler le rituel des Haoussa à Saint Domingue.
La littérature générale nous informe cependant qu'en "Afrique", leurs prêtres islamiques furent appelés "mállami" au singulier, et au pluriel "mallamái". (23)
Cette dernière information contredit l'hypothèse de "Bwa Kay Iman", puisque si Boukman était un chef religieux Haoussa, selon la logique révisionniste, le nom du lieu de culte en question aurait été "Bwa Kay Mállami" ou "Bwa Kay Mallamái", si plus d'un chef religieux étaient référés.
Et pour se conformer au Créole du Nord de Saint Domingue, on aurait eu soit : "Case à Mállami" ou "Case à Mallamái", "Caye à Mállami" ou "Caye à Mallamái". Et le Créole moderne du Nord et Nord-Est d'Haïti aurait exigé : "Lakaya Mállami" ou "Lakaya Mallamái", "Laka Mállami" ou "Laka Mallamái", "Nan Mállami" ou "Nan Mallamái", etc. Nous sommes donc loin de "Bwa Kay Iman".

 
4.1- Les Haoussa (Awousa) étaient des voleurs, selon la mémoire haïtienne

Les Haoussa ne sont pas pour autant passés inaperçus à Saint Domingue. Car, leur nom ethnique Haoussa ou Aoussa, deviendra "Awousa" dans la langue haïtienne. Il qualifie ceux qui ont la manie de voler et d'abuser :
"arousa a, awousa a   n  Pickpocket, looter; greedy person." (24)
Traduction :
"arousa un, awousa un   n  Pickpocket, pillard; personne avide."
Dans la culture haïtienne, "awousa" revient souvent dans l'actualité, tant les vols publics gangrènent le pays.


(Le président "Jovenel Moïse traite une branche du secteur privé de "awousa"")
Source : Luckson Saint-Vil. "Prezidan Jovenel Moïse trete yon branch nan sektè prive a de « AWOUSA »".  (29 juin 2020) ; Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=JkoslXxO29k ; Timeline : 00:27-00:46.


("Mari et femme, deux "awousa""[pickpockets])
Source : Guy Promo Haïti. "Mari ak fanm de awousa". (30 déc. 2019) ; [en ligne] Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=_0oIITLRRgc


Il est donc inconcevable que les musulmans syncrétiques de l'ethnie Haoussa, jugés pickpockets, aient acquis la confiance de la population captive (esclave), ni de l'influence sur quiconque ne partageait pas leur foi.


5- Les musulmans orthodoxes Peuls de Saint Domingue

À Saint Domingue, la plupart des captifs (esclaves) de l'ethnie Peul était traditionaliste. Il existait néanmoins une minorité Peul islamisée. Le naturaliste Michel Étienne Descourtilz a mis en lumière les moeurs de ces Peuls islamisés, ainsi que leur positionnement face à la Révolution dont Saint Domingue fut le théâtre.
 
5.1- Les Peuls et les préceptes islamiques, selon Descourtilz

Quoiqu'incomplet, le témoignage oculaire de Descourtilz démontra que les Peuls ou "Phylanis" islamisés de Saint Domingue pratiquaient un islam orthodoxe, non mélangé. Malgré les limitations que leur imposait la captivité (esclavage), ils respectaient, tant bien que mal, nombre d'obligations islamiques :
a) La religion des Peuls islamisés était proche de celle des Juifs, et ils prièrent à Allah :
"La religion des Phylanis paraît être celle des Juifs. Un nègre phylanis, strict observateur de la loi, est autant parfait qu'un homme peut l'être. (...) Allah, veut dire Dieu en leur langage ; et le mot amen signifie, nous vous remercions du boire et du manger." (25)
b) Les Peuls islamisés faisaient profession de foi (chahada) et imitaient le geste d’Abraham : 
"Austères imitateurs de leur père Abraham, ils sont voués comme lui au Dieu qu'ils implorent; et s'il s'agit de faire profession de leur foi, et de jurer qu'ils croient bien en Dieu, ils le témoignent en publiant hautement devant leurs semblables, « qu'ils donneraient volontiers leurs enfants, si ce sacrifice était exigé du Dieu qui leur donna l'être »." (26)
c) Les Peuls islamisés prêchaient l'aumône, l'un des piliers de l'islam :
"L'alpha [grand-prêtre] dit aussi : "Si vous priez, et que vous ne donniez pas aux pauvres, vos prières sont perdues." (27)
d) Les Peuls islamisés ne buvaient pas d'alcool (tafia) :
"Rien de moins surprenant que de voir un homme de ce genre, étonné, à la vue d'un travail qu'il ne peut définir, mais de le voir en suite refuser de prendre mon verre, et d'y boire du tafia [alcool fort] pour lequel un nègre se ferait fouetter ; c'est ce qui surpassa mon attente." (28) 
Il s'agit ici d'une supposition de notre part. Car Descourtilz n'a pas précisé l'ethnicité du guide ayant refusé son verre. Mais Descourtilz indiqua qu'il chassa avec des guides Phylanis (Peuls), et qu'il se servit également de Congo, qui pour leur part raffolaient d'alcool (tafia) :
"Les Congos sont très friands de tafia ; un jour que j'avais oublié de donner la ration à un d'eux qui me servait d'Harponner pour la chasse du caïman, il me dit d'un ton naïf et tout contrit : « Maître! Congo pas encore gagné dent, et vous sévréz li »! Ce qui veut dire, non littéralement, mais dans le sens parabolique : « Maître, je suis encore à jeun, et n'ai point de dents pour manger, ne me sevrez donc pas de ce tafia qui va me mettre en état de prendre mon repas »". (29)
e) Les Peuls islamisés semblaient ne pas manger de porcs : 
"Chaque famille de Phylanis voyage dans l'intérieur de la Guinée, campe avec ses troupeaux au milieu des sites les plus rians, qui ne contribuent pas peu à flatter agréablement leurs sens. Leurs caravanes sont composées de boeufs, génisses, et de chiens, êtres utiles et fidèles amis; de chèvres et de moutons, animaux paisibles et productifs." (30
Ces informations concernant le mode de vie des Peuls en '"Afrique" furent recueillies par Descourtilz dans les sermons du grand prêtre Peul aux jeunes de son ethnie. L'absence de porcs dans les caravanes Peuls d'"Afrique" nous font déduire que les Peuls maintenant l'islam à Saint Domingue se sont abstenus de consommer de la viande porcine proscrite par leur religion.

5.2- Le jeûne du ramadan et la fête du sacrifice des Peuls islamisés de Saint Domingue

Les Peuls islamisés célébraient annuellement l'aïd el-kebir, la fête sacrificielle obligatoire :

"L'un des Phylanis présent, l'alpha (i) de leur secte, et vieillard octogénaire, apprit à ses enfants qui l'entouraient, (...) que leur religion avait beaucoup de rapport avec celle des Juifs ; en effet, après avoir décrit leur temple mobile, il parle des cérémonies qui s'observent dans les jours de fête, et du sacrifice du bélier qui a lieu au fameux jour d'Auderbiché [aïd el-kebir], en commémoration du sacrifice d'Abraham." (31)
a) Le jeûne du ramadan fut célébré annuellement par les Peuls islamisés :
"Leur principale fête qui se renouvelle tons les ans, au solstice [équinoxe] du printemps, s'appelle Auderbiché [aïd el-kebir]. Les Phylanis observent, avant son époque, un jeûne privatif de trente jours, et la dernière semaine, ils ne font un repas que le soir de chaque journée." (32)
Des révélations de Descourtilz, nous comprenons que :
1) Pareils aux Malê du Brésil (et possiblement ceux de Saint Domingue), les Peuls islamisés de Saint Domingue ont fixé leur fête du sacrifice à la fin du jeûne d'un mois de ramadan, et non plusieurs mois après. Mais à l'opposé des Malê de Salvador de Bahia, ils n'ont pas suivi le calendrier musulman quant à la date du ramadan.
2) Les Peuls musulmans de Saint Domingue ont opéré leur cérémonie sacrificielle annuelle (aïd el-kebir) au premier jour du printemps, ou l'Équinoxe du printemps. (Descourtilz s'est trompé de mot. Il usa de Solstice à la place d'Équinoxe du printemps).*** À partir de l'équinoxe du printemps, ils comptaient 30 jours à rebours pour déterminer le ramadan.
3) Hormis, le ramadan et la fête du sacrifice, pour des raisons pratiques, le calendrier religieux des Peuls islamisés fut calqué sur les jours de fêtes coloniales. Ce calendrier religieux, que nous détaillons ici, nous apprend beaucoup sur l'implication ou non des musulmans orthodoxes, d'une part, dans la cérémonie dite du Bois Caïman ; et d'autre part, dans la Révolution haïtienne :



Calendrier religieux des Peuls islamisés de Saint Domingue
Jours de fêtes coloniales (excluant fêtes patronales et administratives)
Cérémonies islamiques ordinaires
Cérémonies islamiques spéciales

Jour de l'an
Samedi 1er janvier 1791

30 jours avant l'Équinoxe du printemps

Dimanche 20 février 1791, Début du mois de jeûne du ramadan
Équinoxe (ou premier jour) du printemps

Dimanche 20 mars 1791 (fête du sacrifice islamique, l'aïd el-kebir, dit Auderbiché par Descourtilz ; célébrée à la fin du ramadan, selon la coutume en "Afrique" de l'Ouest.
L'annonciation
Vendredi 25 mars 1791

Pâques
Dimanche 24 avril 1791

L'ascension
Jeudi 2 juin 1791

La pentecôte
Dimanche 12 juin 1791

L'assomption
Lundi 15 août 1791 (fêtée le dimanche 14 août 1791 ; non pas au Bois Caïman, mais ailleurs)

La Saint Louis
Jeudi 25 août 1791 (Non fêtée à cause de l'insurrection qui débuta le 22-23 août)

La Toussaint
Mardi 1er novembre 1791 (Non fêtée officiellement à cause des troubles)

Noël
Dimanche 25 décembre 1791 (Non fêtée officiellement à cause des troubles)


Source (dates fêtes catholiques) : https://www.calagenda.fr

4) Pour l'année révolutionnaire de 1791, le sacrifice annuel des Peuls tomba le 20 mars, premier jour du printemps, tandis que leur ramadan débuta le 20 février. Alors, ils n'ont pas orchestré la cérémonie dite du Bois Caïman. Et même si les Peuls islamisés avaient suivi le calendrier musulman (hégirien), la date de leur fête de l'aïd el-kebir reviendrait au 10 du mois dhou al-hijja de l'année 1205, correspondant au mercredi 10 août 1791.
Mais étant donné que les captifs (esclaves) ne disposaient que des dimanches et jours de fête comme congé, les Peuls islamisés auraient choisi le dimanche le plus proche, le dimanche 7 août, pour établir leur fête du sacrifice. D'autant plus que les 4 derniers jours du jeûne du ramadan - correspondant au 7, 8, 9, 10 août 1791 - sont considérés les plus sacrés, d'après l'islam. Il n'y a donc pas de raison pour que le 14 août 1791, date de la cérémonie du Bois Caïman, fut la date d'une sacrifice musulmane.
5) Les Peuls musulmans de Saint Domingue ont aussi tenu leur cérémonie religieuse ordinaire (donc sans sacrifice) à la date de la fête coloniale de l'assomption, le dimanche 14 août 1791. Cette même journée, les traditionalistes, réunis au Morne Rouge, activaient leur propre cérémonie sacrificielle, précédée d'une rencontre ou d'un "congrès" politique. Cette cérémonie politico-religieuse du 14 août, suivie d'une autre le dimanche 21 août 1791, forment la cérémonie révolutionnaire du Bois Caïman qui amorça la Révolution haïtienne.

 

5.3- Le grand prêtre des Peuls, selon Descourtilz

a) Le grand prêtre des Peuls islamisés et l'écriture
La documentation montre que le grand prêtre des Peuls islamisés fut un lettré. Les révisionnistes inventèrent cependant que l'écriture était interdite aux captifs (esclaves) dont Boukman Dutty. Et tout contrevenant, sévèrement puni. Or, dans cet extrait, non seulement l'écriture du grand prêtre (alpha) ne fut pas cachée, elle fut offerte en cadeau au colon Descourtilz
"L'un des Phylanis présent, l'alpha (i) de leur secte, et vieillard octogénaire, apprit à ses enfants qui l'entouraient, que ceux de sa religion vivaient en Guinée au milieu de la paix et de la bonne intelligence (...)
(i) Grand prêtre et sacrificateur. Ce brave benjamin d'une douceur angélique, et comme vieillard, habitué à recevoir avec résignation les insultes de jeunes nègres pervers, me fit don par suite de tablettes de taches de bambou, sur lesquelles il traça à l'aide d'une baguette fendue, et de l'encre composée de jus de citron et de siliques d'acacia, les dogmes de sa religion que je regrette bien de n'avoir pu rapporter en Europe. Ces lignes écrites dans le sens opposé à notre usage, offraient des caractères hiéroglyphiques très-variés et très-curieux." (33)
Tombe aussi à l'eau la fantaisie révisionniste faisant croire que l'écriture donnait à un captif (esclave) musulman de l'ascendance sur ses semblables. Là encore, Descourtilz souligna le manque de respect constant dont fut victime ce grand prêtre musulman sachant pourtant lire et écrire, ce "vieillard, habitué à recevoir avec résignation les insultes de jeunes nègres pervers." 
Mais à quoi aurait servir l'écriture non-occidentale de ce vieillard, lorsque le colon (Descourtilz dans ce cas) n'arrivait pas à la lire? Pas moyen de se forger de faux laissez-passer dans cette écriture indéchiffrable, aux "caractères hiéroglyphiques très-variés et très-curieux".

b) Le titre "alfa" et la révision de Bois Caïman 
À Saint Domingue, le grand prêtre des Peuls portait un titre apparenté à "alufa" des Malé. Il est "alfa" (alpha), pas imam, ni iman :
"Un nègre phylanis, strict observateur de la loi, est autant parfait qu'un homme peut l'être. Leur grand-prêtre appelé alpha, n'abuse point de l'autorité que leur confiance en lui a établie". (34)
Conséquemment, la notion révisionniste que "Kayiman" aurait référé à (Kay Iman) la Maison d'un Imam (ou Iman) ne s'accorde pas avec la réalité. La résidence d'un grand prêtre Peul officiant le rituel sacrificiel devrait plutôt être "Kay Alfa".
Et même cette forme est problématique. Le Créole parlé dans le Nord de Saint Domingue - lieu de la cérémonie pré-révolutionnaire en question - exige que l'on dise soit "Kaya Alfa", "Lakaya Alfa", "Case à Alfa" ou "La case à Alfa". "Nan Alfa" ou "Alfa" tout court feraient aussi l'affaire.
D'ailleurs, les temples dans lesquelles les Peuls islamisés organisaient la fête sacrificielle annuelle, ne furent des maisons habitables, mais des structures temporaires construites à la journée même :

"Le temple qu'ils construisent à la hâte, lorsqu'il s'agit d'un sacrifice propitiatoire, s'appelle guine-grine, dans l'intérieur duquel ils ne pénètrent jamais sans préalablement s'être purifiés, à l'exemple des Juifs, par un bain de pieds et de mains.
Bien convaincus que dans un édifice superbe, ou dans un local simple, la magnificence du grand Dieu créateur est la même. (...) Ils suppléent à leur défaut de résidence pour l'édification stable de leurs temples, par le choix des endroits propres à rapprocher la créature de son Créateur." (35)
Soulignons également que les Peuls chassaient des caïmans avec Descourtilz :
"Je partais un jour de grand matin pour donner la chasse aux caïmans qui désolaient nos rives, (...) nous suivions en silence un des bras de l'Ester, lorsqu'un de mes nègres aperçut en maraude et crut reconnaître un nation phylanis (nation veut dire compatriote), (...) l'un d'eux nommé Fleuri, lui crie d'une voix sépulcrale : haucou ! qui veut dire bonjour. " (36
De plus, cet aide de chasse Congo de Descourtilz utilisa explicitement le mot "caïman" dans sa conversation en Créole :
"Je vis un jour ce même harponneur [Congo] emporter furtivement les membres ensanglantés d'un caïman sur lequel je venais d'observer la circulation du sang. Je ne savais pas à quel propos il m'avait dit pendant mon expérience : « Maître, n'a pas faire li souffrir comme ça donc ! caïman li y'oun' boun' bagage, et pis vous va malheureux, quand vous va mouri. » ["Maître, ne le faites pas autant souffrir! le caïman c'est quelque chose de bien, d'ailleurs, vous allez être malheureux à votre mort."] (...) Il m'annonçait, par une conjecture de métempsycose,**** qu'ayant fait autant souffrir les caïmans, je serais moi-même, après ma mort, en butte aux cruautés du premier chasseur." (37)
Ces faits démentent les révisionnistes disant qu'il n'avait pas de caïmans à Saint Domingue ; et que "Kayiman", dans la cérémonie du "Bwa Kayiman" ne pouvait pas provenir du nom de l'animal. Mais de toutes manières, les Peuls islamisés n'auraient pas tenu une cérémonie aussi festive (avec tambour, chants, etc.) que celle qui vibra au Morne Rouge le 14 août 1791 :
"Les Poules, depuis qu'ils sont mahométans, ont renoncé aux divertissements favoris des autres noirs, la danse et la musique; je n'ai vu chez eux d'autres instruments qu'une espèce de guimbarde : le son n'en peut plaire qu'à une oreille africaine." (38)
Comme nous l'avons évoqué dans un article précédent, la musique festive et la doctrine islamique ne font pas toujours bon ménage. Cet extrait plus haut provient de l'observation de Gaspard-Théodore Mollien en Sénégambie durant sensiblement la même époque (1818). Similairement, dans le rituel-sacrificiel des Peuls dominguois, ici finement détaillé par Descourtilz, la musique festive n'y figure point. De plus, comme nous allons le voir, "un respectueux et imposant silence" fut recherché.


5.4- Description d’un rituel-sacrificiel islamique à Saint Domingue

a) Source d’eau requise pour le lieu du culte chez les Peuls islamisés
Les révisionnistes adorent répéter qu’il n’y avait pas de caïman au Bois Caïman (Morne Rouge). Mais ce qui est certain, c'est qu'il n’y a pas de cascade d’eau à cet endroit, alors que c'est un pré-requis pour la tenue du sacrifice chez les Peuls islamisés de Saint Domingue :

"La vue d'un bois touffu, dont la verdure active témoigne en faveur de l'Auteur de la Nature, attire d'abord leur attention; ils inspectent l'endroit, et cherchent à réunir, sous son cintre, toutes les qualités requises. De hautes futaies dont la cime seulement est balancée par le vent, un faible jour que produit leur ombrage touffu, des nappes d'un verdoyant gazon, des arbres fruitiers, pour en offrir les prémices et en dessiner le contour; des rochers frémissants sous le bruit de cascades choisies pour la purification et l'entretien de la fraîcheur du lieu ; un respectueux et imposant silence qui convient au rapport direct de l'homme avec Dieu, seulement interrompu par des oiseaux créés pour chanter ses louanges, voilà le lieu choisi au sein des campagnes, pour l'édification de leur temple." (39) 
Donc, comment expliquer que des musulmans aient choisi le Morne Rouge (Bois Caïman) pour une réunion de plus de 200 représentants, lorsqu’il n’y a pas de rivière (ou de cascade) afin que les représentants puissent se laver (une obligation islamique) avant d’entamer leur prière?

b) La cérémonie islamique, de jour, exige des fleurs à la tête
Nous imaginons mal Boukman accompagné de 199 autres commandeurs d’ateliers (habiles dans la correction corporelle) et des cochers hautains, se rendant au Bois Caïman avec des couronnes de fleurs sur la tête.

"Dès que l'étoile du matin annonce un nouveau jour, (…) ils portent à l'envi leurs pas dans les campagnes encore humides de rosée, cherchent des fleurs pour en ceindre leur tête, et les cueillent doublement enrichies d'un frais coloris, d'une odeur suave et douce, et du brillant des perles vacillantes que le serein a développées. (…) Cependant l'instant approche où le sacrifice va être annoncé, et tous les Phylanis réunis près de l'alpha, l'engagent à commencer la cérémonie. Voilà le cortège à son départ. Douze trompettes ouvrent la marche; ils sont suivis de deux colonnes de Phylanis, hommes et femmes, couronnés et séparés les uns des autres ; après eux, s'avancent à pas plus petits et plus précipités, douze enfants mâles ayant également la tête ceinte de fleurs diversement nuancées, retenant au milieu d'eux, par des guirlandes de roses blanches." (40)
La séparation des femmes et des hommes témoigne du caractère islamique de cette cérémonie. Mais cela frôle le ridicule que de penser que les révolutionnaires de Saint Domingue, reconnus et redoutés mondialement pour leurs actes les plus impitoyables, auraient participé à une telle mascarade parfumée de fleurs fraîchement cueillies.

c) La cérémonie islamique visait le sacrifice simulé d’un enfant, tel le récit d'Abraham
 


Le porc n’entre en aucun cas dans la considération des musulmans qui participèrent à leur fête annuelle. Au contraire, avoir un enfant comme objet sacrificiel est le point central de cette cérémonie. Or, aucune mention n’a été faite nulle part d’une procession d’enfants-sacrificiels couronnés de fleurs, à la tête de la délégation des élites d’habitation au Morne Rouge :
"Une jeune victime, un treizième enfant couronné de fleurs de la même couleur. Enfin l'alpha dont la vieillesse ralentit la marche, suit avec peine, et termine ce simple cortège.
Arrivés au lieu destiné à la consommation du sacrifice, ils y trouvent un bûcher préparé, le fatal couteau posé au bas, et le vase destiné à purifier le grand-prêtre avant d'exercer les fonctions de son ministère. Le peuple se divise et se range circulairement, et l'alpha arrive au pied du bûcher, toujours précédé du groupe des enfants. Celui que l'on a choisi pour victime est dépouillé de ses fleurs, et présenté au peuple, tandis qu'il appelle à grands cris les auteurs de ses jours. Ceux-ci, glorieux d'avoir été choisis pour immoler leur postérité au grand Dieu, rejoignent pour la dernière fois leur enfant chéri, leur seule espérance, se livrent à une muette douleur dans leurs derniers embrassements, et, pour donner une preuve plus authentique de leur entier dévouement à la cause du grand Dieu, ils embrassent pour la dernière fois leur enfant, qui lui-même donne signe de son approbation en indiquant de son faible doigt la route du ciel; ses plus proches parents le posent sur le bûcher." (41)
Nous voyons ici que le sacrifice annuel des captifs (esclaves) islamisés n'avait rien de politique ou de révolutionnaire. Le but visé est strictement religieux : simuler l'offre sacrificielle d'Abraham à son Dieu.

d) Un mouton remplaça l’enfant comme sacrifice
Les Peuls islamisés de Saint Domingue n'ont pas sacrifié d'enfant. Et ils n'ont pas sacrifié de porcs. Ils ont remplacé, à la dernière minute, l'enfant symbolisant le fils d'Abraham, par un mouton que le grand-prêtre a ensuite immolé :

"C'est alors que le sacrificateur, après avoir invoqué l'Eternel, dessille les yeux des assistants, et leur annonce que Dieu n'a point crée l'homme pour lui être offert en holocauste, que ce sacrifice ne lui est point agréable; qu'il commande à la création, et doit remplacer l'anéantissement de son être par celui d'un animal soumis à sa volonté. Aussitôt l'enfant est enlevé du bûcher, élevé au plus haut par les bras d'un groupe d'hommes nerveux, offert au peuple qui dès ce moment le considère, et il est remplacé par un mouton que l'alpha égorge à l'instant. C'est, comme on le voit, le simulacre du sacrifice d'Abraham." (42)
Car, jamais un porc aurait été accepté comme animal sacrificiel par un musulman. L’argument est ici clairement expliqué. Le mouton ou l’agneau, si l’on préfère, est cité comme l’animal le plus “soumis à la volonté du dieu” des Chrétiens, Juifs et Musulmans. Et, ils y opposent le porc qui est proscrit entièrement par les musulmans et juifs, autant que par les adventistes et autres sectes protestants.

e) Les islamisés évitaient tout contact avec le sang, encore moins avec la bouche
Dans leur quotidien, les Peuls islamisés évitaient, le plus possible, le contact avec le sang animal, comme l'exige l'islam :

"La plus grande propreté est exigée des bouchers des Phylanis, et une amende considérable leur est infligée lorsque le couteau qui est pendu à leur côté est taché d'une goutte de sang, ou quand leurs hardes en sont imbibées." (43)
Dans ce contexte, nous pouvons affirmer qu'il n'avait pas eu de contact quelconque avec le sang animal, dans le sacrifice des Peuls islamisés. Leur cérémonie sacrificielle annuelle allait donc à l'opposé de la cérémonie traditionaliste du Bois Caïman dans laquelle, avec le doigt, les participants ont à tour de rôle apposé une goutte du sang du porc immolé sur leurs lèvres.
 
5.5- Les Peuls musulmans orthodoxes contre la Révolution haïtienne

a) Durant la cérémonie sacrificielle musulmane, le grand prêtre prêchait contre la révolte d’esclaves
Non seulement les musulmans n’étaient pas les moteurs de la cérémonie du Bois Caïman, durant leur cérémonie sacrificielle annuelle, décrite vers 1800-1803, leur grand prêtre (alpha) exigeait à ses disciples qu’ils ne prennent pas part à la “révolte” d’esclaves qui fut pleinement engagée. Car, cela est interdit par Allah, leur Dieu :

 

"L'holocauste étant consumé par le feu, l'alpha et le peuple se prosternent en actions de graces; ils baisent humblement la terre, et se redressant les bras en croix sur la poitrine, l'alpha leur développe les dogmes sacrés de leur institution en ces termes. (…) L'alpha dit encore : « Si vous n'avez pas soin des pauvres, si vous tuez ou volez; si l'esclave se révolte, si vous n'assistez point les malades, tremblez! Dieu vous punira.»". (44)
Du fait que le grand prêtre des Peuls musulmans prêchait contre la Révolution haïtienne alors que celle-ci fut dans sa phase finale, (Descourtilz ayant assisté à cette cérémonie sacrificielle vers 1800-1803) prouve avec certitude que les Peuls, musulmans orthodoxes, n'ont à aucun moment appuyé cette Révolution.
À la même époque, en 1802, cet autre auteur, Jean-Baptiste-Léonard Durand décrivait le mépris des Peuls musulmans (d'"Afrique") pour les Noirs, et leur penchant pour les Blancs :

"Sans les maximes peu charitables du koran, les Foulahs de Bondou, naturellement bons, seraient plus bienveillants pour les étrangers. (...) Ces peuples ont la plus haute idée de leur origine ; ils regardent les autres nègres comme leurs inférieurs ; et quand ils parlent de différentes nations, ils se rangent toujours dans la classe des blancs, qu'ils considèrent comme les élus, et formant la première des nations." (45)
Cet autre auteur, Gaspard-Théodore Mollien, observa en 1818, que les Peuls (Poules) islamisés d'"Afrique", sympathisants des Maures, croyaient que la place des Noirs était en esclavage, puis en enfer :
"Tous les Poules sont mahométans et rigides observateurs des préceptes de la religion; enflammés du zèle du prosélytisme, ils poussent l'intolérance jusqu'à la fureur. C'est assurément une des nations les plus orgueilleuses qui existent.
Le Foutatoro est, selon ses habitants, le premier du monde, et le Poule est l'homme par excellence. Dans leur opinion, l'Européen ne se distingue que par son industrie, mais il est lâche et sans force. Le Nègre est destiné à vivre dans l'esclavage, et après sa mort à être précipité dans les feux de l'enfer; le Maure seul a de la bravoure, il peut être placé après le Poule." (46)
L'attitude pro-esclavage des Peuls islamisés remonte à la religion musulmane qui les enseignait que les Noirs étaient les descendants de Cham ; et “maudits” par Noé, à être esclaves des Blancs (et Arabes) :
"A proprement parler, il n'y a que les Afriquains, qui sont entre le Cap Blanc [Tunisie], et le Cap Nègre [Tunisie], qu'on puisse dire être nés pour la servitude. Ces misérables avouent sans façon, qu'un sentiment intime leur dit qu'ils sont une nation maudite. Les plus spirituels, comme ceux du Sénégal, ont appris par une tradition, qui se perpétue parmi eux, que ce malheur est une suite du Péché de leur Père Tam [Cham], qui se moqua de son Père [Noé]. Ces Sénégallais sont, de tous les Nègres les mieux faits, les plus aisés à discipliner, et les plus propres au service domestique." (47)
Pourtant, selon ce mythe judeo-islamo-chrétien, Noé n'a jamais maudit Cham, un nom tiré de l'appellation de l'Égypte ancienne : Kamit ou Kemit (Terre noire), Km (Noir).***** Noé aurait cependant explicitement crié "Maudit soit Canaan", nom désignant le Liban actuel et l'ancêtre des Arabes. Mais au lieu de s'attribuer cette fausse malédiction, les Arabo-musulmans ont préféré la refilée aux Noirs convertis, pour mieux les dominer. Mêmement, le prêtre espagnol Bartholomé de Las Casas a reinterprété ce mythe pour provoquer l’esclavage des Noirs en Amérique.

b) Les Peuls musulmans et l'interdiction de tuer
L'alpha ou grand prêtre des Peuls musulmans les a interdit de “tuer”. Cela est incompatible avec la cérémonie du Bois Caïman déclencheuse de l’insurrection générale qui causa la mort de centaines de colons blancs. Descourtilz lui-même contrasta la docilité des Peuls islamisés avec la férocité des traditionalistes de l'ethnie Diabon :

"Nous quittons avec d'autant plus de regrets la réunion des bons Phylanis, que mon néophyte et moi, nous surprenons avec indignation plusieurs aveux de nègres de Diabon, cruels et féroces par habitude autant que par caractère.
Ces monstres immolent à leurs dieux, d'après le conseil de leurs prêtres, les étrangers qu'ils surprennent sur leurs terres, tandis qu'ils tolèrent parmi eux l'assassinat de leurs pareils." (48)
Descourtilz contrasta également le respect des Peuls islamisés pour les aînés, et le manque flagrant de respect des aînés de la part des Congo (l'ethnie la plus nombreuse, et parmi les plus traditionalistes en pourcentage) :
"Les Congos, loin de respecter les vieillards comme les Phylanis, n'ont aucun égard pour leurs parents âgés ou infirmes, et ils les forcent à piler le maïs qu'ils destinent à leur unique nourriture." (49)
Nous rapprocherons le mépris des aînés par les Congo, aux révolutionnaires de Saint Domingue qui réservaient les plus grandes tortures aux vieillards parmi les colons. Car, selon leur estimation, les vieillards, ayant vécu longtemps, ont maltraité leurs captifs (esclaves) sur une plus longue durée.
Cette attitude Congo "anti-vieillesse" laissa son empreinte dans la culture haïtienne moderne. Le mot Congo "Ba-Kulu" signifiant "les vieillards", demeure dans le Créole haïtien (Bakoulou) synonyme de "vicieux, trompeur, ou voleur". Conséquemment l'adjectif "vye" (vieux) est employé en Créole haïtien pour qualifier tout ce qui est "désagréable, sans valeur, indésirable, dégoutant, inapprécié", etc.

c) Les Peuls islamisés et le code moral pré-islamique
Nous tenons à préciser que si la religion des Peuls musulmans de Saint Domingue les opposait aux révoltes d'esclaves et la Révolution haïtienne, leur respect des aînés, des pauvres et infirmes précède l'islam. Ce respect tient du Pulaaku, le code moral traditionaliste multi-millénaire perpétué par l'ensemble des Peul (islamisés ou traditionalistes).
J'ai personnellement reçu cette éducation Pulaar (Peul) ultra respectueuse, et qui fut - contrairement à sa version musulmane - intolérante de toute injustice (sociale, raciale, religieuse, économique, etc.). Elle est un legs de mon ancêtre maternel Peul du nom d'Augustin. Celui-ci a vécu dans le Nord de Saint Domingue, dans la localité de Quartier Morin (Bonnay). Voici ici une annonce d'août 1777 lui concernant :

"Au Cap, est entré à la Geole, le 16 de ce mois, Augustin, nation Poular, âgé d'environ 30 ans, borgne de l'oeil droit, étampé illisiblement, se disant appartenir à M. de Beaunay, au Quartier-Morin." (50)
La petite-fille d'Augustin, qui porta son prénom comme patronyme+ - et dont le prénom m'échappe - enfantera (mon aïeul maternel) pour le Général/Sénateur Annibal Béliard, petit-fils d'Henry 1er dit Henry Christophe.++

(Général/Sénateur Annibal Béliard)
Source : Marc Péan. L'illusion héroïque : 25 ans de vie caapoise, 1890-1915. Port-au-Prince, 1977. p.136.

Mais dans cette éducation familiale Peul (ou Foula) que j'ai reçue de ce lien, rien n'invoque un passé islamique. Minoritaire en Haïti, cette éducation Peul axée sur le respect des aînés, l'obéissance, le partage, la vérité, le contrôle de soi, etc., s'inscrit entièrement dans le Pulaaku, le code moral Peul pré-islamique. Du moins, dans sa version nomade dont les réflexes sont longtemps attestés chez certains membres de la famille.
J'irai jusqu'à suggérer que mon éducation Peul haïtienne, par la rigueur et l'altruisme qu'elle m'inculquait, est tributaire de mon accomplissement d'une telle étude. Une étude qui, de mon humble avis, n'est pas bien éloignée de la sensibilité du Peul malien Amadou Hampathé Ba, ni de la générosité des textes Peuls volumineux mis en ligne et à la disponibilité de tous.
Le groupe ethnique Foula (Peul) ayant été minoritaire à Saint Domingue, bien d'aspects de son éducation se font rares en Haïti. L'une des raisons que les intellectuels haïtiens peuvent rarement se tenir aux faits, et penser à l'impact désastreux de leurs manoeuvres égocentriques. Ils pataugeront encore longtemps dans la médiocrité.


5.6- Les Peuls (Foula) dans la mémoire haïtienne

Les Peul (Foula) traditionalistes furent ceux qui perdurent dans la mémoire haïtienne. Leur culte ancestral forma la Nation sacrée, dite Nanchon Foula dans la religion traditionnelle haïtienne. Nation sacrée ayant contribué les Divinités (Lwa/Jany) : Lawe, Lawedji, Balenndjo (que nous pensions provenir des Mandingues), Bazilo (ou Bagilo), Èzili Dantò, Èzili Boran (nous pensions issue des Boran du Kenya), la famille des Lwa/Jany Toro, etc. Sans oublier le mot "foula" lui-même qui conserva son sens originel, à savoir la dispersion : 1) des nomades Peul, dans le contexte "africain" ; 2) d'un liquide par la bouche, dans le rituel haïtien. Le verbe créole "foulaye" en dérive.

Les Peuls sédentaires islamisés dits Toucouleurs ou Halpullar (Apoura), étaient des voraces

L'ethnie récemment appelée Toucouleur par les colons français n'est pas répertoriée à Saint Domingue en tant que tel. Les Toucouleurs se désignent eux-mêmes "Halpulaar", signifiant "ceux qui parlent Pulaar". Certains affirment qu'ils ne sont pas pour autant des Pulaar ou Peul. Mais les arguments les plus convaincants, venant des Peuls eux-mêmes, disent que les Toucouleurs sont des Peuls sédentaires du Fouta Toro. (51)
Qu'il soit l'appellation d'une ethnie pulaarphone autonome ou celle d'un peuple Peul sédentaire islamisé, le mot "Halpulaar" est retenu en "Apoura" dans le Créole haïtien. Il désigne une personne vorace et voleuse :
"apoura   attrib   1. Gluttonous.   (syn) saf, afre.
     2. Greedy and aggressive." (52)
Traduction :
"apoura   attrib   1. Glouton.   (syn) saf, afre.
    2. Gourmand et agressif."
Vu la précarité des ressources allouées à la population captive (esclave) de Saint Domingue, une telle réputation de glouton rendit indésirable les Toucouleur ou Halpulaar, un groupe islamisé depuis le 11e siècle chrétien. On peut donc écarter l'idée de leur influence sur la population captive (esclave).

6- Le culte syncrétique des Haïtiens de souche Mandingue à Balan

En 1960, Carl Peters, un prêtre catholique oeuvrant dans le Nord d'Haïti, venait de prendre part à la "campagne anti-superstitieuse", un mouvement génocidaire contre la religion traditionnelle. Pourtant, il fit avec neutralité une étude intitulée "Société Mandingue". Rééditée en 1965, cette brève étude révéla à Balan, proche du Morne Rouge, un groupe d'Haïtiens de souche Mandingue perpétuant des services funéraires traditionalistes.
L'année suivante, en 1966, l'anthropologue haïtien Gerson Alexis aborda le culte traditionnel à Balan avec un biais islamique, dans son article, "Aperçu sur les Mandingues haïtiens", rédigé en 1967.
En 1991, poussés par le 200ème anniversaire de la dite cérémonie du Bois Caïman, entrèrent en scène 2 intellectuels français : Gérard Barthélemy (1992), Charles Najman (1995). Ils ont élargi et popularisé la thèse révisionniste axée sur le culte à Balan qu'ils veulent islamique.
Depuis lors, d'autres intellectuels+++ se sont mis de la partie :
  • Rachel Beauvoir-Dominique & Eddy Prophète (2000, 2001)
  • LeGrace Benson (2001, 2006)
  • Ulrich Fleischmann, Alex-Louise Tessonneau (2003)
  • Jean Rénald Clérismé (2009)
  • etc.
Feignant la neutralité scientifique, ces intellectuels révisionnistes cherchèrent par tous les moyens à établir et à amplifier un lien islamique à Balan. Leur but semble être d'occulter l'action traditionaliste dans la Révolution haïtienne.

6.1- Le nom "Maromèt" en Haïti (Balan)

Carl Peters relata, qu'aux dires de certains, les membres de cette dite "Société Mandingue" ou "Société Maromète", sont eux-mêmes nommés "Maromète" :
 
"Au voisinage du Cap-Haïtien, dans la zone comprise entre le Morne Rouge et le Bas Limbé et plus précisément à Balan, Camp-Louise, Labardie, on rencontre un étrange groupement dit :"SOCIÉTÉ MANDINGUE". 
Au cours d'une brève enquête, certains ont affirmé : 
La Société se nomme "SOCIÉTÉ MAROMÈTE", le service: "SERVICE MANDINGUE", et les officiers: "MORY". 
D'autres ont déclaré : La Société se nomme "SOCIÉTÉ MANDINGUE", ceux qui appartiennent à cette société : "MAROMÈTE" (serait-ce une déformation de Mahomet?)." (53)
Le nom "Maromète" attira certes l'attention du révérend Peters. Ce chercheur s'est néanmoins contenté de révéler objectivement les cérémonies syncrétiques observées. Mais l'ethnologue haïtien Gerson Alexis ne partagera pas l'impartialité de Peters. Il s'obstina d'abords à séparer les praticiens de Balan du reste des Haïtiens :
"Les mandingues se permettent (aujourd'hui surtout) d'être un groupe religieux à part et aussi d'être des catholiques, des vodouisants, des protestants même.
(...)
Il dit de son culte qu'il est le plus authentique, par opposition aux sectataires des cultes "Canari" et "Vodou". A son entendement, le mandingue est le pur culte africain.
(...)
Les mandingues se disent membres de la "Société du roi Mahomet"." (54)
Ce sentiment d'exclusivité et de supériorité cultuelles n'est pas propre à Balan. Il est un phénomène haïtien. Les résidants de Mare Rouge, dans le Nord-Ouest, s'identifiant d'avantage au culte traditionnel Congo, se démarquent autant du "Vodou", à savoir le culte "Rada" venant des Aradas du Dahomey (Bénin) :
"Daniel Louisius ajoute même que les résidants de Mare Rouge ne connaissent même pas le "Rada", c'est-à-dire le rite issu principalement des ethnies du Bénin (Dahomey) qui vénéraient les "Vodoun". En fait, ils considèrent le Rada tel un culte de sorciers mal intentionés. À Mare Rouge, ils vénéraient pourtant Linglessou..." (55)
Similairement, les traditionalistes du Nord et Nord-Est considèrent leur culte des "Jany" plus "pur" et honorable que celui des "Lwa" vénérés dans le reste du pays, jugés maléfiques. Et ce, en dépit du fait que les "Jany" et les "Lwa" sont synonymes.
D'ailleurs, ces Haïtiens de Balan que Gerson Alexis qualifia abusivement de "Mandingues", leur usage du mot "Maromète" correspondait d'avantage au prototype traditionnel qu'à la grille musulmane :

"Le Mandingue croit dans l’existence d’un Etre Suprême. Certains le confondent avec le « Grand Maître » adoré par les vodouisants, mais disent qu'il y a adoration et adoration (service et service), que leur façon de servir est la plus pure.
Il y en a qui confondent ce dieu avec le soleil, parce que toute simplement, l'adoration mandingue se fait à l'aube face au soleil levant. Enfin d’autres croient que ce dieu est Mahomet. Ils sont d’ailleurs membres de la société du « Roi Mahomet ». Ils disent "MA-RO-MET "". (56)
Il est bénéfique de savoir que ce "Maromète" n'est pas le signe d'un culte musulman à Balan. Car, les Musulmans nomment leur Dieu Créateur Allah, et non "Mahomet". Et les Mandingues islamisés d'"Afrique" ne désignent pas non plus leur prophète du nom français "Mahomet". Ils emploient cependant le nom arabe "Mahamadu" :
"Mahamadu n. pro.: Muhammad, Mahomet; Muhammad, Mohammed. Category: Islam. An kuntigi Mahamadu. Notre prophète Muhammad. Our prophet Muhammad". (57)
Finalement, loin d'un indicateur d'antécédence islamique en Haïti, "Mahomet", comme nom, remonte plutôt aux colons chrétiens de Saint Domingue.


6.2- Le nom Mahomet dans la colonie de Saint Domingue

Nous savons cependant que le nom Mahomet circulait amplement, et très tôt dans les publications de la colonie. Et ce, en premier lieu dans la rubrique "Nouvelles d'Europe" dans laquelle on s'informa régulièrement des activités politico-militaires en cours en Turquie. Et le nom de Mahomet y apparaissait : 
"NOUVELLES D'EUROPE. Turquie. (...) Le jour qu'on a promené le Drapeau de Mahomet dans les rues de Constantinople, on a massacré beaucoup de Chrétiens qui avaient osé le regarder..." (58)
En second lieu, très tôt, le nom Mahomet faisait l'affiche à Saint Domingue, comme titre de plusieurs pièces de théâtre. Cette pièce-ci "Mahomet I, ou le Fanatisme" de Voltaire, selon l'annonce, fut rejouée au Cap Français en 1778, après de nombreuses années :
 
"SPECTACLES.
Les Comédiens du Cap donneront samedi prochain 10 du courant, au bénéfice de Mde Teisseire, une représentation de Mahomet I, ou le Fanatisme, Tragédie en vers et en cinq Actes, de M. de Voltaire, qui n'a point été jouée ici depuis nombre d'années..." (59)
Aussi tardivement qu'en 1791, on jouait à Port-au-Prince une pièce théâtrale intitulée "Mahomet et la Fédération villageoise" :


"SPECTACLE DU PORT-AU-PRINCE.
Aujourd'hui Samedi, [au bénéfice du Sieur de l'Orme] Mahomet, et la Fédération villageoise ; Dimanche 9, la Caravanne, du Caire, et ses ballets..." (60)
Ainsi, via les articles d'information et les avis culturels, le nom Mahomet fut répandu dans la colonie, sans aucun lien avec des captifs (esclaves) islamisés. Les propriétaires, lecteurs de ces pamphlets, pouvaient facilement y puiser le nom Mahomet pour baptiser leurs nouveaux venus.


6.3- Mahomet comme nom de captifs (esclaves) à Saint Domingue

Les annonces de fugitifs (marrons) et les registres des prisons indiquaient que les colons attribuèrent le nom Mahomet à leurs captifs (esclaves) sans considération religieuse. Par exemple, en janvier 1777, la prison du Cap Français annonça un prisonnier du nom de Mahomet, de Nation Congo :


"Le 27, Mahomet, Congo, étampé illisiblement, se disant appartenir à M. Belly, au Port-François." (61)
Au mois de juillet 1785, on signala au Cap Français, le marronnage d'un captif (esclave) de souche Congo, appelé Mahomet :   

"Mahomet, Congo, taille de 4 pieds 8 pouces, âgé d'environ 19 ans, ayant les jambes bien faites, étampé CLERISSY FRERES: César, Congo, taille de 4 pieds 9 pouces, âgé de 20 ans, étampé FOLIN, appartenant à M. Mathieu, Charpentier au Borgne: un troisième, étampé DL, marron depuis huit mois, appartenant à la succession Dusanton, au Borgne. Ceux qui en auront connaissance sont priés d'en donner avis à M. Dupon, au Cap. Il y aura récompense." (62)
Et on rencontra maints autres captifs (esclaves) avec Mahomet pour nom :
  • En mai 1787, parmi 3 captifs (esclaves) Congo emprisonnés, l'un d'eux avait Mahomet pour nom. (63)
  • En juillet 1787, on annonça la fuite de 3 captifs (esclaves) étampés ROUDLOFF, dont l'un portant le nom de Mahomet. (64)
  • Capturé 2 ans plus tard, en mai 1789, ce Mahomet étampé ROUDLOFF se révéla être de souche Congo, selon l'annonce de la geole de Port-de-Paix. (65)
  • En mars 1788, les annonces de marronnage font état d'un captif (esclave) du nom de Mahomet, et dont l'ethnicité ne fut pas révélée. (66)
Dans ces annonces, la presque totalité des captifs (esclaves) nommés Mahomet fut des Congo, une ethnie pourtant très peu exposée à la religion musulmane. Cela s'explique par 2 facteurs :
Le statut majoritaire des Congo les font recevoir tous les noms fournis dans l'île, dont Mahomet.
L'appétit inégalé des Congo pour l'évasion causa leur surreprésentation dans les annonces.
Parallèlement, nous observons l'absence du nom Mahomet chez les captifs (esclaves) en provenance de lieux au contacts élevés avec l'islam. Cela confirme l'idée que le nom Mahomet fut apposé, dans la colonie, aux captifs (esclaves) au même titre que les noms français, et ceux tirés de la mythologie grecque, romaine, etc.


6.4- La récitation du Chahada et des prières catholiques et traditionalistes à Balan

Sans nécessairement en connaître la signification, les traditionalistes de Balan nomment explicitement le mot "mamadé" dans leurs prières ancestrales syncrétiques :
"Missoul ou rail soul ou rail manmadé la soul ou rail soul ou rail sa quibail". (67)
Ce "Mamadé" se rapproche d'avantage de "Mahamadu", la manière dont les Mandingues islamisés nomment leur prophète appelé Mahomet en Français. En plus de "mamadé", les traditionalistes de Balan retiennent la prière/chanson suivante :
 "Lia ilaha ila ba ilaho". (68)
Cette prière chantée par ce groupe désigné "Société Mandingue", dérive clairement du Chahada, l'acte de foi des musulmans qui va comme suit :
"lā ʾilāha ʾillā-llāhu muḥammadun rasūlu-llāh". (69)
Mais, comme nous l'avons évoqué dans un article précédent, que les gens de Balan chantaient au milieu des prières traditionalistes et catholiques, également des résidus de ce qui fut jadis le Chahada, l'acte de foi musulman, n'est pas suffisant pour les rendre musulmans :
"La prononciation de la Shahada n'est pas suffisante pour se dire croyant et musulman. Le respect des quatre autres piliers de l'Islam est une obligation canonique prescrite par le Coran et le Prophète Mohamed." (70)
Et s'ils auraient reconnu Mahomet et Allah, ce ne serait pas pour autant suffisant :
"L'unicité d'Allah dans Sa seigneurie était affirmée par les polythéistes, ils ne l'ont pas renié, mais cela ne leur a pas suffi pour rentrer dans l'islam." (71)
En plus de la récitation de la Chahada, en connaissance de cause, l'observance de ces 4 autres piliers de l'islam est requise pour être classé musulman :
  • Salat : les 5 prières par jour ;
  • Zakat : l'offrande ;
  • Saoum : le jeûne du Ramadan ;
  • Hajj : le pèlerinage à la Mecque.
Bien entendu, ces obligations islamiques n'ont aucun lien avec la vie quotidienne, ni la vie religieuse, des gens de Balan. Le contenu islamique qu'ils ont retenu fut mélangé aux divers passages catholiques et traditionalistes tels que :
  • La Vierge de miracle (Sainte catholique)
  • La Vierge imprudente (Sainte catholique)
  • Mari Ginin (Marie de Guinée, syncrétisme catholique-traditionnel)
  • La Rène Baltaza (Syncrétisme catholique-traditionnel)
  • La Rène Nanci (Divinité traditionnelle)
  • Pierre Dambara (Divinité traditionnelle)
  • Pierra Cala Oussou (Divinité traditionnelle)
  • Le Roi de Miminuit (Le Roi de Minuit, Divinité traditionnelle et sociétés secrètes)
  • Le Roi de Carrefou (Le Roi du Carrefour, Divinité traditionnelle)
  • Le Roi de Gazou (Le Roi du Royaume traditionnel de Gabou)
  • Le Bonzange Gadient (Bon Ange-Gardien, syncrétisme catholique-traditionnel)
  • Adiassou Cala ou (Divinité traditionnelle)
  • Adiassou Roche Adiasso (Divinité traditionnelle)
  • Misango (Divinité traditionnelle et sociétés secrètes)
  • Baltaza Bizango (Divinité traditionnelle et sociétés secrètes)
  • Musique Massoco (Élément agraire traditionnel, attribut de la Divinité Zaka Masòkò) (72) 
Contrairement au père Carl Peters qui n'a pas distingué la Chahada, Gerson Alexis l'afficha comme preuve tangible que les gens de Balan sont des musulmans. L'audacieux Gerson Alexis n'a pourtant pas hésité à dévoiler les gestes catholiques de ces mêmes officiants qui le contredisent :

"Le Mori, un cierge de cire grossier en main [pratique non musulmane] fait un long sermon sur la valeur de la foi mandingue qui doit être conservée toujours vivace dans l'intérêt des familles mandingues. Il commence son ordonnance par une récitation du "Notre Père" [pratique catholique] et du "Je vous Salue Marie" [pratique catholique] à laquelle l'assistance répond en chorus. Le Mori se signe [pratique catholique]..." (73)  
Pareillement, Gerson Alexis affirma que les pratiquants à Balan ne vénéraient pas les "Loa". Or, cette prière syncrétique de cette même société, recueillie par le père Peters, adressait explicitement aux "Loa" autant qu'aux non "Loa" :

"Misoulourail, soulourail, soulourai!, sa qui loa, [ceux qui sont des loa (Divinités)] sa qui pas loa, [ceux qui ne sont pas des loas] hola, holala.
Misoulourail adiassou cala ou, rène Baltaza, rène Nanci, Pierre Dambara, Adiassou ho, Adiassou Cala, Misango, Pierra Cala oussou' cala ou adiassou roche adiassou..."" (74)
D'ailleurs, le chef religieux des Mandingues haïtiens étant titré "Mori" va à l'encontre du discours révisionniste. Car si un habitat aurait référé à lui, il n'aurait pas été désigné "Bwa Kay Iman", mais plutôt "Bwa Kay Mori". Et si l'on applique la grammaire du Nord d'Haïti, en 1791, on aurait dit : "Case à Mori" ou "Kaya Mori", "La Case à Mori" ou "Lakaya Mori". Au pire aller, on aurait appelé la zone "Nan Mori" ou "Mori" tout simplement.

6.5- L'Être Suprême selon des pratiquants de souche Mandingue à Balan


Comme nous l'avons évoqué dans un article précédent, les pratiquants de Balan reconnaissent en Granmèt (le Grand Maître), le même Dieu Créateur que l'ensemble des Haïtiens traditionalistes. Ils l'ont indiqué à Gerson Alexis :
"Le Mandingue croit dans l'existence d'un Être Suprême. Certains le confondent avec le "Grand Maître" adoré par les vodouisants, mais disent qu'il y a adoration et adoration (service et service), que leur façon de servir est la plus pure." (75)
Mais Gerson Alexis n'accepta pas leur avis discordant à sa thèse islamique. Il mentira même en affirmant que les gens de Balan voyaient en Mahomet le nom de leur Dieu Créateur. Ce que le révérend Carl Peters n'a pas mentionné, ni aucun autre chercheur d'ailleurs :
"Il y en a qui confondent ce dieu avec le soleil, parce que, tout simplement, l'adoration mandingue se fait à l'aube face au soleil levant. Enfin d'autres croient que ce dieu est Mahomet.  [mensonge] Ils sont d'ailleurs membres de la société du ''Roi Mahomet". Ils disent MA-RO-MET
À la vérité il s'agit d'un culte islamique ou profondément dérivé de l'islam. Les mandingues ne connaissent pas les noms de leur dieu pour la simple raison que le rituel du culte est conduit dans un langage dont ils ne comprennent rien eux-mêmes." (76)
Un autre révisionniste, Jean Rénald Clérismé, n'osant comme Gerson Alexis attribuer à Mahomet le grade de Dieu, clame alors que les gens de Balan se réclament du Prophète Mahomet, ce qu'aucun chercheur avant lui n'avait prétendu :
"Les descendants des Mandingues se distinguent du reste de la population de Balan par leur façon d’enterrer et de vénérer leurs morts. Ils se réclament du Prophète Mahomet..." (77)
Paradoxalement, dans le même texte, l'auteur cita un enregistrement de 1969 dans lequel le grand officiant de Camp Louise (proche de Balan), le Mori Bwa Inan ne fit pas mention de Mahomet, et indiqua faire le travail du Grand Maître, du Père éternel et du Soleil ; paroles de traditionalistes haïtiens :
"Bwa Inan nous indique que ceux qui organisent le rite mandingue disent toujours qu’ils règlent les affaires du Grand Maître, les affaires du Père éternel, les affaires du Soleil, et que c’est au nom du Grand Maître, c’est au nom du Soleil qu’ils le font." (78)
Et le Mori Bwa Inan n'a pas présenté les Mandingues haïtiens comme membres d'une communauté à part et islamique comme l'on propagé les révisionnistes. Le Mori déclara que le mot Mandingue représente l'ensemble de la nation haïtienne. Les pratiques Mandingues sont donc celles d'une Nanchon (c'est-à-dire une des Nations sacrées) parmi plusieurs en provenance de l'Afrique Guinée (ainsi les traditionalistes haïtiens nomment le continent d'origine de leurs Ancêtres) formant la religion traditionnelle :
"Dans son récit le mori Bwa Inan nous indique que le terme mandingue peut avoir plus d’une acception. Il peut vouloir désigner toute la nation haïtienne, les enfants de l’Afrique Guinée, la « nanshon » (la nation), l’ethnie mandingue ou leurs descendants. Il peut aussi vouloir dire le rite funéraire mandingue." (79)
Dans ce sens, les Haïtiens de souche Mandingue à Camp Louise et à Balan ne diffèrent guère de ceux de Nan Soukri qui officient un culte Congo. Ils ne sont ni différents de ceux de Lakou Badjo qui opèrent un culte Nago (Yoruba), ni de ceux de Nan Souvnans qui font un culte Dahoméen (Béninois). Mêmement pour des centaines d'autres sanctuaires et familles au culte ethnique spécifique. Il n'en demeure que ces Haïtiens pratiquent la même religion traditionnelle, mais selon leurs propres manières et coutumes familiales.

6.6- Le culte solaire Mandingue à Balan 


La description de Gerson Alexis devient plus ou moins juste en ce qui à trait à l'orientation du culte à Balan vers le Soleil :

"Le culte est orienté vers l'adoration du roi de la création que symbolise le soleil et aussi vers l'adoration des ancêtres de la race. Dans leurs prières, les mandingues s'adressent à Allah, Moussa, Mahomet et à tous les nanchons mandingues (nations mandingues)." (80)
Rachel Beauvoir-Dominique quant à elle argumenta que le culte solaire observé par les Haïtiens de souche Mandingue à Balan s'inspire de la religion musulmane :
"De nature très religieuse et magique en Afrique comme Haïti, les membres de ce clan se distinguent par les particularités de leur inhumation et de leur culte (saluts au soleil) influencé par l'Islam." (81)
Cela est complètement délirant, étant donné que Michel Azinka, l'officiant "Mandingue" qu'elle cita, s'identifia spirituellement comme "Franc Ginen", ce qui revient à dire "purement traditionaliste" et de plus, ne fit aucune allusion à l'islam :
"Nous sommes des francs Ginen dont le centre était à Grand Kay, Bois Neuf. Mais nous, Mandingues, avons dans notre culte le Soleil. Nous pouvons y faire des demandes, par exemple, pour obtenir la justice." (82)
Étonnement, Rachel Beauvoir-Dominique, révisionniste islamique, ne vit pas qu'elle contredit la doctrine musulmane en proposant une alliance légitime entre l'islam et le "vodoun", chez les Haïtiens de souche Mandingue :
"Les Mandingues du Morne Rouge (Bois Caïman) allient, eux, leur culte islamisé au vodoun, surtout dans sa forme Makaya : Garde briz, Linglessou, Jean Dantor… Le culte est "chaud"." (83)
Mais le culte solaire observé à Balan est, à quelques variantes près, commun à travers Haïti où la religion traditionnelle est fusionnelle, multi-ethnique. Ce culte solaire n'a donc rien d'islamique, pour ces raisons :
1) Les musulmans s'orientent pour prier vers la Mecque, et non vers le soleil, comme le font les résidants de Balan.
2) Les services de l'islam sont espacés afin d'éviter le contact avec le soleil. Qu'il s'agit des 5 prières obligatoires du jour, ou du jeûne du mois de ramadan dans lequel on s'abstient de consommer de la nourriture, et de boire lorsque le soleil est actif dans le ciel.
3) Le Mori, ou officiant haïtien à Balan fait ses prières essentielles à l'aube puis interprète les messages des Ancêtres décédés, ce qui est contraire à l'islam :

"Selon les gens, le Mori est le dépositaire des secrets du culte. Lui seul connaît, et en comprend les «mystères». Il est en rapport direct avec le «grand esprit» qui lui communique sa science en songe, «Lui seul sait parler avec le Soleil ».
Lui seul comprend les messages des morts, des ancêtres. Il revient à lui de les interpréter à l'intention des intéressés...
(...)
La cérémonie mandingue se fait ordinairement en deux temps. Une adoration nocturne et une autre au matin à l'heure du Soleil Levant. C'est à ce moment là (à l'aube) qu'ont lieu les sacrifices et la communion rituelle.
(...)
L'ordonnance du soir, comme celle du matin est une succession de recommandations, de prières, de chants, de rondes dansantes avec ou sans accompagnement d'orchestre (jeu de 2 tambours coniques) du type «vodou» et de castagnettes agitées par les membres de l'assistance)." (84)
4) Les opérations les plus intenses à Balan s'effectuent lorsque le Soleil est à son zénith. Soulevons à cet effet l'habileté de certains aînés de souche Mandingue de magiquement "retourner" mourir en Guinée ancestrale par l'intermédiaire du soleil. Le révisionniste Gerson Alexis, ayant pris connaissance de cette pratique magique en 1966, la raccorda à un complexe de supériorité Mandingue et à l'islam :
"… il en est résulté une sorte de complexe de supériorité à l'avantage des mandingues, complexe maintenu de génération en génération par la persistance de légendes parfois ahurissantes sur les pouvoirs "magiques" des anciens mandingues. Une de ces légendes dit qu'autrefois les sages mandingues (ceux qui avaient pratiqué le culte comme il se doit), ne mourraient pas comme le commun des mortels. Sentant sa fin venir, le mandingue "n'avait qu'à s'adresser au soleil" à une heure propice et on le voyait partir en s'élevant dans les nues. On sait ce que de telles légendes ont fait pour le prestige de l'esclave marron, Mackandal qui fut lui-même, mandingue musulman." (85)
Soit que Gerson Alexis fut mal informé. Soit qu'il a voulu donner à cette pratique une ressemblance islamique, en inventant le mourant "s'élevant dans les nues". Vers 1999, Exalus Barthelemy, le Mori de l'Accul du Nord, traita différemment de ce phénomène Mandingue. Il est nulle question de s'élever vers les nuages, ni de supériorité raciale. D'ailleurs, le Mori rattacha le phénomène à l'idéal spirituel traditionaliste : le retour en Guinée, c'est-à-dire le retour en '"Afrique" ancestrale :
"Eux, les anciens, ils ne mourraient pas en Haïti. Vieux, ils rassemblaient toutes leurs possessions dans une ceinture et se préparaient. L'heure arrivée, la terre s'ouvrait et ils retournaient en Guinée." (86)
À ce propos, ma famille détient un témoignage oculaire similaire. Il vient de Lucita Durosier, notre vieille voisine à Petite Anse, bourg à l'entrée du Cap Haïtien. Madame Durosier, que nous appelions affectueusement Gran Manman, a assisté à une telle pratique mortuaire dans son enfance, aux environs du Quartier Morin.
Vers 1900, au pied de la mort, un vieux (dont l'ethnicité ne fut pas précisée) rassembla sa famille autour de lui, dont notre témoin. Dans sa cour, à midi (donc le Soleil étant à son zénith) il fit des opérations magiques, puis retourna en "Afrique" en s'enfonçant dans un tamis (layo/laye) placé au sol.
Notre voisine bien-aimée, fut-elle de souche Mandingue? Probable. Mais cela ne fut jamais adressé, ni d'importance. Certainement, elle ne fut pas musulmane. Elle ne venait pas de Balan, ni de sa région limitrophe. Extrêmement attentionnée, généreuse et altruiste, notre Gran Manman ne correspondait pas au cliché du Mandingue haïtien autarcique et complexé que les révisionnistes sortent à tout bout de champ.
Malheureusement, Gerson Alexis a fait des disciples. En 2003, les révisionnistes Ulrick Fleischmann et Alex-Louise Tessoneau ont étiré son insinuation islamique à l'extrême. Dans l'optique de peindre les Mandingues haïtiens en musulmans, Fleischmann et Tessoneau ont relié l'éloignement magique des aînés haïtiens à l'éloignement physique de certains mourants de l'ethnie Peul en "Afrique" :

"Quand un vieux mandingue sentit que la mort était proche, il s'assit à l'aube sous une calebasse et quand le soleil atteignit son zénith, il disparut: il était parti pour l'Afrique, la terre de ses ancêtres. Une fois, l'un d'eux a eu un enfant avec une créole et avant de lui enseigner la foi islamique, l'enfant est mort. Depuis ce temps, les Mandingues n'ont pas été autorisés à retourner sur la terre de leurs ancêtres avant d'être pressés selon les rites qui ont été révélés ('révélés') par les ancêtres. Nous avons été très surpris de découvrir un mythe de fondation similaire rapporté par Tauxier pour les Peuls: un chef islamique, lorsqu'il sentit qu'il était sur le point de mourir, quitta sa femme Peul et ses enfants de ce mariage. Cette histoire explique pourquoi les Peuls islamiques vivent dans des communautés différentes.
Certes, ces similitudes ne sont pas très concluantes, mais nous devons noter que dans un monde fermé comme celui des Mandingues / Peuls, toute tentative de le perturber ou de le nier est sanctionnée par la mort du coupable; il s'inscrit dans un fondamentalisme radical qui, dans un souci de conservation de groupe, doit renforcer les rites de culte, surtout ceux liés aux rites de passage." (Trad.) (87)
Fleischmann et Tessoneau ont cité Louis Tauxier, qui pourtant relata le départ physique de vieillards Peul d'une région à une autre où ils moururent :
"Vadier dit : " Vers 1780, sous le règne du chef peul fittobé Hamat Diam, habitant Bahn, un Peuhl nommé Pabé quitta seul la région de Bahn pour faire paître son troupeau dans la région de Téma (cercle de Ouagadougou). Là, il se maria avec la fille du chef de cette province qui était de race mossi (cette femme se nommait Siboudou) (…) Sa femme mossi lui donna cinq fils et une fille. (…)
Pabé laissant ses enfants à Kalsaka vint mourir à Bane." (88)
Donc, vers 1780, au Burkina Faso, Pabé, le Peul, a parcouru 250 kilomètres (155 miles) pour attendre sa mort à Bané (commune de la Province de Boulgou). Il a laissé à Kalsaka (commune de la Province de Yatenga) ses enfants "mixtes" (Silmi-Mossi ou Peul-Mossi). Aucune mention n'est faite du soleil, ni de procédés magiques, ni de religion islamique, dans cette citation. L'éloignement mortuaire chez ce Peul était physique et culturel. 
Il va sans dire que le supposé enseignement de "la foi islamique" délivré ou non par une mère Mandingue haïtienne, autant que la prétendue mise à mort des contrevenants à la "conservation de groupe" chez les Peuls d'"Afrique", ne sont qu'un ramassis de mensonges de la part de Fleischmann et Tessoneau.
5) Le culte solaire à Balan et les sacrifices d'animaux que l'on y fait, marquent l'ère de Faro, la Divinité de l'Eau et de la Pluie en Haïti, comme chez les peuples Mandingues d'"Afrique" :
"Le début de l'ère de Fâro.
A la fin du retrait des eaux du déluge, dont le début a été marqué par le lever simultané de sigi doolo (Sirius) et du soleil, Fâro sema à la volée — tout comme après sa descente du ciel — les signes des êtres animés (homme, animaux, plantes). Ces signes, en buvant l'eau du sol et en mangeant la terre noire de la mare de Fâro, donnèrent naissance à la vie actuelle.
Ainsi naquit le "soleil", l'ère de Fâro. Celle-ci forma alors au plus profond d'elle-même le voeu de "sanctifier" (saraka), de rendre prospère son règne et se demanda ce qui ferait le plus plaisir au créateur. En réponse à ce voeu, Dieu ressuscita sur le champ et fit sortir des eaux de la mare de Fâro dyigi makan dyigi, le bélier qu'il avait été amené à créer et à sacrifier au ciel pour sauver le monde d'un effondrement certain. Et Fâro fit sacrifier ce bélier après qu'il eut couvert les neufs brebis primordiales.
C'est depuis lors, dit-on, que tout sacrifice vrai suppose la résurrection de la victime." (89)
Ainsi, l'aube ou le lever du Soleil symbolise tout simplement le début de l'ère de Faro, dans le culte issu des peuples Mandingues. Ère survenue à la suite d'un déluge causant la quatrième destruction du monde par Man Ngala, le Dieu Créateur. Ce Bélier primordial fut sacrifié à l'aide de l'éclair qui trancha comme un silex, d'où les pierres-tonnerre sur les autels des traditionalistes haïtiens : une tradition Mandingue, et non amérindienne ou Taïno.++++


7- Le culte funéraire des Mandingues haïtiens

Dès le début des années 1960, l'Haïtien Jean Rénald Clérismé s'interrogea sur le rite funéraire Mandingue. Suite à son investigation à Balan et ses régions limitrophes en 1996 et 1998, le révisionniste Clérismé déclara islamique le culte funéraire des Haïtiens de souche Mandingue :
"Le rite funéraire demeure le plus éloquent vestige de la culture musulmane en Haïti. Il est destiné à réaffirmer les valeurs et à assurer la relance de l'organisation sociale mandingue. (...) Bwa Inan nous décrit dans les moindres détails le déroulement du rite funéraire mandingue à partir duquel il nous permet de mesurer le poids de l’héritage culturel que les captifs islamisés nous ont légué. De telle sorte qu’il nous faille ajouter le mandingue à côté du vodou dans notre patrimoine culturel religieux." (90)
Qu'en est-il réellement? L'analyse sommaire de divers éléments des funérailles Mandingues s'imposent.

7.1- L'offrande des poules blanches par les Mandingues haïtiens

Des poules blanches sont sacrifiées lors des funérailles Mandingues à Balan. Le révisionniste Jean Rénald Clérismé à même eu l'audace de prétendre que le sacrifice des volailles blanches fut en l'honneur de Mahomet ; une abhération :
"Le sacrifice rituel du coq blanc en l’honneur du prophète Mahomet est mis en exergue à côté du sacrifice des poules et du cabri dont la viande va être préparée, distribuée en partie à l’assistance et déposée en partie dans un endroit déterminé pour l’âme du défunt." (91)
Peu après, l'officiant évoquera "Simba ou" ou "Simbaou", en adressant des paroles sacrées au Soleil levant :
"Les Mandingues ont des services qu'ils organisent ou à l'occasion d'une mortalité ou pour obtenir justice d'une fausse accusation. Dans le premier cas, le service se fera en deux temps : sept jours après la mort d'un affilié et six mois après ses funérailles. (...) Le pilage fini, un véritable bal s'ensuivra qui se prolongera jusqu'au jour. AU LEVER DU SOLEIL, les poules blanches seront sacrifiées, le célébrant, s'adressant au soleil, dira: "Si'm ba ou, si'm ba ou..."." (92)
Ce "Simba ou" ou "Simbaou" est une légère déformation de Simboumba Tagnagati, un Ancêtre Mandé primordial qui, après avoir reçu les premières paroles de Faro, parla toute la nuit pour se taire au lever du Soleil :
"Le troisième ancêtre, Simboumba Tagnagati, reçut de Faro trente premières paroles et huit graines de céréales dans la mare dans laquelle il pénétra après la chute de la première pluie sur la Terre. En sortant de l’eau, il dit : “Nko / Je parle.” Il construisit un sanctuaire dans lequel il mit les graines. À la porte de ce sanctuaire, Simboumba Tagnagati révéla à ses frères les trente paroles de Faro ; il parla toute la nuit et cessa de parler lorsqu’il vit se lever ensemble à l’horizon Sirius et le soleil." (93)
La poule blanche, symbole des Mandingues (et Bambara) haïtiens, trouve sa source dans le récit de la Création Mandingue. Car suite à la seconde destruction du monde par le Créateur, les volailles ont offert leur soumission à la Divinité primordiale Faro. Facilitant ainsi le repeuplement de la terre :
"Mais Dieu accomplit par la suite un second sacrifice, redoutable celui-là, un sacrifice de destruction, pour mettre fin aux agissement du Musokoroni. Rêvant de mettre la main sur l’univers, celle-ci envoya vers Dieu la gent ailée, dans l’espoir d’obtenir la connaissance et le secret de l’éternelle jeunesse. Ces oiseaux, ces insectes et ces papillons étaient d’une taille gigantesque. Furieux, Dieu se porta au cinquième étage du ciel et il foudroya les envoyés de Musokoroni. La foudre détruisit la plupart des espèces; celles qui subsistent ne survivent plus que sous une forme réduite ou ratatinée. Le calao, dont les ailes, les pattes et la colonne vertébrale furent brisées, fit sa soumission. Il rassembla les « signes du monde » dans son gros bec. Le vautour, resté fidèle à Faro, comme la tourterelle, ramena les oiseaux survivants, diminués, dans l’obédience de Dieu." (94)
Conséquemment, la volaille au plumage blanc, reliée à Faro, distingue l'élu du simple mortel :
"Ntouba nin gwè dondo, de ntouban, « pigeon », nin, « petit », gwè, « blanc », et dondo, « coq, mâle » : « Petite colombe ou tourterelle mâle blanche », est, dans la mythologie malinké, une tourterelle mâle blanche au service de Fâro, déesse de l’eau. Elle ne se manifesterait qu'aux élus de Dieu et de cette déesse, notamment au seuil de la mort." (95)
Faro, Divinité, Jany, Lwa de l'eau et de la pluie, est encore honorée en Haïti, où on lui offre des poules blanches bien épicées. Et Faro, Faro Pyè, Faro Dantò, etc., apprécient leurs plats bien arrosés d'alcool fort. Signe de la non islamité de leur culte Bambara/Mandingue. On penserait que les chercheurs en seraient convaincus. Mais non.



7.2- Les mets de riz pilé chez les Mandingues

Au coeur des funérailles Mandingues haïtiens se trouve la préparation d'une pâte de riz pilé appelée "moni" ou "dèguè", selon sa consistance. Ce mets sucré offert aux défunts et aux assistants dignes, revêt d'un caractère sacré :
"Le mori est le « sacrificateur », l’officiant qui conduit le rituel funéraire mandingue. À un moment de la cérémonie, il revêt une aube blanche et allume une chandelle blanche. Il est le seul autorisé à consommer et à distribuer le monni à ceux qu’il estime dignes de le consommer. D’où son caractère sacré. C’est lui qui compose le dèguè blanc et rouge. C’est à lui que revient l’honneur de le présenter en premier au Soleil levant. C’est lui qui mélange le dèguè blanc au rouge et en fait la distribution avant d’en envoyer le reste au dépôt pour les morts.
Le dèguè est composé de farine de riz, d’eau froide et de sel. Une quantité de riz blanc est passée au pilon dans une salle attenante pendant que le mori conduit la cérémonie. Le monni est une sorte de mousse faite à partir de la tête de riz pilé réduit en pâte." (96)
Le prêtre catholique Carl Peters résume bien les funérailles haïtiano-mandingues, en mettant l'emphase sur le rôle central d'une nourriture spécifique, le riz pilé :
"La veillée funèbre sortira de l'ordinaire: Après la mort du défunt, ils se procurent des poules blanches, du riz blanc qui sera «pilé» par quatre personnes et de la farine de manioc. Le pilage du riz sera accompagné de chants et de danse.
(...)
Après chants et prières, on prépare un "manger" composé de toutes sortes de mets, (manger dit «manger gaudioye». A ce repas prendront part tous les héritiers du défunt. Le repas fini, on continuera à danser jusqu'au lever du corps vers quatre heures de l'après-midi." (97)
Les Mandingues islamisés de la Guinée Bissau ayant immigrés au Portugal procède à une cérémonie funéraire similaire qu'ils nomment munkoo. Munkoo étant également la désignation du mets de farine de riz sucrée. Les musulmans orthodoxes du Portugal désignent ces Mandingues "pretos" (Noirs) au lieu de musulmans. Ils considèrent non islamiques leurs pratiques funéraires et leurs "baptêmes" d'enfants.
Au cours des ces cérémonies, les immigrants Mandingues sacrifient des poules blanches (pratique non islamique), et  la préparation du plat de farine de riz y est centrale. (98)

 

D'où vient cette tradition?

Ce plat de farine de riz remonte au Royaume Mandingue de Gabou . Durant la fête traditionnelle des premières moissons, la pâte de riz sucrée fut préparée par les femmes, puis distribuée aux enfants :

"Au moment des récoltes, on organise de grandes cérémonies; on coupe le premier mil, la première gerbe de riz, les femmes en font du gâteau, de la bouillie. La célébration a lieu sous les grands arbres — dialan —, les prêtres officient. On distribue la cola, précieuse aux vieillards, la pâte de riz et la bouillie aux enfants. Tiramaghan lui-même sacrifie le taureau, le sang est répandu sur les autels de pierre; la foule exulte et danse. On boit la bière de mil. On boit aussi du vin de palme. C'est le vin local. Les têtes s'échauffent, le tam-tam gronde, l'envie de se battre gonfle les coeurs; les clans se provoquent, mais Tiramaghan paraît, ou bien on prononce son nom; aussitôt tout rentre dans l'ordre." (99)
À quelques éléments près, ce sacrifice opéré par le Roi de Gabou (honoré à Balan en Roi Gazou) rappelle une cérémonie traditionnelle haïtienne typique ; qu'elle soit à Balan ou ailleurs dans le pays. Il rappelle autant le sacrifice du taureau par une figure puissante au Morne Rouge, le 14 août 1791.

7.3- La divination funéraire Mandingue
 

Gerson Alexis rapporta la portion divinatoire des funérailles Mandingues. Les assistants sont possédés à tour de rôle par des Divinités traditionnelles, appelées Jany (Zanges) dans le Nord haïtien. Puis arriva l'Esprit du défunt, le "Jany Mò" ("Zange mort") que l'officiant (Mori) interrogera en langage" "africain", afin d'obtenir les circonstances de sa mort et d'autres réponses pertinentes :
"Après la Ronde du Mort, il y a la danse des "héritiers". (…) Les héritiers dansent sous ce dais au son d'une musique tantôt langoureuse, tantôt gaie. J'ai noté la-dessus, une prédominance des rythmes yanvalou, congo et Djuba (nous reviendrons sur ce point). Les crises de possession se manifestent une à une, mais le Mori regarde le spectacle avec des yeux indifférents  jusqu'à ce que se présente le "zange mort". (…) Le Mori couvre la tête du "zange mort" et la sienne aussi avec un drap blanc et l'on peut suivre un dialogue engagé entre eux dans une langue inconnue. Après quoi le Mori "renvoie" le "Zange mort". L'ordonnance nocturne est terminée. La fête populaire reprend sous la tonnelle où l'on danse jusqu'à l'aube." (100)
Face à l'évidence que les Mandingues à Balan perpétuaient un culte traditionnel teinté de résidus d'islamisme, le révisionniste Gerson Alexis opta pour la déformation. Ne pouvant nier la prédominance des danses traditionnelles Yanvalou, Congo et Djouba, Alexis prétendit que ces éléments sont influencés par la tradition Mandingue plus "civilisée", plus "organisée", et plus "musulmane" :
"Des termes comme N'gan, Mambo sont Malinké, un nom de dieu comme Damb-Allah est une formation mandingue. Bien mieux, les rythmes de base de la musique vodou semblent dériver du mandingue, contrairement à tout ce que l'on pourrait avoir pensé jusque là.
Il n'est besoin que d'entendre la musique mandingue pour reconnaître les rythmes dits: Yanvalou, congo, mahis, djuba ou martinique. Il faut être toujours prêt, selon nous, à renverser des thèses, dans l'intérêt de la vérité. Le phénomène des emprunts culturels a lieu à partir du frottement de peuples qui donnent et d'autres qui reçoivent. Les mandingues mieux organisés, avaient davantage à offrir à ce melting pot que représentait la masse des noirs d'origines diverses à St. Domingue." (101)
Face au même problème, le révisionniste Clérismé pour sa part, feint l'ignorance et le manque d'information :
"Il explique comment à l’aube du mardi un membre de l’assistance vêtu de blanc est possédé de l’esprit du défunt et transmet un message à certains membres de la famille. Y a-t-il là une influence du rite krazé kanari du vodou ou s’agit-il d’une pratique propre au rite funéraire mandingue ? Je ne saurais le dire à ce stade de mes recherches." (102)
Le manque d'intégrité démontré par ces 2 intellectuels haïtiens est à la fois révoltant et typique.

7.4- Non contact du cercueil ou de la natte avec le sol
 
Plus intègres sur ce point que les intellectuels haïtiens, les révisionnistes Ulrick Fleischmann et Alex-Louise Tessoneau concèdent que les sacrifices funéraires, les plats préparés et la divination sont du ressort de la religion traditionnelle. Toutefois, ils argumentent que l'a mise en tombeau chez les Mandingues haïtiens relève d'amblé de l'islam :
"Les animaux sacrificiels sont pour la plupart des oiseaux blancs immolés au lever du soleil; après cette cérémonie du riz blanc sera offert dans une assiette blanche.
Ces rites ainsi que d'autres éléments plus généraux d'une vision magique du monde - divination, interprétation des rêves, rites pour obtenir justice après de fausses accusations - font partie de la culture créole haïtienne. Le lien le plus évident avec l'Islam est les rites funéraires. Le cadavre est roulé dans un tapis et enterré de manière à ne pas avoir de contact direct avec la terre; le tombeau est choisi par rapport à une calebasse (détail qui renvoie évidemment au mythe fondateur)." (Trad.) (103)
En effet, les cadavres ne touchent pas le sol dans les enterrements Mandingues à Balan. Carl Peters observa des feuilles d'arbres placées entre le sol et le cercueil (ou la natte) :
"Les funérailles Mandingues se font selon un rite spécial. Les membres de la société ne portent pas le noir comme signe de deuil mais de préférence le blanc; le cercueil ne doit pas être verni mais de bois brut quand on n'enterre pas dans une natte tout simplement.
La fosse est creusée de telle façon qu'on puisse la tapisser d'abord' d'une couche de branches de campêche recouverte elle même d'un épais tapis de feuilles de goyavier. Le cercueil reposera donc sur cette couche de feuilles de goyave. Ces précautions sont prises pour empêcher que la terre ne touche au cercueil, ce qui occasionnerait les pires calamités à la famille, peut-être même d'autres décès à brève échéance." (104)
Mais cette pratique funéraire Mandingue est antérieure à l'islam. Jadis, dans le Mandé traditionaliste, les cadavres n'étaient pas enterrés, mais suspendus à un arbre, pour éviter qu'ils touchent au sol :
"Les rites ont évolué. Autrefois, les corps étaient suspendus aux arbres jusqu'à ce qu'ils pourrissent, tandis que les os étaient conservés. Actuellement on enterre le cadavre. Seule une bande de coton symbolisant la langue du mort, c'est-à-dire sa parole est accrochée, à la branche d'un arbre." (105)
L'extrait ici est tiré d'une étude sur les Bambara, peuple Mandingue resté le plus longuement fidèle à la religion traditionnelle. Paradoxalement, l'islam, à l'extrême opposé du culte funéraire Mandingue, exige que les dépouilles soient posées au sol à plusieurs reprises :
"Il est également recommandé qu'avant d'enterrer le cadavre, il soit placé à quelques mètres de la tombe et déplacé vers la tombe en s'arrêtant lentement trois fois. Il doit être placé sur le sol à chaque fois et abaissé dans la tombe à la 4ème fois. Et dans le cas où le cadavre est celui d'un homme, il doit être placé sur le sol à la troisième fois... (...)
Et dans le cas où le cadavre est celui d'une femme, il doit être placé au sol au 3ème temps vers la Qibla (...) et après que le cadavre a été descendu dans la tombe, les liens de son linceul doivent être détachés et sa joue doit être posée sur la terre et un oreiller de terre doit être placé sous sa tête..." (Trad.) (106)
Franchement, que savent les révisionnistes des funérailles islamiques? Absolument rien.

7.5 - Le Moni dans la culture haïtienne

Si son nom "moni" est Mandingue, ce mets à base de farine n'est pourtant pas l'exclusivité des Haïtiens de souche Mandingue. Car "moni" est aussi appelé, entre autres, "boyri" par d'autres peuples d'"Afrique" de l'Ouest qui le fabriquent avec de la farine de riz, de mil, de maïs, etc.

(Boyri ou Moni, en "Afrique" de l'Ouest )
Source : Barry recipes. "Corn porridge, boyri/moni, African recipe" [en ligne] ; lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=-9PyFhSL8gE

Partout en Haïti, (et dans plusieurs autres îles des Antilles) on connaît une variante du "boyri". On désigne cette pâte bouillie, de taille parfois imposante, "bòy", "donbòy", donbrèy, etc.


(Bòy, donbòy ou donbrèy en Haïti)
Source :  "Haitian dumplings (donbrey or boy)" [en ligne] ; Lien permanent : http://haitiancooking.com/bouy/

Outre l'aspect religieux, le sucré du "boyri" Ouest-"africain" a aussi disparu du "bòy", "donbòy" ou "donbrèy" haïtien. Et quoiqu'ils connaissent le "moni" dans leurs cérémonies, les Haïtiens de souche Mandingue de Balan et ses environs savourent également le "boyri" modifié, communément appelé "donbòy" ou "bòy" dans le Nord d'Haïti.

7.6- Le dèguè et l'alliance des Mandingues traditionalistes

Aujourd'hui, dans les territoires d'"Afrique" touchés par les peuples Mandé, le dèguè est un mets commun fait de farine de mil, de riz, de blé ou de couscous, mélangée à du lait.



(Dèguè en "Afrique" de l'Ouest)
Source : © Okedjenou. "Comment préparer un délicieux dèguè en moins d'une demi-heure?" ; [en ligne] ; Lien permanent : http://www.okedjenou.com/comment-preparer-un-delicieux-degue-en-moins-dun-une-demi-heure/

Mais le nom "dèguè", "déguè" ou "dégué" cache une fonction essentielle : celle de sceller les alliances entre Mandingues traditionalistes :


"Dégué : Sorte de couscous au lait; conseil, alliance. Déguémi : s'allier." (107)
"Boire le dèguè" est un cérémoniel traditionnel marquant l'alliance politique et guerrière. L'exemple de Samory Touré demandant à un chef rival de boire le dégué en son honneur, pour s'allier contre les colons français nous vient en tête :
"La cérémonie du dèguè est un plan important de la culture malinké en période de guerre. La cérémonie du dèguè est quant à elle un rite — purement et exclusivement malinké — pratiqué dans le but de sceller les liens des vassaux aux suzerains. Il implique un serment d'allégeance des premiers aux seconds, c'est-à-dire des vaincus aux vainqueurs. C'est à juste titre que Samory Touré avait invité Djigui Kéïta à la consommation du dèguè afin que le dernier lui fasse allégeance et lui soit soumis pour unifier le front de guerre contre les colonnes de Faidherbe et bâtir un puissant empire mandingue ; ce à quoi Djigui se refusa. D'où la dislocation des résistances à la base qui a entraîné la conquête du Manding." (108)
La fonction communielle est aussi associée à l'action de boire le dèguè à Balan. Communion précédée par le "Dio" (Djò), la prière traditionnelle par excellence qui est attestée à travers Haïti. Car, il faut se le dire, les Mandé (Bambara/Mandingues, etc.) ne vivaient pas uniquement à Balan, ou dans le Nord :
"On chante le "Dio" qui est un serment mandingue par lequel celui-ci prend l'ancêtre de la race à témoin.
Il y a la communion rituelle par le "dêguê" qui est distribué à tout un chacun de l'assistance, mais qui est consommé par les seules personnes qui se savent en état de le manger."
(109)
Dans ce contexte, les Mandingues de Saint Domingue n'ont pas orchestré le sacrifice du porc noir non loin du Morne Rouge, le dimanche 21 août 1791. Autrement, leur pacte aurait été scellé par la distribution du dèguè, et non par un doigté du sang de l'animal offert. Par contre, encore une fois, le sacrifice du taureau noir au Morne Rouge, le 14 août 1791, concorde aux pratiques des Mandingues traditionalistes. Le sacrifice - par une jeune officiante - du porc noir au 21 août 1791, convient d'avantage au culte des confréries Lemba du Congo, dit Lenmba ou Kongo-Lenmba dans le Nord d'Haïti. Dans ce culte Lemba, une goutte d'un liquide consacré (eau bénite au Congo ; sang sacrificiel au Bois Caïman) scelle des événements de marque.
 

8- Les Mandingues et la cérémonie du Bois Caïman

8.1- Les Mandingues haïtiens et l'action de "clôturer" la cérémonie du Bois Caïman
 

Les Haïtiens Mandingues de Balan ont refusé l'hypothèse islamique voulant qu'ils ont entamé la cérémonie du Bois Caïman. Devant les insinuations des questionneurs, certains estiment au contraire qu'ils ont clos ou "clôturé" cette cérémonie. Cette action à Bois Caïman, les semblait plus en accord avec leur tradition. 
Il va sans dire que Rachel Beauvoir-Dominique réinterpréta leurs propos à sa manière, y introduisant son concept élastique et abusif des "21 nations" :
"Ils affirment avoir participé au 14 août 1791, grâce, entre autres, à leur capacité de se rendre invisibles, surtout au combat - "la société mandingue est une force de sécurité".
Au Bois Caïman, il nous fut signalé que les Mandingues encore aujourd'hui implantés en ce lieu [Faux : les habitants du Morne Rouge affirment pratiquer un culte Congo, non Mandingue] avaient joué le rôle de "clôturer" : le sens de ce terme est fondamental pour le groupe, puisque, les Bambara/Mandingue étant de nature clanique, c'est l'enclos qui renferme la famille étendue, qui définit l'unité fondamentale : "La famille bambara réside dans des cases qu'une clôture joint les unes aux autres… Cette clôture porte, dans certaines dialectes, le nom de Gwa… Gwa, pris dans son sens de 'cloture' sert à désigner toutes sortes d'agglomérations ainsi entourées… Il n'y a pas de terme propre pour désigner expressément et exclusivement une collectivité pareille à celle que notre droit définit famille. En fait gwa est usité à cette fin". Les Mandingues, en clôturant le Bois Caïman, scellait l'unité des vingt-et-une nations." (110)
En effet, dans leur continent d'origine, les Mandingues scellaient leurs maisons groupées par des enclos ou clôtures :
"Toutes les cases d'une même famille sont entourées d'une tapade en crinling (enclos en écorce de bambou). Au moment de la récolte, les gerbes de mil et de maïs sont étendues sur les toitures des cases.
Les cases des chefs sont entourées d'une forte palissade de tronc d'arbres." (111)
Toutefois, "gwa" ne réfère pas précisément à la clôture en tant que telle, mais à la "cuisine", aux "foyers" ou aux "demeures familiales" Mandingues :
"Goua : Avant-case, vérandah, abri, hangar, cuisine." (112)
"Gwa" est aussi associé à la chefferie chez les peuples Mandé :
"Avant les semailles, le plus âgé des chefs de famille d'un quartier, le gwa tigi, rappelle ce fait.
(...)
Chaque famille indivise vit sous l'autorité de son patriarche, lu tigi (de lu, maison, tigi, chef ou propriétaire) ou gwa tigi (de gwa, cuisine)." (113)
À Balan, le mot "Gwa" (Goua) est maintes fois répété dans la prière Mandingue recueillie par Carl Peters. Montrant qu'il est tout au moins un concept religieux et communautaire d'importance :
"...goua pouce, goua tendé, goua chanté, goua poussière, etc." (114)
Mais l'héritage Mandingue n'étant pas confiné à Balan et ses environs, comme le clament les révisionnistes, "Gwa" est également inscrit dans le rituel traditionnel haïtien at large comme nom de Divinités (Lwa/Jany) Legba Atigbon Gway Legba et Gwa Zizwe Lakaya.

8.2- Les Mandingues et le sacrifice du taureau au Morne Rouge

La répétition de "Goua" à Balan n'implique pas que le rituel Mandingue scella la cérémonie du Bois Caïman. Mais, cette possibilité se révèle de plus en plus probable, en ce qui à trait au sacrifice - par un officiant mâle - du Taureau noir au Morne Rouge, le 14 août 1791. Car le Roi Mandingue Soundjata a clôturé son pèlerinage sacré à Kita par le sacrifice de taureaux et de béliers :
"Son pèlerinage se transforma alors en plébiscite ; et pour le clôturer, Soundjata aurait fait procéder à d'importants sacrifices de boeufs et de béliers après avoir réactualisé le pacte d'alliance qui liait — et qui lie toujours — les Massalens aux Cissé, Tounkara et Kamara de Kita." (115)
Les Mandingues traditionalistes avaient donc l'habitude de sacrifier des taureaux pour les grandes occasions. Leurs Rois (Mansa) furent responsables de la pluie (à la manière de Faro). La sécheresse prolongée menant à leurs destitutions, sinon à leurs morts, naturellement, ils présidèrent aux sacrifices des moissons :
"La fonction de mansa connaît beaucoup de contraintes. Dès que tombent les premières pluies, le mansa-ba s'enferme dans son palais pour n'en sortir qu'à l'occasion des moissons ; sa sortie est une fête. Le souverain préside la fête des moissons; superbement vêtu, il monte à cheval, fait le tour de la ville au galop, suivit par tous les nianthio vivant dans Kansala.
Devant l'autel, le grand-prêtre sacrifie le taureau pendant que résonnent les tambours royaux, le mansa-ba ayant pris place sur le tapis royal de peau de lion entouré de ses neveux et de jeunes nianthio de la capitale." (116)
Le rapport entre les grandes cérémonies et la pluie demeure à Balan et ses environs. L'officiant Mandingue à Camp-Louise le mentionne :
"Il dit qu’au moment des grandes sécheresses, dès que les membres cotisent pour faire un grand mandingue général, il se met à pleuvoir. Il raconte aussi que la cérémonie mandingue protège contre les tempêtes et les mauvais temps." (117)
Évidemment, les Mandingues traditionalistes d'"Afrique" sacrifiaient aussi des animaux pour la réussite d'un projet courant. L'explorateur Mungo Park en fut témoin :
"Le lendemain, la caravane partit de Kussaï, et, dès l'entrée de la première forêt que l'on rencontra, Isaac, qui était un prêtre mandingue, sacrifia un bélier et fit une longue prière pour le succès du voyage." (118)
Les Mandingues traditionalistes de Saint Domingue auraient certainement immolé une bête pour la réussite d'un projet révolutionnaire tel Bois Caïman. Mais qu'en est-il des Mandingues islamisés? En 1893, on écrivit que les Mandingues islamisés d'"Afrique" nommaient "Tabaski" leur fête sacrificielle annuelle :
"La fête de Tabaski a lieu vers le lieu du douzième mois de l'année musulmane. Cette fête est l'objet de grandes réjouissances. Il est de tradition chez les musulmans d'égorger au moins un mouton dans chaque famille le jour de la Tabaski, et de pratiquer la plus large hospitalité envers les étrangers et les visiteurs pendant toute la durée de la fête. Les tams-tams et les coups de fusils retentissent jusqu'au soir.
Le Karité, jeûne forcé qui dure un certain nombre de jours et qui commence le dixième mois de la même année, correspond au Ramadan des Arabes ; il est fidèlement observé par les Mandingues. Pendant toute la durée du Karité il n'est permis à aucun musulman de prendre de la nourriture, du lever au coucher du soleil." (119)
Ce Tabaski, en 1893 et jusqu'à aujourd'hui, se tient au 12e mois du calendrier islamique régulier et la à date du 10 Dhou al-HIjja. Soit quelques 2 mois après le ramadan. Mais, aussi tard qu'en 1814, les Mandingues et autres islamisés Ouest-"africains", célébraient leur fête du sacrifice (Tabaski) directement à la fin du ramadan, et non au 12e mois islamique :

"Le Tabaski est la pâque des nègres; il est précédé d'un jeûne d'un mois qu'on nomme Bayram ou Ramadan.
Pendant le mois, les marabouts et les nègres qui se piquent de dévotion, observent avec le plus grand scrupule le jeûne prescrit par la loi, et ne mangent rien de la journée ; plusieurs même poussent le scrupule jusqu'à ne point avaler leur salive jusqu'au coucher du soleil, où ils se dédommagent alors de l'abstinence du jour.
Le Tabaski et le Coré se célèbrent avec les mêmes réjouissances que le Gamon, si ce n'est qu'au Tabaski l'on tue plusieurs boeufs pour les distribuer au peuple par morceaux : le Coré se célèbre dans le mois d'octobre." (120)
Cela implique que les Mandingues islamisés de Saint Domingue n'ont pas effectué la cérémonie du Bois Caïman (14 août 1791 ou 21 août 1791). Car, le ramadan débuta le 4 mai 1791, et se termina le 2 juin de cette année. Leur Tabaski fut tenu le dimanche le plus proche qui était celui du 29 mai 1791.
La fête sacrificielle du calendrier islamique du Moyen Orient tomba certes au mois d'août 1791. Mais le sacrifice du "10 Dhou al-hijja" fut au 10 août 1791. Si les Mandingues islamisés de Saint Domingue l'avaient fêté, cela aurait été au 7 août 1791, le dimanche le plus proche.

8.3- L'action de "clore" des combats par les Mandingues, selon la mémoire haïtienne

L'action de "clore" ou de "clôturer" des événements parait plus en accord avec la tradition Mandingue que de les initier. Des traces de cela se logent dans le mot créole "mikalaw". "Mikalaw" dérive de Nyamakalaw, la forme plurielle de Nyamakala, désignant la classe des Griots, Forgerons, Artisans, Travailleurs du cuir, etc. des peuples Mandé (Mandingues, Bambara, Soniké, Dioula, Malinké, etc.)
Le mot Mandingue "Nyamakala" est constitué de "Nyama", qui est la force vitale, et "Kala" qui veut dire manipuler par la main. En raison de leurs professions manuelles, en terre Mandé, les Nyamakalaw formaient une classe subalterne et méprisée.

("Nyamakala" dans une pochette de musique)
Source : Blanc Manioc. "Nyamakala Beats #1" ; https://blancmanioclabel.bandcamp.com/album/blanc-manioc-presents-nyamakala-beats-1

En temps de guerre, les Nyamakalaw formaient le régiment qui, toujours au nombre de 740, se lançait simultanément sur l'adversaire pour l'infliger le coup de grâce :
"Le Royaume Bambara de Ségou avait un régiment d'élite, comme les commando parents, de 740 cavaliers nyamakala. Qui allaient à la guerre. Qui étaient derrière le Roi. Ils n'entraient en action que pour achever la bataille, ou bien pour conclure." (121)
Dans le Créole haïtien, "mikalaw" ou "fè mikalaw" équivallent à "nombreux, abondance, déverser en très grand nombre" :
"mikalaw: fè ~ to abound, be plentiful, teem with, overflow with, swarm with." (122)
Traduction :
"mikalaw: fè ~ abonder, être abondant, grouillant de, débordement de, essaim de."
De là, les Mandingues de Balan ont retenu, d'instinct ou via l'oralité, que leur groupe "clôturait" les événements. Ce sentiment sous-entend qu'un nombre de leurs ancêtres - et ceux des Haïtiens at large - provenaient de la classe des NyamaKalaw. Car, en "Afrique", advenant les défaites, les Nyamakalaw portaient le blame, furent tués ou vendus en esclavage.
("Fè mikalaw", "faire comme les Nyamakalaw" dans un cliché de nouvelles)
Source : Fouyapòt News24 ; 2 août 2020 ; https://www.youtube.com/watch?v=NvR-yUkT2k8
 
Syncrétiquement islamisés ou non, les Nyamakalaw Mandingues ou leurs descendants ne furent pas les initiateurs de la cérémonie du Bois Caïman, ni de l'insurrection générale d'aôut 1791. Leur logique étant de faire la différence au moment final.

9- Les Mandingues dans la colonie de Saint Domingue

9.1- Le mythe du Mandingue rebelle
 
a) Le Mandingue sévère
Les révisionnistes acclament constamment l'esprit rebelle des Mandingues. La plupart s'appuie sur cette citation de Moreau de St-Méry qui parlait de la sévérité du Mandingue comme enseignant. Toujours ils omettent la conclusion de l'auteur que le Mandingue était "bon à employer aux îles" :

"Le Mandingue est un maître sévère, quelquefois cruel, et il est fripon par habitude. (…) Mais l’esclave Mandingue, par cela même qu’il a été plié violemment au joug, est bon à employer aux îles où son sort est amélioré, et il y perd quelquefois son penchant pour le larcin." (123)
Les révisionnistes insinuent à tort que cette sévérité éducationnelle des Mandingues se traduisait par la résistence à la captivité. Pourtant, les parents haïtiens les plus sévères - qu'ils soient de souche Mandingue ou non - visent principalement à retenir leurs rejetons à domicile et à l'écart de la société. Et d'expérience, lorsqu'arrive la désobéïssance civile, ces familles sévères s'enferment dans leurs chaumières, pour n'en sortir timidement qu'au retour du calme.
Les groupes familiaux les plus extravertis - à la rigueur les plus souples éducationnellement - en principe, de souche Congo, sont les plus enclins à la participation civile et subsversive. C'est le cas en Haïti, et c'était ainsi dans la colonie de Saint Domingue.

b) Le Mandingue robuste
Les registres de la traite transatlantique démontrent que les "cargaisons" de captifs (esclaves) furent débarquées aléatoirement dans les colonies, sans hiérarchisation ethnique quelconque. Pourtant, d'autres révisionnistes évoquent cette citation non prouvée de Jean Fouchard :

"Mandingues et Bambaras (...) Ce sont donc des nègres rebelles et fiers, hostiles à la servitude qui peuplèrent la colonie et ce sont les plus vaillants d'entre eux, les plus robustes et les plus sains que les négriers réservaient à Saint-Domingue." (124)
En effet, Jean Fouchard n'offrit comme preuve qu'une légende urbaine voulant que l'on réservait des ethnies les plus robustes à Saint Domingue :
"On disait "les bonnes gens de la Guadeloupe", "les Messieurs de la Martinique" et "des seigneurs de Saint Domingue"." (125)
Le planteur Gérard aîné confirma la robustesse des plusieurs ethnies, dont les Mandingues. Et loin de constituer des rebelles, ces ethnies robustes coopéraient et étaient appréciées, car profitables :
"Les nègres de la Côte d'Or, soit Arada, Nago, Ibo, Tacoua, Aoussa, Mandingue méritent d'être préférés aux nègres congo pour toutes sortes de raisons. Les premiers aiment naturellement le travail, sont rangés dans leur ménage et très attachés à leurs femmes et leurs enfants. Ils ont le goût de la propriété qui leur donne l'aversion pour le vol et le marronage. Ils sont de forte constitution et vivent longtemps." (126)
Ainsi, les ethnies robustes, performantes et fiables, dont les Mandingues, contribuèrent à la continueté du système d'exploitation. D'ailleurs, l'influence de l'ethnie Mandingue sur les autres à Saint Domingue fut inexistante. Car, les Mandingues n'étaient pas estimés par la population captive (esclave), d'après l'observation du colon S.J. Ducoeurjoly :

"On fait peu de cas des nègres Mandingues, Congres, et Mondongues. Ceux-ci ont les dents limées en pointe, et passent pour antropophages chez les autres peuples." (127)
Encore pire que du dédain, le lexique haïtien retient comme traîtres les Sousou, peuple Mandingue islamisé.

9.2- Les Mandingues (Sousou) étaient des traîtres, selon la mémoire haïtienne

Saint Domingue a connu son lot de l'ethnie Sousou (Soussou), peuple Mandingue de la Guinée Conakry, de la Guinée Bissau et du Sierra Leone :

"Nègre nouveau, de nation Sousou, qui n'a pas su dire son nom ni celui de son maître, étampé sur le sein gauche PLICHER, âgé d'environ 28 ans, de la taille de 5 pieds 2 pouces, arrêté à Valière." (128)
Les Sousou se sont convertis à l'islam au 17e siècle chrétien. (129) Et leur culte resta syncrétique. Le nom Sousou symbolise les cercles d'argent dans plusieurs pays : un mot et une pratique découlant cependant de "esusu" des Yoruba du Nigéria. (130) En Haïti, Sousou évoque tout autre chose. Car en Créole haïtien, le "sousou" ou "Ti sousou" est le traître par excellence.

"sousou a   n  Flatterer, sycophant, boot-licker." (131)
Traduction :
"sousou un   n  Flatteur, sycophant, lêche-bottes."


("Traitor, sell-out, Judah, Ti sousou, Tchoul Blan")
Source : Smith Georges. "Haiti: Toto Constant Talks About CIA vs. Aristide". (26 mars 2009) [en ligne] Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=3AZFKDaGi5o ; Capture : 02:00

La littérature a confirmé l'origine ethnique de "sousou" voulant dire "traître" dans le Créole haïtien. Dès 1889-1890, 2 chercheurs distincts décrivirent leur caractère en ces mots :
""Le Sousou n'a pas d'instincts guerriers et possède tous les défauts de la race noire : paresseux, sans souci du lendemain, le Sousou est en outre menteur, fourbe et voleur."
(...)
"Le Sousou (...) son caractère est pusillanime et insouciant (...) ; cependant, beaucoup d'individus ont l'instinct commercial très développé et servent d'intermédiaires pour les transactions commerciales entre les Européens établis sur la côte et les peuplades de l'intérieur (...). Les Sousous, surtout les chefs, ont un esprit de dissimulation qui les rend très aptes à la politique, et le mensonge est poussé chez eux jusqu'aux dernières limites. Ils suppriment aussi par le poison, avec une grande facilité et sans aucun remords l'homme qui peut les gêner dans leur ambition."" (132)
Près d'un siècle plus tard, en 1971, le chercheur Claude Rivière constata la tolérance, l'adaptabilité, l'esprit conciliant, l'indolence, l'esprit ouvert et coopératif des Sousou. Et leur :
"tendance à fondre leur culture avec celle du peuple voisin plus structuré socialement et plus important numériquement." (133)
Dans l'environnement de domination extrême de Saint Domingue, il n'est guère surprenant que les Sousou se sont penchés du côté du plus fort, et ont usé de leur talent de dissimulation au détriment de leurs collègues captifs (esclaves).
Là encore, l'existence, dans le Créole haïtien, du mot sousou, synonyme de traîtrise, témoigne de la méfiance de la population captive (esclave) face à l'ethnie Sousou qui pratiqua, selon toute estimation, un islam extrêmement syncrétisé avec la religion traditionnelle.
D'ailleurs des Divinités (Lwa/Jany) nommées Sousou se retrouvent dans le panthéon traditionnel haïtien. Mais il y a confusion entre Sousou, l'ethnie et "sousou", l'animal sacrificiel, qui dérive de "nsusu", signifiant "poulet" en langue Kikongo. La Divinité Sousou Pannan offre cette double interprétation.
 

Sousou (susu) chez les Jamaïcains?

On circule hâtivement l'idée que "susu" ou "susu 'pon you" chez les Jamaïcains réfère, comme en Haïti (sousou, ti sousou, sousou pannan), à l'ethnie Soussou. Mais il n'existe pas de lien entre ces 2 entités. Le sousou des Haïtiens est un adjectif qui qualifie la manière sournoise et flatteuse d'une personne, en référence à l'ethnie Soussou.


("Su-su" dans la musique de Bob Marley)
Source : Bob Marley. "Who the cap fit". [en ligne] Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=6Ek9zsyejN0 ; Capture : 0:3:42.

Le "su-su" des Jamaïcains est un verbe qui évoque l'action de parler du mal de quelqu'un en son absence. Ce verbe provient de la langue Twi (du Ghana) dans laquelle "susuw ka" signifie "relater une suspicion", et "asu-tu" équivaut à "chuchoter - derrière le dos de quelqu'un", "circuler des potins", "parler du mal de quelqu'un". (134) Et l'on sait l'impact linguistique des fugitifs Kromenti (Akan du Ghana) en Jamaïque.

9.3- Contraste entre le Sousou et son cousin Bambara traditionaliste

Quant aux "Bambaras, qui étaient une fraction des Mandingues demeurés fidèles à l'animisme et farouchement opposés à l'islam", (135) aucun qualificatif n'est attaché à leur nom en Haïti. Sinon qu'ils sont honorés en Banmbara, Danmbara ou Palmannan, dans le rituel traditionnel haïtien. Et Mannmannan, dans le registre folklorique.
En "Afrique", les Bambara (Bamanan), à l'opposé des "Mandingues" Sousou islamisés, font un trait identitaire de leur aversion pour la trahison et le parasitisme. Voici, à ce sujet, le griot malien Oumar Koné :

"Être Bamanan, c'est un grand honneur. En ce sens qu'il symbolise le refus du gratuit et de la trahison.
Le couvre chef que l'homme Bamanan met, signifie, ne jamais prendre le repas auquel on a pas contribué.
(...)
Lorsque El hadj Omar Tall est arrivé chez nous, il a bien cherché à mieux connaître les Bamanan de Ségou selon qui, un noble n'est pas capable de mentir, trahir son semblable et courtiser la femme d'autrui.
Ici à Ségou, nous exprimons sans détour notre pensée quelle qu'en soit la conséquence. Nous ne connaissons pas la génuflexion. Le Bamana est un homme de parole, d'honneur." (136)
Ayant pris connaissance du caractère autonomiste des Bambara, Rachel Beauvoir-Dominique chercha à en faire profiter les Mandingues islamisés qu'elle associa à Balan et à la cérémonie du Bois Caïman. Pour y arriver, elle nia les Bambara comme groupe distinct, les assimilant aux Mandingues et aux Peuls. Puis elle inséra le caractère rebelle des Bambara (qui n'est pourtant pas retenu par la mémoire haïtienne) dans un dicton haïtien qu'elle déforma :
"Bambara se dit "Banmanan" localement ; le diction haïtien : "banmanan kase kòd nan batiman" ne fait qu'indiquer le sens original du terme "baman : refus de maître". Réputés rebelles, leur nom provient, de plus, du signe affiché par les membres de leurs puissantes confréries secrètes." (137)
Malhonnête, Beauvoir-Dominique prétendit ici que les Haïtiens disent "Banmanan" (Ban-ma-nan), lorsqu'en réalité, ils disent "Palmannan" (Pal-man-nan). L'expression créole authentique est au contraire "Blan mannan kase kòd (nan) batiman" (Le Blanc manant cassa la corde du navire).
Cette expression créole notoire réfère aux "Blan mannan", (Blancs manants). '"Manant" étant un mot archaïque décrivant : un paysan, un villageois, jadis un vilain, un roturier, un homme de poesté, sujet de la justice féodale ; par extension un homme grossier, rustre. (138)
À l'époque coloniale, les Manants étaient des "Engagés" ou "36 mois", des Européens démunis dont la dure labeur fut achetée dans les îles pour une période de 36 mois. Ces travailleurs européens sous contrat, appréhendant la brutalité du traitement les attendant dans les îles, souvent s'évadaient des navires les débarquant.


9.4- Le patrimoine Mandingue en Haïti est avant tout traditionaliste

À force de disséquer les quelques lignes de prières islamiques sauvegardées dans la région de Balan, on oublie que l'essentiel du legs Mandingue en Haïti est purement traditionnel.



(Vèvè de Nantyou, Divinité Mandingue dans le rituel haïtien)
Source : Milo Rigaud. Ve-Ve : Diagrammes Rituels du Voudou. New York, 1974. p.548.

Fort heureusement, la majestueuse prière Djò, les rythmes Mandingues classiques, le rythme dit "Madanm Tobodop" (variation du Ngri), les Divinités (Jany/Lwa) Faro, Penmba, Palmannan, Nantyou (ou Nanchou), etc. sont là pour le nous rappeler.

10- L'islam dominguois et la réalité post-coloniale  

Comment attribuer la paternité de la Révolution haïtienne à l'islam, une religion à toutes fins pratiques absente des 2 siècles d'existence de l'État haïtien? En 1804, date de l'indépendance haïtienne, deux tiers des Noirs étaient nés en "Afrique". Pourtant, depuis l'envol de la Révolution (1791) jusqu'à nos jours, tous les chefs suprêmes qu'a connu Haïti furent des Créoles (donc nés dans l'île) :
  1. Jean-François Papillon (1791-1793), Créole (catholique syncrétique) 
  2. Toussaint Louverture (1794-1802), Créole (souche traditionaliste Dahoméenne ; catholique pratiquant) 
  3. Jean-Jacques Dessalines (1803-1806), Créole (souche traditionaliste Congo ; traditionaliste) 
  4. Henry Christophe (1806-1820), Créole (souche traditionaliste Ibo ; catholique, plus ou moins protestant) 
  5. Alexandre Pétion (1807-1818), Créole (catholique) 
  6. Jean-Pierre Boyer (1818-1843), Créole (souche traditionaliste Congo ; catholique) 
  7. Charles Rivière-Hérard (1843-1844), Créole (catholique) 
  8. Philippe Guerrier (1844-1845), Créole (catholique) 
  9. Jean-Louis Pierrot (1845-1846), Créole (traditionaliste pratiquant). Mari de Cécile Attiman Coidavid dite Cécile Fatiman, père de Célestina Pierrot dite Cécé. 
  10. Jean-Baptiste Riché (1846-1847), Créole (catholique pratiquant) 
  11. Faustin Soulouque (1847-1859), Créole (souche Mandingue ; traditionaliste pratiquant). Placé au pouvoir par plaisanterie, car jugé inoffensif de par son origine "africaine" (Mandingue) prononcée. 
  12. Fabre Nicolas Geffrard (1859-1867), Créole (souche Sénégalaise ; catholique pratiquant). Signataire du concordat avec le vatican. 
  13. Sylvain Salnave (1867-1869), Créole (traditionaliste pratiquant) 
  14. Nissage Saget (1869-1874), Créole (catholique pratiquant) 
  15. Michel Domingue (1874-1876), Créole (plus ou moins traditionaliste) 
  16. Boisrond Canal (1876-1879), Créole (traditionaliste syncrétique)
  17. Lysius Salomon (1879-1888), Créole (plus ou moins catholique) 
  18. François Denys Légitime (1888-1889), Créole (souche Éthiopienne islamo-chrétienne ; catholique) 
  19. Florvil Hyppolyte (1889-1896), Créole (catholique) 
  20. Tirésias Simon Sam (1896-1902), Créole (catholique pratiquant) 
  21. Pierre Nord Alexis (1902-1908), Créole (traditionaliste pratiquant). Gendre de Cécile Attiman Coidavid dite Cécile Fatiman, mari de Célestina Pierrot dite Cécé.
Ce tableau illustre qu'un siècle après l'indépendance (1804-1904), seulement 3 de ces chefs ont une souche connue apparentée à un lieu touché par l'islam. 
1) Faustin Soulouque dont la mère Marie-Catherine fut Mandingue, s'est pourtant montré le plus traditionaliste de tous les chefs d'État qu'Haïti ait eu. Et son nom totémique "Soulouque" dérive de "suluku", voulant dire "hyène" en langue Mandingue. (139)
2) Fabre Nicolas Geffrard dont la grand-mère paternelle, Julie Coudro, venait du Sénégal, fut pourtant de loin le plus catholique des chefs d'État haïtiens. 
3) François Denys Légitime, sa mère, Modeste Testas née Oriol-Poci ou Alpouci, pratiquait un islam mélangé au christianisme, dans son Éthiopie natal. (140) Pourtant, le Président Légitime fut catholique et rédigea "La vérité sur le vaudoux", (141) un ouvrage favorable à la religion traditionnelle. 
Comme quoi, les Haïtiens auraient tourné le dos à l'islam apporté par une portion de leurs ancêtres.

10.1- Où sont donc passés les musulmans de Saint Domingue?

Environ 4% des captifs (esclaves) importés dans l'île étaient extraits de pays plus ou moins islamisés. Pourquoi, à toutes fins pratiques, leur culte a entièrement disparu d'Haïti? 3 pistes furent volontairement empruntées par les islamisés dans la nouvelle nation haïtienne :
1) Une portion s'est éteinte avec son culte musulman plus ou moins mélangé qui n'a pas été perpétué.
2) Une portion s'était convertie de gré au catholicisme, jadis, sous une pression sociale considérable des captifs (esclaves) créoles (donc nés dans l'île). Ceux-ci exprimaient du mépris pour les "Africains" non baptisés qu'ils qualifiaient de chevaux.

"Comme les nègres Créols prétendent, à cause du baptême qu’ils ont reçus, à une grande supériorité sur tous les nègres arrivant d’Afrique, et qu’on désigne sous le nom de Bossals, employé dans toute l’Amérique espagnole; les Africains qu’on apostrophe en les appellant Chevaux, sont très-empressés à se faire baptiser. A certaines époques telles que celles du Samedi Saint et du Samedi de la Pentecôte, où l’on baptiste les adultes, les nègres se rendent à l’église, et trop souvent sans aucune préparation, et sans autre soin que de s’assurer d’un parrain et d’une marraine, qu’on leur indique quelquefois à l’instant, ils reçoivent le premier sacrement du Chrétien, et se garantissent ainsi de l’injure adressée aux non-baptisés quoique les nègres Créols les appellent toujours baptisés debout. [Contrairement au Créole qui est présenté au temple encore bébé]" (142)
D'où l'expression créole : "M pa ka legliz pou m mouri chwal". Littéralement : "Je ne peux pas me retrouver à l'église, puis que je meurs cheval." Expression qui, en Haïti moderne, invite les individus à profiter d'une bonne occasion. Cette expression dénote que les captifs (esclaves) islamisés ou traditionalistes de Saint Domingue cherchaient véritablement de se convertir au catholicisme, afin de ne pas mourir non baptisé ou "cheval".
3) Une autre portion, convertie officiellement au catholicisme, retourna de fait à la religion traditionnelle pré-islamique. D'ailleurs, des indices à cet effet demeurent. Nous pensons à "Machala" (March a Allah) qui loge dans quelques formules magiques. Mêmement, "Nchala" (Inch Allah) voulant dire en Arabe "Si Allah le veut", a survécu dans les noms des Divinités (Lwa/Jany) Abikou Nchala Nougwe ; et Grann Dayanou Nchala Nougwe. Cela ne doit point surprendre, puisque la grande majorité des islamisés de Saint Domigue comme du continent-mère pratiquait un islam mélangé à leur religion traditionnelle ancestrale.
Ceci dit, nous savons bien que les révisionnistes rejettent l'idée qu'un musulman puisse volontairement se convertir au christianisme et encore moins à la religion traditionnelle. Le libre arbitre, de leur point de vue, est à sens unique ; à savoir, un traditionaliste "africain" peut se convertir à l'islam. Mais ce même "Africain" n'a pas le droit de revenir à sa religion pré-islamique.


10.2- L'islam des Noirs et l'esclavage en "Afrique"

Contrairement au christianisme, l'islam comporte des passages encourageant des actes individuels d'abolition. Toutefois, l'abolition de l'esclavage comme système n'est pas proposée par la doctrine musulmane.
La traite trans-saharienne, par laquelle des millions de Noirs "africains" furent déportés vers le Moyen-Orient islamique dura 14 siècles : soit du 7e jusqu'à la fin du 20e siècle chrétiens. Du moins, officiellement. Comparativement, la traite trans-atlantique orchestrée par les chrétiens-occidentaux dura 4 siècles : soit du 16e à la fin du 19e siècle chrétien.


(Razzia esclavagiste par des Maures)
Source : "Maures pillants un village Nègre". René Geoffroy de Villeneuve. L'Afrique, ou Histoire, moeurs, usages et coutumes des africains: ‪le Sénégal ; orné de quarante - quatre planches, exéculies la plupart d'apris les dessins originaux inédits, faits sur les liaux‬. Volume 2. Paris, 1814. p.129.
 
Préoccupés principalement par des considérations raciales, les chercheurs exposent régulièrement ces faits historiques. Ils se montrent pourtant assez silencieux sur le rôle de l'islam pratiqué par les Noirs dans l'esclavage local.
Or, la révision islamique de la Révolution haïtienne repose en partie sur l'ignorance de l'islam esclavagiste pratiqué par les Noirs eux-mêmes. Par exemple, à l'an 1900, soit plus d'un siècle après le début de la Révolution haïtienne (1791) et l'abolition forcée de l'esclavage à Saint Domingue (1793-1794), l'"Afrique" noire islamisée comportait encore des millions de captifs (esclaves).

Esclavage par des musulmans en "Afrique" noire en 1900
Région
Nombre d’esclaves
Pourcentage de la population
Haut-Sénégal-Niger
821,639
21
Guinée
686,762
51
Sénégal
330,082
31
Califat de Sokoto
1,000,000 - 2,500,000
25-50
Total
2,837,000 - 4,337,000
25-50

Source : Paul E.  Lovejoy. "Islam, slavery, and political transformation in West Africa : constraints on the trans-Atlantic slave trade". In: Outre-mers, tome 89, n°336-337, 2e semestre 2002. traites et esclavages : vieux problèmes, nouvelles perspectives ? pp. 247-282. (p.263)

Ces millions de captifs (esclaves) furent l'oeuvre de musulmans noirs. Par exemple, en janvier 1804, alors qu'Haïti venait de concrétiser son indépendance, l'islamiste Peul Ousmane Dan Fodio initia le concept de guerre sainte (djihad) en "Afrique" de l'Ouest ; non pas pour émanciper, mais afin d'imposer l'islam orthodoxe puis d'instaurer l'esclavage de millions.
Le califat de Sokoto+++++ que Dan Fodio fonda en février 1804, et qui fut à sa suite gouverné par sa famille, posséda plus de captifs (esclaves) que Saint Domingue n'en a jamais eus. Il a fallu l'intervention des Britanniques (chrétiens) pour mettre fin à l'esclavage des Noirs chez ces fervents musulmans noirs.
Et si à Saint Domingue, il fallait compter sur la rébellion des captifs (esclaves) islamisés qui croyaient que les Noirs méritaient d'être esclaves à cause d'une légende biblico-coranique, l'esclavage n'aurait jamais été aboli sur cette île ; et Haïti n'aurait jamais été indépendant.



11- Les ethnies traditionalistes, selon la mémoire haïtienne

Dans l'ensemble, la perception dans le lexique haïtien des ethnies traditionalistes est positive. Leurs noms sont devenus les noms de Nations sacrées, de Divinités, de rites, de chants sacrés, de danses, etc. Ceci dit, le Créole haïtien retient également des perspectives négatives, voir des injures, des noms d'ethnies traditionalistes :
  • Avadra (nom des ethnies de langues Fon, Ewé et Adja, issues d'Arada, au Dahomey ou Bénin actuel) : Vaurien, pauvre, pouilleux, mal habillé, enfants délaissés, sans valeur.
  • Baka (nom de l'ethnie pygmée des forêts du Cameroun et du Congo) : Nain, démon. Cette mauvaise perception découle plus de la superstition qu'autre chose. La présence d'une personne de petite taille évoqua parfois une peur hystérique dangereuse chez certains Haïtiens ignorants.
  • Bizango (nom de l'ethnie en provenance des Îles Bissangots) : Diable, cannibale, car membres de sociétés secrètes redoutées. Nous avons illustré dans un article précédant que cette mauvaise réputation était fondée. 
  • Wondonn ou Wondong (nom de l'ethnie Moundang d'"Afrique" Centrale) : Brute, sans finesse.
  • Kongo (nom attribué à l'ensemble des ethnies du Congo) : Sot, idiot, paysan, non informé, non sophistiqué, etc.
Toutes ces étiquettes, autant que celles données aux ethnies islamisées, constituent des injures dans le Créole haïtien. Cela ne pose pas problème. Car, à l'opposé des révisionnistes islamiques, nous ne proposons l'ethnicité des captifs (esclaves) traditionalistes comme élément d'influence populaire. Tout observateur peut clairement conclure que la Révolution haïtienne résulte du concours de tous les éléments oppressés de la société dominguoise.

11.1- La question Congo et la traîtrise
 

Ignorant les injures reliées aux noms d'autres ethnies, les chercheurs argumentent que "Kongo" est une injure dans le Créole haïtien. Car, selon eux, les Congo étant joyeux sur les plantations, les colons les adoraient pour cela ; ce qui causa les autres captifs (esclaves) à les considérer traîtres. Qu'en fut-il réellement?
Le colon Gérard aîné exposa la fragilité physique des Congo et leur goût du marronnage qui nuisaient au système d'exploitation :

"Les Congo, au contraire, sont en général paresseux, libertins, efféminés ayant la fibre extrêmement molle et sujets pour cette raison à une maladie presque toujours mortelle, la cachexie qu'on nomme ici mal d'estomac. Ils sont enclins au vol et au marronage et l'on observe qu'ils sont déjà vieux à 40 ans. Enfin, on peut dire que les nègres de la Côte d'Or sont des hommes tandis que les Congo ne sont que des machines très faciles à se déranger." (143)
Les Congo, libertins d'essence, leur gaieté dans les ateliers les faisait, non pas détester, mais aimer des autres captifs (esclaves) :
"Les Congos, en général, sont grands railleurs, bruyants, pantomimes, contrefaisant plaisamment leurs camarades. Un seul Congo suffit pour mettre en bonne humeur tous les nègres d'une habitation. Leur inclination pour le plaisir les rend propres aux occupations laborieuses, étant d'ailleurs paresseux et fort adonnés à la gourmandise, qualité qui leur donne beaucoup de disposition pour apprendre facilement les détails de la cuisine : on les emploie ordinairement au service de la grande case, parce qu'ils sont pour l'ordinaire d'une figure revenante." (144)
L'affection que les collègues portaient aux Congo s'est traduite par l'association du mot "Kongo" aux choses positives : rite Congo, danse Congo, rythme Congo, Divinités Congo, pois Congo, etc. Alors, d'où vient cette fausse accusation de traîtrise?
1) D'un roman fantaisiste (anti-Vodou) du Français Jean Kergoz (1921) qui a certainement eu des échos dans le milieu catholique haïtien investi dans sa lutte anti-superstitieuse.
2) Exposé - directement ou non - à ce roman, l'historien haïtien Jean Fouchard (1977, 1988) argumenta contre la supposée traîtrise des Congo, sans souligner l'origine étrangère de cette liaison.
3) L'Haïtien Guérin Montilus (1988), grand promoteur du culte dahoméen (béninois), répandit la traîtrise des Congo afin d'élever les Dahoméens. Il demeura silencieux sur le fait que, comme pour les Congo, les Dahoméens jouissent d'une appelation positive (Rada) et d'une appelation négative (Avadra) qui est une injure pire que "Kongo".
4) David Geggus (1991), puis d'autres chercheurs étrangers, ignorants du Créole haïtien, ont cru à la fausse association de Congo et traîtrise qu'aucun dictionnaire créole n'a relevé. (145)


11.2- La révision traditionaliste de Bois Caïman et de la Révolution haïtienne

Les traditionalistes aussi - qu'ils supportent la révision islamique ou pas - propagent des théories non prouvées sur Bois Caïman et la Révolution haïtienne. Les plus tenaces et absurdes vont ainsi :
 

- Avant la cérémonie du Bois Caïman, les ethnies de Saint Domingue étaient divisées. Et que ce fut durant la cérémonie du Bois Caïman qu'elles ont finalement pu s'unir. (Faux)
Moreau de St-Méry relata que les individus, peu importe leurs ethnies, gardèrent une connexion fraternelle, et s'appelaient "batiment" (signifiant "navire") lorsqu'ils ont fait la traversée de l'Atlantique sur le même bateau négrier. (146)
Similairement, les révisionnistes traditionalistes évoquent l'expression créole : "Pa p fè 1 pa Kita, 1 pa Nago" (Ne pas faire 1 pas Kita, et 1 pas Nago), pour exprimer un conflit tribal non documenté entre les ethnies Kita et Nago. Dans les faits, "ne pas faire 1 pas (de danse) Kita, 1 pas (de danse) Nago" est sous-entendu dans l'expression marquant l'immobilisme, pas la discorde. Sans compter que la réunion au Morne Rouge impliquait essentiellement des cochers et commandeurs d'ateliers. Des postes de prestige remplis presqu'exclusivement par des Créoles, et non par des "Africains", à proprement parler.
 

- Les ethnies de Saint Domingue ne parlaient pas une langue commune. Et que ce fut au cours de la cérémonie du Bois Caïman que le Créole haïtien fut inventé. (Faux)
  • Il existe des langues franches dans toutes les zones d'"Afrique" qui permettent à une multitude d'ethnies d'échanger.
  • On ne saurait inventé une langue au cours d'une ou deux cérémonies. 
  • Les captifs (esclaves) arrivés dans l'île furent enseignés le Créole par ceux parlant leurs langues ethniques
  • Les Créoles à base française d'Amérique (dont le Créole haïtien) sont nés plutôt vers 1635, en Martinique et en Guadeloupe, de la coexistence fraîche de quelques centaines de captifs (esclaves) noirs achetés des marchants hollandais, avec la majorité des Engagés normands venus des côtes Nord-Ouest de la France. Les Engagés normands, chargés de la prise en charge des captifs (esclaves), les enseigna une version simplifiée de leur jargon. Les missionnaires ont ensuite transporté cette nouvelle langue aux nombreuses îles où elle fut enseignée aux captifs (esclaves) - créoles et importés. Avec le temps, les changements sociaux et politiques, des variations plus ou moins importantes sont apparues dans les Créoles français. Celui d'Haïti a acquis sa forme actuelle qu'à partir de 1820, après la chute du Roi Henry I et la réunification de l'île par le Président Jean-Pierre Boyer. Les citoyens, désormais non confinés à leurs anciennes habitations coloniales - du moins dans le Nord - "africanisèrent" le Créole structurellement normand par l'apport de leurs lexiques et de leurs syntaxes régionaux et ethniques.

- Que la Révolution haïtienne soit uniquement l'oeuvre de la religion traditionnelle. (Faux)
Les participants à la rencontre de Morne Rouge ne furent pas choisis sur une base religieuse ; mais en rapport avec leurs corps de métiers intermédiaires qui en firent l'élite de la classe des Noirs captifs (esclaves). On ne saurait occulté la participation de chrétiens (catholique et protestant) en amont de l'insurrection ; puis la participation de prêtres catholiques au coeur des premiers mois de combats. On se rappellera, par exemple que :

  1. Les prêtres catholiques de l'île entière (français et espagnols), opposés à la Révolution française, furent parmi les premiers promoteurs d'une insurrection des captifs (esclaves) de Saint Domingue.
  2. Toussaint Bréda, cocher libre et fervent catholique, s'est ingéré dans la conversation complotiste de 2 colons (catholiques par défaut) : Bayon de Libertat et - de toute vraisemblance - Séraphin Salnave. Toussaint, avec le génie qu'on lui connaît, proposa à ces 2 colons, amis proches de longues dates, qu'une fausse proclamation royale de l'arrêt du fouet et 3 jours de congé par semaine suffirait pour faire s'insurger les captifs (esclaves). Fausse proclamation qui fut effectivement lue - par un Mulâtre - au cours de la rencontre du Morne Rouge (Bois Caïman).
  3. Les 2 colons comploteurs recommandèrent Toussaint Bréda auprès des autres membres du Comité contre-révolutionnaire du Cap. Dans la suite des choses, le Comité écrivit à Toussaint, qui entre temps se désigna Louverture - car ouvrant la porte de la Révolution - une lettre patente (ou un passeport) qui lui permettra de recruter des leaders auprès des Noirs royalistes. Cette lettre de recrutement du 6 novembre 1790 fut signée par : Bousson, Gatrau, Estève (catholiques) et Paul Cairou - ou Glairou - (protestant pratiquant). (147)
  4. Neuf mois plus tard, le 14 août 1791, un faux journal sera imprimé et lu - par un Mulâtre - à la rencontre du Morne Rouge. Ayant vu la lettre patente délivrée à Toussaint "Louverture", les 200 cochers et commandeurs d'ateliers - donc non choisis sur une base religieuse - n'ont pas eu de mal à croire que les troupes royalistes sont en route, et seront bientôt dans l'île pour supporter l'insurrection qu'ils débuteront. Boukman (traditionaliste) tiendra son discours entraînant. Sur ce, ils fixeront la date de la révolte à la fête (catholique/royaliste) de la Saint-Louis-Roi-de-France, le 25 août prochain.
  5. Les comploteurs noirs ont clos cette rencontre du 14 août 1791 par une prière traditionnelle syncrétique via laquelle un officiant mâle a sacrifié un taureau noir. Le dimanche 21 août 1791, ils tiendront une cérémonie entièrement religieuse, un peu plus loin. Et lors de cette cérémonie traditionnelle où une femme, cette fois-ci sacrifia un porc noir, la Divinité les proposa d'attaquer, non pas dans la nuit du 24-25 tel que précédemment conclu ; mais dès la nuit prochaine du 22-23 août. Et c'est exactement ce qu'ils ont fait. La Révolution haïtienne a ainsi pris son envol.
  6. La révolution éclatée, des prêtres catholiques ont choisi le camp des rebelles où ils servirent d'aumôniers, de secrétaires, ou de conseillers. Citons les Pères Phillippe, Sulpice, De la Haye et Philémon (qui y donna sa vie). Ils n'ont point objecté aux cérémonies traditionnelles des rebelles qui se déroulaient dans les camps, en leur présence. Mêmement, les rebelles traditionalistes n'objectaient pas à se rendre chaque dimanche à la messe catholique.
Le point ici est que la Révolution haïtienne n'est pas une Révolution religieuse à proprement parler. La religion traditionnelle fut néanmoins le moteur de sa naissance, de son déroulement et de la décision stratégique d'avancer l'attaque initiale ; ce qui a mené à sa réussite. Mais la chrétienté - pourtant à l'origine de l'esclavage atlantique - a également apporté sa contribution via son opposition à la Révolution française laïque.
Où était donc l'islam là-dedans? Nulle part, en tant qu'institution, mise à part dans l'héritage de certains individus ou groupes de captifs (esclaves) non pratiquants. Car, nous l'avons vu : les musulmans pratiquants s'opposaient à la révolte ; du moins ceux de l'ethnie Peul.

 

- Qu'il y a eu des cérémonies similaires à celle du Morne Rouge à travers toute la colonie française de Saint Domingue (et même dans la partie espagnole, selon les plus audacieux). (Faux)
Il ne fait aucun doute qu'à travers la colonie, maintes cérémonies traditionalistes furent organisées en ce 14 août 1791. Cette date fut un jour de congé, le dimanche de la veille de l'Assomption. Les années d'avant, pareilles cérémonies furent tenues ; et ce, pour des raisons strictement spirituelles. Mais la rencontre du Morne Rouge fut unique. Elle fut de prime abord politique et royaliste, puis scellée par une prière sacrificielle traditionaliste syncrétique.
La preuve étant qu'uniquement dans le Nord de Saint Domingue, l'insurrection générale éclata. Même dans le Nord-Est, pourtant tout près, la rébellion a pris plusieurs mois avant d'entamer. Ceci dit, il y avait des tensions de captifs (esclaves) dans le Sud, dès février 1791. Mais les organisations subversives dans l'Ouest et le Sud pour cette année fut l'oeuvre des Libres (Mulâtres et Noirs). Républicains, ils visaient l'égalité avec les Blancs, mais pas l'amélioration du sort des captifs (esclaves) que pourtant, ils poussaient à enter dans leurs rangs.
Les troubles des républicains Libres Jean-Baptiste Chavanne et Vincent Ogé dans le Nord furent de la même nature. Elles devancèrent de quelques mois la rencontre royaliste/religieuse du dimanche 14 août 1791 au Morne Rouge.

Conclusion

Nous conclurons qu'il fut impossible que des musulmans aient opéré la cérémonie du Bois Caïman au mois d'août 1791. Car, comme nous l'avons vu, les islamisés de Saint Domingue sacrifiaient rituellement uniquement à la fin du mois de ramadan. Ceux, comme les Mandingues et possiblement les Malé, qui nommaient ce sacrifice annuel Tabaski, fixaient le ramadan selon le calendrier islamique régulier. Il fut donc au mois de mai pour l'année 1791. Puis, ceux, comme les Peuls, qui désignaient la fête sacrificielle Aïd el-kebir, faisaient le sacrifice à l'Équinoxe du printemps ou l'Équinoxe de mars, donc au mois de mars de chaque année, incluant l'année 1791. Et leur jeûne du ramadan s'opérait 30 jours avant.
Certains s'imagineront que cette longue étude visait à démolir la foi islamique. Ils se tromperont magistralement. Car ils ignorent mon parcours, et le contexte de cette étude.
Ils ne savent pas qu'à l'école secondaire, avant que ce soit "politically correct", je fus - de ma connaissance - le seul à avoir ouvertement et régulièrement défendu des camarades musulmans (de diverses races) contre des affronts islamophobiques.
Ils ne savent pas non plus - et ce n'est pas un cliché - mes liens d'amitié soutenus, de l'adolescence à l'âge adulte avec des musulmans de multiples origines ; sans jamais le moindre conflit ait vu le jour.
Ils doivent du moins savoir, à ce stade, que l'islam, dans ce débat, fut un instrument dont ce sont servis les ennemis de la Révolution haïtienne qui, dans la très forte majorité, ne pratiquent pas l'islam dont ils ignorent tout. Et nous avons choisi de les mettre à leur place, indépendamment de la religion dont ils se servaient contre le patrimoine haïtien.
Cette étude me fut imposée, non par d'un élan sectaire, mais par la décence et par ma responsabilité spirituelle, intellectuelle et historique. Dès octobre 2002, je fus exposé de première main à la révision islamique venant d'un chrétien désenchanté. Je me suis tu, pensant que les Haïtiens auraient rejeté la formulation révisionniste de "Bwa Kay Iman" qui est discordante au parler du Nord où la Révolution haïtienne fut déclenchée.
Il a fallu qu'en 2015, face à l'expansion fulgurante de la révision islamique, que je me décide d'agir, après m'être rendu compte du niveau insoupçonné d'abrutissement du peuple haïtien. Car, la formulation "Bwa Kay Iman" fut machinée par un natif du Nord d'Haïti, et un Houngan (chef traditionaliste) de surcroît. Celui-ci, en 1996, articula "Bwa Kay Iman", sachant parfaitement qu'il est grammaticalement incorrect. Xénophile et complexé, lui qui jadis pensa le contraire, opta pour la révision islamique qu'après s'être fait interviewé et influencé par un Juif français révisionniste, en 1990-1991.
Bref, les promoteurs initiaux de la thèse islamique furent grandement des non musulmans (étrangers et Haïtiens) :
1) Les révisionnistes islamiques étrangers, en s'embarquant dans cette aventure prédatrice, ont sous-estimé l'étendu de la mémoire historique haïtienne, et la détermination de certains héritiers à sauvegarder leur patrimoine.
2) Les révisionnistes islamiques haïtiens, quant à eux, infatigables et imperturbables dans leur quête, leur présence dénote que si Haïti est pauvre économiquement, il est cependant riche en complexés, en aliénés et en traîtres.
Décidément, pour ces 2 types de révisionnistes, - et nous paraphrasons ici le Père de la Nation haïtienne, l'Empereur Jacques I, dit Jean-Jacques Dessalines - nous aurions "fait la guerre pour les autres... Les Noirs, dont les pères sont [spirituellement] en Afrique, ils n'auront donc rien." Pas même la Révolution haïtienne pour laquelle un tiers de leur population a péri.


Bilolo




* À l'époque coloniale, on nommait les musulmans "mahométans", mais ce mot a complètement disparu de la mémoire haïtienne. Dans le Créole haïtien, on utilise plutôt "mizilman" qui dérive de "musulman" du Français moderne. Pourtant, dans un article de 2009 intitulé "Douze (12) principes de Bois Caïman", Pierre Michel Chéry affirma qu'au Nord-Ouest d'Haïti, les habitants de Mare Rouge évoquent le nom "Mawometan" (Mahométan) dans une légende locale :
"Les gens de la vallée de Jacmel connaissent l'histoire de Bonne Santé, les gens de Mawouj Nòdwès [Nord-Ouest] connaissent l'histoire de Mawometan..." (148)
La légende de "Bonne Santé" en tant qu'esprit protecteur de la Vallée de Jacmel est attestée par les locaux. (149) Mais qu'en est-il de "Mawometan" à Mare Rouge? Il a d'abord lieu de se demander, de quelle Mare Rouge parle Pierre Michel Chéry? Car, 2 localités sont dénommées Mare Rouge, dans le Nord-Ouest haïtien (150) :
  • Mare Rouge, 2ème section communale de l'Île de la Tortue ;
  • Mare Rouge, 2ème section communale du Môle-Saint-Nicolas.
Tout porte à croire qu'il s'agit de Mare Rouge, la seconde commune du Môle Saint Nicolas. Cet endroit est resté célèbre, non pas en fonction d'un certain "Mawometan", mais comme lieu de résidence du légendaire Docima. Celui-ci, qu'ils ont surnommé affectueusement D.D., fut un Houngan (ou grand officiant traditionaliste) prodigieux, et paraît-il, le conseiller mystique du président Sténio Vincent (1930-1941) (151) :
"Les deux oungans les plus réputés furent "Antoine nan Gomier" dans le Sud, et D. D. à Mare-rouge, près de Jean-Rabel.
Les vaudouisants du Nord'Ouest parlent avec vénération de D. D.
Ils rapportent que D. D. refusait de mettre sa science au service des gens mal intentionnés, même les plus puissants; et soignait, sans frais, les humbles et les démunis.
Le patriarche actuel du Vaudou serait CHAM LEGBA." (152)
Aux dires de Daniel Louisius, un Houngan de la place, les gens de Marre Rouge servent Lafrik, (L'Afrique) qu'ils appellent aussi Lwa, Ginen, Jeni, Mistè. (153) Et leurs services religieuses traditionnelles sont exclusivement Congo. Donc, les habitants de Mare Rouge, seconde commune du Môle Saint Nicolas, ne pratiquent pas un rite musulman ; pas même syncrétiquement.
Certes, "Mawometan", comme adjectif, ou même comme prénom, aurait bien constitué une indice, au moins d'un vieux contact islamique dans cette région. Cependant, improvisé, - de l'aveu même de son auteur - l'article de Pierre Michel Chéry ne fournit pas de référence.
Contacté, à cet effet, Pierre Michel Chéry, bien intentionné, nous a conseillé de consulter la revue Conjonction, de 1985 à 1990. Malheureusement, même une lecture rigoureuse de la collection Conjonction (de 1946 à nos jours), nous a pas permis de retracer le moindre mention du mot "Mawometan".

** Voir notre article
 : "Macandal n'était pas musulman".

*** Il ne fait aucun doute que par "solstice du printemps", Descourtilz référait à l'Équinoxe du printemps. Car pour l'année 1791, date de la cérémonie du Bois Caïman et du début de la Révolution haïtienne, on désignait le premier jour du printemps (20 mars) "Équinoxe de mars" ou "Équinoxe du printemps". Voir : Académie Royale des sciences. De l'influence de l'Équinoxe du printemps et du solstice d'été, sur la déclinaison et les variations de l'aiguille aimantée. Paris, 1791. p.46.
**** Réflexion de métempsycose similaire à celle de notre voisin immédiat à Sainte Philomène (quartier à l'entrée Sud du Cap Haïtien). Lorsqu'un individu frappait son chien, il hurlait à l'abuseur si on le tabassait autant, lorsqu'il (l'abuseur) était lui-même un chien (dans une vie antérieure). La métempsycose est ici inversée comparativement à celle avertissant Descourtilz d'une punition future. Toujours est-il que les 2 réflexions tiennent fort probablement de la mentalité traditionnelle Congo.
***** Il nous répugne d'aborder des questions purement épidermiques que nous jugeons toujours réductrices et réactionnaires. Car, de notre avis, l'esprit réactionnaire est un esprit malade, atrophié, qui n'existe que dans le regard des autres. Mais le monde étant ce qu'il est... Nous dirons : Ironiquement, ceux-là même dont les livres sacrés associent le personnage de Cham à la race noire, refusent l'idée que des Noirs puissent descendre de Km, Kam, Kamit ou Kemit, à savoir l'Égypte ancienne. Comme quoi, on peut coller le supposé mépris de Cham aux Noirs, mais pas la merveille reliée à l'Égypte ancienne (Kamit ou Kemit).
+ Dès l'indépendance d'Haïti (1804), les affranchis (anciens captifs (esclaves)) ont adopté le prénom de leur patriarche comme nom de famille, en re
mplacement des noms des colons ou celui des habitations auxquels ils étaient assujettis. La raison pour laquelle les Haïtiens portent généralement des prénoms masculins comme patronymes ; à moins de métissages anciens ou récents
++ Le père du Général Annibal Béliard, le Chevalier/Colonel Joseph de Béliard (fils du Roi Henry 1er dit Henry Christophe) ainsi que le Général César Dessalines (fils de l'Empereur Jacques I dit Jean-Jacques Dessalines) furent exécutés à Ouanaminthe le 12 janvier 1856 par l'Empereur Faustin I dit Faustin Soulouque, méfiant de leurs antécédents. (154)
Suite à leurs exécutions en lien avec la déroute de la 2e Campagne de l'Est (contre la République Dominicaine), Soulouque, dans une proclamation impériale, calomnia les 2 seuls blâmés ainsi :

"Ils n'ont point compris, ces indignes descendants des fondateurs de notre indépendance, que répudiant l'héritage de nos pères, ils livraient à l'étranger le sol de la patrie tiède encore du sang de leurs ancêtres!" (155)
Aussi, le Général Annibal Béliard fut le cousin par alliance de Célestina "Cécé" Pierrot, la petite-fille de Cécile Fatiman. Car son cousin germain, le Général et Président Pierre Nord Alexis, lui aussi petit-fils naturel d'Henry I, fut le mari de Célestina Pierrot. Et comme on le sait, la Reine Marie-Louise Coidavid, l'épouse d'Henry I, fut la soeur cadette de Cécile Fatiman et la grande-tante de Célestina Pierrot dite Cécé.
Pareillement, plusieurs chant traditionnels évoquent Cécé dont celui-ci qui semble traiter d'un acte de trahison subi par Cécé de la part de Sylvain Salnave (mon ancêtre paternel) :


Sese, adje Sese, Palmannan gade sa yo fè mwen.
Pwason ki genyen dlo lakonfyans dòmi lakay li...
Traduction :
Cécé, hélas Cécé, Palmannan voyez ce que l'on m'a fait.
Le poisson avait confiance en l'eau et dormit chez elle...

Ce chant fut fort probablement composé dans les années environnant l'emprisonnement de Célestina dite Cécé par le Président Sylvain Salnave, jadis l'allié de Cécé et de son mari le Général Pierre Nord Alexis. Le Général Alexis avait pris les armes contre Sylvain Salnave qui l'avait préalablement exilé à la Jamaïque. Et au bout de 5 mois de prison, Cécé s'est évadée et prit aussi l'exil. (156)
Le grand-père de Sylvain Salnave, Séraphin Salnave, ancien membre du Comité contre-révolutionnaire du Cap, secrétaire et compère de Toussaint Louverture, fut d'ailleurs pendu le 5 février 1802 - date que les troupes de Leclerc débarquèrent au Cap - par le Général Henry Christophe, (157) le beau-frère de Cécile Fatiman, le grand-oncle par alliance de Célestina "Cécé" Pierrot.
Comme quoi, Cécile Attiman Coidavid alias Cécile Fatiman, autant que sa famille, font partie de l'histoire vivante d'Haïti. Ce sont des personnes réelles dont les vécus ont laissé des traces palpables, et non des personnages de fiction dont tout démagogue peut impunément déformer l'histoire sous prétexte qu'ils furent des héros et des héroïnes.
+++ Auteurs révisionnistes, voir :
Gérard Barthélémy. "Propos sur le Caïman : Incertitudes et hypothèses nouvelles". In : Chemins Critiques, Vol.2, No.3. Port-au-Prince, Mai 1992. pp.33-58.
Léon-François Hoffman. "Un mythe national : la cérémonie du Bois-Caïman". In : La République haïtienne : État des lieux et perspectives. Paris, 1993. pp.434-448.
Charlie Najman. Haïti, Dieu seul me voit: récit. Paris, 1995. pp.157-160.
LeGrace Benson. "How Houngans Use the Light from Distant Stars". In : Journal of Haitian Studies, Vol7, No.1, 2001. pp.106-135. ; In : Vodou in Haitian Life and Culture~Invisible Powers, 2006. pp.155-179.
Ulrick Fleischmann, Alex-Louise Tessoneau. "African Fundamentalism in the New World : The Case of the Haitian Mandingo." In : A Pepper-Pot Of Cultures: Aspects Of Creolization In The Caribbean. Amsterdam, New York, 2003. pp.137-150.
Jean Rénald Clérismé. "Captifs islamisés et leur héritage". In : Genèse de l'État haïtien (1804-1859). Paris, 2009. pp.203-206.

++++ Les pierres sédimentaires, dites pierres-tonnerre, garnissant les autels des traditionalistes haïtiens trouvent leur sens dans la tradition Bambara-Mandingue. Elles sont liées à Faro, et au sang du Bélier primordial qui coula pour que la vie renaisse :

"Les pratiques sacrificielles des Bambara s’organisent autour de Faro et des ancêtres. Les hommes ne s’épuisent plus à donner leur sang à l’arbre de Pemba, en échange de l’immortalité. Mais des souches de bois dites pembele le représentant dans chaque famille; ces objets vénérables acceuillent la force vitale (nyama) des défunts dans l’attente de nouvelles naissances. Les lieux sacrifice se sont multipliés, diversifiés. On y verse le sang des animaux domestiques pour entretenir la vie des hommes devenus mortels. Vidée de ses principes spirituels, la victime « nourrit » l’autel. Des pierres grossièrement taillées remontent toutes à une pierre mythique associée au lieu où Faro mit au monde les premières jumelles. Les objets boli, constitués d’« un amalgame d’éléments représentant les parties de l’univers », sont issus de « globules » lâchés dans l’espace par Faro lors de sa descente sur terre. Par le relais du sang versé sur ces divers autels, un circuit énergétique s’instaure entre le sacrifiant et la puissance propitiée.
(...)
La question se complique si l’on examine une autre version du mythe exposée par Youssouf Cissé (1980). Un dieu suprême céleste se dresse contre Pemba et Musokoroni. Ce couple primordial de jumeaux terrestres provoqua la colère de Dieu lorsque le mâle s’unit à une ânesse et sa jumelle à un chien. (Cet épisode traduit l’état de confusion de la nature et de l’ordre humain, que la version précédente exprime sur un autre mode en affirmant que l’arbre s’unissait aux femmes pour engendrer dans le désordre toutes sortes d’espèces animales et végétales.) Pour mettre fin à la souillure de la terre provoquée par l’« animalité » de Pemba et de Musokoroni, Dieu eut recours à un sacrifice. Il créa au ciel un bélier à la toison blanche. Les extrémités des pattes cependant étaient noires, comme l’encolure et la tête; mais le front était marqué d’une étoile blanche. Dieu égorgea le bélier primordial en se servant de l’éclair comme couteau et le dépeça, sans le dépiaurer. Le sang de l’animal purifia l’univers, le « lessiva » littéralement; il le débarrassa de l’odeur nauséabonde provoquée par la perversion sexuelle. La dépouille fut précipitée tête en bas dans l’espace, les pattes dirigées vers les quatre points cardinaux." (158)
Les révisionnistes Taïnos confèrent à ces "pierres-tonnerre" une origine amérindienne. En effet, les captifs (esclaves) de Saint Domingue ont recueilli ça et là des silex amérindiens, lors des travaux agraires, et les ont placés sur leurs autels. Mais, cela ne signifie pas pour autant que ces captifs (esclaves) avaient rencontré les Amérindiens exterminés plus de 150 ans avant leur arrivée forcée sur l’île. 
+++++ Le mot Sokoto précède l'islam, sachant que l'Empire de Sokoto fut fondée 1 mois après l'indépendance d'Haïti, mais pourtant, on retrouve Sokoto Sofigbadè comme nom d'un Lwa/Jany ou Divinité de la religion traditionnelle haïtienne. Est-ce un legs Peul (Foula) ou Haoussa? Cela reste à déterminer.
  

Notes
(1) Selon les estimées totales de captifs (esclaves) introduits par colonies (1501-1866) ; http://slavevoyages.org/assessment/estimates.
(2-3) M.L.E. Moreau de Saint-Méry. Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle Saint-Domingue. tome 1. Philadelphie, 1797. p.28.
(4) Ibid. p.33.
(5-6) Dominique Harcourt Lamiral. L'Affrique et le peuple affriquain considérés sous tous leurs rapports avec notre Commerce & nos Colonies, Paris 1789. pp.231-232 ; 98-100.
(7) Prof. Iba Der Thiam. Cité par Boubacar Boris Diop : "Faidherbe ou la fascination du bourreau". SenePlus : éditorial du 28 juillet 2020. [en ligne] Lien permanent : https://www.seneplus.com/opinions/faidherbe-ou-la-fascination-du-bourreau
(8) S.J. Ducoeurjoly. Manuel des habitans de Saint-Domingue… Tome 2. Paris, 1802. p.306.
(9) Pierre Anglade. Inventaire étymologique de termes créoles des Caraïbes d'origine africaines. Paris, 1998. p.78.
(10) Aurélie Troy. "Les pagnes des circoncis : séparation et émotions dans les rites d'initiation seereer (Hireena, Sénégal)". In : Systèmes de pensée en Afrique Noire. 18/2008. (p.63). [en ligne] posté le 05 juin 2003.
(11) Les Affiches Américaines du mardi 18 mai 1779. Parution no.20. p.0.
(12) Les Affiches Américaines du samedi 3 janvier 1789. Parution no.1. p.717.
(13) Sammuel Adjai Crowther. Vocabulary of the Yoruba Language : Part I. English and Yoruba. Part II. Yoruba - English. London, 1852. p.84.
(14) João José Reis. Slave Rebellion in Brazil: The Muslim Uprising of 1835 in Bahia. (Transl. Arthur Brakel). Baltimore, 1993. p.120. ; João José Reis, Flávio dos Santos Gomes, Marcus J. M. de Carvalho. The Story of Rufino Slavery, Freedom, and Islam in the Black Atlantic. (Transl. H. Sabrina Gledhill). New York, 2020. p.230.
(15) João José Reis. Slave Rebellion in Brazil. Op. Cit. p.108.
(16) https://aladhan.com/islamic-holidays/1835
(17) https://aladhan.com/islamic-holidays/1791
(18) Sammuel Adjai Crowther. Op. Cit. p.31.
(19) Pierre Anglade. Op. Cit. p.47.
(20) Jean Targète, Raphael Urciolo. Haitian Creole English Dictionary. Kensington, 1993. p.6.
(21) João José Reis. Slave Rebellion in Brazil: The Muslim Uprising of 1835 in Bahia. (Transl. Arthur Brakel). Baltimore, 1993. p.48.
(22) Les Affiches Américaines du samedi 24 avril 1784. Parution no.17. p.270.
(23) James Frederick Schön. Dictionary of the Hausa Language. London, 1876. p.154.
(24) Jean Targète, Raphael Urciolo. Op. Cit. p.15.
(25-27) Michel Etienne Descourtilz. Voyages d'un naturaliste, et ses observations…, Volume 3. Paris, 1809. pp.164, 165, 171.
(28-30) Ibid. pp.212, 178, 161.
(31) M. E. Descourtilz. Voyages..., Vol.1. Paris, 1809. pp.lv- lvj.
(32) M. E. Descourtilz. Voyages…, Vol.3. Op. Cit. p.166.
(33) M. E. Descourtilz. Voyages..., Vol.1, Op. Cit. pp.lv- lvj.
(34-36) M. E. Descourtilz. Voyages…, Vol.3. Op. Cit. pp.164, 165, 171-172.
(37) Ibid. pp-178-179.
(38) Gaspard-Théodore Mollien. Voyage dans l'intérieur de l'Afrique, aux sources de Sénégal et de la Gambie, fait en 1818. Tome 1. Paris, 1820. p.293.
(39-41) Ibid. pp.165-166, 167-169, 169.
(42-44) Ibid. pp.169-170, 171, 170.
(45) Jean-Baptiste-Léonard Durand. Voyage au Sénégal ou Mémoires historiques. Paris, 1802. p.324.
(46) Gaspard-Théodore Mollien. Op. Cit. pp.284-285.
(47) Pierre-François-Xavier de Charlevoix. Histoire de l'Isle espagnole ou de S. Domingue. Tome 4. Paris, 1733. p.362.
(48) M. E. Descourtilz. Voyages..., Vol.1, Op. Cit. p.lvij
(49) M. E. Descourtilz. Voyages…, Vol.3. Op. Cit. p.176.
(50) Les Affiches Américaines du samedi 23 août 1777. Parution No.34. p.405.
(51) François de Medeiros. "Les peuples du Soudan : mouvements de populations". In : Histoire générale de l'Afrique - Volume III - L'Afrique du VIIe au XIe siècle. Paris, 1990. pp.143-165. (152)
(52) Jean Targète, Raphael Urciolo. Op. Cit. p.14.
(53) R. P. (Carl) Peters. "Société Mandingue". In : L'ethnographie, 1960. pp.47-49. (p.47) ; Revue de la Faculté d'Ethnologie. No.10, 1965. pp.47-50.
(54) Gerson Alexis. "Aperçu sur les Mandingues haïtiens". In : Lecture en anthropologie haïtienne. Port-au-Prince, 1970. p.175.
(55) Semy Info. "Épisode Nº10 - Daniel Louisius, sur le mystique Haitien". [en ligne] posté le 2 août 2019 ; Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=sLiyXfd13aU ; TL : 14:03 -14:30
(56) Gerson Alexis. Op. Cit. p.176.
(57) Lexique Bambara (Malinké) [en ligne] Lien permanent : http://www.bambara.org/lexique/lexicon/main.htm


(58) Les Affiches Américaines du mercredi 2 août 1769. Parution No.351. p.259.
(59) Supplément aux Affiches Américaines du samedi 3 janvier 1778. Parution No.53. p.634.
(60) Gazette de Saint-Domingue, Politique, Civile, Économique et Littéraire, et Affiches Américaines du samedi 8 janvier 1791. Parution No.3. p.34.
(61) Les Affiches Américaines du samedi 4 janvier 1777. Parution No.1. p.9.
(62) Les Affiches Américaines du mercredi 13 juillet 1785. Parution No.28. p.308.
(63) Les Affiches Américaines du jeudi 24 mai 1787. Parution No.41. p.279.
(64) Les Affiches Américaines du samedi 21 juillet 1787. Parution No.29. p.860.
(65) Les Affiches Américaines du mercredi 27 mai 1789. Parution No.31. p.881.
(66) Les Affiches Américaines du jeudi 27 mars 1788. parution no.25 p.158.
(67-69) R.P. Carl Peters. Op. Cit. pp.47-50.
(70) Voir : "La Shahada (ou Chahada) la profession de foi islamique". [en ligne] Lien permanent : http://fr.assabile.com/a/la-shahada-chahada-la-profession-de-foi-islamique-29 ; consulté le 28 septembre 2016.
(71) Cheikh Ibn Bâz. Fatâwa. Volume 1 : le dogme islamique. p.33.
(72) R.P. Carl Peters. Op. Cit.
(73) Gerson Alexis. Op. Cit. p.179.
(74) R.P. Carl Peters. Op. Cit.
(75-76) Gerson Alexis. Op. Cit. p.176.
(77-79) Jean Rénald Clérismé. "Captifs islamisés et leur héritage". In : Genèse de l'État haïtien (1804-1859). Paris, 2009. pp.203-206. (p.204)
(80) Gerson Alexis. Op. Cit. p.176.
(81-83) Rachel Beauvoir-Dominique (avec la collaboration d'Eddy Lubin). Investigations autour du site historique du Bois Caïman. Montréal, 2019. p.94.
(84-85) Gerson Alexis. Op. Cit. pp.177-178, 183-184.
(86) Rachel Beauvoir-Dominique. Op. Cit. p.76.
(87) Ulrick Fleischmann, Alex-Louise Tessoneau. "African Fundamentalism in the New World : The Case of the Haitian Mandingo." In : A Pepper-Pot Of Cultures: Aspects Of Creolization In The Caribbean. Amsterdam, New York, 2003. pp.137-150. (p.143)
(88) Louis Tauxier. Le noir du Yatenga : Mossis, Nioniossés, Samos, Yarsés, Silmi-Mossis, Peuls. Paris, 1917. pp.607-608.
(89) Youssouf Cissé. "Le sacrifice chez les Bambara et les Malinké". In : Systèmes de pensée en Afrique noire. Mai, 1981.pp.23-60. (pp.58-59) [en ligne] Lien permanent : http://span.revues.org/494 ; DOI : 10.4000/ span.494 ; Posté le 4 juin 2013 ; consulté le 4 juillet 2013.
(90-91) Jean Rénald Clérismé. Op. Cit.
(92) R.P. Carl Peters. Op. Cit.
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(100-101) Gerson Alexis. Op. Cit. pp.180-181, 185.
(102) Jean Rénald Clérismé. Op. Cit.
(103) Ulrick Fleischmann, Alex-Louise Tessoneau. Op. Cit. pp.146-147.
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(114) R.P. Carl Peters. Op. Cit. pp.47-50. (p.49)
(115) Youssouf Tata Cissé, Wâ Kamissoko. Soundjata la gloire du mali: La grande geste du Mali, Tome 2. Paris, 2009 (2e édit.) pp.37-38.
‬(116) Djibril Tamsir Niane. Histoire des Mandingues de l'Ouest : le royaume du Gabou. Paris, 1989. pp.69-70.
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(146) M.L.E. Moreau de Saint-Méry. Description... tome 1. Op. Cit. p.38.
(147) Voir : FR ANOM COL E 59. "Cairou, Paul, capitaine de grenadiers de milices du Cap-Français, à Saint-Domingue, on demande pour lui un brevet de major d'infanterie, à défaut de la croix de Saint-Louis, à laquelle il ne peut prétendre, étant protestant (1773)".
(148) Pierre Michel Chéry. "12 Principes Bwa Kayiman en héritage à s'approprier." Août 2009. Traduction Turenne Joseph. [en ligne] ; Lien permanent : https://www.world-dancespirit-danse.com/principes-bwa-kayiman.html ; Consulter le 21 août 2019.
(149) François Nau. "La Vallée de Jacmel… un conte jamais dit". [en ligne] posté le 21 janvier 2013. Lien permanent : https://www.facebook.com/iLoveLaVallee/posts/323778754405371/ ; Consulté le 1 septembre 2019
(150) Prophète Joseph. Dictionnaire Haïtien-Français. Montréal, 2003. p.301.
(151) Milo Rigaud. La Tradition Voudoo et le Voudoo haïtien. Paris, 1953. pp.73-74.
(152) Mick Bock. "Oungan et bocor : La force du bien et la force du mal". in L'Organe. Cité par Arthur Antoine. ‪Par le français, parle créole‬: ‪cours d'apprentissage du créole : une langue néo-romane... 1996. p.75.
(153) Semy Info. "Épisode Nº10 - Daniel Louisius, sur le mystique Haitien". [en ligne] posté le 2 août 2019 ; Lien permanent : https://www.youtube.com/watch?v=sLiyXfd13aU ; TL : 14:03 -14:30
(154) André A. Isidore. "Fragment d'histoire". In : Indépendance : Bi-Hebdomadaire. Port-au-Prince. 1ère année, No.30. Jeudi 27 janvier 1955. pp.1, 4.
(155) Annuaire des deux mondes : histoire générale des divers états. Vol 6. Paris, 1856. pp.879-880.
(156) Matthew J. Smith. Liberty, Fraternity, Exile: Haiti and Jamaica after Emancipation. Chapel Hill, 2014. p.176.
(157) [Joseph P. Riboul]. "Jean-Baptiste Salnave ou "Coco Séraphin"". / "Ascendance des familles Riboul et Salnave. Documents transmis par Ch. Th. et Max U. Duvivieur." In : Revue de la Société Haïtienne d'Histoire et de Géographie, Vol.52, n°195. 1998. pp.43-44.
(158) Luc de Heusch. Le sacrifice dans les religions africaines. Paris, 1986. pp. 255-256.



Comment citer cet article:
Rodney Salnave. "Les islamisés de Saint Domingue étaient soumis". 7 septembre 2020 ; modifié le 21 déc. 2020. [en ligne] Lien permanent : https://bwakayiman.blogspot.com/2020/09/les-islamises-etaient-soumis.html ; Consulté le [entrez la date]


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