Cécile Fatiman n'était pas musulmane



Auteur : Rodney Salnave
Fonction : Dougan (Scribe)
Date : 30 novembre 2016
(Mise à jour : 13 août 2019)


La thèse révisionniste prônant l'islamité de la Révolution haïtienne, via la cérémonie du Bois Caïman, n'aurait jamais dû être prise au sérieux, dès l'instant que l'on su qu'au cours de cette cérémonie, une femme officia à un sacrifice de porc sacré dont le sang fut bu par les participants. Mais, vu la faiblesse systémique et chronique de l'intelligentsia haïtienne, les prédateurs révisionnistes se sont permis d'oser l'illogique. Et leur légende urbaine a germé aussi bien auprès des Haïtiens aliénés, que chez leurs alliés étrangers. Mais, tout ceci prend fin ici. Car la blague a assez durée, et l'intelligence ancestrale haïtienne reprend ses droits.  


1- Qui était cette officiante ?

L'auteur haïtien Hérard-Dumesle, suite à son Voyage dans le Nord, a dévoilé la tenu de la rencontre du Morne Rouge du 14 août 1791, suivie, une semaine plus tard, de la cérémonie au cours de laquelle une jeune femme sacrifia un animal (1). Cette jeune officiante s'appelait Cécile Fatiman. Cependant, son identité demeura longtemps inconnue. Et s'il fallait attendre les découvertes des historiens complexés tels que Jean Fouchard qui spéculait, dès 1953 (2), sur le savoir des captifs (esclaves) islamisés, jamais le monde en aurait été informée. L'identité de Cécile Fatiman fut dévoilée en 1954 par l'historien Étienne D. Charlier, suite au témoignage du Général Pierrot Benoît Rameau, l'arrière-petit-fils de madame Fatiman, et un héros de la résistance contre l'occupation américaine d'Haïti (1915-1934) :
"Cécile FATIMAN, femme de Louis Michel PIERROT, qui commanda un bataillon indigène à Vertières et devint plus tard Président d'Haïti, participa à la cérémonie du Bois-Caïman: elle était une mambo. Fille d'une Négresse africaine et d'un Prince corse, Cécile FATIMAN était une Mulâtresse aux yeux verts et à longue chevelure noire et soyeuse et avait été vendue avec sa mère à Saint-Domingue. La mère avait également deux fils qui disparurent au hasard de la traite, sans laisser de traces. Cécile FATIMAN vécut au Cap jusqu'à l'âge de 112 ans, en pleine possession de ses facultés.
Nous tenons ces renseignements du Général Pierrot Benoit RAMEAU, petit-fils de Louis Michel PIERROT et de sa femme, qui nous a autorisé à les rendre publics. On sait que le Général RAMEAU est l'un de nos héros nationaux, dont on parle très peu, probablement parce qu'il est vivant et, par suite, encombrant. En effet, en 1915, lorsque survint l'intervention militaire nord-américaine, il guerroyait dans le Nord comme Général en Chef des troupes de Rosalvo BOBO. D'accord avec celui-ci, et malgré toutes les offres alléchantes de l'envahisseur, il s'opposa à la Convention qu'il combattit les armes à la main: ce qui lui valut plus de onze années de prison et la subtilisation de sa fortune.
Dans la plus complète indifférence, "l'homme haïtien" d'aujourd'hui, ce curieux sous-produit de notre grande Histoire, voit passer ce vieillard étrange, tout à fait d'un autre âge: de l'âge de notre grandeur, qu'il faut saluer bien bas, malgré son français informe où s'expriment une logique implacable et l'honneur national porté au plus haut point: vos 100.000 dollars ne peuvent pas approvisionner mon honneur, Capitaine Waller! répondit RAMEAU à l'occupant qui voulait l'acheter : Toussaint- Louverture, Dessalines et la plupart de nos grands Chefs de 1804 ne parlaient pas plus élégamment. L'entrevue de Rameau avec le Colonel Waller et l'Amiral Caperton eut lieu aux Dattes des Gonaives, à la maison de plaisance de Mr. Désert, en Septembre 1915, en présence du consul américain Woel, père de Mr. Gaston Woel."
(3)
Au-delà de son parcourt héroïque et de l’exactitude de son témoignage, il est à noter que le Général Rameau a bel et bien identifié son arrière-grand-mère Cécile Fatiman comme une Manbo et non une officiante musulmane - ce qui n’existe pas d’ailleurs dans cette religion monothéiste misogyne. Car si Cécile Fatiman était de foi musulmane, le mot manbo - signifiant une prêtresse ancestrale - n’aurait certes pas été utilisé par son arrière-petit-fils qui aurait, bien au contraire, précisé sa singularité musulmane. De plus, Charlier, recueillant le témoignage en question, a, de manière non équivoque, décrit cette cérémonie du Bois Caïman  d’« imposante cérémonie vodouesque. » (4).

Voici maintenant la généalogie du Général Rameau qui fut, non le petit-fils, mais bien l'arrière-petit-fils de Cécile Fatiman et du président Jean-Louis-Michel Pierrot.
  1. Cécile FATIMAN + Jean-Louis-Michel PIERROT
  2. Alfred PIERROT + Marguerite Avelina FRANÇOIS
  3. Anne Marie Altagrâce PIERROT + NN RAMEAU
  4. Pierre Benoit RAMEAU (5)
Donc, conformément au récit d'Hérard-Dumesle, l'officiante à cette cérémonie dite du "Bois Caïman" fut une jeune femme, et non une vieille. Car Cécile Fatiman était âgée de 16 ans en 1791. Et cela est tout à fait conforme aux déclarations de son arrière-petit-fils qui affirma qu'elle mourut à l'âge de 112 ans. En effet, elle naquit hors de la colonie en 1775, et s'est éteinte au Cap-Haïtien en 1887. (Mais la date de 1883 est suggérée par certaines sources)


2- Usage du patronyme Fatiman en Occident

La consonance islamique de "Fatiman" a suffi pour que l'ensemble des révisionnistes déclare, sans preuve à l'appui, que la manbo était musulmane. En 1992, Gérard Barthélémy débuta la charge sur l'islamité de Cécile Fatiman :
"La légende populaire a rapporté d'autres indices curieusement complémentaires. Il s'agit en l'occurrence du nom de la prêtresse, dont la tradition a relié le sort à celui de Boukman, lors de la cérémonie de Bois-Caïman. Celle-ci s'appelait Cécile Fatiman selon Étienne Charlier qui rapporte cette anecdote.
(…)
Fatiman est, s'il en fut, un prénom musulman, qui curieusement émerge au coeur même de cette cérémonie." (6)
Puis Charles Najman emboîta le pas, en 1995, en déclarant également, sans le prouver, que Cécile Fatiman portait un nom musulman :
"Cécile Fatiman, une mambo dont l'histoire est reliée par la tradition à Boukman, portait, elle aussi, un nom musulman. Elle émerge côté de Boukman au coeur de la cérémonie du Bois Caïman en égorgeant un animal dédié aux dieux d'Afrique. Femme de Louis-Michel Pierrot, qui commanda un bataillon indigène à Vertières, Cécile Fatiman, une mulâtresse aux yeux verts et à la la longue chevelure noire, était fille d'une Africaine et d'un prince corse. Elle vécut au Cap jusqu'à l'âge de 112 ans..." (7)
Trois ans plus tard, en 1998, Sylviane Diouf, la Sénégalaise, eut l'audace de changer le nom de "Fatiman" en "Fatima", afin de le faire coïncider avec le nom d'une fille de Mahomet :
"In addition to Boukman, there was a woman who has been described as a mambo (voodoo priestess) at Bois-Caïman. Her name was Cecile Fatiman and she later became the wife of a president of Haiti. Her mother was an African and her father a Corsican. It is probable that her second name was Fatima, like that of Muhammad's favorite daughter, and she may have been a Muslim." (8)
Traduction :
"En plus de Boukman, il y avait une femme qui a été décrite comme un mambo (prêtresse vaudou) à Bois-Caïman. Elle s'appelait Cécile Fatiman et devint plus tard la femme d'un président d'Haïti. Sa mère était africaine et son père corse. Il est probable que son deuxième nom était Fatima, comme celui de la fille préférée de Mahomet, et elle a pu être une musulmane."
Et s'il faut croire les révisionnistes, le nom "Fatiman" ne pouvait provenir que de l'islam africain. Or, le plus rudimentaire des recherches dévoile que le patronyme "Fatiman" appartient au corpus linguistique occidental et français des siècles avant l'implantation de la traite négrière. Il fut le nom du neveu d'Almanzor, c'est-à-dire Al Mansûr, le conquérant de la péninsule ibérique de l'an 978 à 1002 :


 "Near her bower the Countess Julia
By the evening twilight strays,
Fatiman, Almansor's nephew
Captures there the blooming maid." (9)


Traduction :
"Près d'elle charmille la Comtesse Julia
Dans le crépuscule e
rrant du soir,
Fatiman, le neveu d'Almansor
Saisi la floraison de la bonne."

Autrement dit, les Occidentaux connaissaient le nom Fatiman plus de huit siècles avant la cérémonie du Bois Caïman, ou plus de 3 siècles avant la dite découverte de l'Amérique par les Espagnols.


Fatiman dans la littérature occidentale

Depuis des siècles, nombre d'ouvrages occidentaux ont fait état de personnages au nom de Fatiman. Cet exemple-ci provient d'une pièce comique datée de 1696, soit 95 ans avant la cérémonie du Bois Caïman de 1791.
Langlois Antoine Jacob Montfleury. Le Mary Sans Femme ou D. Brusquin Dalvarage, comédie en cinq actes. La Haye, 1696.

Fatiman est le personnage principal de cette pièce populaire :





"ACTEURS [personnages]
D. BRUSQUIN Dalavare : Gentilhomme Espagnol.
(...)
FATIMAN : Gouverneur d'Alger.
(...)
La Scène est dans Alger.
Les préparatifs du Mariage de
Célime & de Fatiman, donnent
lieu à des Entrées, qui séparent
les Actes."
Maintes fois reprise, traduite et rééditée, cette pièce, "Le Mary Sans Femme ou D. Brusquin Dalvarage", aida à l'expansion du nom "Fatiman" en Europe jusque dans les colonies esclavagistes dont Saint Domingue (Haïti), où il fut attribué à des captifs sans pour autant qu'ils furent islamisés.


3- Le prénom Fatiman dans la colonie

À croire les révisionnistes, Cécile Fatiman était une mulâtresse née en Afrique musulmane. Mais, les faits historiques nous dévoilent que l’usage de "Fatiman" dans la colonie, soit comme prénom ou nom de famille n’était pas signe d’islamité. Au contraire, "Fatiman" fut aussi anodin ou chrétien qu'"Apolon" ou "Julien". Et à ce titre, "Fatiman" était attribué par les colons à des captifs indépendamment de leur provenance ethnique, ni de leur contact ou non avec l'islam. 

Notre première trouvaille de "Fatiman" provient des registres de prisons de Port-au-Prince à la date du 26 avril 1783, soit 8 ans avant la cérémonie du Bois Caïman :
"Au Port-au-Prince, le 9 de ce mois, Fatiman, se disant appartenir au nommé Jean-François Lilavois, M.L. [Mulâtre Libre] en cette ville." (10)

Si l’origine ethnique de ce "Fatiman" ne fut fournie, cela nous laisse penser qu’il s’agissait d’un Créole (donc d'un captif né dans la colonie). Car Créole était l’ethnie neutre ou par défaut à Saint Domingue. Autrement, un effort aurait été fait pour identifier sa provenance d’outre Atlantique. 

Mais voilà qu’un an plus tard, toujours au Port-au-Prince, nous avons déniché, dans les registres carcéraux du 17 Avril 1784, le prénom "Fatiman" d’un captif mandingue :
"Au Port-au-Prince, le 2 de ce mois, Fatiman, Mandingue étampé AUTURO, au-dessous JACMEL, autant qu'on a pu le distinguer, ne pouvant dire son nom ni celui de son maître." (11)  
Était ce "Fatiman" islamisé car mandingue? Pas nécessairement, puisque l'islamité, chez les Mandingues, varia selon les individus et leur provenance. D'ailleurs, il existe encore de nos jours des Mandingues traditionalistes dans le continent-mère, donc non-musulmans. Toutefois, la possibilité que ce captif ait été islamisé existe tout autant. 
Ce qui est sûr, c’est qu’en 1784, soit 7 ans avant Bois Caïman, ce captif mandingue « ne pouvant dire son nom » (ce qui laisse penser que le nom "Fatiman" lui était attribué par ses geôliers), « ni celui de son maître », n’était pas politisé au point de se faire constituer leadeur de l’ensemble des ethnies ; comme le prétendent les révisionnistes. 

D’ailleurs, 5 ans plus tard, toujours à Port-au-Prince, au mois de juin 1789, nous retrouvons cette annonce prouvant que "Fatiman" était attribué aléatoirement aux captifs. Nous avons un captif mandingue portant, en "Narcisse", un prénom chrétien, partageant probablement la même cellule avec un Coulango appelé "Fatiman" :
"Le 19, Narcisse, Mandingue, étampé BREVILIER, autant qu'on a pu le distinguer, se disant appartenir à M. Buzez, à l'Arcahaye : le 20, Fatiman, Coulango, sans étampe apparente, ayant des marques de son pays sur la figure & sur le dos, se disant appartenir à M. Henry, ne pouvant dire sa demeure." (12)
Ce "Fatiman" d’ethnie Coulango (également appelée, à Saint Domingue, Colango, Coulingo ou Coulongue, en référence à Loango, la capitale du Royaume de Loango (1550-1883) situé au nord du Royaume Congo-Angola) n'était pas islamisé car en provenance de la côte ouest de l’"Afrique" centrale.



 Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loango_%28R%C3%A9publique_du_Congo%29


Provenant de Loango (ville faisant partie de la République du Congo actuelle), il était alors, dû au contact prolongé avec les Portugais, d'avantage exposé au catholicisme qu'à l'islam. Car cette dernière religion était connue que par les Congo du Centre-Est qui côtoyaient les Swahili à cheval entre le Congo du Centre et l'"Afrique" orientale.
 

Fateman prénom donné à un Bambara (non musulman)

On trouvait également des Bambara portant le nom de Fateman. Donnant ainsi du poids à la banalité de ce nom à Saint-Domingue. D'autant plus que les Bambara sont reconnus pour être un peuple de langue mandingue n'ayant pas accepté la conversion islamique :
"Au Port-au-Prince, le 27 du mois dernier, (...) & Fateman, nation Bambara, rouge de peau, sans étampe apparente, se disant à la nommé Poncette, Mulâtresse libre." (13)


Fatime ou Fatmé, prénom d'une Meseurade (non musulmane)

Et que l’on ne vient pas nous dire que "Fatiman" était extrêmement rare comme prénom, dans la colonie, puisque nous avons même trouvé en « Fatime », tantôt Congo, tantôt Ibo, tantôt Meseurade, une distribution qui dit long sur la banalité de ce patronyme dans la colonie.
Par exemple, le 11 mai 1785, cette annonce de marronnage fait état d’une captive portant deux prénoms : Eugénie et Fatime. Cette jeune femme âgée de 20 ans est décrite comme étant d’ethnicité Meseurade, donc, en provenance de Cape Mesurado (à proximité de l’actuelle Monrovia, capitale du Libéria) :
"Une négresse nommée Eugénie & Fatime, Meseurade, étampée DE CLERVILLE, âgée d'environ 20 ans, de petite taille, & très-noire de peau, marronne depuis 18 jours. Ceux qui en auront connaissance, sont priés de la faire arrêter & de la renvoyer à Mdme. Clairville, actrice attachée au Spectacle du Cap." (14)
"Eugénie Fatmé, Meuserade, étampée sur le sein gauche DE CLERVILLE, appartenant à M. Regnaut, Maître de Musique au Cap, pour l’avoir acquise de Madame veuve Clairville, par Acte au rapport de Mes Maureau & son Confrère, Notaires de ce Siège. Ceux qui en auront connaissance sont priés d’en donner avis audit sieur Regnault, à qui elle appartient. Il y aura deux portugaises de récompense." (15)
Il est à noter que cette région libérienne du Cape Mesurado n’était pas islamisée mais traditionaliste - à l'exception de quelques Vai et Kpelle de langues mandingues implantés aux environs, dont cette captive Meuserade ou Meseurade nommée Eugénie, Fatime ou Fatmé pouvait aussi bien avoir fait partie.
Fait intéressant, ce groupe dit Meuserade à Saint Domingue comme dans les Amériques françaises, était également appelé Canga. Loin de constituer le nom d'une ethnie libérienne, Canga désigne "esclave" en langue baoulé. Et "orphelin" est son synonyme. Cette relation entre les mots "esclave" et "orphelin" nous permet d'établir l'origine "africaine" de la pratique déshonorante du "Restavèk", c'est-à-dire le servage domestique d'enfants déshérités en Haïti.

Fatime, prénom d'une Congo (non musulmane)

Ici, une Congo, très majoritairement traditionaliste ou catholique, s'est vue attribuer "Fatime" comme prénom :
"Au Port-au-Prince, le 30 du mois dernier, Fatime, Congo, sans étampe, ayant des marques de son pays sur les deux seins, âgée de 30 ans, taille de 5 pieds, laquelle a dit appartenir à M. Macassée, au Petit-Goave." (16)


Fatime, prénom d'une Ibo (non musulmane)

Cette fois-ci, c'est une Ibo, en provenance du Sud-Nigérian traditionaliste, qui s'est fait appeler Fatime :
"Au Fort-Dauphin (...) Le 18, Fatime, nation Ibo, âgée de 24 ans, étampée sur le sein gauche GRA & autres lettres illisibles, ayant des marques de son pays." (17)
Tous ces exemples démontrent que plusieurs variantes de "Fatiman", à savoir "Fateman", "Fatime", "Fatmé", etc. circulaient dans la colonie ; et ce, pour les hommes autant que pour les femmes, pour les "africains" autant que les créoles. Ce qui veut dire que ce nom, dans la colonie de Saint Domingue, n'avait pas de rattachement religieux. Et encore moins un rattachement à l'islam. Quoique certains captifs islamisés auraient bien pu conserver cette appellation parallèlement à leurs nouveaux noms chrétiens.


4- La provenance du nom "Fatiman" de Cécile

Vu que Cécile Fatiman fut une mulâtresse, d'un père corse, les révisionnistes font alors miroiter l'origine "africaine" de sa mère comme un gage d'islamiter. Or, ils l'ont tout faux. Car, la mère de Cécile ne se nommait pas Fatiman, mais Célestina Coidavid, un nom non étranger à la colonie de Saint Domingue. Nous avons ici l'État de Service Militaire d'un certain Jacques Coidavie, (une variante de Coidavid) ancien sergent de milice, devenu chef de brigade du 2e régiment de troupes franches. Né à Saint Domingue (Cap Français) en 1737.



Source : http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ark:/61561/up424souuuy

Cet État de Service Militaire de "Coidavie" nous indique la possibilité que Célestina Coidavid, la mère de Cécile Fatiman, pouvait s'être établie dans la colonie préalablement à la date que l'on pense. Ou du moins, elle pourrait tout aussi bien provenir d'une île des Caraïbes telle que la Martinique, la Guadeloupe, etc. Et lorsque l'on considère que Cécile fut la seule des enfants de Célestina Coidavid à porter le nom (ou prénom) de Fatiman, nous devons regarder du côté paternel pour l'origine de son nom.



"Fatiman" et la filiation royale corse

Fait particulier, peu de gens savent que la Corse, constamment sous emprise d'autres puissances, s'était brièvement dotée d'un Roi, de 1736 à 1738. Si effectivement Cécile Fatiman provint d'un prince corse, un seul choix s'impose. Ce bref Roi corse se nommait Théodore-Stephan Neuhoff. Il fut un Baron de naissance, et il était, comme on aime le dire, un aventurier allemand s'étant installé en Corse, en quête de fortune et de gloire. La Corse alors en conflit avec Gènes (Italie) dont elle dépendait, trouva en Théodore Neuhoff, plein de ressources militaires, la clé de sa souveraineté. Ayant reçu des munitions de la part des Tunisiens, le Baron Théodore, selon ce manifeste génois contemporain, fit une entrée triomphale en Corse, "habillé à la Turque" :
"Nous Doge, Gouverneurs & Procurateurs de la République de Gènes, etc, etc.
Avons appris qu'un certain Personnage fameux habillé à la Turque, a débarqué dans nôtre Royaume de Corse du coté d'Aleria, où il s'était rendu avec quelques Munitions de Guerre à bord d'un petit Batiment, commandé par le Capitaine Dick, Anglais..." (18)
  

Source : Ernest d'Hervilly, (Dessin d'Henri Pille). Héros légendaires : Leur véritable histoire. Paris, 1889.

En dépit de son accoutrement moyen-oriental, le Baron Théodore fut bien de foi chrétienne. Et ce fut
d'un Royaume corse catholique, qu'il devint Roi, le 15 avril 1736, sous le nom de Théodore I :

"CAPITULATION DU ROI THÉODORE

Au nom et à la gloire de la Sainte Trinité, Père, Fils et St. Esprit : de l'Immaculée Conception de la B. V. Marie Protectrice de ce Royaume, et de la Sainte Devote, Avocate du même Royaume.
Aujourd'hui Dimanche 15 Avril 1736. Le Royaume de Corse ayant formé une Assemblée générale légalement intimée et convoquée par ordre des Excentissimes Généraux Hiacinthe de Paoli et Louis Giafferi dans l'endroit nommé Alesani, après une longue et mûre discussion que les Principaux du Royaume ont faite entr'eux, les Peuples ont déterminé et statué, comme ils déterminent et statuent, d'élire un Roi et de vivre sous lui, et ils ont reçu, acclamé et accepté pour leur Roi le Seigneur THÉODORE…" (19)
Vu qu'il a entretenu une relation étroite avec des Souverains musulmans, il n'est pas impensable que Théodore fut exposé à "Fatima" comme prénom.* Ainsi, Cécile Fatiman, que l'on dit provenir d'un "Prince Corse", donc d'un descendant de Théodore, aurait bien pu recevoir cette appellation à consonance musulmane, en mémoire du passage de Théodore au trône, grâce au soutien musulman. C'est effectivement ce que nous pensions. Mais, il en fut rien.
L'extrait suivant nous prouve que le nom de Cécile Fatiman ne découle pas de "Fatima", mais plutôt de "Attiman", le nom d'un des compagnons chrétiens de Théodore I :
"Nous avons jugé à propos de les informer de la véritable qualité et condition de cet Homme, conformement aux preuves et témoignages authentiques que Nous en avons.
Il tire son Origine d'un Cantan de la Westphale, et se fait nommer le Baron Théodore de Neuhoff. (...) En Corse il se fait appeler Théodore.
(...)
Il est allé ensuite à Tunis, où il a exercé la Medecine et tenu plusieurs conférences secrètes avec les Chefs des Infidèles [musulmans]. Il a su en tirer des armes et des munitions de guerre avec lesquelles il s'est transporté en Corse, accompagné de Christoffaro, frère du Medecin Buongiorni à Tunis, de trois Turcs, parmi lesquels se trouve un certain Mahomet, qui fut autrefois Esclave sur les Galères de Toscane; de deux jeunes Livournois, Attiman et Bondelli, fugitifs de leurs Maisons paternelles, et d'un Prêtre de Porto-Ferraïo que les Pères Missionnaires de Tunis ont jugé à propos d'éloigner pour de justes raisons.
(...) 
Fait dans nôtre Palais Royal le 9 Mai 1736. 
Guiseppe Maria." (20)
Les informations contenues dans ce manifeste génois sont d'une très grande valeur. Alarmée par la perte de son protectorat corse, Gènes s'était bien informée sur Théodore, son rival, ainsi que sur l'identité de ses complices. Le sénat génois publia donc ce manifeste le 9 mai 1736, soit à moins d'un mois de la prise du trône de Théodore au 15 Avril 1736. Et ce manifeste présenta comme compagnons de Théodore, à la fois des musulmans (dont un ou deux nommés Mahomet), et des chrétiens (dont un prêtre catholique). Voila que le nom "Attiman" y est figuré. Était-ce un chrétien ou un musulman? Son nom au complet en dit d'avantage sur sa provenance et sa foi. Il s'appelait Gregorio Attiman :
"Avant de partir, Neuhoff rachète - à crédit là encore ! - deux esclaves corses, un certain Quilico, quelquefois appelé Fascianello d'Alexia "un peu estropié aux jambes", et un patron, Antonio Tommasi de Pino, dans le Cap Corse, qui s'embarqueront avec lui. L'accompagnent aussi Buongiorno, le frère de celui-ci le fils Bigani, un certain Gregorio Attiman, Antonio Bondelli un Livournan qu'il a engagé comme valet..." (21)
Donc, ce jeune Gregorio Attiman était un chrétien qui, comme son copain Antonio Bondelli, servait de page ou de valet à Théodore. (22) Il fut natif de Livorno (Livourne), ville portuaire italienne adjacente à l'île de Corse :


Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Livorno

En résumé, les documents corses démontrent que Cécile ne s'appelait pas réellement Fatiman. Son nom fut plutôt Cécile Attiman, en référence à Gregorio Attiman. Il est fort possible que le nom complet de cette héroïne fut Cécile Attiman Coidavid, et que "Attiman" lui servait de second prénom, selon la coutume de son époque. Une déformation d'"Attiman" en "Fatiman" semble s'être opérée. Et cela peut provenir d'une de ces 3 sources : 1) soit des descendants de Théodore dont un fils ait transmis cette déformation à Célestina Coidavid, la mère de Célice Fatiman ; 2) soit de la descendance haïtienne de Cécile, se basant, au fil du temps, sur l'oralité comme moyen de conservation généalogique ; 3) soit, compte tenu qu'aucun texte n'atteste de "Fatiman" avant la publication de 1954, à cause d'une mauvaise réception de la part d'Étienne D. Charlier, dans son entretien avec le vieux Général Rameau marmottant "Fatiman" comme le nom de son arrière-grand-mère ; à moins que Charlier, en tant qu'intellectuel haïtien, a eu le réflexe arrogant de corriger "Attiman", que lui disait Rameau, en "Fatiman" qui lui paraissait plus probable.
 

La filiation corse, est-elle véridique?

Analysons diverses pistes afin de déceler la vérité sur le dite filiation corse de Cécile Fatiman :

A) Une piste tangible vient de l'Angleterre où Théodore, ex-Roi, meurt exilé en 1756. Deux ans plus tard, en 1758, le Colonel Felice Frédérick, dit Neuhoff (1725-1796/97), se présenta comme fils naturel de Théodore. La forte majorité de ses contemporains le croient. Tandis que certains historiens le prennent soit pour un usurpateur d'origine polonaise, soit pour le neveu de Théodore.
L'important ici est de savoir que Frédérick passa pour prince, et il avait une fille du nom d'Élisabeth, qui fut la mère de la romancière Émily Clarke (1778-1833) reconnue de descendance royale du Colonel Frédérick, fils de Théodore : 


 "Ianthé ; or the Flower of Caernarvon. Dedicated to his Royal Highness the Prince of Wales. By Emily Clarke, Grand-daughter of the late Colonel Frederick, Son of Theodore, King of Corsica." (23)
Traduction :
"Ianthé ; or the Flower of Caernarvon. Dédié par permission à Sa Majesé Royal, le Prince de Galles. By Emily Clark, Petite-fille de feu Colonel Frederick, Fils de Théodore, Roi de Corse."
De même, Frédérick avait "un fils (tué, jeune encore, pendant la guerre d'Amérique)" [1775-1783]. (24) Et ce fils militaire, frère d'Élisabeth et oncle d'Émily Clarke, se croyant également prince corse, pouvait bien avoir connu Célestina Coidavid, la mère de Cécile Fatiman, en Amérique. Sur ce point, les dates coïncident :
  1. Le baron Théodore-Stephan Neuhoff naquit en 1690, fut roi de 1736 à 1738 et meurt en 1756. 
  2. Frédérick Neuhoff, se disant son fils et prince, naît en 1725, et meurt en 1796 /1797.  
  3. Par conséquent, à l'âge de 50 ans, Frédérick pourrait être grand père en 1775, date de naissance de Cécile Fatiman ; sachant que son fils légitime soldat se trouvait en Amérique aux environs de 1775 ; et probablement avant.
La ville Charleston, proche de Boston, semble être le lieu de rencontre des parents de Cécile Fatiman. Car, il est affirmé que, beau, jeune et intelligent, le fils de Frédéric Neuhoff servit dans les rangs du Général Howe qui, fort impressionné, en fit lieutenant :
"He was introduced by Sir John Dryden, Bart., then an officer in the guards, to Admiral Sir John Borlase Warren, who was exceedingly kind to him, and actually purchased a commission for him. On his arrival in America he was noticed by General Howe, then Commander-in-chief, and advanced to the rank of lieutenant but he was soon cut off during the war." (25) 
Traduction :
"Il fut présenté par Sir John Dryden, Bart., alors officier dans les gardes, à l'amiral Sir John Borlase Warren, qui lui fut extrêmement gentil et l'acheta une commission. À son arrivée en Amérique, il fut remarqué par le général Howe, alors commandant en chef, et il obtint le grade de lieutenant, mais il fut bientôt coupé pendant la guerre."
Effectivement, le 17 juin 1775, 19 Lieutenants du Général Howe péris durant la bataille meurtrière de Bunker Hill à Charleston. Le nom du fils de Fréderick (et d'une dame d'honneur de l'Impératrice allemande Marie Thérèse, La Grande) n'étant pas disponible, son identification sur la liste des officiers tués s'avère hasardeuse. Toutefois, comme par enchantement, 1775 relie à la fois la bataille de Bunker Hill et la naissance de Cécile Fatiman hors de la colonie de Saint Domingue.

B) La Corse, avant d’être annexée à la France, fut traditionnellement peuplée d’Italiens. Et voilà qu'un nombre hors-norme de prénoms à consonance italienne se retrouve au sein de la famille de Cécile Fatiman ; cela appui légèrement l'hypothèse corse :
  • Célestina Coidavid (Mère de Cécile Fatiman)
  1. Cécile Pierrot, née Fatiman (Attiman)
  2. Noele Coidavid, dit Prince Noele (Frère)
  3. Louisa Geneviève Pierrot, née Melgrin (Sœur)
  4. Marie-Louisa Henry, née Coidavid-Melgrin, Reine Marie-Louise (Sœur)
  5. Jean-Bernadine Sprew, dit Prince Jean (Frère)
C) Cette filiation royale corse, qu'elle soit véridique ou pas, nous importe peu. Ce qui compte est qu'elle fut prise au sérieux autant par la famille de Frédérick Neuhoff que par celle Cécile Fatiman. Une comparaison du style vestimentaire immortalisé dans des portraits de Théodore, Roi de Corse, et d'Henry, Roi d'Haïti, permet d'entrevoir le maintien de cette filiation via l'influence de la Reine Marie-Louisa Coidavid-Melgrin, la soeur cadette de Cécile Fatiman, sur  Henry, son Souverain époux.
Observons la posture de Théodore I, la fleur-étoile sur le coeur, assortie de la canne - sans négliger la "tête de Maure" symbolisant le passage musulman en Corse : 



Source : André Le Glay. Théodore de Neuhoff, roi de Corse, Paris, 1907.

Nous retrouvons, dans le portrait d'Henry, une posture similaire à celle de Théodore I - en ce qui à trait à la main en arrière -, puis une fleur-étoile similaire sur le coeur, accompagnée d'une canne. Même la peinture évidente en arrière-plan renforce la similitude :


Source : Portrait officiel du Roi Henry par  Richard Evans. 1815.  

Cette ressemblance dans l'accoutrement des deux Souverains, jusqu'au positionnement arrière de la main, laisse croire à l'influence de la famille Coidavid - ayant un lien avec un prince Corse - sur le Roi haïtien. On pouvait aisément classer cette similitude de pure coïncidence, si d'autres éléments, comme les suivants, ne s'y rattachaient pas. 

D) Suite à la chute du Royaume d'Henry, survenue en 1820, la Reine et ses 2 princesses, ayant eu la vie sauve, furent préalablement reçues en Angleterre où l’abolitionniste Thomas Clarkson, grand correspondant du feu Roi, s’était chargé de leur accommodement. Cependant, celles-ci, le 14 septembre 1824, ont préféré s’établir en Italie - à défaut, pensons-nous, de la Corse alors devenue française. Le Royaume haïtien ayant été hostile à la France, les Henry n'y auraient certes pas été la bienvenue :
"Christophe, indeed, could not have had a more loyal friend than Clarkson or one more willing to succor and advise his bereaved and unhappy family. The last letter in this collection, dated September 13, 1824, was written by the three Christophes on the eve of their departure for Italy and forms a fitting conclusion to this Haitian story." (26)
Traduction :
"Christophe, en effet, n'aurait pas pu avoir un ami plus fidèle que Clarkson ou plus disposé à secourir et conseiller sa famille en deuil et malheureuse. La dernière lettre de cette collection, datée du 13 septembre 1824, a été écrite par les trois Christophes [La Reine et ses princesses] la veille de leur départ pour l'Italie et forme une conclusion appropriée à cette histoire haïtienne."
D’ailleurs, suite aux décès successifs de ses princesses, la Reine, en 1841, fit requête auprès du président haïtien Boyer afin de permettre à "Madame Pierrot", sa sœur Louisa Geneviève (mariée à Jean-Louis Pierrot, en seconde noce) de venir la tenir compagnie en Italie :
 
"Madame Christophe [la Reine] de son côté, lui fit part de son heureuse arrivée et lui dit que la réception qui lui avait été faite avait été des plus agréables.
Le général Vincent qui était à Paris s'empressa de se transporter auprès d'elles, les combla d'attentions et d'amitié. Il ne tarda pas à les conduire à Florence en Italie, où elles s'établirent. Les deux princesses moururent successivement une vingtaine d'années après leur arrivée en Europe. Leur mère alla habiter Pise où elle mourut une dizaine d'années plus tard. Elle avait fait venir auprès d'elle Madame Pierrot, sa soeur, après la mort des deux princesses. Madame Christophe et Madame Pierrot étaient de la famille Coidavid du Cap, ancienne libre avant la révolution." (27)
La requête de la Reine fut acceptée. Mais il a fallu attendre la fin de la présidence de Jean-Louis Pierrot en 1846, pour qu'un an plus tard, en décembre 1847, Madame Pierrot rejoigne sa soeur en Italie, tandis que le président Pierrot était exilé à la Jamaïque. Il s'agissait bien de Marie Louisa Geneviève Coidavid qui alla en Italie, (28) et non pas de sa grand soeur Cécile Fatiman qui fut préalablement "Madame Pierrot".
Ainsi, quatre membres de la famille Coidavid ont vécu en Italie. L'Angleterre aurait été un choix de résidence plus logique, ne serait-ce au niveau de la langue, lorsque l’on sait que le Roi Henry, étant natif de la Grenade, s’exprimait en Anglais, et qu’il fit apprendre cette langue, via des tutrices américaines aux princesses. Mais, d'après Beaubrun Ardouin (29), l'humidité anglaise les déplaisait. N'empêche que la filiation corse, donc italienne, aurait dû jouer un rôle dans leur choix de résidence final. Il faut aussi préciser, l'enterrement catholique de la Reine, comme preuve ultime de la non-islamité de la famille libre des Coidavid à laquelle Cécile Fatiman faisait partie :
"Marie-Louise d'Haïti est morte par une fraîche soirée de mars 1851, dans son château italien. La reine fut enterrée dans la petite chapelle du couvent des Capucins de Pise où, aujourd'hui encore, elle repose à coté de ses deux filles, les princesses Améthyste et Athénaïs." (30) 


5- La non-exposition de Cécile Fatiman à l'islam

En 2009, Susan Buck-Morss, une révisionniste de renom, prétend, sans preuve à l'appui, que Cécile Fatiman était née et élevée comme musulmane :
"But what if you learn that Boukman, born in English-speaking Jamaica, was named Boukman-Bookman-because he was literate and could read the Book, but that the Book was not the Bible? What if the facts indicate that Boukman, the huge black man who spoke these celebratory words at Bois Caïman : "listen to the voice of liberty which speaks in the hearts of us all." who inspired armed insurrection against the slave masters, was born and raised a Muslim-as were between 4 and 14 percent of all Africans who made the Atlantic crossing: as was the priestess Fatiman-Fatima-who presided over the so-named Vodou ceremony at Bois Caïman: as was the slave Makandal, their maroon rebel predecessor, whose hand had been amputated as a consequence of slavery, and who was accused in the colonial courts of plotting to poison the families of planters in Saint-Domingue in the 1750s and burned at the stake (the Christian punishment for heresy)?" (31)
Traduction :
"Et si vous appreniez que Boukman, né en Jamaïque anglophone, était nommé Boukman-Bookman - parce qu'il était lettré et savait lire le Livre, mais que le Livre n'était pas la Bible? Et si les faits indiquaient que Boukman, l'énorme noir qui a prononcé ces mots fameux à Bois Caïman: "écoutez la voix de la liberté qui parle dans le cœur de nous tous." qui a inspiré l'insurrection armée contre les maîtres d'esclaves, est né et a été élevé musulman - comme l'étaient entre 4 et 14 pour cent de tous les Africains qui ont fait la traversée de l'Atlantique**: comme la prêtresse Fatiman-Fatima - qui a présidé à la soi-disant cérémonie Vodou au Bois Caïman: comme l'était l'esclave Makandal.*** leur prédécesseur rebelle marron, dont la main avait été amputée à la suite de l'esclavage, et accusé dans les cours coloniales de conspirer pour empoisonner les familles de planteurs à Saint-Domingue dans les années 1750 et brûlé sur le bûcher (châtiment chrétien pour l'hérésie)?"
Cette révisionniste, comme tant d'autres, insinuent que Cécile Fatiman naquit en Afrique où elle aurait été exposée au culte musulman. Cela est faux. Car, si le général Rameau a identifié Célestina Coidavid, la mère de Cécile Fatiman, comme étant née en "Afrique", il n'en fit pas de même pour sa fille Cécile Fatiman. Et vu que cette dernière fut une mulâtresse - donc issue de la rencontre d'une noire et d'un blanc -, la probabilité qu'elle soit née en "Afrique" est extrêmement faible ; surtout du fait qu'elle naquit pas d'un viol dans un bateau négrier. Car l'identité de son père, quoique légère, fut quand même connue, et même admirée.
Le récit du général Rameau nous informe que la mère provient d'ailleurs. Nous pensons, le fait qu'elle fut une "Africaine", ne garantit pas qu'elle arrive directement de l'"Afrique". Les faits indiquent que Célestina Coidavid a vécu en Amérique, aux environs de Charleston, au Massachussetts, où elle fit la rencontre du père de Cécile Fatiman, c'est-à-dire le "Prince Corse", le Lieutenant dans les troupes du Général Howe, le petit-fils de Théodore I.
Toujours selon le général Rameau, Célestina Coidavid arriva à Saint Domingue avec Cécile Fatiman. Pour évacuer l'hypothèse de l'exposition de Cécile à l'islam antérieur à son arrivée à Saint Domingue, il faut tenir compte de son âge à son arrivée. Le récit ne le précise pas. Toutefois, la généalogie de la famille Coidavid nous permet d'établir avec justesse la date la plus tardive de l'arrivée de Cécile Fatiman. Pour ce faire, il suffit de se pencher sur la date de naissance des autres enfants de Célestina Coidavid qui sont nés à Saint Domingue. Ces dates de naissance placent donc Célestina dans la colonie à des moments vérifiables. Et par ricochet, nous pouvons donc placer Cécile Fatiman dans la colonie à ces mêmes dates, car elle arriva avec sa mère.
 
Célestina Coidavid (mère de Cécile Fatiman, née en "Afrique") eut des enfants avec :
  • + Prince Corse (Petit-fils de Théodore Neuhoff???)
    1. Cécile Pierrot, née Fatiman (ou Attiman) (née en 1775 hors de Saint Domingue, dans une colonie inconnue - meurt en janvier 1883 au Cap-Haïtien - à l'âge de 108 ans, et non 112 ans) ; Épousa Louis Michel Pierrot, futur président d'Haïti
  • + Melgrin (propriétaire de l'hôtel La Couronne au Cap Français)
    1. Marie-Louisa Henry, née Coidavid-Melgrin, Sa Majesté la Reine Marie-Louise Henry (sœur) (8 mai 1778, Ouanaminthe, Habitation Bredou, Saint Domingue - 14 mars 1851, Pise, Italie) 
      Source: Almanach Royal d'Hayti 1820. Sans-Soucy, 1820. p.1.
    2. Louisa Geneviève Pierrot, née Melgrin (sœur) (date naissance inconnue) : Épousa également Louis Michel Pierrot, suite à son mariage à Cécile Fatiman
  • + Sprew
    1.  Jean-Bernadine Sprew dit Prince Jean (frère) (17 octobre 1780 - 10 octobre 1820)
  • + Nom du père inconnu
    1. Noele Coidavid, dit Prince Noele (Frère) (10 septembre 1784 - 25 août 1818)
      Source: Almanach Royal d'Hayti 1816. Cap-Henry, 1816. p.1.
Ce qui ressort de ce tableau, est qu'il existe seulement un écart de 3 ans entre Cécile Fatiman (née en 1775) et sa soeur cadette Marie-Louisa Coidavid-Melgrin, la future Reine (née en 1778). Cet écart nous permet de conclure que leur mère, Célestina Coidavid, se trouva à Saint Domingue en 1777, au plus tard. Car, c'est l'intervalle minimal requis pour qu'elle rencontre monsieur Melgrin, le propriétaire de l'hôtel La Couronne du Cap-Français ; et qu'elle puisse enfanter, de cette union, la Reine Marie-Louisa, en mai 1778. Et lorsque l'on prend en compte la date de naissance inconnue de Louisa Geneviève Melgrin, autre soeur cadette de Cécile Fatiman, cela laisse penser que la mère Célestina Coidavid pourrait bien s'être établie à Saint Domingue antérieurement à 1777.
Donc, pour pouvons affirmer que Cécile Fatiman débarqua à Saint Domingue avant l'âge de 3 ans. Ainsi, l'islamité du pays où elle naît importe peu, étant donné qu'elle laissa sa terre natale étant encore à la mamelle. Âgée de moins de 3 ans à son arrivée à Saint Domingue, la petite Cécile Fatiman était beaucoup trop jeune pour absorber quelque doctrine religieuse que ce soit. Dans ce cas, il ne nous reste qu'à scruter le comportement religieux de ses frères et soeurs nés et élevés à Saint Domingue, afin de déceler l'islamité ou non de la famille de Cécile Fatiman.


La famille Coidavid, le pouvoir et le christianisme syncrétique

La Reine Marie-Louisa, soeur cadette de Cécile Fatiman, était officiellement catholique. Son mari, le Roi Henry avait plutôt un penchant pour la religion anglicane - peut être un vestige de son origine anglophone caribéenne. Une preuve tangible de la non-islamité de la Reine, et par conséquent de la famille Coidavid qui comprend Cécile Fatiman, est l'église de Sans Souci, bâtie pour son couronnement du 2 juin 1811, directement au pied de son palais.
Source : Rodney Salnave, Milot, Sans Souci, 1999.



De plus, l'Almanach Royal d'Hayti illustra le maintien, dans le Royaume (1811-1820), de toutes les fêtes catholiques :


De même, furent maintenues les diverses paroisses et leurs fêtes patronales respectives :
 Or, nulle part mention n'est faite de fêtes ou de calendrier islamiques.


Le Cas du général Pierrot (ex-mari de Cécile Fatiman) et le culte ancestral

L’implication du général Jean-Louis Michel Pierrot aux premières heures de la lutte pour l’émancipation servira ici de preuve de l’impossibilité de l’islamité de la Révolution haïtienne. Pierrot était né à l’Acul du Nord (Camp-Louise, plus précisément), l’épicentre de la Révolution haïtienne. Et de ce lien géographique, il a donc côtoyé les premiers comploteurs tels que Jean-François, Boukman, Jean-Jacques (des Manquets) et Auguste. Et, de toute vraisemblance, il participa aux rencontres prérévolutionnaires où, spéculons-nous, il aurait pu faire la rencontre de sa future épouse, Cécile Fatiman.
Or, si Cécile Fatiman était musulmane, son influence aurait,  - ou du moins celle de sa soeur Louisa-Geneviève qui épousa Pierrot après elle, - certes, été perçue par un attitude hostile de Pierrot face la religion ancestrale. Or étant président, contrairement à son prédécesseur, Guerrier, ni Riché, son successeur, Pierrot fit preuve d'une grande affection envers la religion traditionnelle :

"Muets sous Guerrier, enhardis sous Pierrot, se dissimulant sous Riché, les choeurs africains qui en perpétuent la tradition s'en donnaient à leur aise depuis l'avénement de Soulouque, car Soulouque appartient au vaudoux, et ces mots sont l'hymne sacramentel du vaudoux." (32)
On ne saurait ne pas s'attarder sur le fait que Riché, le successeur de Pierrot, "était le grand ennemi de toutes les sectes superstitieuses. Il poursuivit avec vigueur ceux qui pratiquaient les cérémonies et les danses "vaudou"". (33) Ni n'attarderons-nous sur le fait que Soulouque, faisant suite à Riché, fut l'unique chef d'état haïtien à l'origine mandingue établie. Et que pourtant, Soulouque fut un pratiquant notoire du culte ancestral, au coeur même de son palais impérial. Preuve que les Mandingues étaient loin des musulmans que les révisionnistes clament. On en traitera plus en profondeur dans un article à venir sur les Mandingues haïtiens.
D'ailleurs, la tolérance de Pierrot pour son culte ancestral s'expliquerait au fait qu'il fut un Houngan, un grand officiant du culte ancestral :
"Après les grands houn'gan de l'épopée nationale : Boukman, Biassou, Makandal, Pierrot, vient le fameux Antoine Lan Gommier mais dans un temps beaucoup plus proche de nous." (34)
De plus, d'après Milo Rigaud, Pierrot fut non seulement un grand Houngan, il fait partir de ceux ayant pratiqués une tradition "voudoo" orthodoxe, pure :
"Par suite, les dons surnaturels que confèrent les loa-ancêtres : aux initiés du culte voudoo se raréfient ou diminuent de puissance magique ; parce que, devant de telles fautes contre la tradition othodoxe des Toussaint, des Rose Rigaud, des Antoine Lan Gommier, des Pierrot, les mânes se fâchent et, progressivement, se retirent en Afrique, abandonnant l'Haïtien à lui-mème. C'est ainsi qu'un houn'gan ou une mam'bo perd parfois ses pouvoirs, tombe même malade et, sans de très rigides sacrifices, est incapable de remonter le courant que les mystères lui ont fait descendre !" (35)
Donc, Pierrot, en tant que Houngan, aurait eu une affinité spirituelle et révolutionnaire avec sa femme Cécile Fatiman, une Manbo ou grande officiante de la religion ancestrale haïtienne. Et ces passages de Milo Rigaud affirmant que Pierrot fut un Houngan sont des plus pertinents, puisse que, publiés en 1953, ils précédèrent d'un an le texte d'Étienne D. Charlier (1954) qui dévoila Cécile Fatiman comme la Manbo au Bois Caïman. Ainsi, on ne peut accuser Milo Rigaud d'avoir associé le président Pierrot au "voudoo" à cause de la participation de sa femme au Bois Caïman, étant donné que cet auteur ignorait le rôle de celle-ci au moment de l'écriture de son ouvrage. Et d'ailleurs, Milo Rigaud, décrivant aux pages 60 et 61, la cérémonie du Bois Caïman, n'a pas fait allusion à Cécile Fatiman, la première femme de Louis-Michel Pierrot. Il a uniquement cité le Manuel d'Histoire d'Haïti (J.C. Dorsainvil & F.l.C. P-A-P, 1934, p.78) parlant de la vieille prêtresse officiant la cérémonie en question.


Le gouvernement de Nord Alexis et le culte ancestral

Pierre Nord Alexis, petit-fils du Roi Henry, d'une liaison hors-mariage, fut président d'Haïti de 1902 à 1908. Il s'est marié avec Marie-Louise Amélie Célestina Pierrot, dite "Cécé", la fille de Cécile Fatiman et Jean-Louis Michel Pierrot.+ Et encore une fois, rien, dans le gouvernement de Nord Alexis, n'indique un certain penchant pour l'islam ; bien au contraire, la religion traditionnelle était privilégiée par celui-ci :
"Nord Alexis avait plus de 80 ans quand il arriva au pouvoir. Ce vieillard avait au coeur deux sentiments : le culte des aïeux et le souci de l'indépendance nationale." (36)
Son souci de la religion ancestrale fut telle, que l'un de ses détracteurs le qualifie de "grand pontife du vaudouisme" :
"Several presidents were known for their associations with Vodou temples, including Nord Alexis (1902-8), who was denounced by Alcius Charmant as the "grand pontife du vaudouisme ("the grand pontiff of Vodouism,"..." (37)
Traduction : 
"Plusieurs présidents étaient réputés pour leurs associations avec les temples Vodou, incluant Nord Alexis (1902-8), qui était dénoncé par Alcius Charmant comme le "grand pontife du vaudouisme,"..."
Nous retrouvons donc, à travers les préférences politico-religieuses de plusieurs générations de dirigeants issus de la famille de Cécile Fatiman, cette même constance dans l'adhésion à la tradition ancestrale, action incompatible avec le monothéisme musulman. Cécé, la fille de Cécile Fatiman et femme du président Nord Alexis en est une exemple éblouissante.


Cécé, Marie Louise Amélie Pierrot, la fille de Cécile Fatiman et le culte ancestral

Mme Nord Alexis, Marie-Louise Amélie Célestina Pierrot, dite Cécé, comme sa mère Cécile Fatiman, fut reconnue Manbo ou grande dignitaire du culte traditionnel. Dans son rapport, ce diplomate français en Haïti en fit mention du vivant de Cécé  :
"On le [Nord Alexis] dit époux d'une prétresse vodou ambitieusse" (38)
Puis 3 jours après la mort de Cécé, le journal haïtien Le Matin du 15 octobre 1908, a souligné le "soutien occulte" que Cécé avait fourni à son mari Nord Alexis dont la présidence fut constamment menacée :  
"Mort de la vénérée Cécé.
D'imposantes funérailles sont faites à Mme. Nord Alexis, le 12 octobre. Cécé est morte, tonton Nord a perdu son soutien occulte. La fin est proche." (39)
Stephen Bonsal, un auteur américain suprémaciste blanc a également étalé le fait que Cécé, Mme Nord Alexis fut une officiante de la religion traditionnelle. (40) Ce journaliste verreux du New York Times en a profité pour calomnier la République d'Haïti, la religion traditionnelle, Cécé et le Président Nord Alexis. Ses balivernes racistes, basées sur ce qu'il avoua pourtant être des ouï-dire, serviront néanmoins de base à l'occupation américaine d'Haïti survenue en 1915, (41) soit 7 ans après la mort de Cécé.
Mais quoiqu'il en soit, Marie Louise Amélie Pierrot dite Mme Nord Alexis ou Cécé est une immortelle. Le talent divinatoire de cette Manbo et première dame d'Haïti influente est immortalisé dans l'expression "Sese te di…" (Cécé a dit…), contenue dans maints chants traditionnels et folkloriques.

6- La femme dans la Révolution haïtienne

En 2000, le révisionniste Jafrikayiti mit en doute que Cécile Fatiman fut Manbo, insinuant qu'elle fut  un Imam-Femme ou un Iman-Femme :
"Listwaryen yo rapòte kijan yon seremoni relijye te tanmen lapoula. Yon manbo ki te rele Cécile Fatiman, madanm Louis Michel Pierrot ki te gen pou li vin Prezidan Ayiti pi devan, t ap evolye. Abiye toudeblan, manbo Fatiman touye yon kochon epi li fè wonn lan bay chak Afriken bwè san an tou cho. Ak kominyon sa a tout nèg sèmante pou yo suiv lòd Boukmann epi revòlte pou lalibète.
(…)
Kit se te pawòl yon Oungan osnon yon Mizilman, koze Afriken sa a ta pral gen konsekans ektraòdinè pou noumenm ak ou, pitit Boukmann, pitit Makandal, pitit Fatiman.
Anvan nou rapousuiv, kite nou souliyen de kesyon enteresan osijè wòl potansyèl plizyè relijyon nan evènman istorik sa a:
1) Fatiman, se yon non ki popilè nan peyi Afriken Mizilman yo. Daprè sa Listwaryen Jean Fouchard rapòte: Cecile Fatiman, Manbo Bwa Kay Iman an te yon milatrès pitit yon nègès Afriken epi yon prens blan peyi «La Corse». Èske Fatiman te Voudouyizan epi Mizilman alafwa menmjan vin gen anpil Ayisyen ki Kretyen Katolik epi Vodounyizan alafwa? Nou pa konnen!
2) Nan zòn Bwa Kay Iman pa genyen e sanble pate janm te genyen bèt ki rele Kayiman an, kidonk sanble se pa la mo a sòti. Daprè kèk fouyapòt, non an sanble wè douvanjou apati prezans Boukmann osnon Fatiman nan zòn nan (Iman, nan relijyon Islam, relijyon Mizilman yo, se yon lidè relijye, kòmkwa yon Oungan/Manbo nan Vodoun). Kidonk Bwa Kay Iman ta ka vle di Bò kote Kay Imann lan ye a osnon Bwa Kay Imann." (42)
Traduction :
"Les historiens ont signalé comment une cérémonie religieuse a eu lieu tout de suite. Une Mambo du nom de Cécile Fatiman, épouse de Louis Michel Pierrot, plus tard président d'Haïti, opérait. Vêtue tout de blanc, la Mambo [Prêtresse] Fatiman a tué un cochon et a distribué son sang encore chaux aux Africains dans le cercle pour être bu. De cette communion, ils ont tous juré de suivre les ordres de Boukman et se révolter pour la liberté.
(...)
Qu'il fut un Houngan ou un Musulman, le discours de cet Africain allait avoir des répercutions extraordinaires pour nous et vous, rejetons de Boukman, de Makandal, de Fatiman.
Avant de continuer, nous devons souligner deux questions intéressantes sur le rôle potentiel des différentes religions dans cet événement historique:
1) Fatiman est un nom populaire dans les pays africains musulmans. En vertu de ce que l'historien Jean Fouchard a rapporté: Cécile Fatiman, la Mambo de Bwa Kay Iman (La Maison dans le Boisé Chez Iman) était une mulâtresse, fille d'une négresse d'Afrique et d'un prince blanc de la Corse. Est-ce que Fatiman a été à la fois Vaudouisante et Musulmane, de la même manière que beaucoup d'Africains deviennent à la fois Catholiques Chrétiens et Vaudouisants? Nous ne savons pas!
2) Dans la zone Bwa Kay Iman (La Maison dans le Boisé Chez Iman) il n'y a pas et  il n'a pas l'air qu'il a jamais existé d'animaux appelés Caïmans. Donc, il semblerait que ce mot ne provient pas de l'animal. D'après quelques chercheurs, ce nom (de lieu) semble avoir pris naissance de la présence de Boukman ou bien celle de Fatiman dans la région (Imam de l'Islam, la religion des Musulmans, c'est le nom d'un chef religieux, tel un Houngan / Mambo [Prêtresse] dans le Vodoun). Ainsi Bwa Kay Iman pourrait signifier Les Environs de la Maison de l'Imann ou bien Le Boisé Chez Imann."
Que ce révisionniste ait choisi de modifier "Kayiman" en "Kay Iman", sachant pourtant qu'un officiant islamique se nomme "Imam" et non "Iman", au même titre que l'on dit "Islam" et non "Islan" - ça va. Que celui-ci se permet de spéculer sur la faune dominguoise, sans effectuer d'études approfondies sur le sujet - ça va encore. (Voyez notre article sur l'usage répandu de "Bwa Kayiman" "Bois Caïman" dans les noms de plantes) Et qu'il cite Jean Fouchard de manière à faire croire que celui-ci reconnaissait Cécile Fatiman comme "la Mambo de Bwa Kay Iman (La Maison dans le Boisé Chez Iman)", alors que Fouchard++ n'a jamais parlé de Cécile Fatiman spécifiquement, autre que pour citer le texte de Charlier s'y référant - encore une fois, ça va. Mais que Jafrikayiti choisit délibérément d'ignorer que dans l'islam misogyne, la femme ne peut être officiante ou une Imam, cela dépasse les limites de l'acceptable. L'ampleur de cette falsification en provenance de l'intellectuel haïtien est sans précédent, étant donné que la Révolution haïtienne est avant tout une Révolution de femmes. Car, sans l'action de la femme dominguoise (devenue haïtienne), jamais cette Révolution aurait atteint le seuil d'insurrection. Et jamais, au grand jamais, aurait elle réussi.
Et même insinuer que l'une des leadeurs de cette Révolution serait musulmane c'est insulter ces milliers de femmes dominguoises ayant bravées les supplices les plus barbares, en représailles de leur implication dans cette Révolution nègre ; pas arabe, musulmane ou arabisée, nègre. Et qui dit nègre, dit la religion ancestrale. 
Et cette religion ancestrale haïtienne est primordialement une religion de femmes. La seule religion ou le féminin l'emporte sur le masculin, car, dans les rituels, lorsqu'on s'adresse aux "femmes", cela inclut les hommes. Mais l'inverse n'a jamais lieu, puisqu'on ne s'adresse jamais aux "hommes" en tant que tel, en aucune occasion. Et qu'on ne se trompe pas. Cette Tradition ayant fournie l'unique Révolution réussie de personnes en captivité, est unique sur terre. Nullement en "Afrique" ou dans les Amériques noires, trouve-t-on une religion dans laquelle la femme est l'égale de l'homme en tout égard. C'est cette religion à la compréhension allant au-delà du sexe, qui compte Cécile Fatiman parmi les siens. Et cette héroïne ne fut unique. Elle n'était qu'une femme révolutionnaire parmi des milliers d'autres ayant oeuvrées dans toutes les sphères subversives imaginables.


A- Les marronnes

Parler de l’islamité de Bois Caïman et de la Révolution haïtienne en se basant sur la résonance du nom de Cécile Fatiman, c’est penser qu’elle fut la seule femme d’importance dans cette Révolution. Or, ce fut loin d’être le cas. Cécile Fatiman ne fut qu'un maillon d’une longue lignée de grandes dames révolutionnaires. Le marronnage fut la première maille, la première arme d'impact de la résistance. Et sur ce point, les femmes n'ont pas laissé leur place. Comme les hommes, elles ont souvent tout misé afin de s'évader de l'enfer esclavagiste et ainsi priver le système injuste de leur main d'oeuvre.
Les extraits d'annonces de marronnage suivants forment qu'un infirme échantillon à la fois de l'horreur que fut l'existence des captives, et des punitions réservées aux marronnes :


  • Coup d'arme à feu
"Jeannette, créole, étampée sur le sein droit TUREL, âgée d'environ 30 ans, dangereusement blessée au bras droit d'un coup d'arme à feu, disant appartenir à M. Vaidiés, arrêtée à la Grande-Rivière." (43)


  • Coup de manchette
"Au Port de Paix, le 18 du courant, Vincent de nation Ibo, étampé illisiblement CENAU, ayant une marque de son pays sur le visage, & plusieurs coups de manchette sur le corps, se disant à M. Cenau ; & Marianne de nation Mondongue, sans étampe, ayant un coup de manchette sur une épaule, ne connaissant pas son maître." (44)


  •  Poignet coupé
"Au CAP, le 28 du mois dernier, est entré à la Geole une Négresse Créole, nommée Marie, étampée sur le sein droit IB & sur le gauche IP, ayant le poignet gauche coupé, laquelle a dit appartenir à M. Prats, à la Grande-Rivière." (45)


  • Oreilles coupées
"Le 4, Marthe, créole de S. Eustache, étampée sur le sein droit ACAR, au-dessus PENTIER, ayant les oreilles coupées, se disant appartenir à M. Carpentier, Caboteur." (46)


  • Coups de fouets
 "Le 22, une négresse nouvelle, nation Quiamba, sans étampe apparente, ayant des marques de son pays sur le visage & sur le ventre, une marque de brûlure sur la joue droite, le dos rempli de coups de fouets, les oreilles percées, âgée d'environ 20 ans, taille de 4 pieds 10 pouces, ne pouvant dire le nom de son maître ni sa demeure." (47)

  • Abus sexuels sur mineures
"Quatre nègres & deux négresses nouveaux, Congo, partis marrons de l'habitation de M. Demons, Habitans à Plaisance, du 13 au 14 février dernier, étampée R. DEMONS, à qui ils appartiennent, dans le nombre desquels il y a une négresse sans étampe, de petite taille, âgée d'environ 13 à 14 ans, qui a le sein bas, ayant déjà fait une fausse couche, nommée Marie, parlant un peu Français; la seconde négresse nommée Félicité." (48)


  • Surcharge de travail
"Une Négresse, nation Thiamba, nommée Brigitte, âgée d'environ 13 à 14 ans, d'une vilaine figure & fort malpropre, ayant la bouche alongée, les pieds très grands & ne pouvant dresser son bras gauche, est marone depuis le 27 mai dernier : on présume qu'elle est au Fort-Dauphin, ou dans les environs. Ceux qui la reconnaîtront, sont priés de la faire arrêter, & d'en donner avis à M. Jouenne, rue du Cimetière, au Cap : il y aura récompense." (49)


  • Torture
"Pélagie, Sousou, disant appartenir à M. Rousseau, habitant aux Perches, étampée illisiblement sur le sein gauche, ayant les seins tombés, les doigts des mains coupés & les deux pieds difformes, couverte de dattes, arrêtée aux Perches." (50)



B- Les empoisonneuses

Bien avant Cécile Fatiman, il y avait les empoisonneuses qui ont terrorisé la colonie esclavagiste de Saint Domingue. Des années 1740 à 1758, soit plusieurs décennies avant Bois Caïman, l'ère de Macandal et de Brigitte avait vu le jour. Le chef empoisonneur Macandal est depuis devenu un Dieu (Jany, Lwa), et sa femme Brigitte, une Déesse (Jany, Lwa) d'avantage vénérée.


Brigitte, la Grande, la Déesse (Jany, Lwa) de la Mort

Brigitte, l’empoisonneuse, fut divinisée en Grann Brijit (Grand-mère Brigitte), une Lwa de la Mort Gede. Comme nous l'avons dit, elle était la femme et la complice de Macandal. Et d'après le mémoire du juge Courtin les ayant interrogé et condamné au bûcher, loin d'être musulmans, leur Dieu était Charlot, également un Dieu (Jany, Lwa) Gede :
"Mercure [l'un des complices de François Macandal] et Brigitte femme de François qui sont convenues de savoir faire des macandals [Garde-Corps ou amulettes magiques portant le nom du confectionneur] qui remuent sur la tête ont indiqué les mêmes opérations, ont dit que les paroles magiques étaient Bondieu (...). Ce Bon Dieu est sans contredit Charlot ou le Diable, c’est ce qui n’est plus équivoque, ainsi qu’on le verra par la suite." (51)
Cette pratique magique nécromancienne de Brigitte, Macandal et ses associés pour Charlot (Ti Chalo dans le rituel moderne) était teinté de syncrétisme catholique. Ce qui est également contraire à l'islam :
"Le sorcier compositeur ne fait qu’envelopper les clous, les os et les herbes dans un haillon avec de la boue et de l’eau bénite, du cierge béni et de l’encens béni. En disant les paroles magiques, il ficelle bien le tout à plusieurs tours, le met tremper dans l’eau bénite. Là se termine son opération." (52)
Et telle une vraie Déesse, faisant face à la torture et le bûcher, Brigitte la Grande n'a pas bronché. Elle a conservé toute sa dignité :
"Brigitte qui a paru parler sans détours dans les derniers jours de sa vie a dit que le macandal consulté par son serviteur lui parlait d’une façon claire et nette dans les oreilles, suivant son expression, qu’il disait où était un nègre marron, quel était le voleur d’une chose dont on était en peine, l’empoisonneur et le reste.
(...)
Les interrogatoires de Mercure et de Brigitte nous ont dévoilé sans équivoque tous les mystères du culte réfléchi que les sorciers rendent au diable.
Brigitte déjà condamnée parlait sans déguisement."
(53)
Et le lieu où Brigitte faisait ses services magico-religieux se nommait "La Caze à Diable", prouvant étymologiquement fausse, comme nous l'avons démontré dans un article précédent, la thèse révisionniste de "Bwa Kay Iman". Car, dans le Nord de Saint Domingue où la cérémonie du Bois Caïman s'est tenue, pour désigner une Maison appartenant à un certain "Iman", on aurait plutôt dit : "Bwa La Caze à Iman" ou "Bwa La Caye à Iman" :
"Les sorciers ou prétendus tels font la fête des macandals; il y a la petite et la grande. La caze où elle se fait s’appelle la caze à Diable, et la cérémonie s’appelle faire Diable, suivant les nègres. Ce qui prouve que les profanations des choses saintes dont ils se servent ne sont pas une suite de leur idiotisme, mais une véritable impiété qui va jusqu’au sacrilège. (54)
De plus, bon nombre des acolytes de Brigitte et de Macandal fréquentaient les églises catholiques. Démontrant la conformité de leurs pratiques avec la religion syncrétique haïtienne d'aujourd'hui ; et non avec l'islam :
"La négresse Marianne qui recevait des poisons que Macandal lui envoyait par Brigitte sa femme communiait tous les 8 jours." (55)
Bref, depuis des décennies avant la cérémonie du Bois Caïman et l'insurrection générale de 1791, la Tradition ancestrale avait déjà monopolisé la résistance anti-esclavagiste. L'islam d'une poignée de captifs, jamais pointé du doigt, jamais critiqué, jamais interdit par un article de loi, n'a jamais été un facteur dans la Révolution haïtienne. Cette religion monothéiste est d'ailleurs incompatible avec les rites nécromanciens Gede de Brigitte et Macandal, ni avec le Petro-Lemba dans lequel l'on dit "Djab la" (ce Diable) ou "Djab yo" (ces Diables) en référence à certains Jany ou Lwa à forte teneur énergétique - à différencier du "Diable" chrétien et opposant de Dieu, un concept inexistant dans la Tradition ancestrale.

Voici un faible échantillon des nobles empoisonneuses qui furent arrêtées, torturées, et/ou affreusement exécutées dans leur combat contre l'avilissement chrétien :
  • Kingué (dite Marie Catherine, Congo de nation)
  • Assam (Foula de nation, mais ayant été incitée par un compère libre - possiblement Créole - à consulter Jean, l’empoisonneur, chez qui un Bambara - traditionaliste - servait de gardien ; et des clientes traditionalistes, Nago et Thiamba, se trouvaient.)
  • Marie Jeanne (du Cap, nation Thiamba, en provenance du Togo, cliente de Jean, l’empoisonneur)
  • Madeleine (du Cap, nation Nago, cliente de Jean, l’empoisonneur)
  • Lisette (du Fort Dauphin)
  • Henriette (empoisonna la dame Faveroles, brûlée vive)
  • Geneviève (de Port-Margot)
  • Marianne (empoisonna Laborte, fils de Vatin, brûlée vive)
  • Madeleine
  • Margot
  • Angélique
  • Agnès
  • Venus
  • Marie-Jeanne (empoisonneuse de Chiron)
  • Nanon
  • Barbe (affranchie de l’habitation Gallais)
  • Françoise (libre)
  • Charlotte (de Gabriac, déportée à Saint Malo)
  • Fanchette et Jeanette (brûlées puis enterrées vivantes sous soupçon d’êtres empoisonneuses)
  • Servante de madame Paparet
  • Servante de demoiselle Lespès (condamnée)
  • Servante de Mongoubert (condamnée)
  • Concubine de Rodet
  • Etc.
Ce passage suivant de la mémoire de S. Courtin nous permet d'entrevoir la prédominance des femmes en tant qu’en empoisonneuses à l’époque de Macandal, soit plus d’une trentaine d’années préalable à Bois Caïman :
"Il est presque prouvé que Mongoubert, marchand au Cap, a été empoisonné par sa Négresse (cette Négresse a, depuis, été convaincue et condamnée), que la demoiselle Lespès l’a été par les siennes (une de ces Négresses a été convaincue et condamnée). Prouvé que Laborde, garçon de Vatin, perruquier, l’a été par Marianne, Jolicoeur et Michel, parce qu’il ne voulait pas leur laisser faire leur sabat dans la cuisine de Vatin. Que la femme de Rodet a été empoisonnée par une Négresse avec laquelle Rodet a vécu, et qui vivait avec Jolicoeur. Avoué par ce dernier qu’il avait voulu empoisonner son maître, le Sieur Millet. On découvre une suite d’horreurs, par le procès de tous les différents complices. On instruit le procès des Nègres de M. Pillat, conseiller, chargés de l’avoir empoisonné. La Négresse Henriette, de la dame Faveroles, est très chargée et très suspecte d’avoir empoisonné sa maîtresse (elle a été convaincue et condamnée). Nous n’avons encore pu avoir le fil de tous les crimes de pareille espèce, commis dans la plaine du Cap, mais certainement cela viendra, et on réalisera les justes soupçons qu’on a de la mort de plusieurs Blancs et Nègres dans tous les quartiers. (…) La Négresse de la dame Paparet, et les Nègres du Sieur Delan et de M. le Prieur, sont accusés du même crime." (56)
Rendu à l'époque de Cécile Fatiman, les méthodes guerrières ouvertes ont eu préséance sur l'empoisonnement, quoique toujours en usage. Sans surprise, les femmes furent en avant-plan de la lutte armée complimentée d'effets magico-religieux ancestraux. Mais, peu importe la période, la résistance des femmes demeura constante en ce qui à trait à l'enfantement et la reproduction.
 

C- La résistance des femmes dans l’enfantement

L’éventail de l’action de rébellion des femmes était de très grande taille. Lorsqu’elles n’empoisonnaient pas les blancs, leurs esclaves et leur bétail, ni s’enrôlaient dans les rangs, elles espionnaient les blancs, relayaient des informations, des denrées, médicaments et munitions (parfois cachées sous leurs jupes). Mais c’était là le moindre de leur impact. Là où leur résistance eut le plus d'impact négatif sur la croissance de la colonie est sans aucun doute via leur stérilité provoquée dont les colons ignoraient la source :
"Avouez, messieurs, Vous avez laissé sans réponse, me dit le médecin, en m'interrompant, celle de mes objections qui m'a toujours paru la plus forte contre le régime de l'esclavage, la stérilité des femmes Noires, et la grande mortalité de leurs enfans en bas âge ; deux choses qui ne peuvent provenir que d'un travail trop soutenu, qui les empêchait de concevoir, et desséchait ensuite leur lait ; il leur ôtait encore le tems suffisant, pour donner les soins nécessaires à leur progéniture.
L'excès ou la durée du travail, lui répondis-je, étaient les moindres causes de l'infécondité des Négresses esclaves : c'est à la qualité du climat qu'elles la devaient principalement. On ne voyait point les servantes de grand'case, assises à coudre, ou chargées d'autres soins légers, avoir plus d'enfans que les Négresses de place : celles-ci, d'ailleurs, n'en supportaient pas les travaux les plus durs ; dans plusieurs cas, on les réservait pour les Nègres mâles." (57)
L'avortement, tout comme le suicide, était une forme de résistance assez répandue :
"Les exemples du suicide ne sont pas rares à Saint-Domingue, ou plutôt y sont d'autant plus communs, que les noirs de certaines nations africaines sont fortement persuadés, qu'en se donnant la mort ils retourneront dans le pays qui  les a vu naître. Mais l'avortement et l'infanticide sont encore plus communs parmi les esclaves. Ce crime a quelquefois sa source dans la crainte des embarras de la maternité, et dans le désir de se livrer sans empêchement au libertinage ; mais il a plus souvent et presque toujours son principe dans le mécontentement et dans la haine qu'inspire un maître détesté. De nombreux secrets ne manquent pas aux négresses pour détruire en elles-mêmes le germe de la maternité : elles parviennent d'autant plus facilement à tromper la surveillance, que beaucoup de maîtres poussent la brutalité, au point de regarder comme un malheur d'avoir des négresses enceintes, et comme perdu pour leurs intérêts, le peu d'instants que les mères enlèvent au travail, pour l'employer au soin de de leurs nourriçons." (58)
 

D- L'infanticide, comme résistance des femmes à la captivité

Lorsque les captives enfantaient, plusieurs optèrent pour l’infanticide comme un moyen d’une part de priver le colon de main d’œuvre, d’autre part d’empêcher leurs rejetons de subir l’esclavage. Et bien souvent, les sages-femmes ne laissaient pas ce choix difficile à la mère en se chargeant de la terrible besogne :
"Zabeth, créole du Port-de-Paix, âgée de 55 ans, étampée F. DUCONGÉ, & au dessous PORT-DE-PAIX, d'une étampe illisible, ressemblant à une brûlure, n'ayant point de dents, est partie marrone le 10 janvier dernier; ladite Négresse était accoucheuse de l'habitation de son maître, & s'est vue découverte de plusieurs crimes qu'elle a commis, par la mort de trente enfans naissans, qu'elle a dit être morts du mal de mâchoire [oreillons]. Onze Nègres ou Négresses, Négrittes ou Négrillons, qui lui sont morts d'enflures & bouffissures, depuis le mois d'avril dernier, malgré tous les traitemens & soins qu'il a pu y donner, & une bien plus grande quantité en différens temps, provenant toujours de la même maladie, causée par la même Négresse. On soupçonne qu'elle est sur l'habitation de M. Merle pere, à Jean-Rabel, ou sur l'habitation Boutellier, à présent à M. Foache, où elle a des parens, ou sur les habitations de feu M. Boissel. Ceux qui en auront connaissance, sont priés d'en donner avis à M. F. Ducongé, à Jean-Rabel, à qui elle appartient, qui donnera quatre portugaises de récompense." (59)
Il suffit de contraster les données démographiques pour comprendre l’impact de la résistance constante des femmes noires : près d’un million de captifs furent amenés à Saint Domingue dans environ 150 ans, mais en 1791, la population noire fut pourtant seulement d’environ 450.000. Or, de l’indépendance (1804) aux 200 ans (2004), cette même population passa d’environ 300.000 à plus de 10 millions. Démontrant ainsi que les naissances étaient auparavant retenues pour désavantager le système esclavagiste.


La femme-sage Arada libératrice

Donc, pour que soit crédible la thèse islamique, il faudrait prouver que toutes ces femmes révolutionnaires étaient musulmanes. Notamment cette empoisonneuse Arada de l’habitation Rossignol-Desdunes qui se faisait un devoir d’enlever les nouveaux-né du malheur de l’esclave par la mort. Elle défia sa propre mort et le feu pour retourner outre-tombe en Guinée ("Afrique"), son pays, et non pas à la Mecque, chez les arabo-musulmans :
"Une négresse Arada, sage-femme de la même habitation [Rossignol-Desdunes], contre laquelle on avait de pareils soupçons, fut aussi traduite au même tribunal, où elle avoua en riant qu'elle n'avait pas de plus grand plaisir que de détruire l'espèce humaine, surtout celle qui était destinée à, l’esclavage ; qu'elle devenait, par ce moyen, la libératrice des malheureux mercenaires à qui l'existence devait être à charge. Atteinte et convaincue par son propre aveu, cette négresse fut condamnée au même supplice que le premier accusé. Comme elle s'avançait vers le brasier qui devait la consumer, elle paraissait repentante, et marchait lentement, la tête baissée, lorsque tout à coup, par un excès de rage et de désespoir, arrachant une ceinture qui retenait sa chemise : « Voyez, dit-elle, si, j'ai bien mérité mon sort ; les soixante-dix noeuds dont cette ceinture est garnie, désignent la quantité d'enfants tués de mes propres mains, soit par le poison, soit par une coutume exécrable qui me faisait un devoir d'enlever ces jeunes êtres à un honteux esclavage.
Ma qualité de sage-femme me donnant les occasions de tenir en mes mains les nouveaux-nés, dès que j'y pressais une de ces victimes, de peur qu'elle m'échappât, je plongeais à l'instant une épingle dans son cerveau, par la fontanelle : de là, le mal de mâchoire [oreillons] si meurtrier en cette colonie, et dont la cause vous est maintenant connue. Je meurs contente à présent que je n'ai plus rien à confesser, et vais rejoindre dans mon pays, tout ce que j'y ai quitté ». A ces mots, elle s'élance avec intrépidité vers le brasier dévorant où bientôt elle fut réduite en cendres, en poussant des hurlements affreux." (60)


La mère Amine résistante

L'exemple suivante renforce notre argument que la vision traditionaliste de la vie après la mort, ou le retour en Guinée ("Afrique") ancestrale, anima les captives (esclaves) dans leur résistance. Il s'agit ici du cas d'une captive (esclave) de l'ethnie traditionaliste Amine (ou Ashanti, Akan, en provenance du Ghana, de la Côte d'Ivoire ou du Togo). Mère de deux enfants, cette traditionaliste Amine, au lieu d'accepter l'odieuse captivité, choisit d'entraîner ces deux enfants dans son noyade, en les attachant à sa ceinture : 
"Les nègres Aminas et les Ibos croient à la métempsycose (…). En effet, les Aminas et les Ibos, en arrivant à Saint-Domingue, ou dans toute autre île, où leur destin est d'y être esclaves et d'y arroser la terre de leur sueur, croyent échapper aux mauvais traitements des maîtres, trop souvent injustes et cruels, en se donnant la mort. Ils se noyent par compagnie, ou se pendent à la file les uns des autres, bien persuadés qu'après leur mort, ils sont transportés dans leur pays, et y recouvrent le rang, la fortune, les parents et amis dont le sort de la guerre les avait frustrés.
Nous eûmes sur l'habitation où je me trouvais, une négresse Amina qui fut vendue avec ses deux enfants. A peine débarquée, sans avoir éprouvé aucun mauvais traitement de Mrs. Desdunes, qui agissaient envers leurs esclaves, comme de bons pères envers leurs enfants, on la voyait errer, hors des travaux, vers les rives de l'Ester, s'arrêter à chaque instant pour mesurer de sa vue la profondeur de cette rivière limpide, et pousser quelques soupirs en élevant les yeux au ciel, et se frappant la poitrine. (…) Cette femme fut trouvée un matin, noyée avec ses deux enfants qu'elle avait attachés à sa ceinture, pour les soustraire, ainsi qu'elle, à l'esclavage." (61)
Et jusqu'ici, aucun témoignage de ce type ne fut recueilli dans la colonie de Saint Domingue faisant état de captives (esclaves) islamisées souhaitant, via la mort, se rendre avec leurs enfants au paradis islamique. Bien au contraire, les témoignages concernent exclusivement des traditionalistes.  


E- Les prêtresses-Manbo et initiées martyres

Les révisionnistes ont beau tenté de s'approprier la Manbo Cécile Fatiman, toutefois, ils ignorent, ou du moins, ils écartent les multiples passages historiques traitant des grandes officiantes du culte ancestral (dite "vaudou") dans la résistance. Loin des suppositions de ces révisionnistes, attribuant à leur guise des origines islamiques à qui ils veulent, sans jamais présenter de preuves directs, nous présentons ici des preuves tangibles issues de soldats français faisant la chasse aux rebelles et aux Manbo, ces grandes officiantes, ces Reines, qui étaient au coeur de la lutte. Ces prêtresses, bien souvent servaient de martyres, car de leurs morts, souvent cruelles, la lutte s'amplifia exponentiellement jusqu'à la victoire finale, 12 ans plus tard.


La Manbo Créole du Fonds Parisien (Plaine du Cul-de-Sac)

Nous sommes en février 1792, soit à peine 6 mois après la cérémonie du Bois Caïman, un camps rebelle situé au Fonds Parisien, dans l'Ouest de Saint Domingue, fut attaqué, quoique protégé par des effets magiques qui n'ont fait que retarder les soldats français :



"Au mois de février 1792, nous marchâmes pour attaquer un camp de nègres qui était au fonds Parisien, dans la plaine du Cul-de-Sac.
L'armée était composée de deux mille hommes d'infanterie, et de quatre cents dragons coloniaux. J'étais toujours des avant-gardes, et choisi par M. le comte de Boutillier pour ces expéditions. En approchant du camp, nous fûmes bien étonnés de voir, sur le bord de la route, de grandes perches piquées en terre, sur lesquelles on avait attaché différents oiseaux morts, placés de différentes manières. Sur quelques-unes étaient des oiseaux crabiers; sur d'autres, des poules blanches, sur d'autres des poules noires. Dans le chemin étaient des oiseaux coupés, jetés de distance en distance, et entourés par des pierres artistement arrangées ; enfin, une huitaine d'oeufs cassés, et aussi entourés de grands cercles en zig-zag. Cela nous fit beaucoup rire.
Malgré tous ces prestiges, je poussai avec cinquante dragons. Après un petit quart d'heure de marche, j'aperçus le camp qui était couvert d'ajoupas, rangés comme les tentes des troupes. Quel fut mon étonnement, lorsque nous vîmes tous les noirs qui sautaient, et plus de deux cents négresses qui dansaient en chantant avec sécurité! Nous courûmes à toute bride sur le camp ; la danse fut bientôt finie ; les nègres prirent la fuite.
"
(62)
Les mauvaises langues aiment utiliser cet exemple pour prétendre que la religion traditionnelle n'a pas eu d'impact sur la Révolution. Ils font semblant d'ignorer qu'aucune guerre, sainte ou pas, ne s'effectue sans perte de vie de grands personnages. Également, ils négligent volontiers la suite de ce récit dans laquelle les rebelles capturés, principalement des femmes ayant choisies de ne pas fuir, ont témoigné de la bravoure que leur offrit les Forces et la magie ancestrales. Et l'on sait qu'une armée sans peur est une armée invincible. Mais, ce n'était là qu'un aspect de la question. La manbo menant cette cérémonie a choisi de ne pas fuir, sachant pourtant que sa mort cruelle était certaine. Elle s'offrit bravement en martyre, ayant comprise que c'était le souhait tactique des Lwa :



"A mon retour, les dragons qui étaient restés avec l'infanterie poursuivirent les négresses ; on en fit prisonnières deux cents, auxquelles on ne fit aucun mal. La grande prêtresse du Vaudou n'avait point fui ; elle fut prise ; au lieu de l'écouter, de prendre des renseignements sur ses desseins, on la tailla en pièces à coups de sabre. C'était une très-belle négresse, bien vêtue. Si je n'avais pas été à la poursuite des noirs, je n'aurais pas souffert qu'on l'eût massacrée, sans au moins avoir pris d'amples renseignements sur ses projets.
J'interrogeai plusieurs négresses en particulier ; j'en rencontrai de la petite habitation Gouraud, au fonds Parisien, qui me connaissaient ; elles ne pouvaient concevoir comment nous avions pu passer après les obstacles que la grande maîtresse du Vaudou avait multipliés sous nos pas. C'est l'assurance que cette négresse leur avait donnée, qui les avait tenues dans cette confiance et les faisait danser.
Comme j'étais resté un peu de temps sur un petit morne à les examiner, ils s'imaginèrent que nous étions fixés là par enchantement.
Cette prêtresse était une belle négresse créole, de l'habitation de Boynes, à ce que je crois, et un excellent sujet d'ailleurs.
" (63)

La Manbo Arada des montagnes de Sainte Suzanne
En 1796 (l'an 4) cette autre résistante-Manbo fut nettement identifiée d'origine "Arrada", donc de l'ancien Royaume du Dahomey (le Bénin actuel), et pratiquant le "Vaudou" (Vodun), son culte ancestral :



"En l'an 4, nous prîmes dans les montagnes de Sainte-Susanne une négresse d'Arrada. Elle était du Vaudou. Cette femme fut conduite au Cap ; on l'interrogea ; mais elle parlait peu le créole. Elle fut jugée par le noir Télémaque,+++ et conduite sur la grande place au milieu d'une multitude de peuple de toute couleur. Les nègres et les négresses ne se cachaient pas pour dire qu'on ne pourrait avoir aucun pouvoir humain sur elle.
Télémaque fit un discours plein de chaleur, ne craignit pas de publier qu'il était honteux d'être noir, lorsqu'il voyait ses frères être aussi crédules. « Les cheveux de cette négresse, dit-il, qui sont si bien frisés, si bien couverts de mastic et de gomme, que vous croyez si puissants, vont tomber. » Il adressa ensuite quelques paroles à cette sorcière, qui, comme la Pythie, était placée devant un brasier et sur un petit trépied ; mais elle était triste et d'un grand sang froid. Alors il ordonna au bourreau nègre de lui couper les cheveux, qui tombèrent sous les ciseaux au grand étonnement de tous les crédules spectateurs. Ils ne furent pas moins surpris de voir ces cheveux sacrés dévorés par le feu dans lequel ils furent jetés. Cette femme fut reconduite en prison ; et, peu de jours après, on la confia sur une habitation à des noirs pour qui elle devint un objet de risée."
(64)
Cette grande officiante Arada fut humiliée à cause de son héritage "Vaudou" et de la résistance que cette arme spirituelle offrait au système esclavagiste. Cette héroïne en est sortie victorieuse, comme de milliers d'autres Manbo et Hounsi martyres :
"Lorsque la nuit servait de voile à ces attentats [exécutions exécrables de Noirs par les Français], ceux qui se promenaient le long du rivage, entendaient le bruit monotone des cadavres qu'on jetait à la mer.
Au nombre de ces victimes, on voyait des prêtresses, qui rendaient un culte aux fétiches d'Afrique : cette vénération pour les dieux de leur patrie, était punie de mort. Un général m'a rapporté que, touché de compassion de ce qu'on allait faire mourir l'une de ces pieuses Africaines, il se mit à solliciter sa grâce. Rochambeau [donc vers la fin de la guerre], prenant dans ses mains les petites idoles de son culte, dit : Comment voulez-vous que je lui sauve la vie?" (65)
Car, le Service aux Vodun demeure jusqu'à nos jours, dans un pays libéré.

F- Les femmes-soldats des premiers instants

L'effort révolutionnaire était varié. Et les femmes dominguoises ont usé de tous leurs moyens afin d'affronter la barbarie occidentale. Prendre physiquement les armes n'était qu'un des moyens employés par ces héroïnes. Mais, lorsque l'on aborde les femmes-soldats dans l'histoire haïtienne, il faut, d'entrée de jeu, mettre en garde contre les mensonges et exagérations des féministes haïtiennes. Car, au point de vue historique, elles ne diffèrent guère des révisionnistes musulmans qui ne respectent rien ; pas même les limites imposées par la vérité. C'est donc dans ce sens que l'intellectuelle Marlene L. Daut prétend faussement que Cécile Fatiman fut une femme-soldat :
"Other female revolutionaries include Cécile Fatiman, who assisted at the ceremony of Bois-Caiman and purportedly led a battalion at the important battle of Vertières (Madiou 3:47)." (66)
Traduction :
"Autres femmes révolutionnaires incluant Cécile Fatiman, qui a assisté dans la cérémonie du Bois-Caïman et parait-il, a conduit un bataillon à l'importante bataille de Vertières (Madiou 3:47)"
De toute évidence, Daut emprunta au texte de Charlier qui confirma que le général Jean-Louis Pierrot - non sa femme d'alors - a mené un bataillon à la bataille de Vertières. Et prenant la liberté que seuls les intellectuels haïtiens peuvent se permettre, Marlene Daut, osa même créditer Madiou qui n'a pourtant jamais mentionné Cécile Fatiman. Face à une si grossière falsification, on se demande qu'y-a-t-il de si rabaissant que d'admettre que Cécile Fatiman ne fut pas une femme-soldat? Et en quoi ne pas avoir pris les armes (physiquement) nuit à son héritage révolutionnaire?

Il suffit de ne pas être paresseux et de simplement parcourir quelques pièces d'archives pour se rendre compte que la femme dominguoise/haïtienne a nullement besoin qu'on grossisse mensongèrement ses exploits. Étant donné que les témoignages des colons sont très explicites sur la participation féminine à la guerre. Dès les premiers temps de l'insurrection générale, les femmes étaient en tête des pelotons rebelles, au coeur desquels s'opéraient de la danse spirituelle et de la magie traditionnelle nommée Wanga (Ouanga) :


 "On sera peut-être bien aise de connaître leur manière d'attaquer. Leurs entreprises avaient quelque chose de vraiment effrayant, par la seule manière de s'y disposer et de commencer l'attaque. Jamais ils ne se tenaient serrés ni à découvert; mille noirs n'eussent pas attendu cent blancs en rase-campagne : ils s'avançaient d'abord avec un bruit effroyable, et précédés d'un grand nombre de femmes et d'enfants, chantant et hurlant en chorus. Arrivés non loin de l'ennemi, mais hors de portée, le plus profond silence était observé ; ils disposaient leurs troupes par pelotons dans tous les endroits fourrés, de manière qu'ils paraissaient six fois plus nombreux qu'ils n'étaient réellement. L'homme faible, déjà intimidé par cette multitude apparente d'ennemis, l'était encore plus par leurs grimaces, leurs simagrées, et par l'attention qu'avaient les noirs d'environner autant qu'ils pouvaient leur ennemi, comme pour lui couper tout espoir de retraite. Pendant ces dispositions, faites au milieu d'un silence imposant, des magiciens seuls se faisaient entendre en chantant et dansant avec des contorsions de démoniaques; ils opéraient des enchantements (ouanga) pour assurer le succès de l'attaque, et souvent ils s'avançaient jusqu'à la portée, dans la confiance que les coups de 1'ennemi ne pourraient les atteindre, et pour convaincre les noirs du pouvoir de leurs charmes. L'attaque commençait alors avec des cris et des hurlements capables d'épouvanter seuls les hommes faibles. " (67)
Voici un anecdote démontrant l'impact de la croyance en les "ouanga" sur l'intrépidité des rebelles défiant la mort. Cette scène suivante se passa à la Grande-Rivière du Nord, lieu de résidence de l'auteur Mazères :



"Louis, chasseur, du quartier de la Grande-Rivière, tirait supérieurement un coup de fusil ; un nègre de la côte, plein de foi dans un sortilège acheté, lui dit un jour devant ce matelot : « Tu es bien adroit, tu ne manques jamais ton coup ; mais j'ai un ouanga, et je te défie de m'atteindre à vingt pas ». Louis accepte le défi: le malheureux s'entoure les reins d'une peau de lapin, et attend sans le moindre effroi le coup qui l'étend raide mort devant la porte même de l'habitation où se passait cette scène." (68)
Ces descriptions ne laissent aucun doute, les tactiques guerrières employées par les révolutionnaires haïtiens aux premières années, provenaient exclusivement de l'héritage traditionnel "africain". On parle a) de femmes - et d'enfants - scandant des chants et hurlements en tête des milices ; b) de magiciens opérant des "ouanga" ou wanga, un terme bantou (kikongo, ciluba, etc.) - et non mandingue, musulman, ou arabisé ; puis c) harcèlements craintifs (composés d'avancés suivis de retraits lâches), conforment aux pratiques guerrières des Bantous jusqu'à l'avènement de Chaka Zulu (début 19e siècle chrétien) qui rendit obsolète cet art de la guerre peu efficace, dans le sud du continent.


G- Les femmes-soldats/Manbo au milieu de la lutte

Tout au long de la Révolution haïtienne, la femme traditionaliste remplissait les rangs rebelles. Ces exemples-ci, très peu connues, nous le prouvent. 


Marie-Jeanne de Nippes

Au début de 1793, des troubles éclataient ça et là dans la province de l'Ouest. Les acteurs étaient aussi variés (chefs de bandes armées, hommes de couleurs libres, gérants d'ateliers blancs, propriétaires, autorités coloniales, autorités locales, etc.) que leurs alliances fragiles. La dernière "escarmouche", datée du 3 février impliqua "3 ou 400 esclaves armés de flèches et de fusils de chasse" contre le campement militaire "à Santo où 30 d'entre eux ont péri". (69)
Deux jours plus tard, des accusations d'armement ont été placées contre les captifs de l'habitation Fleuriau de la plaine de Cul-de-Sac (proche de Port-au-Prince). Au matin du 15 février, les cases des captifs ont été fouillées par les troupes. 10 fusils furent découverts et "l'on pendit 5 nègres et l'on fouetta vivement une négresse". (70) Et cette captive fouettée fut nullement autre que :
"Marie-Jeanne de Nippes, créole âgée de 30 ans, qui selon Leremboure "faisait l'inspirée du ciel", c'est-à-dire qui devait être en réalité une prêtresse vaudou." (71)
Autrement dit, la Manbo Marie-Jeanne de Nippes, considérée comme membre des conspirateurs armés, fut punie pour l'inspiration religieuse "vaudou" qu'elle leur fournissait. 2 jours plus tard, elle prit la fuite avec 15 autres captifs dont un son frère. Cependant, un commandeur de l'atelier fut chargé de les retrouver et les convainc de rentrer


Madame Paget dite "La Vierge"

1794 fut une année pivotante pour la Révolution haïtienne. Il s'agit de l'année de séparation entre Jean-François Papillon, le chef suprême, resté fidèle envers l'Espagne en guerre contre la France, et Toussaint Louverture qui décidera de trahir l'Espagne pour rejoindre la France ayant abolie l'esclavage. Cette année de 1794 fut également ponctuée par le massacre de Français qu'opéra Jean-François à Fort Dauphin au 7 du mois de juillet. Et au sein de la troupe de Jean-François, la Manbo Madame Paget dite "La Vierge", a combattu avec courage et intrépidité, tuant 3 Français, soit 3 fois plus que la moyenne des 800 soldats mâles ayant causés 787 victimes :
"A cult priestess named Madame Paget, called “The Virgin,” dressed in male clothing when she participated in the Fort Dauphin massacre of July 1794, in which she killed three of the 790 white victims." (72)
Traduction :
"Une prêtresse de culte nommée madame Paget, appelée «La Vierge», vêtue d'habillement masculin alors qu'elle participait au massacre du Fort Dauphin de juillet 1794, dans lequel elle avait tué trois des 790 victimes blanches."
Que la Manbo Madame Paget porta un habillement d'homme au combat - probablement afin de ne point être gênée dans ses mouvements - nous rappelle le comportement similaire, près de 2 siècles auparavant de Nzinga Mbande, la Reine guerrière du Royaume angolais de Matamba qui, vêtue en homme, sacrifia elle-même des captifs avant de se rendre au combat :
"Avant que de s'engager dans une expédition militaire elle [la Reine Nzinga] sacrifiait des victimes humaines à son Idole pour en savoir le succès. Pour la célébration de cette horrible fête, elle prenait des habits d'homme somptueux à sa manière." (73)
(La Reine Nzinga ou Xinga vêtue en homme)
Source : Olfert Dapper. Description De L'Afrique... Amsterdam, 1686. p.369.


H- Les femmes-soldats des derniers moments

Les stratégies et tactiques guerrières des rebelles ont formidablement progressé depuis l’insurrection générale de 1791. Mais, en dépit de plus d'une décennie de conflit, la présence de la femme demeura inchangée chez les rebelles. Une telle inclusion féminine au sein d'une armée régulière était à la fois inconnue de l'occident que du monde arabo-musulman, prouvant donc, l'"africanité" de cette démarche militaire. Au nombre des femmes-soldats les plus célébrées, nous pouvons citer :

Suzanne Bélair dite Sanite




Suzanne Bélair, dite Sanite, Femme-soldat qui resta brave même devant la mort. Elle, qui, le 5 octobre 1802, faisait face au peloton d'exécution, avec son mari Charles Bélair, commandant de la 7e brigade de l'Armée révolutionnaire. Au moment où son conjoint vacillait, Suzanne Bélair, la brave, le sonna de maintenir son calme. N'ayant peur de la mort, elle refusa cependant qu'on la décapite, et força le bourreau à l'offrir la fusillade, le sort réservé aux soldats, dont son époux Charles a eu droit :
"Dans l'après-midi du 13 Vendémiaire (5 octobre) Charles Bélair, ainsi que son épouse, furent conduits entre deux pelotons de soldats blancs, derrière le cimetière du Cap. Quand on le plaça devant le détachement qui devait le fusiller, il entendit, avec calme, la voix de son épouse qui l'exhortait à mourir en brave. Au moment qu'il portait la main sur son coeur, il tomba atteint de plusieurs balles à la tête. Sannitte refusa de se laisser bander les yeux. Le bourreau, malgré ses efforts, ne put la courber contre le billot. L'officier qui commandait le détachement fut obligé de la faire fusiller." (74)

Marie-Jeanne Lamartinière

"Les indigènes remplissaient leurs habits de boue, et méprisant la mort, les jetaient sur les obus qu'ils éteignaient quelquefois. La résolution de mourir était peinte sur tous les visages. Chaque soldat était devenu un héros. Auraient-ils pu, ces braves, fléchir un instant, quand la voix courageuse d'une femme les exhortait à s'ensevelir sous les ruines du fort? Marie-Jeanne, femme de couleur [mulâtresse, donc Créole - pas mandingue ou musulmane], indigène du Port-Républicain, d'une éblouissante beauté, abandonnant les occupations de son sexe, venait, à chaque assaut que donnaient les Français, affronter la mort sur les remparts. Une ceinture d'acier, à laquelle était suspendu un sabre, entourait sa taille, et ses mains armées d'une carabine envoyaient hardiment le plomb meurtrier dans les rangs français. Elle avait lié sa destinée à celle de Lamartinière, et combattait toujours à ses côtés." (75)

Les Femmes-soldats dans la bataille légendaire de la Crête-à-Pierrot

C’était donc dans l’ordre des choses que des femmes (dont Marie-Jeanne) combattaient côte à côte avec leurs hommes à la Crête-à-Pierrot, l’une des légendaires confrontations des 12 ans de guerre révolutionnaire. Sans crainte, ni pitié, ces femmes-soldats participaient même aux convois punitifs où elles rendirent à l’ennemi les mêmes cruautés qu’elles reçues de lui :
"Après une vive canonnade de six heures sur les troupes françaises, la horde révoltée sortit de son fort redoutable, pour se repaître à son aise de la vue des blessés qui, partie dans les fossés, partie déjà élancée vers les bastinguages, n'avaient pu être ramassés par leurs frères d'armes ! C'est là que, violant les droits sacrés de la guerre, ils martyrisèrent six soldats intrépides de la cinquième demi-brigade légère, par des tourments dont le récit seul fait horreur. Ces prisonniers étaient français, voilà tout leur crime ! Et moi français, j'étais témoin de ces supplices, et sans cesse exposé, au moindre signe de pitié, à éprouver le même sort, en attirant sur moi la coupable indignation des nègres qui me retenaient captif !
Les femmes, plus féroces encore, sortirent à la tête de cette légion démoniaque, dont la marche était annoncée par des cris affreux et confus. Le premier Français sur lequel ils se jetèrent était jeune; il est dépouillé, éventré, a le coeur arraché, rôti, mangé; tous s'abreuvent au ruisselement de ses artères! Il n'est plus !
Le second fut dévirilisé, eut les intestins arrachés, enfin fut rôti !
Le troisième plus âgé, se plaignant de leur dureté inhumaine, eut les membres cassés, et fut dépecé comme un animal…" (76)

I- La résistance des épouses de soldats

Aussi important que les femmes-soldats, furent les épouses de soldats qui ont orienté, alimenté, supporté et amplifié les actions subversives de leurs maris.


Charlotte, la Reine de la Révolution haïtienne, la Déesse (Lwa, Jany) lignagère

Conscients de la complémentarité de l'homme et de la femme, selon la religion traditionnelle, les révolutionnaires dominguois ont choisi pour Chefs Suprêmes, le couple formé de Charlotte Papillon et de Jean-François Papillon. Sacrée Reine de la rébellion par le père Cachetan - ce qui dément que la Révolution était musulmane -, Charlotte, faite prisonnière, risqua sa vie au même titre que son mari, le Roi Jean-François :
"Le père Cachetan dont nous venons de parler, qui aurait pu comme tous les habitants de son quartier se retirer au Cap dès le principe de l’insurrection, préféra rester au milieu des nègres révoltés pour leur prêcher l’évangile de la foi, les faire persévérer dans une insurrection saine et légitime à ses yeux. Il couronna solennellement le nègre Jean-François et la négresse Charlotte roi et reine des Africains, et chefs de la révolte.
(...)
Un mulâtre et un nègre furent rompus. La négresse Charlotte, femme de Jean-François roi des Africains, avait été condamnée à subir le même tourment, mais dans la crainte que les révoltés n’usassent de représailles sur les femmes blanches qu’ils avaient en leur pouvoir, l’Assemblée générale fit surseoir à son exécution jusqu’à nouvel ordre."
(77)
La légende de Charlotte Papillon débuta en 1787, donc 4 ans avant l'insurrection générale, lorsque Jean-François Papillon, son futur mari et futur chef de l'armée révolutionnaire, prit la fuite :  


"Jean-François, créole, âgé d'environ 22 ans, de la taille de 5 pieds 6 pouces, fluet, assez bien de figure, ayant sur le côté droit du sein l'étampe RB, au dessus Sr M. , & une longue cicatrice sous le menton : ceux qui en auraient connaissance sont priés d'en donner avis à M. G. Papillon fils, négociant au Cap-Français, à qui il appartient." (78)
Jean-François laissa derrière lui, Charlotte, son amoureuse partageant la même habitation Papillon que lui à l'Acul-du-Nord, jusqu'à qu'elle lui emboîta le pas en mars 1791 : 


"Charlotte, Poulard, étampée PAPILLON, jolie de figure, noire & très-grande, marronne depuis cinq mois. On assure qu'elle a un passe-port et qu'elle se dit libre ; elle change souvent de quartier : on la croit actuellement au Port-au-Prince ou aux alentours ; elle est mise comme une Négresse libre. Les personnes qui en auront connaissance, sont priés de la faire arrêter et la faire mettre à la geôle, et d'en donner avis à Madame Papillon, au Cap, à qui elle appartient ; il y aura deux portugaises de récompense et même plus si on l'exige." (79)
L'acte de marronnage fut drastique, particulièrement pour une captive de la grande case telle que Charlotte. La date de son marronnage, qui fut tout juste 5 mois avant l'éclatement de la Révolution, n'était donc pas anodine. Elle marque que la communication entre Charlotte et Jean-François était maintenue, et que via elle, la coordination se faisait entre les conspirateurs de l'Acul, l'épicentre de l'insurrection, et les marrons de Jean-François. L'acte de son marronnage est également un signe que le plan révolutionnaire était déjà en marche en mars 1791.
En plus d'être sacrée Reine, Charlotte fut également divinisée en Manzè Chalòt, Manmzèl Chalòt,  ou Mademoiselle Charlotte. Sa mémoire héroïque a survécu dans le quotidien haïtien via cette Lwa/Jany que l'on prend ordinairement pour une femme blanche à cause de ses manières étrangères et hautaines ajoutées au fait qu'elle "ne se sert que très rarement du "langage" africain coutumier aux autres loa, pour s'exprimer ; et lorsqu'elle s'en sert, elle s'y prend avec une maladresse qui dénote immédiatement son origine non-africaine. Elle s'exprime, de préférence, en français." (80) Or, Charlotte fut bien une femme noire, même une très belle femme noire de nation Poulard (Foula en créole). Et, comme l'annonce de marronnage le signale, son comportement prétentieux découle de l'attitude "libre" qu'elle a adoptée pour éviter la capture.
D'ailleurs, Charlotte fut appelée "Manmzèl" ou "Ma demoiselle", à cause que l'on désigna ainsi toute amante de Jean-François :


 "Quant à Jean-François, il  peut aller en voiture avec ses demoiselles" (81)
Dans cet extrait daté du 15 octobre 1791, Toussaint Louverture fit référence aux amantes du beau Jean-François voyageant avec lui vers la partie espagnole. Toutefois, en 1793, le clergé espagnol, allié de Jean-François, a mis fin à cette pratique déshonorante, en lui suggérant fortement de s'établir avec la belle et héroïque Mademoiselle Charlotte :
"Jean-François married his common-law-wife, Charlotte so that it could not be said that a Spanish general was living in sin. She received silk stockings from Governor Garcia as a wedding present, he received a stern lecture from Father Joseph Vasquez about marital fidelity. No more demoiselles for him." (82)
Traduction :
"Jean-François a épousé Charlotte, sa femme en union-libre, pour qu'on ne puisse dire qu'un général espagnol vivait dans le péché. Elle a reçu des bas de soie du gouverneur Garcia comme cadeau de mariage, il a reçu un sermon sévère du Père Joseph Vasquez sur la fidélité conjugale. Plus de demoiselles pour lui."
Et même les bas de soie, cadeau de mariage de la part du gouverneur espagnol Garcia, témoignent de la coquetterie de Charlotte, au goût raffiné. D'ailleurs, Charlotte, préalablement approchée par le Père Vasquez, fut celle qui influença Jean-François à rejoindre le camp espagnol. (83) Conséquemment, les cadeaux des Espagnols à Jean-François visaient sa Reine :
"When selecting gifts for their allies, the Spanish chose fine muslin and scarlet cloth for Jean-François, and barrels of wine and rum for Biassou." (84)
Traduction :
"Lors de la sélection des cadeaux pour leurs alliés, les Espagnols choisissaient de la fine mousseline et des tissus écarlates pour Jean-François et des barils de vin et de rhum pour Biassou."
Grace à ces tissus de premier choix tels que la mousseline, la Reine Charlotte portait des habits de grande élégance :
(Robe en mousseline des années 1790)
Source : The Kyoto Costume Institute. Lien permanent : http://www.kci.or.jp/en/

Toutefois, Charlotte, la Reine, affectionnait le luxe et le raffinement sans pour autant trahir ses racines. Le comportement de la Déesse (Lwa/Jany) Mademoiselle Charlotte nous l'enseigne : "Son mets rituel préféré est la chair de poulet excessivement jeune, excessivement tendre et dont le plumage est obligatoirement frisé. " (85)


Les femmes de grande case ou les Négresses de Maison, les Tripes de la Révolution

L'apport révolutionnaire des femmes noires de statut (ou de la grande case) consiste l'élément le plus sous-estimé de la Révolution haïtienne. Si leur importance n'étonnera pas l'Haïtien issu d'elles, par contre, chez les peuples noirs n'ayant pas guerroyés pour leur libération, particulièrement les Noirs-Américains, ces Négresses de Maison (House Negroes) sont faussement vues comme des traitres. Or, en ce qui concerne Saint Domingue, ce fut le contraire. Toute la Révolution reposait sur les épaules des Femmes et des Hommes de Maison, occupant des taches domestiques, soit pour la collecte d'information stratégique, la désinformation de l'ennemi, l'approvisionnement en ressources diverses, les pratiques d'empoisonnement, etc. Le dévouement révolutionnaire de la Négresse de Maison, mariées à des officiers révolutionnaires, fut tel, que les Français reconnurent, avenant une reconquête de l'île, qu'il serait impossible de se rallier ces "Négresses de grande case" par la force ou par la persuasion :

"Quant aux femmes, formant au moins la moitié de la population de l'île, la crainte des châtimens les fera bientôt rentrer dans le devoir ; il n'y a guères que celles appelées négresses de grande case, qui, dans les villes et les plaines, ont presque toutes vécu avec les officiers nègres, ou privilégiés dans cette couleur, qui conservent de la haine et de l'acharnement contre les blancs ; celles tenant à la culture, que le luxe et l'oisiveté n'ont pas gâtées, trouveront toujours plus d'intérêt à nous rester fidèles et à jouir, sous un gouvernement tranquille, des petits produits que dans des momens de loisir leur procurera leur industrie." (86)

Madame Pageot, la servante héroïque

Au 7 octobre 1802, le Général Jean-Jacques Dessalines s'était rendu à la Petite-Rivière de l'Artibonite où, aussitôt arrivé, l'Abbé Videau, le curé de l'endroit, l'invita à déjeûner au presbytère. Ce fut grâce à un signe de Madame Pageot, une Mulâtresse servante du presbytère, que Dessalines échappa à son arrestation qui fut au menu :
"Au moment de se mettre à table, une femme de couleur nommée Madame Pageot, servante du curé, vint servir de l'eau à Dessalines pour se laver les mains: il la connaissait depuis longtemps et la traitait de commère. Cette femme savait également le projet d'arrestation, puisque des soldats français étaient cachés dans les appartemens du curé ; elle saisit ce moment pour faire à Dessalines un signe significatif, exécuté avec la plus grande dextérité: ce signe consistait à retirer ses deux bras en arrière par un mouvement subit. C'était pour faire entendre à Dessalines qu'on allait le garotter comme un criminel, les bras liés derrière le dos.
Fin Renard, toujours éveillé comme la Pintade, ainsi que le dit Boisrond Tonnerre, d'ailleurs avisé déjà par Saget, Dessalines comprit sa commère, et au lieu de se mettre à table, il feignit d'avoir besoin de donner un ordre à l'un de ses officiers et sortit précipitamment du presbytère." (87)
Lorsque l'on considère que Toussaint Louverture fut capturé dans des circonstances similaires quelques mois auparavant, et que Dessalines emporta la victoire finale un an plus tard, on se rend compte de l'importance du geste héroïque de Madame Pageot dans la réussite de la Révolution haïtienne.

Les vendeuses et les soldats blancs

Les camps français étaient souvent visités par des vendeuses ou marchandes qui y écoulaient leurs denrées. Ces femmes courageuses, perspicaces et astucieusses en profitaient pour mettre la main sur de la munition qu'elles acheminaient ensuite aux rebelles :
"Dans la guerre de Saint-Domingue, on a souvent trouvé sur des prisonniers nègres révoltés des cartouches françaises nouvellement faites; les blancs étonnés en accusaient le gouvernement et ses agents; mais j'e tiens d'Hyacinthe, un des chefs de la révolte, que j'ai fait rentrer ainsi que plusieurs autres nègres sur les habitations, que ces cartouches leur étaient envoyées par des négresses qui fréquentaient les camps et habitaient les villes. Ces femmes les recevaient en échange des choux, des carottes, des légumes qu'elles vendaient aux soldats blancs; et souvent elles en obtenaient pour prix de leurs faveurs. Des noirs domestiques qui servaient leurs maîtres dans les camps, sortaient dans la nuit malgré la vigilance des sentinelles, et portaient à des noirs, expédiés du camp des rebelles, les cartouches qui leur avaient été données par les négresses, ou qu'ils avaient volées à leurs maîtres." (88)
Bref, l'effort révolutionnaire était collectif. Et les femmes au contact intime avec les soldats blancs faisaient amplement leur part ; et risquaient gros.


J- Les femmes vaillantes dans la mort

L'esclavage fut maintenu par la flamme de la terreur et de la soumission chrétienne que le colon maintenait allumée dans l'esprit de ses captifs. Donc, le captif, pour se libérer, devait d'une part, combattre la peur et l'esprit de soumission qu'on lui inculquait ; puis d'autre part, instaurer cette peur chez le colon qu'il combattait. Voilà pourquoi la guerre d'indépendance haïtienne était avant tout une guerre mentale et psychologique, une guerre de volonté et de caractère. Et à ce jeu, les femmes et les hommes dominguois excellaient en utilisant même leur mort pour vaincre mentalement :
"Sur le visage de ceux qui marchaient à la mort, on voyait briller le beau caractère de la liberté qui allait croître sur une terre humectée de leur sang. (...) Souvent, ils s'encourageaient les uns les autres à mourir. Un chef des Noirs, nommé Chevalier, hésite à la vue du supplice, quoi! lui dit sa femme, tu ne sais pas combien il est doux de mourir pour la liberté, et sans se laisser toucher par la main du bourreau, elle prend la corde et se donne la mort. Une mère dit à ses filles qui pleuraient en marchant au supplice : Réjouissez-vous, vos flancs n'engendreront pas d'esclaves." (89)
D'ailleurs ces femmes ont appris à leurs jeunes enfants à tolérer d'être exécutés sans broncher :
"Alors sur les gibets, dans les flammes, dans les flots, au milieu des tortures, à peine entendait-on quelque soupir ; l'enfant lui-même ne versait pas de pleurs, et ne faisait pas retentir les échafauds de ses cris enfantins. Le doux nom de patrie et de liberté errait sur leur bouche expirante." (90)
Cette défiance des femmes noires se manifesta également lorsque les généraux noirs (intégrés aux forces françaises) empiétaient sur leurs droits. Par exemple, suite à l'abolition de l'esclavage à Saint Domingue (1793-1794), Toussaint Louverture ordonna aux nouveaux libres de retourner travailler sur leurs anciennes habitations. Et plusieurs de ceux qui ont refusé furent exécutés, notamment à la Petite-Rivière de l'Artibonite.
Dans une grande ville, des femmes noires et mulâtresses, fraîchement établies, tardaient à obéir. Ces dames coquettement vêtues furent réunies par le Général Dessalines qui fit découper leurs vêtements, et les ordonna de rentrer dans leurs habitations respectives. Elles obéissèrent toutes, sauf une qui, au risque d'être exécutée, a tenu tête à Jean-Jacques Dessalines et à Toussaint Louverture  :
"Une seule négresse montra, dans cette occasion, un caractère qui déconcerta le général Toussaint ; elle refusa ouvertement de quitter la ville, et d'obéir à ses ordres. Etant traduite devant lui : pourquoi, lui dit Toussaint, n'obéissez-vous pas à mes ordres, en rentrant sur l'habitation dont vous étiez esclave? - Parce que je ne le suis plus, et que vous-même m'avez dit, ainsi qu'à tous les autres nègres, que nous étions libres. — L'homme libre doit travailler, dit Toussaint. — Oui, s'il y est forcé par ses besoins; mais j'ai de quoi vivre par mon industrie sans être à charge à personne, et nul n'a le droit de me forcer au travail. — Je vais vous faire fusiller, lui dit le général. — Vous le pouvez, mais je mourrai libre. Toussaint ferma les yeux sur la désobéissance de cette négresse, et ordonna qu'on la laissa dans la ville." (91)
Sans l'ombre d'un doute, nous sommes ici en plein coeur de la réalité traditionaliste dans laquelle les deux sexes se partagent les responsabilités guerrières.


K- Les femmes impitoyables

En fin de compte, généralement parlant, la femme dominguoise (haïtienne) traditionaliste posait d'avantage de problèmes au système esclavagiste que l'homme. Plusieurs colons et soldats blancs ont fait ce constat, démontrant qu'à l'opposée de la femme soumise dans l'islam :
"Les négresses étaient infiniment plus insolentes, plus dures & moins portées à rentrer dans le devoir que les nègres." (92)
Les colons ayant eu le malheur d'être capturés font état de maltraitance dont ils ont fait l'objet. Là encore, la femme dominguoise a participé à tous les aspects de la guerre, et elles furent les tortionnaires les plus redoutables, particulièrement envers les prisonnières blanches les ayant tant humiliées au temps de l'esclavage :
"Alors, pour la première fois, il fut permis de pénétrer l'obscurité qui environnait le sort des malheureux de tout sexe tombés entre les mains des brigands, qui n'avaient laissé la vie à plusieurs d'entre-eux que pour les accabler d'outrages mille fois plus cruels que la mort. On l'apprit enfin par le rapport des prisonniers délivrés, et dont un grand nombre ne put survivre à la liberté que les vainqueurs venaient de leur rendre, surtout parmi les femmes, dont bien peu avaient été exemptes ou avaient résisté aux traitements les plus ignominieux : les négresses principalement manifestèrent envers elles une rage à laquelle la fureur et l'insolence des hommes ne pouvait être comparée. Mais en général l'insurrection des noirs fut accompagnée de traits de férocité dignes de figurer dans l'histoire des temps modernes. " (93)
"Les habitants du Limbé, ainsi que je l’ai déjà dit plus avant, ne vinrent pas plutôt la flamme dévorer leurs riches possessions qu’ils crurent ne devoir différer plus longtemps à chercher un asile plus sûr; presque tous s’étaient rassemblés dans le presbytère : le danger pressant, ils furent obligés de gagner le rivage où les attendaient les chaloupe et d’abandonner à la discrétion d’un ennemi barbare, ce qu’ils avaient de plus cher au monde. Alors les révoltés maîtres absolus du quartier n’eurent rien de plus pressé que de s’emparer de toutes les malheureuses femmes éparses et isolées sur leurs propriétés. Ils les reléguèrent au presbytère de la paroisse où le père Philémon fut institué leur gardien. Mais que n’ont pas souffert ces infortunées tant de la part des brigands que de ce scélérat de Philémon? Chacune d’elles fut l’objet de leurs infâmes récréations, le jeune sexe même n’a pas été exempté de cette abominable servitude! Après les avoir fait travailler toute la journée au jardin ou à la cuisine, commandée par des négresses, on les renfermait dans l’église, ou le père Philémon, comme dans un sérail, venait choisir le soir celle avec qui il devait passer la nuit et livrait les autres aux brigands qui se jettaient en foule parmi elles et abusaient à l’excès de leur faiblesse. Ce commerce infâme et tolérée par un ministre de la religion, dura l’espace de deux mois c’est à dire jusques au moment de la délivrance de ces malheureux, le jour où enfin M. Touzard fait une descente dans le quartier." (94)


L- Les mères, soeurs, et filles des rebelles

Nous savons que le souci pour le bien-être de Marie Charlotte de l'Assomption de Milo Papillon influença la démarche politique et militaire de son mari Jean-François Papillon, le premier chef de l'armée révolutionnaire. Nous sommes conscients également du rôle central joué par Suzanne Louverture auprès de son mari Toussaint. De même, nous connaissons l'apport primordial qu'apporta Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur à Jean-Jacques Dessalines. Autant connaissons-nous l'influence de Marie-Louise Melgrin Coidavid sur Henry Christophe, son époux. Et nous estimons que l'influence de Raymonde Jacob sur son mari Georges Biassou n'en fut pas moindre.
Cependant, outre les compagnes des rebelles, leurs filles, leurs soeurs et leurs mères avaient également un impact significatif sur leur quotidien et leurs prises de décision.
Par exemple, Toussaint Louverture avait adopté Rose, une orpheline de 10 ans, de Plaisance, après que celle-ci l'avait ému sur la route de Gonaïves-Ennery, en lui criant : "Papa, papa, prenez-moi, emmenez-moi avec vous." (95)
Jean-François, quant à lui, après la défaite des Espagnols qu'il supportait, devait quitter l'île conformément au traité de Bâle du 22 juillet 1795. Mais, ne pouvant partir sans sa mère Anne, sa soeur Marie Louise, ses filles Célestine et Marie Joseph, (96) et l'ensemble de sa famille élargie résidant dans la partie française, Jean-François, sous l'autorisation de Toussaint Louverture, a pu, en janvier 1796, rejoindre les siens à Fort Dauphin. De cette ville du Nord-Est, ils les emmena avec lui en exil à Cadix, en Espagne. (97)
Mais Biassou n'a pas eu autant de chance. Dans son exil à Sainte Augustine, en Floride, il n'a pas pu emmener Diane Grand-Jean, sa mère octogénaire. Mais cela l'empêcha point de faire maintes requêtes infructueuses auprès des autorités locales dans le but d'organiser une expédition militaire à Saint Domingue afin de récupérer sa mère adorée. (98) D'ailleurs, le 22 janvier 1792, n'ayant point de réponse écrite de sa mère et de sa soeur, Biassou avait pris d'assaut l'hôpital des Pères de la Charité au Haut-du-Cap, et libéra sa parenté encore captive en ce lieu. (99) Ce geste d'amour brisa définitivement toute possibilité de compromis entre les rebelles et les colons, tel qu'envisagé par Jean-François quelques semaines auparavant. Lors de la trêve de décembre 1791, Jean-François, inquiet pour sa compagne Charlotte capturée au camp Galliffet, proposa de déposer les armes en échange d'une poignée de libérations et l'amnistie des chefs rebelles. (100)
En conclusion, il fut ridicule de présenter Cécile Fatiman comme musulmane, et la Révolution haïtienne comme l'oeuvre de l'islam. Car cette religion misogyne n'aurait pas fait une telle place à la femme dans la lutte. Il faut se rappeler que, dans l'islam :
  • Le corps de la femme, selon l'islam, doit être caché à tout homme, à l'exception des membres de sa famille rapprochée et de ses esclaves. (Coran 24 : 31 ; 33:55 ; 33 : 59)
  • La femme peut être prise au mariage même à l'âge pré-pubère : "celles qui n'ont pas encore de règles." (Coran 65 : 4).
  • L'esclavage est non seulement permis, mais les rapports sexuels sont interdits avec "les dames (qui ont un mari), sauf si elles sont vos esclaves en toute propriété." (Coran 4 : 24)
  • Le corps de la femme est décrit comme un champ qu'il faut labourer à sa guise : "Vos épouses sont pour vous un champ de labour; allez à votre champ comme [et quand] vous le voulez et oeuvrez pour vous-mêmes à l'avance". (Coran 2 : 223)
  • Les femmes, d'après l'islam sont " faibles en intelligence et en religion" et inférieures à l'homme, car "le témoignage de deux femmes équivaut à celui d'un homme." (Sahîh Bukhari : 6 : 301)
  • Toujours selon l'islam, la femme est prédestinée à l'enfer : " Femmes! prenez garde, parce que j’ai vu que la majorité des occupants du feu de l’enfer sont des femmes." (Sahîh Bukhari : 6 : 301)
  • Et que dire du paradis esclavagiste et misogyne des musulmans dans lequel l'attendent des vierges restreintes à son service ? (Al Rahman 55 : 56-72)
  • Nous avons failli oublier de souligner que dans l'islam, "les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu'Allah accorde...", que "les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris)...". "Et quant à celles dont les maris craignent la désobéissance", le coran prescrit de les battre : "exhortez-les, éloignez-vous d'elles dans leurs lits et frappez-les." (Coran 4 : 34)
Contrastons ce mépris musulman de la femme avec le statut privilégié - dans le sens régale - de la femme dans la religion traditionnelle. Par exemple, personnellement, je suis :
  1. un houngan asògwe ou grand officiant, héritier spirituel
  2. d'une femme (Manbo asògwe) qui, elle est également
  3. l'héritière d'une femme qui fut
  4. l'héritière d'un homme, qui lui, fut
  5. l'héritier d'une femme.
  6. Et ainsi de tout de suite, remontant le temps et les générations.
On peut donc voir que le sexe n'est pas du tout un facteur dans la religion ancestrale haïtienne ayant produite la cérémonie du Bois Caïman. Cette religion possède de multiples chants sacrés qui évoquent de manière évidente cette égalité effective des sexes, et l'importance de la femme. En voici l'un des plus cocasses :

Pa pale fanm mal o.
Pinga pale fanm mal o.
Fanm gen yon dousè ladan l,
Si w kwè m manti goute non.
Traduction :


Ne calomniez pas la femme.
N'osez pas calomnier la femme.
La femme possède une douceur, 
Si vous ne me croyez pas, goûtez-en.




* Le Bey Hussein I (1705-1735), avec qui Théodore a entretenu des années d'interaction, avait dans sa famille un nombre considérable de femmes nommées "Fatima" (101) ou "Fatma" ; dont Lalla Fatima el-Ghazaliya, Lalla Fatima bint' Usman, deux de ses trois épouses ; puis  Lalla Fatima, une de ses quatre filles.
De plus, Lalla Aisha, la deuxième femme de son successeur et bienfaiteur de Théodore, Ali I (1736-1756), était la fille de Lalla Fatima bint' Usman. De même, Sidi Muhammad Bey, l'un des fils d'Ali I, prit Lalla Fatima comme épouse.
D'ailleurs, n'en déplaise aux révisionnistes, Théodore I fut également exposé au nom chrétien de "Bookman", étant donné que 53 ans avant la cérémonie du Bois Caïman, il faisait des affaires avec un banquier hollandais de ce nom :


"Dès le mois d’octobre 1738, Théodore avait demandé au capitaine Bigani de prévenir Drost d’avoir à le rejoindre à Naples, les frais du voyages devant être assurés par les sieurs Bookman et Evers. Lettre à Bigani, sous couvert de Bookman et Evers, non datée.
(...)
Bookman, homme d'affaires hollandais...
Bookman & Evers, banquiers..." (102) 
Et, discréditant d'avantage la légende urbaine voulant que le nom "Boukman" provint de la Jamaïque en rapport à l'islam, en Corse, en 1738, Théodore I, se faisait appeler plusieurs noms chrétiens dont "Bookman" :


"En janvier 1738, le "Mercure historique et politique de Hollande" fait l'éloge de Neuhoff, le "libérateur" de la Corse. Dans l'île, à part des Zicavais (de Zicavo), on ne s'occupe plus guère de Neuhoff qui change régulièrement de noms et d'adresses ; tantôt, il se fait appeler : Villeneuve, Bookman, baron Kepre…, et tantôt, il se dit "marchand de Venise" ou "citoyen de Lucques." (103)
** Les chiffres de 4 à 14% avancés par Susan Buck-Morss ne sont qu'une piètre tentative d'augmenter artificiellement le lot des captifs susceptibles d'être islamisés à Saint Domingue. Comme l'ensemble des révisionnistes, Buck-Morss n'éprouve aucune gêne à apposer des données de l'ensemble de la traite sur Saint Domingue, le sujet principal de son analyse. Or, nulle part ailleurs qu'à Saint Domingue une Révolution anti-esclavagiste a eu lieu, et a réussi. De plus, la révisionniste propose une présence musulmane dans divers coins du continent "africain", tels que le golfe du Bénin et la côte Mozambique, alors que l'islam n'y était pas implanté du temps de Saint Domingue.
En réalité, mis à part un faible apport islamique d'ici et de là, seule la Sénégambie (Sénégal, Gambie, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Mali et une partie de la Mauritanie) (104) offrait de manière quantifiable des captifs plus ou moins islamisés à Saint Domingue. Mais cela représentait très peu de chose. Car les données recueillies par Slavevoyages.org (105) indiquent que seulement 7,05% des captifs débarqués à Saint Domingue provenaient de cette région sénégambienne. Et de ce nombre la majorité était purement traditionaliste, puisse que l'islam a atteint les masses ouest-"africaines" que durant leur période coloniale (106) des 19-20e siècles ; donc, après l'indépendance d'Haïti.
D'ailleurs, furent d'origine sénégambienne, seulement 5,9% des captifs du Nord de Saint Domingue où éclata l'insurrection générale et s'est tenue la cérémonie du Bois Caïman. Or, 51,7% des captifs du Nord dominguois venaient de l'"Afrique" centrale grandement traditionaliste ; tandis que 22,5% étaient du Golfe du Bénin, fier serviteur des Vodun.
Finalement, à titre de comparaison, aucune Révolution ou tentative sérieuse de Révolutions n'a été signalée en Amérique du Sud espagnole où les Sénégambiens étaient majoritaires chez les captifs à 63,91%. De même, furent extrêmement paisibles, les colonies où les Sénégambiens formaient le groupe le plus nombreux : Guyane française (26,75%), États-Unis (24,36%), à comparer à Saint Domingue révolutionnaire et majoritairement traditionaliste.
*** Makandal ou Macandal n'était pas musulman. Nous l'avons démontré dans un autre cadre. Et, pourrons bien le reproduire ici, si le temps nous le permet.
+ Les généalogistes proposent que la Première dame Marie Louise Amélie Pierrot dite Cécé soit née en 1826, du mariage de Cécile Fatiman et de Louis Pierrot. Mais vu que Cécile Fatiman est née en 1775, et avait 51 ans en 1826, nous pensons que sa fille Cécé est née nettement avant 1826. À moins que Cécé ne fut pas la fille, mais la petite-fille de Cécile Fatiman ; ou qu'elle soit plutôt la fille d'une autre femme bien plus jeune que Cécile Fatiman.

Les journaux du temps de Mme Nord Alexis surnommée Cécé ont certifié que cette Première dame fut bien la fille de l'ancien président Louis Pierrot. (107) Et Semexant Patterson, un petit-neveu de Cécé, ainsi que Daumec Bobo, un petit-neveu du président Nord Alexis, (108) ont informé que Cécé fut la nièce de la Reine Marie Louise Coidavid :
"Nord Alexis avait épousé une des filles du Président Pierrot, une des nièces de la Reine Marie Louise, femme d'Henry Christophe." (109)
Daumec Bobo et Semexant Patterson furent "deux petits-neveux du couple présidentiel considérés comme leurs enfants d'adoption". (110) Leur renseignement n'est donc pas à mettre en doute. Sachant que Cécile Attiman Coidavid dite Cécile Fatiman fut la grande soeur de la Reine Marie Louise Coidavid, et la première épouse de Louis Pierrot, nous concluons que Cécé fut la fille de Cécile Fatiman, et non sa petite-fille.
De plus, certains suggèrent que Cécile Attiman Coidavid a divorcé Louis Pierrot vers 1812. Si tel fut le cas, les 3 enfants de ce couple sont forcément nés avant ce divorce de 1812. D'ailleurs, Cécé pouvait même avoir pris naissance avant 1806, puisque ces même généalogistes ont proposé 1806 comme date de naissance d'Anne Euphrasie Chambellant, la fille de Louis Pierrot de son second mariage avec Geneviève Coidavid.
++ Jean Fouchard. Les Marrons de la liberté, 2e ed. Port-au-Prince, 1988. p.412.
+++ Mais qui était ce juge noir qui a ainsi traité la Manbo? Il s'agit de César Télémaque, "nègre vraiment français", comme le qualifia un auteur français D'Aval, (111) le prototype même du vendu. Né à la Martinique, il a vécu 49 de ses 60 ans en France où il épousa une Française (blanche) depuis 36 ans, au moment de cet acte. Il arriva cette même année de 1796 à Saint Domingue et, comme tous les Français métropolitains, éprouvait un profond dédain pour tout élément de la civilisation ancestrale - si l'on peut s'exprimer ainsi. Leclerc le nomma maire du Cap Français, pour avoir réconforté les blancs suite aux incendies débutées par le général rebelle Henry Christophe. Ce même Christophe qui, en 1806, fut l'objet des malversations de César Télémaque, suite à l'assassinat du Libérateur, l'Empereur Jacques I, dit Dessalines. Ce pro-occidental de César Télémaque que l'Empereur, le 21 avril 1804, a fait l'erreur d'épargner par pitié, (112) - après que César Télémaque préféra la mort au lieu de pendre un blanc français qu'on le présenta. Il siégea à titre de président de l'Assemblé constituante qui doubla du jour au lendemain le nombre de paroisses de 23 à 41, dans les provinces de l'Ouest et du Sud, afin d'obtenir la majorité des députés et ainsi saboter le pouvoir légitime d'Henry Christophe, le second en grade après Dessalines. Bref, devenu sénateur pour 6 ans, en 1806, et était signataire de la constitution de l'Ouest, séparée du Nord du pays. César Télémaque, ce noir honteux de sa race, fut l'un des architectes de la République de Bananes, et contrerévolutionnaire, qu'est présentement Haïti.




Notes
(1) Hérard-Dumesle décrit les gestes de l'officiante en ces mots : Non loin de ce lieu [Morne Rouge, lieu de la rencontre du 14 août 1791] une autre assemblé offrait aux dieux au nouveau sacrifice ; là on immola un porc, et une jeune vierge fut la Pythie qui consulta les entrailles palpitantes de la victime; elle leva ses mains innocentes vers le ciel et s'écria avec l'accent de l'inspiration, que la divinité était propice à une entreprise entouré de tant de  présages heureux. Des imaginations exaltées par l'idée des maux soufferts n'hésitèrent plus à courir aux armes.
Le lendemain il était près de minuit (Du 23 au 24 août), lorsque le tocsin donna le signal des désastres. [En fait, l'insurrection a éclaté dans la nuit du 22 au 23 août, plaçant la cérémonie sacrificielle de la veille, plutôt dans la nuit du 21-22 août.]
Hérard-Dumesle. Voyage dans le Nord d’Hayti ou révélations des lieux et des monumens historiques. Cayes, 1824. p.89.
(2) Jean Fouchard. Les Marrons du syllabaire : quelques aspects du problème de l'instruction et de l'éducation des esclaves et affranchis de Saint-Domingue. Port-au-Prince, 1953.
(3) Étienne D. Charlier. Aperçu sur la formation historique de la Nation haitienne. Port-au-Prince, 1954. p.49.
(4) "Dans la nuit du 14 Août, l'un des futurs chefs de la révolte, Bouckman avait réuni des conjurés au Bois-Caiman un endroit écarté, loin des regards indiscrets, et là, au cours d'une imposante cérémonie vodouesque que présidait une vieille négresse africaine, avait dénoncé le Dieu des Blancs et mis la liberté de ses frères d'infortune sous la protection du Dieu des Africains." Étienne D. Charlier. Ibid.
(5) La généalogie du Général Rameau retrouvée sur ce site officieux,  http://www.rootsweb.ancestry.com/~htiwgw/familles/fiches/041518.htm, fait quand même unanimité. Le témoignage du Général, d'une grande précision, est confirmée par les régistres plus officiels tels de l'Almanach Royal D'Hayti qui marque la date naissance de la Reine Marie-Louise, petite cadette de 3 ans de Cécile Fatiman
(Attiman), dite Pierrot.
(6) Gérard Barthélémy. "Propos sur le Caïman : Incertitudes et hypothèses nouvelles". In : Chemins Critiques, Vol 2. No 3, Mai 1992. pp-33-58.
(7) Charles Najman. Haïti, Dieu seul me voit. Paris, 1995. p.158.
(8) Sylviane A. Diouf. Servants of Allah : African Muslims enslaved in the Americas. New York, 1998. p.229.
(9) Gedichte von Ludwig Uhland. "The knight of Saint George". In: The Benares Magazine. Vol 3. No. 1. January 1850. p.51.
(10) « Les Afiches Américaines » du 26 Avril 1783, parution no. 17. p.217. 
(11) « Les Afiches Américaines » du 17 Avril 1784, parution no. 15. p.241. 
(12) « Les Afiches Américaines » du 24 Juin 1789, parution no. 51. p.341. 
(13) « Les Affiches Américaines » du 6 julliet 1774, parution no. 27. p.314. 
(14) « Les Affiches Américaines » du 11 mai 1785, parution no. 19. p.216. 
(15) « Les Affiches Américaines », Supplément du mercredi 8 frévrier 1786, parution no. 6. p.70.
(16) « Les Affiches Américaines » du 6 November 1771, parution no. 45, p.486. 
(17) « Les Affiches Américaines » du 25 juillet 1780, parution no. 30, p. 233. 
(18) La clef du cabinet des princes de l'Europe ou recueil historique et politique sur les matières du tems. Tome LXV. Juillet 1736. Luxembourg, 1736. p. 24.
(19) La clef du cabinet des princes de l'Europe ou recueil historique et politique sur les matières du tems. Tome LXV. Juillet 1736. Luxembourg, 1736. p. 17.
(20)  La clef du cabinet des princes de l'Europe ou recueil historique et politique sur les matières du tems. Tome LXV. Juillet 1736. Luxembourg, 1736. pp. 24, 26.
(21) Antoine-Marie Graziani. Le roi Théodore. Paris, 2005. p.64. ; Également appelé "Grégoire Attiman" : Le courrier No. 104, du mardi 25 décembre 1736.
(22) Mercure Historique et Politique du janvier 1737. p.36.
(23) The Critical Review, Or, Annals of Literature. Volume 24. London, 1798. p.237.
(24) Giacomo Casanova. Histoire de ma vie. Vol.6. Leipzig, 1962. p.348.
(25) The New American Cyclopaedia : A Popular Dictionary of General knowledge. Volume 12. Edited by George Ripley, Charles Anderson Dana. New York. 1863. p.207.
(26) Earl Leslie Griggs. Henry Christophe & Thomas Clarkson: A Correspondence. Berkeley & Los Angeles, 1952. p.79.
(27) Thomas Madiou. Histoire d'Haïti. Tome 6. 2éd. Port-au-Prince, 1988. pp.226-227.
(28) Alessandro Panajia. ‪Il casino dei nobili‬: ‪famiglie illustri, viaggiatori, mondanità a Pisa tra Sette e Ottocent‬. Pisa, 1996. p.194.
(29) Beaubrun Ardouin. Études sur l'histoire d'Haïti. Vol. 9. Paris, 1860. p.57. 
(30) Charles Dupuy. Le Coin de l'Histoire. Tome I, 2e édition. Port-au-Prince, 2003. p.18.
(31) Susan Buck-Morss. Hegel, Haiti, and Universal History (Illuminations: Cultural formations of the Americas). Pittsburgh, 2009. p.141.
(32) Gustave d'Alaux, Maxime Rayband. L'empereur Soulouque et son empire. Paris, 1840. p.64.
(33) J.C. Dorsainvil. Histoire d'Haïti & F.I.C. Histoire d'Haïti. Port-au-Prince, 1942. p.158.

(34-35) Milo Rigaud. La tradition Voudoo et le Voudoo haïtien : Son Temple, ses Mystères, Sa Magie. Paris, 1953. pp.71, 77.
(36) J.C. Dorsainvil. Op. Cit. p.206.
(37) Alcius Charmant. Haiti: vivra-t-elle. Le Havre, 1905. pp.179-80. (Cité par Michael Largey. Vodou Nation: Haitian Art Music and Cultural Nationalism. Chicago, 2006. p.68.
(38) Archives du Ministère des Affaires Étrangères, Dossier Nouvelle Série, NS 3, p.30. "lettre du 12 octobre 1908." Cité par Pascale Berloquin-Chassany. ""Papa Nord", charisme et relations diplomatiques 1902-1908". In : La révolution haïtienne au-delà de ses frontières. Paris, 2006. pp.167-183 (p.175)

(39)  Le matin No.462 du jeudi 15 octobre 1908. In : Jean Desquiron, Haïti à la Une : Une anthologie de la presse haïtienne de 1724 à 1934. Tome II, 1870-1908. Port-au-Prince, 1994. pp.256-257.
(40) Stephen Bonsal. "The passing of Nord Alexis of Haiti : A Typical Turn in the Wheel of Popular Fortune by Which Presidents Are Made and Lost in the Black Republic." In : The New York Times of February 21, 1909, p.3. ; The American Mediterranean. New York, 1912. pp.59-60, 68-70, 79, 102.
(41) William A. MacCorkle. "The Monroe Doctrine and its application to Haiti".  In : The Annals of the American Academy of Political and Social Science, Vol. 54, International Relations of the United States (Jul., 1914), pp. 28-56 (pp.38-39, 42-43)
(42) Jafrikayiti. Viv Bondye aba relijyyon! Ottawa, 2000. pp.44-46. 
(43) Les Affiches Américaines du mercredi 15 juillet 1789, parution no. 45, p.941.
(44) Les Affiches Américaines samedi du 24 février 1787, parution no. 8, p.705. 
(45) Supplément aux Affiches Américaines du samedi 3 décembre 1774, parution no. 48, p.573.

(46) Les Affiches Américaines du mercredi 9 août 1775, parution no. 32, p.374.
(47) Les Affiches Américaines du mercredi 25 janvier 1775, parution no. 4, p.38.
(48) Les Affiches Américaines du mercredi 17 mars 1785, parution no. 11, p.130.
(49) Supplément aux Affiches Américaines du samedi 15 juin 1771, parution no.24, p.244.
(50) Supplément aux Affiches Américaines du samedi 13 juin 1789, parution no.36, p.903.
(51-56) Sébastien Jacques Courtin. Mémoire sommaire sur les prétendues pratiques magiques et empoisonnements prouvés aux procès instruits et jugés au Cap contre plusieurs Nègres et Négresses dont le chef, nommé François Macandal, a été condamné au feu et exécuté le vingt janvier 1758. (A.N. COLONIES F3. 88).
(57) Carteaux J. Félix. Histoire des désastres de Saint Domingue.  Paris. 1802. p.301.
(58) Michel Descourtilz . Histoire des désastres de Saint-Domingue. Paris, 1795. p.90.
(59) Supplément aux Affiches Américaines du mercredi 1 mars 1786, parution no.9, p.110.
(60-61) Michel Pierre Descourtilz. Voyages d'un naturaliste, et ses observations faites sur les trois ... Volume 3.  Paris. 1809. pp.119-120, 130-131.
(62-64) Colonel Malenfant. Des colonies et particulièrement de celle de Saint-Domingue : mémoire historique. Paris, 1814. pp. 217-218, 218-219, 219-220.

(65) Antoine Métral. Histoire de l'expédition des Français à Saint-Domingue. Paris, 1825. pp.177-178.
(66) Marlene L. Daut. Tropics of Haiti : Race and the Literary History of the Haitian Revolution in the Atlantic World, 1789-1865. Liverpool, 2015. p. 208.
(67) Michel Descourtilz . Histoire des désastres de Saint-Domingue. Paris, 1795. p.193.
(68) Mazères. De l'Utilité des colonies, des causes intérieures de la perte de Saint-Domingue et des moyens d'en recouvrer la possession. Paris, 1814. p.66.

(69-71) Jacques de Cauna. Au temps des isles à sucre : histoire d'une plantation de Saint-Domingue au XVIIIe siècle. Paris, 2003. pp.231, 231, 232. 
(72) Archivo General de Indias, Sevilla, Aud. Santo Domingo, 1089, letter 548, enclosure no. 4.  ; Public Record Office, London, WO 1/65, p.809. ; Cité par David Barry Gaspar, Darlene Clark Hine. More Than Chattel: Black Women and Slavery in the Americas. Bloomington, 1996. p.278.
(73) Olfert Dapper. Description De L'Afrique... Amsterdam, 1686. p.369. 
(74-75) Thomas Madiou. Histoire d'Haïti. Tome 2. Port-au-Prince, 1847. pp.329, 221-222.
(76) Michel Pierre Descourtilz. Voyages d'un naturaliste, et ses observations... Volume 3.  Paris. 1809. pp.355-356.
(77) François-Alexandre Beau. La Révolution de Saint-Domingue, contenant tout ce qui s’est passé dans la colonie française depuis le commencement de la Révolution jusqu’au départ de l’auteur pour la France, le 8 septembre 1792. Inédit. F 3 141, Archives nationales d’outre mer (ANOM).
(78) Les Affiches américaines du 3 novembre 1787, parution no.44,p. 900. 
(79) Gazette de Saint-Domingue,  du Mercredi 10 Août 1791. vol.2. Supplément No.55. p.786. ; Cité par David Geggus. The Haitian Revoluttion : A Documentary History. Indianapolis, 2014. pp.33, 35.
(80) Milo Rigaud. Op. Cit. p.221.
(81) "Lettre signée Médecin, général, datée de Grande-Rivière, ce 15 octobre 1791" France. Assemblée nationale législative. Archives parlementaires de 1787 à 1860. 11 janvier 1792. p.311.
(82) Philippe R. Girard. Toussaint Louverture : A Revolutionary Life. New York, 2016. [en ligne]
(83) Gaspard Théodore Mollien. Histoire ou Saint Domingue. Tome 1. Paris, 2006. p. 73.
(84) Philippe R. Girard. Op. Cit.
(85) Milo Rigaud. Op. Cit. p.222.
(86) A.P.M. Laujon. Précis historique de la dernière expédition de Saint-Domingue. Paris, 1805. pp. 234-235.
(87) Beaubrun Ardouin. Études sur l'histoire d'Haïti. Vol. 5. Paris, 1854. p.312.
(88) Colonel Malenfant. Op. Cit. p.235.
(89-90) Antoine Métral. Op. Cit. pp.189-181.
(91) F. R. de Tussac . Cri des colons: Contre un ouvrage de M. l’évêque et sénateur Grégoire, ayant pour titre de la littérature des nègres. Paris, 1810. pp.228-229.
(92) Verneuil Gros. Isle de St. Domingue : Province du Nord. Paris, 1793. p.13.
(93) Michel Descourtilz . Histoire des désastres de Saint-Domingue. Paris, 1795. p.195.
(94) François-Alexandre Beau. Op. Cit.
(95) Daniel de Saint-Antoine. Notice sur Toussaint Louveture. Paris, 1842. Cité par Victor Schoelcher. Vie de Toussaint-Louverture. Paris, 1982. p.393.
(96) Jorge Victoria Ojeda. Tendencias monárquicas en la revolución haitiana: el negro Juan Francisco Petecou…. Mexico, 2005. pp.111.
(97) Victor Schoelcher. Op. Cit. pp.40-41.
(98) Jane Landers. "The Revolutionary Black Atlantic" In : The World of Colonial America : An Atlantic Handbook. New York, 2017. pp.393-403.
(99) Josepth Saint-Rémy. Vie de Toussaint-l'Ouverture. Paris, 1850. p.49.
(100) Jacques Thibau. Le temps de Saint-Domingue : l'esclavage et la révolution française. Paris, 1989. p.325.
(101) Source: "The Royal Ark". Lien permanent : http://www.royalark.net/Tunisia/tunis2.htm
(102) Antoine Laurent Serpentini. Théodore de Neuhoff, roi de Corse : Un aventurier européen du XVIIIe siècle. Albiana. 2011. pp.339, 444.
(103) Jean-Claude Di Pasquale. Les fils de la liberté: les fils de Pasquale Paoli. Paris, 2007. p.150.
(104) Selon Boubacar Barry. Senengambia and the Atlantic Slave. Paris, 1998. p.xi.
(105) Source : "SlavesVoyages.org" - Cumulatif de la traite par colonie (1501-1866) ; Lien permanent : http://slavevoyages.org/assessment/estimates
(106) Koumbouna Keïta. "Les religions traditionnelles et l'islam comme facteur d'intégration". In : Ethiopiques No. 57-58: Revue semestrielle de culture négro-africaine ; 1er et 2e semestres 1993. Lien permanent : http://ethiopiques.refer.sn/spip.php?page=imprimer-article&id_article=1177
(107) La Liberté du vendredi 18 septembre 1903. p.2. ; Le matin No.461 du lundi 12 octobre 1908. p.1.
(108) Marc Péan. L'échec du firminisme. Port-au-Prince, 1987. p.99.
(109-110) Marc Péan. Vingt-cinq ans de vie capoise : La ville éclatée (décembre 1902-juillet 1915),  Tome 3. Port-au-Prince, 1993. p.66.
(111) Voir Cousin D'Aval. Histoire de Toussaint-Louverture, chef des noirs insurgés de Saint-Domingue. Paris, 1802. p.125.
(112) Thomas Madiou. Histoire d'Haïti. Tome 3. 2e éd. Port-au-Prince, 1989. p. 172.  



Comment citer cet article:
Rodney Salnave. "Cécile Fatiman n'était pas musulmane". 30 novembre 2016 ; Modifié le 13 août 2019. [en ligne]
URL : http://bwakayiman.blogspot.ca/2016/11/cecile-fatiman-netait-pas-musulmane.html ; Consulté le [entrez la date]

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